Madame la présidente, monsieur le rapporteur, monsieur le président du groupe interparlementaire d’amitié France-Ukraine, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes réunis ce matin pour l’examen et le vote en première lecture par la Haute Assemblée du projet de loi autorisant la ratification par la France de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine.
Je tiens à mon tour à saluer la présence dans la tribune d’honneur du Sénat de M. Oleksiy Goncharenko, coprésident du groupe d’amitié Ukraine-France de la Rada d’Ukraine.
Dans la situation difficile que traverse l’Ukraine, l’examen de ce texte revêt une importance particulière. Et la mobilisation de votre assemblée pour vous en saisir dans des délais particulièrement brefs est un signe fort à l’égard de l’Ukraine. En franchissant aujourd’hui une première étape vers la ratification de l’accord d’association, la France va en effet adresser un message d’amitié, de soutien et de solidarité à l’Ukraine, à quelques jours du sommet qui se tiendra à Riga, les 21 et 22 mai prochains, sur le Partenariat oriental.
Le projet de loi de ratification qui vous est soumis constitue en effet la dernière phase d’un processus qui a été long et difficile, mais qui a montré le profond désir de l’Ukraine de s’ancrer dans les valeurs européennes et de s’associer dans un partenariat privilégié avec l’Union européenne.
Cet accord, selon ses propres termes, vise à établir une « association politique et une intégration économique entre l’Union européenne et l’Ukraine ». Il constituera un puissant levier de modernisation et de réforme, au service des citoyens ukrainiens et dans l’intérêt de la stabilité dans le voisinage de l’Union.
L’accord d’association permettra d’améliorer le cadre de nos relations par deux biais.
Premièrement, il le permettra par un renforcement du dialogue politique ainsi qu’une coopération accrue en matière de réformes intérieures, de politique extérieure et de sécurité et dans un large éventail de domaines d’intérêt communs. Ce dialogue sera fondé sur les valeurs et principes fondamentaux de l’Union européenne, en premier lieu le respect des valeurs démocratiques, des droits de l’homme, de l’État de droit, de la bonne gouvernance et du développement durable.
Deuxièmement, il le permettra par le développement des échanges commerciaux, alors que l’Union européenne est le premier partenaire commercial de l’Ukraine – 31 % des échanges commerciaux.
L’accord permettra en effet une libéralisation quasi totale des échanges, assortie d’un calendrier de diminution des droits de douane asymétrique afin de prendre en compte les différences de développement économique entre l’Union européenne et l’Ukraine.
En contrepartie, l’accord d’association prévoit la reprise progressive et la mise en œuvre par l’Ukraine de l’acquis européen en matière de réglementations, normes et standards. C’est le cœur du dispositif : pour chaque domaine, l’accord décrit le périmètre et le calendrier de l’acquis à reprendre, véritable feuille de route pour les réformes que le gouvernement ukrainien s’est engagé à mettre en œuvre.
Sont concernées, de manière non exhaustive, les normes en matière sanitaire et phytosanitaire, en matière de droit du travail, d’égalité entre les femmes et les hommes, de propriété intellectuelle et particulièrement de protection des indications géographiques.
La ratification de l’accord d’association entre l’Ukraine et l’Union européenne revêt donc un triple enjeu.
Le premier, c’est d’apporter notre soutien à la démocratie, au développement économique et social et à la stabilité d’un grand pays voisin immédiat de l’Union européenne. Je sais que vous êtes nombreux, dans cette assemblée, à partager cette préoccupation.
Je me suis moi-même rendu à Kiev, à l’occasion du premier anniversaire de « Maïdan », le 22 février dernier. J’ai alors pu mesurer les attentes des autorités et des citoyens ukrainiens pour qui l’Europe et le lien avec l’Europe sont synonymes d’État de droit, de démocratie, de lutte contre la corruption, de liberté, de solidarité, mais aussi de nouvelles perspectives sociales et économiques. Notre responsabilité est d’encourager cet élan réformateur.
Le deuxième enjeu, c’est de souligner l’engagement de la France en faveur d’une politique européenne forte et ambitieuse pour soutenir le développement et la stabilité de son voisinage oriental.
Dans un contexte marqué par la crise en Ukraine, mais également par la persistance de nombreux conflits gelés dans la région, l’Union européenne doit accompagner chacun de ses pays partenaires en adoptant une approche adaptée aux spécificités et aux besoins de chacun. Ce sera l’un des principaux enjeux du sommet de Riga.
Le troisième enjeu, c’est de consolider nos relations bilatérales qui sont aujourd’hui dans une phase d’intensité exceptionnelle sur le plan politique : le Président Porochenko a effectué une visite officielle à Paris le 22 avril dernier – vous l’avez rappelé, madame la présidente – et le Premier ministre, M. Iatseniouk, sera à Paris le 13 mai prochain.
