Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je salue moi aussi la présence amicale, dans nos tribunes, de nos collègues du Parlement ukrainien.
La question qui se pose à nous n’est pas simple : faut-il ou non ratifier l’accord d’association de l’Union européenne avec l’Ukraine ? Cette question légitime se pose, alors même que ce pays connaît encore aujourd’hui une situation très instable dans la partie orientale de son territoire. Le conflit est à l’origine de mesures et de sanctions de l’Europe à l’égard de son grand voisin russe, qui y répond par d’autres sanctions. Cette spirale funeste doit être arrêtée.
Certes, c’est d’abord l’annexion de la Crimée qui est à l’origine de ces sanctions, mais cela fait déjà plusieurs années que nous savons que la politique européenne dite du « Partenariat oriental » va dans le mur. D’abord, elle coûte cher. Nous avons dépensé des milliards d’euros dans la politique de coopération sans vraiment savoir à qui étaient destinés les fonds. Ensuite et surtout, elle repose sur une vision manichéenne et technocratique ; cette vision a placé les anciens pays du bloc soviétique dans une position trop difficile : choisir entre l’Union européenne ou l’Union eurasiatique proposée par la Russie, sachant que choisir l’un implique de rejeter l’autre. Quelle maladresse dans une zone où les identités, produits d’une histoire tourmentée, peuvent être multiples !
Deux langues sont communément employées en Ukraine : l’ukrainien et le russe. Si l’ouest est naturellement tourné vers l’Europe, la majorité des échanges de l’est du pays ont continué de se faire avec la Russie, même après l’indépendance de l’Ukraine, les populations des régions frontalières étant intimement liées. C’est pourquoi il faut que le Partenariat oriental évolue. Il doit mieux prendre en compte la position d’un partenaire aussi important que la Russie. Ne soyons pas candides, rien de durable ne pourra se construire dans cette région sans relations normalisées avec les Russes. Cela n’implique pas un renoncement aux valeurs et principes de l’Europe ; bien au contraire, il s’agit de les assumer et de les affirmer dans un dialogue franc et constructif. Mais une concurrence sans vision stratégique ne peut rien donner d’heureux, si ce n’est créer de l’instabilité aux frontières orientales de l’Union et radicaliser les populations. On ne peut que déplorer aujourd’hui les effets tragiques de cette voie sans issue.
Concrètement, il s’agira de réfléchir, dans les mois qui viennent, à une articulation entre l’Union eurasiatique et les accords de libre-échange que conclut l’Union européenne avec l’Ukraine, mais aussi la Moldavie et la Géorgie. Nous savons combien, dans ces trois pays, l’appétence pour l’Union européenne est grande. Par ailleurs, la question des relations avec la Russie y demeure très sensible. Mais ne nous trompons pas de moment ! Le Partenariat oriental fera l’objet d’un sommet européen à Riga. C’est la première fois que la Commission européenne présidée par Jean-Claude Juncker se penchera sur le sujet. Il faut espérer qu’elle le fera avec davantage de vision et de diplomatie que la Commission précédente. Vous pouvez compter sur la commission des affaires européennes du Sénat et sur Jean Bizet, son président, pour y porter toute l’attention nécessaire.
Si, aujourd’hui, l’accord d’association avec l’Ukraine est issu d’une politique dont nous constatons et dénonçons les limites, prenons garde de ne pas nous tromper non plus de sujet. C’est bien sur sa ratification que nous devons nous prononcer, et non sur les orientations de la politique européenne de voisinage.
Je ne reviens pas sur le contenu de l’accord, il a été très bien analysé par notre collègue rapporteur Daniel Reiner. Je veux simplement que nous mesurions la mobilisation et la somme de travail technique, normatif et législatif que sa préparation a impliquées. Je voudrais également que l’on mesure à quel point cet accord est susceptible d’inscrire durablement la démocratie et l’économie de marché en Ukraine. Je souhaite néanmoins que cette économie de marché ne soit pas accaparée par quelques oligarques de l’ancien système, …