Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les membres de la délégation ukrainienne, mes chers collègues, après avoir défendu l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie, nous voici réunis pour parler d’association avec l’Ukraine. Demain, je l’espère, ce sera avec la Géorgie.
Mes chers collègues, je crois qu’il est grand temps que nous nous posions les questions suivantes : l’Europe mène-t-elle une politique de coopération régionale avec ces ex-républiques soviétiques suffisamment ambitieuse ? Comment faire du Partenariat oriental, sinon un outil véritablement efficace, du moins une réalité pour tous ?
L’acte I de la politique européenne de coopération régionale avec ces pays, dite « politique européenne de voisinage », créée en 2003, à l’approche de l’élargissement de l’Union aux pays d’Europe centrale, avait pour objectif de renforcer la stabilité, la sécurité aux nouvelles frontières de l’Union européenne. La Commission européenne appelait en 2006 à son renforcement, premièrement par une offre économique enrichie – intégration économique et perspective d’accords de libre-échange, facilitation des visas – et, deuxièmement, par un engagement accru dans les conflits régionaux.
Dès août 2008, le second point est activé par le conflit en Géorgie, ce qui donne une impulsion significative à la politique de voisinage. Le Conseil européen extraordinaire réuni dans la foulée le 1er septembre 2008 affirme sa décision de renforcer l’engagement de l’Union européenne dans ses confins orientaux : « L’Union européenne considère qu’il est plus nécessaire que jamais de renforcer les relations qu’elle entretient avec ses voisins orientaux, notamment à travers sa politique de voisinage, le développement de la “synergie mer Noire” et un “partenariat oriental” », que le Conseil a adopté en mars 2009.
L’acte II de cette politique de coopération apparaît comme une tentative sans précédent pour l’Union européenne d’accompagner et de guider le processus de réforme des pays situés à la périphérie orientale de l’Union.
Où en sommes-nous aujourd’hui ?
Peut-on encore croire aux promesses du Partenariat oriental ? Pour ma part, j’en suis convaincue. Toutefois, il faut de toute urgence que l’Europe prenne conscience, eu égard au difficile contexte géopolitique présent, que la modernisation de ce partenariat est désormais une question de survie pour ces ex-républiques soviétiques que nous devons plus que jamais épauler, car elles ont besoin que l’Europe les aide à s’assumer dans le respect de toutes les puissances en présence, tout particulièrement de la Russie. En ce sens, le Président François Hollande a tracé la voie avec les accords de Minsk II, qui doivent nous inciter à regarder les choses diplomatiquement et pragmatiquement : les équilibres sont fragiles, mais ce n’est pas parce qu’ils sont fragiles que nous devons désespérer. L’Europe doit conforter son poids politique ; la présence d’Angela Merkel à ses côtés étant à mon sens de bon augure. Ces accords doivent impérativement être respectés par les deux parties, la Russie et l’Ukraine.
À ce jour, la situation n’est pas simple. Le long parcours emprunté par l’accord qui nous est soumis en témoigne largement, et les années écoulées pèsent lourdement dans le processus. En effet, force est de constater qu’au fil du temps l’offre de partenariat de l’Union n’a pas eu la même portée pour tous les pays partenaires et, de fait, a pu créer des frustrations, notamment par rapport à l’Ukraine, pays pionnier qui a fait figure de modèle pour les relations bilatérales que l’Union européenne proposait dans le cadre du Partenariat oriental.
Mais, en la matière, toutes les pierres sont loin d’être dans le jardin de l’Europe. Les liens entre l’Union européenne et l’Ukraine étaient déjà altérés depuis plusieurs mois par le cours politique suivi par l’Ukraine elle-même et par le contexte régional « mouvant ». N’oublions pas que, dès 2011, l’Ukraine a été fortement incitée par la Russie à rejoindre l’Union eurasiatique avec la Biélorussie et le Kazakhstan et surtout sa fameuse union douanière, incompatible avec la zone de libre-échange approfondi négociée avec l’Union européenne.
Posons-nous également cette question importante : à défaut d’avancées significatives pour l’Ukraine, le Partenariat oriental a-t-il eu des incidences en matière de coopération régionale entre partenaires de l’ex-URSS ? Les progrès bilatéraux de chacun les ont-ils rapprochés entre eux, créant ainsi un référentiel européen commun ? Parce que si la réponse est positive, cela pourrait contribuer à une stabilité régionale, ce qui est un objectif central de la politique de voisinage de l’Union.
Rappelons enfin que le Partenariat oriental est financé par l’instrument européen de voisinage, et je me réjouis que l’accord que nous examinons aujourd’hui propose une aide financière importante à l’Ukraine : jusqu’à 12, 8 milliards d’euros pour la période 2014-2020.
Mes chers collègues, le Partenariat oriental doit être reconsidéré. À l'évidence, il n'est pas équipé pour répondre à un scénario aussi grave que celui qui se passe en Ukraine depuis plusieurs mois. Où sont les instruments concrets qui auraient permis à l'Union européenne d'aider ses partenaires à faire face aux pressions tel le blocage des flux de marchandise ? Ces défauts expliquent peut-être pourquoi seuls trois États sur les six participent effectivement à l’initiative. Leur nombre serait tombé à deux si les citoyens ukrainiens ne s’étaient pas mobilisés pour manifester leur volonté de rapprochement avec l’Union européenne.
Oui, l’Ukraine se bat pour l’Europe ! Le soulèvement populaire de Maïdan l’illustre parfaitement, tout comme la signature de cet accord d’association par le gouvernement provisoire quelques mois à peine après le départ de Viktor Ianoukovitch – accord ratifié le 16 septembre 2014. Cela prouve la pugnacité de ce pays.
Pour les Européens que nous sommes, les accords d’association semblent n’être qu’une simple impulsion, une sorte de routine, mais, pour la jeunesse ukrainienne, c’est un puissant symbole, un signe d’espérance et d’espoir. Pour Raphaël Glucksmann, conseiller de l’ancien président géorgien Mikheil Saakachvili, « ces documents incarnent l’Europe, la possibilité ou l’impossibilité d’un avenir ». C’est pourquoi le sommet de Vilnius de novembre 2013 apparaît de plus en plus comme ayant été le préambule à l’acte III de la politique de coopération régionale de l’Union européenne avec ces pays.
Dans la perspective du futur sommet de Riga des 21 et 22 mai prochain, cet excellent accord, qui a été parfaitement détaillé par le rapporteur Daniel Reiner, constitue une réelle chance pour l’Ukraine, pour l’Europe et pour la France. Sa ratification s’impose comme une évidence salutaire. Je le voterai avec force, et l’ensemble du groupe socialiste en fera de même.