Ce lien privilégié, c’est aussi à la mobilisation sans faille de la France pour soutenir l’Ukraine depuis le début de la crise que nous le devons. Car la France, mieux que tout autre, sait que la paix ne se décrète pas, elle se bâtit.
La situation reste aujourd’hui très fragile dans l’est de l’Ukraine et de fortes tensions persistent, notamment autour de Donetsk et de Marioupol. Toutefois, le processus de sortie de crise négocié le 12 février à Minsk avec le Président de la République François Hollande et la Chancelière Angela Merkel, en présence du Président Porochenko et du Président Poutine, est aujourd’hui la seule feuille de route pour la paix.
Cette feuille de route doit être pleinement et strictement respectée : le cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes, le volet politique concernant le futur statut des régions de l’Est et les élections qui doivent s’y tenir, le respect de l’intégrité territoriale des frontières et de la souveraineté de l’Ukraine. Tel est l’intérêt de l’Ukraine et de la Russie, et il convient absolument de respecter les préconisations et les éléments de l’accord signé à Minsk au mois de février.
Les premières réunions des quatre groupes de travail techniques – ils portent sur la sécurité, les questions économiques, la politique, à savoir l’avenir des régions de l’Est en particulier, et la situation humanitaire – mis en place dans le cadre du groupe de contact trilatéral, sous l’égide de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, qui se sont déroulées hier à Minsk, ont marqué une avancée importante de ce point de vue et ont notamment permis d’avoir un premier échange sur les modalités des futures élections qui seront organisées dans l’est de l’Ukraine. C’est d’ailleurs l’ambassadeur français Pierre Morel qui préside le groupe de travail sur le volet politique. Nous suivons donc tout cela très attentivement. Nous devons évidemment rester prudents, mais il est important que le dialogue entre toutes les parties se poursuive et que ces groupes de travail continuent à se réunir régulièrement comme ils ont prévu de le faire au cours du mois de mai.
Le Président de la République et le ministre des affaires étrangères Laurent Fabius restent en contact permanent avec leurs homologues ukrainiens et russes, dans le cadre du « format Normandie », afin de garantir l’application intégrale des accords de Minsk, qui, je le répète, constituent la seule issue possible à cette crise.
L’accord d’association permettra à l’Ukraine de tirer tous les bénéfices du retour à la paix, en particulier par l’intensification des échanges économiques et des investissements.
La France elle-même et ses entreprises prendront toute leur part dans ce retour des échanges économiques. Les entreprises françaises, qui comptent parmi les principaux fournisseurs et investisseurs dans le pays, croient au potentiel de l’Ukraine. Elles profiteront de l’amélioration attendue de l’État de droit, du climat des affaires, des conditions d’investissement, qui seront facilitées, ainsi que des avancées réglementaires permises par l’accord dans de nombreux domaines, par exemple en matière de protection des indications géographiques. La France y a accordé une attention particulière au cours de la négociation.
Cet accord ne porte pas sur une perspective d’adhésion à l’Union européenne. Ce n’est pas son objet, et il n’y a pas d’ambiguïté sur ce point. Il s’agit non pas d’un traité d’élargissement, mais d’un accord de voisinage, qui doit permettre d’intensifier la coopération entre l’Union européenne et l’Ukraine, et d’appuyer cette dernière pour ses réformes, son développement économique, ses choix démocratiques et son adhésion aux valeurs européennes.
J’ajoute enfin que la conclusion de cet accord d’association avec l’Union européenne n’implique en aucun cas que l’Ukraine doive renoncer à ses relations avec la Russie. Le partenariat oriental n’est dirigé contre aucun pays et ne vise pas à créer de lignes de fracture sur le continent européen ; son seul objet est la modernisation politique et économique de nos voisins, au bénéfice de tous, au service et dans le respect de la souveraineté de chacun et de la stabilité aux frontières de l’Union européenne.
Les consultations trilatérales conduites par la Commission européenne avec l’Ukraine et la Russie sur la mise en œuvre de l’accord d’association doivent d’ailleurs permettre à cet égard de rassurer la Russie sur l’impact potentiel de celui-ci pour son économie et de mettre en évidence la compatibilité entre un rapprochement économique de l’Ukraine avec l’Union européenne et le maintien de relations commerciales étroites entre l’Ukraine et la Russie.
Tels sont, madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, les grands objectifs de l’accord d’association entre l’Union européenne et l’Ukraine qui fait l’objet du projet de loi aujourd’hui proposé à votre approbation.
En apportant votre soutien à ce texte, vous témoignerez de l’amitié profonde qui lie la France et l’Ukraine, vous soutiendrez le développement de ce pays dans le cadre d’une relation nouvelle qu’il a souhaité nouer avec l’Union européenne et contribuerez à renforcer la stabilité et la paix sur le continent, aux frontières de l’Union européenne.