L’article 66 prévoit la spécialisation de certains tribunaux de commerce qui auront une compétence exclusive pour les entreprises les plus importantes et les groupes connaissant des difficultés, mais également pour les entreprises disposant de plusieurs établissements dans des ressorts de tribunaux de commerce différents.
Le texte prévoit qu’une dizaine de juridictions deviennent compétentes en matière de prévention et de traitement des difficultés et des contentieux des entreprises. Cette réduction drastique est bien trop importante, comme nous l’avons souligné.
Elle va priver nombre de tribunaux de commerce de leur capacité à traiter les affaires d’un grand nombre d’entreprises installées sur leur ressort.
Ce transfert de compétence risque de marginaliser des juridictions dont l’activité va se réduire. En effet, moins de dossiers, c’est aussi moins d’administrateurs, moins de mandataires judiciaires et d’avocats au siège de leur juridiction. Ils devront se délocaliser ou additionner des kilomètres.
Je rappelle que le nombre de tribunaux de commerce a déjà été considérablement réduit, passant de 191 en 2008 à 134 aujourd’hui.
Après avoir entendu Mme la secrétaire d’État, je m’interroge : jusqu’où pouvons-nous aller pour être le plus efficace, le plus rapide et le plus protecteur des salariés ?
En réalité, le texte nous expose à deux risques, d’une part celui d’une surcharge des juridictions interrégionales, d’autre part celui d’une complication de la défense.
L’efficacité économique consisterait à laisser au tribunal du siège social de l’entreprise la compétence en matière de prévention et de traitement des difficultés. En outre, l’extrême urgence et, parfois, la gravité des situations rencontrées nécessitent une justice géographiquement proche du siège de l’entreprise.
Il nous paraît essentiel de privilégier une approche humaine des dossiers. Ainsi, le contact de proximité entre les représentants des salariés et le tribunal local est un aspect fondamental dont le texte ne tient pas compte. Cela démontre le caractère très administratif de ce texte, alors que l’humain devrait être la principale motivation pour optimiser l’efficacité.
Par ailleurs, l’éloignement du justiciable des intérêts économiques de son territoire ajoute à la difficulté, pour une entreprise en jugement, de faire comprendre sa réalité locale.
Il en va de même de l’éloignement des administrations dont il dépend, celles-ci étant les plus à même de contribuer à trouver des solutions.
On le voit, le déracinement déshumanise le jugement. S’ajoutent des frais et du temps pour ces déplacements, au-delà même de la préparation des dossiers.
Ainsi, je déplore que la délocalisation des affaires réponde à des critères de rationalisation, mais ne prenne pas en considération les intérêts en présence et l’efficacité économique.
Notre amendement vise donc à garder plusieurs tribunaux de commerce spécialisés dans une même cour d’appel, afin de garantir au justiciable une proximité suffisante.
Par cet amendement, il est demandé de substituer à la règle de la délocalisation automatique celle d’une délocalisation choisie par chaque cour d’appel. Chaque fois qu’une entreprise répondra aux critères fixés par le décret, le Premier président de la cour d’appel dont dépend la juridiction naturellement compétente désignera le tribunal de son ressort chargé de traiter l’affaire.