Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 7 mai 2015 à 9h30
Octroi de mer — Article 5

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Le projet de loi donne la possibilité aux collectivités régionales ou au département de Mayotte d’exonérer à leur convenance les biens destinés à l’accomplissement des missions de l’État. Cela signifie, en fait, que ces collectivités ont la liberté de taxer les biens destinés à l’accomplissement des fonctions régaliennes. Or une telle mesure grève lourdement les budgets alloués aux services de l’État.

J’illustrerai mes propos par des exemples concrets. La gendarmerie de Mayotte qui exerce une mission complexe sur ce territoire, comme chacun sait, a connu une augmentation très importante des taux appliqués à son matériel acheté en métropole. Pour le remplacement des pièces mécaniques – pales, rotor, etc. – du seul hélicoptère dont elle dispose, et afin qu’elle puisse exercer pleinement ses missions, elle acquittait en 2013 des taxes douanières à hauteur de 5 %, en 2014, on lui a appliqué l’octroi de mer à un taux de 30%. Autre exemple, l’approvisionnement en munitions était taxé à 5 % en 2013 et, grâce à l’octroi de mer, la taxation est passée à 50 % en 2014. Une simple antenne de radio – Dieu sait que cet équipement est important dans ce département ! – supportait des droits de douane de 10 % en 2013 ; en 2014, elle était taxée à hauteur de 55 %.

Ces exemples montrent que l’octroi de mer a forcément des conséquences, surtout quand ses taux sont nettement supérieurs à ceux de la TVA appliquée en métropole.

Dans ce contexte, l’application de l’octroi de mer est un frein au renouvellement et à l’entretien des matériels nécessaires à la bonne marche du service public, alors même que les budgets s’inscrivent dans une baisse généralisée. Ou alors, il faut augmenter en conséquence les budgets des services concernés, pour qu’ils puissent faire face à leurs besoins tout en acquittant l’octroi de mer.

La justification invoquée par les collectivités ultramarines pour limiter les exonérations s’explique : les besoins de financement résultant de la baisse des dotations de l’État. Il nous paraît donc plus judicieux soit de maintenir les dotations de l’État à un niveau convenable, soit d’augmenter les budgets des services déconcentrés de l’État, plutôt que de compenser la baisse des dotations par un octroi de mer qui entrave l’exercice de missions essentielles, telles que la santé, l’éducation et la sécurité.

Par ailleurs, est-il logique que les autorités qui représentent localement l’État soient amenées à solliciter au cas par cas des exonérations auprès des collectivités territoriales ? On donne ainsi une image plutôt déplorable du service public, tout en plaçant ses responsables dans une situation complexe.

Le présent amendement a pour objet de mettre un terme à cette incohérence fiscale dont les effets sont finalement contraires à l’intérêt général et préjudiciables à nos concitoyens ultramarins, voire à l’image de l’État sur ces territoires. Il est impératif que les missions du service public puissent être exercées partout, sans différenciation.

Encore une fois, ces exemples montrent que l’octroi de mer n’est pas adapté à la situation. Je comprends la position des collectivités ultramarines qui ont besoin de ressources et utilisent donc les moyens qui leur sont accordés. Il serait plus logique d’augmenter les dotations de l’État aux collectivités ultramarines ou les budgets des services de l’État pour qu’ils puissent assumer leurs missions, mais n’obligeons pas les représentants de l’État au sein de ces territoires à effectuer des choix très difficiles, alors qu’ils exercent des missions essentielles pour la sécurité, la santé et l’éducation des populations ultramarines.

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