Intervention de Jacques Mahéas

Réunion du 6 avril 2010 à 15h00
Grand paris — Discussion générale

Photo de Jacques MahéasJacques Mahéas :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, sous un intitulé qui autorisait tous les espoirs, ce projet de loi déçoit. En effet, pour l’essentiel, il repose sur la création d’un métro automatique en rocade et l’installation d’un pôle de compétences sur le plateau de Saclay. Le projet est donc bien mal nommé, car, tel qu’il nous est présenté, il est facile d’ironiser : à Grand Paris, petite ambition !

De manière évidente, il n’y a pas de liens suffisants entre les transports, l’emploi, les services publics et le logement d’abord, entre le projet de Grand Paris et les projets des collectivités territoriales ensuite, entre l’établissement public « Société du Grand Paris » et les communes franciliennes enfin.

Nous pouvons aisément nous accorder sur un diagnostic : la région d’Île-de-France, pourtant la plus riche de notre pays, souffre de déséquilibres sociaux et territoriaux qui constituent de réels freins à sa croissance.

Le triste chiffre du chômage pourrait seul l’illustrer : alors que le taux de chômage francilien atteint 7, 9 % au troisième trimestre 2009, celui de la Seine-Saint-Denis, le département le plus durement touché, culmine à 10, 6 %. Seulement, je ne vois pas ce qui, dans le texte proposé, permet de penser que ces inégalités seront résorbées.

Sans doute est-ce parce que vous souffrez d’un problème de boussole ! Tout pour l’ouest ! Si des efforts sont faits en direction du nord, à l’est rien de nouveau… ou presque !

Certes, le métro automatique devrait désenclaver l’emblématique Clichy-sous-Bois-Montfermeil et même Neuilly-sur-Marne, ce dont je me félicite, mais ce « Grand huit », comme l’ont vite baptisé ses futurs riverains, doit absolument s’articuler avec les infrastructures existantes et les projets d’ores et déjà votés par les collectivités.

Il ne faudrait pas que sa construction, en absorbant toutes les ressources, condamne d’autres projets et conduise à la relégation de nouveaux territoires, qui, malgré leurs centaines de milliers d’habitants, pourraient se voir privés des moyens de transport auxquels ils pouvaient aspirer.

L’est parisien est ainsi riche de projets pour améliorer les déplacements urbains quotidiens, qu’il s’agisse des prolongements des lignes de métro 1, 9 et 11, de la tangentielle nord ou de la liaison Arc Express, préoccupation du conseil régional.

Or, de façon scandaleuse, cette liaison est supprimée de fait par un amendement adopté en commission et mettant fin à toutes les projections de débat public engagées. Vous ne vous êtes d’ailleurs pas privé d’affirmer en audition, monsieur le secrétaire d’État, que l’abandon de ce projet ferait gagner 6 milliards d’euros au STIF. Tout en faisant perdre aux Franciliens une rocade ferroviaire qui privilégiait des déplacements de banlieue à banlieue qui leur auraient été très utiles…

C’est pourquoi, sur les autres projets évoqués, j’aimerais être sûr que l’État tiendra ses engagements, car le métro du Grand Paris ignore purement et simplement des communes comme Montreuil, Fontenay-sous-Bois, Saint-Mandé, Vincennes, Rosny-sous-Bois, Champigny-sur-Marne, Noisy-le-Sec, Le Perreux-sur-Marne, Romainville, Bondy ou Bry-sur-Marne.

Il est pourtant indispensable que se mette en place ce « maillage cohérent du territoire » revendiqué à l’article 7 et le Grand huit ne saurait y suffire. Il s’agit à la fois de desservir les zones encore enclavées et d’opérer un maillage fin, seul susceptible d’améliorer les déplacements quotidiens, notamment entre le domicile et le lieu de travail.

Par ailleurs, ce texte aurait dû être l’occasion de lutter contre les mécanismes d’exclusion, contre ces ghettos nés de décennies d’aménagement hasardeux. Il est plus que temps d’instaurer enfin une véritable mixité sociale.

Or, quand j’ai suggéré en commission spéciale de prévoir que la notion de mixité sociale soit retenue comme un des objectifs justifiant la construction de logements en Île-de-France, notre rapporteur m’a répondu qu’il sera possible pour certaines communes, selon leur niveau de ressources, d’exonérer du dispositif de taxation des plus-values immobilières certaines cessions d’immeubles ou certaines zones pour des motifs d’ordre social. Autrement dit, certains maires pourront continuer en toute impunité à se dérober aux 20 % de logements sociaux prévus par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains et à préférer l’amende à la solidarité !

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