C’est pourquoi réduire les délais est essentiel pour sortir de la situation actuelle d’embolie totale du système.
Par le biais du présent projet de loi, nous affirmons notre volonté de refaire de la France un pays attractif. En effet, si, entre 2012 et 2014, la demande a doublé en Europe et plus que doublé en Allemagne, elle a stagné en France. Dès lors, la question de notre attractivité est centrale.
L’immigration provoquant aujourd'hui des tensions dans notre pays, nous pourrions nous dire que l’attractivité modérée de celui-ci n’est pas trop dérangeante. Mais nous ne devons pas raisonner ainsi. L’attractivité est une preuve de santé. Elle prouve que nous sommes fidèles à nos valeurs. Être attractifs, c’est aussi affirmer l’universalité de nos valeurs, plutôt que le repli sur soi. C’est, du reste, l’ambition de ce texte.
À l’instar de certains orateurs précédents, je crois qu’il est indispensable, à cette étape de la discussion, de bien séparer l’asile et l’immigration et donc d’essayer de réfléchir à leurs intersections, à l’entrée comme à la sortie du système.
À l’entrée, si les procédures durent deux ans, quels seront en réalité les demandeurs d’asile ? Il s’agira non pas de personnes cherchant vraiment une protection rapide pour pouvoir s’insérer et continuer à avoir le droit de vivre dans notre pays, mais de personnes recherchant le moyen de rester longtemps sur notre territoire, tout en sachant que la protection ne leur sera pas accordée. Il faut par conséquent faire en sorte que les procédures d’accueil soient rapides.
À la sortie, les délais doivent être courts et les protections doivent être accordées rapidement.
Par ailleurs, quand on parle des déboutés, il n’y va pas seulement des obligations de quitter le territoire français. Nous devons être capables de donner une réponse à un demandeur d’asile en quelques mois, réponse qu’il est en droit d’attendre. C’est quand même plus simple d’exiger d’un demandeur d’asile de quitter le territoire s’il ne se trouve sur celui-ci que depuis quelques mois !
À cet égard, traiter la question des déboutés du droit d’asile, c’est d'abord traiter celle des délais. C’est l’objet du présent projet de loi. Les obligations de quitter le territoire français n’ont pas réponse à tout !
Cela étant, depuis deux ans, le travail des agents de l’OFPRA et des juges de la CNDA a été amélioré et la mobilisation de ces personnels a été accrue. Ainsi, un plus grand nombre de décisions peuvent être rendues chaque année, afin de sortir le système de l’embolie.
Mais, aujourd'hui, il faut aller plus loin. En effet, pour continuer à améliorer les délais, on ne peut pas se contenter d’améliorer la productivité des agents et la rapidité des décisions rendues par la CNDA. Il faut modifier la législation, de manière à accorder plus de garanties lors de l’examen de la demande par l’OFPRA et à permettre à la CNDA de se prononcer rapidement, dans le cadre des procédures accélérées.
Je ne prendrai qu’un exemple. En 2011, 43 % des protections étaient accordées par l’OFPRA. En 2014, ce taux s’élevait à 60 %, soit une différence de 17 %. Autant de demandeurs légitimes qui n’auront pas à attendre une ou deux années que la procédure devant la CNDA soit achevée pour se voir reconnaître une protection !
Vous le constatez, ces deux dernières années, nous nous sommes battus pour réduire les délais. Cependant, pour aller plus loin, une loi est désormais nécessaire.
M. le ministre et plusieurs orateurs qui sont intervenus au cours de cette discussion générale ont présenté les principales dispositions du texte. Celui-ci octroie plus de garanties au demandeur au moment de la procédure devant l’OFPRA. Il améliore les conditions d’accueil de tous les demandeurs, ainsi que les droits et les délais dont ils disposent, en particulier en permettant la présence d’un tiers lors de l’entretien à l’OFPRA. Il prévoit une procédure spécifique pour la CNDA, de manière que les procédures accélérées soient vraiment rapides. Enfin, il organise un hébergement directif, afin de répartir l’accueil des demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire. À cet égard, certains de nos territoires, situés en dehors de la France métropolitaine, sont en contact avec d’autres situations géopolitiques que le continent européen. Cela rend l’ensemble du système, qui doit être cohérent avec le dispositif européen, compliqué. C’est pourquoi le projet de loi comporte des dispositions relatives à l’outre-mer.
Des défis se posent en matière de délais.
D’une part, traiter les 60 000 ou 65 000 demandes d’asile actuelles est possible avec les moyens qui ont été attribués à l’OFPRA par la dernière loi de finances. Mais, si la France était sollicitée à même hauteur que l’Allemagne, l’interrogation demeurerait entière. Il faudrait, à ce moment, augmenter les moyens ! Vous vous imaginez bien que, en Allemagne, face au doublement de la demande d’asile à laquelle est confronté ce pays, l’instance équivalente à l’OFPRA a dû recruter massivement pour faire face aux besoins…
D’autre part, les procédures d’accueil en préfecture qui sont désormais elles aussi transmises au guichet unique et gérées en commun avec l’OFII connaissent aujourd'hui des délais très importants.
Nous devons engager toutes ces réformes d’ici au mois de juillet prochain. En effet, comme cela a déjà été dit, le projet de loi a vocation à transposer les directives « Qualification », « Procédures » et « Accueil ». Il importe que cette transposition intervienne rapidement, la France ayant besoin d’être crédible et claire en Europe pour que celle-ci modifie ses dispositifs d’asile.
Par ailleurs, nous avons parlé des drames liés à l’immigration économique qui ont eu lieu en Méditerranée. Nous savons bien aussi que certaines personnes, venues d’Irak, de Syrie ou encore de Libye, sont à la recherche d’une protection internationale. Est-il logique de demander à ces êtres humains de risquer leur vie pour pouvoir demander cette protection ? Est-ce vraiment ce que l’on veut ? Je le rappelle, en Jordanie, au Liban, en Turquie, les réfugiés syriens se comptent par millions ! Quant à la Tunisie et à l’Égypte, elles accueillent de nombreux réfugiés venus de Libye. De ce point de vue, l’Europe doit être totalement responsabilisée pour que nous puissions, ensemble, faire face à ce défi.
À cet égard, je veux rendre hommage au travail de l’OFPRA et des consulats, qui, dans un certain nombre de pays, examinent, sur place, les demandes d’asile déposées avant même l’arrivée, sur notre territoire, des personnes concernées. En effet, notre devoir de protection doit aussi s’exercer hors de France. Pourquoi demander à des personnes de risquer leur vie pour pouvoir bénéficier d’une protection ?
Aujourd'hui, la révision du règlement Dublin est indispensable. Compte tenu des circonstances, nous n’osons plus demander à l’Italie de respecter ce règlement, même si nous savons bien qu’un grand nombre des personnes qui arrivent dans ce pays poursuivent ensuite leur chemin vers l’Allemagne et la Suède. Nous savons aussi qu’il faut du temps, parce que des pays comme la Bulgarie ou la Hongrie n’en peuvent plus. Ils n’ont plus les moyens. Il est important de répartir la charge sur l’ensemble du territoire européen, de la même manière que nous devons répartir l’accueil sur le territoire français.
En conclusion, monsieur le rapporteur, les membres du groupe socialiste vous rendent hommage et saluent l’état d’esprit qui a animé vos travaux sur le présent texte. Toutefois, nous reviendrons sur les obligations de quitter le territoire français, parce que nous considérons que c’est un point dur du projet de loi, une question de principe, mais aussi parce que vous essayez de construire un modèle allemand, sans aller jusqu’au bout. Ce que vous proposez n’est pas efficace.
Au reste, en termes de reconduite à la frontière, nous nous en sortons mieux, toutes proportions gardées, que nos partenaires européens.