Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 11 mai 2015 à 21h45
Réforme de l'asile — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Avec le naufrage et la mort de centaines de migrants survenus au large des côtes libyennes ces dernières semaines, l’examen du présent texte relatif au droit d’asile s’inscrit dans une actualité dramatique et – malheureusement – répétitive qu’il ne suffit pas de constater. Ces drames humains, qui bénéficient d’une large couverture médiatique, ne sont que la partie visible de la souffrance de ces hommes, femmes et enfants confrontés, après les sentiers de l’exil, aux dédales de notre système d’accueil.

Ces êtres humains ont plusieurs visages : Soudanais persécutés par Boko Haram, Rohingyas – musulmans de Birmanie apatrides –, Yézidis et chrétiens qui fuient l’arrivée de l’État islamique en Irak, ou encore Bangladais réfugiés climatiques, victimes de la montée des eaux, par conséquent, des peuples entiers, mais aussi des individus persécutés en raison de leur minorité, de leur orientation sexuelle, voire de leur simple appartenance au genre féminin. Tous ces exemples nous rappellent, avec une féroce acuité, la nécessité du droit d’asile.

À cet égard, je tiens à saluer le travail des associations de soutien aux réfugiés, ainsi que celui des professionnels du droit qui incarnent au jour le jour les valeurs de notre République, aux côtés des réfugiés.

Ce qui se joue est très grave. Nous parlons du destin de femmes, d’enfants et d’hommes contraints de s’exiler dans la détresse, en quête de sécurité et d’une vie meilleure, et que l’on renvoie parfois tout simplement à la mort.

Prenons en compte l’humain d’abord et non les chiffres, tels ceux qui ont été récemment évoqués par la Cour des comptes et qui ont conduit au report de la publication du rapport de la commission des lois – ce que j’avais approuvé – et à un durcissement du présent texte – ce que je ne peux que réprouver.

Malgré le dévouement et le professionnalisme de l’ensemble des personnels concernés, notre système d’accueil en matière d’asile est défaillant : manque de places en CADA, saturation des dispositifs d’urgence, procédures trop complexes, allongement des délais de traitement, manque d’accompagnement des demandeurs d’asile, faible intégration des personnes ayant obtenu le statut de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire… Mais de là à le considérer « à l’agonie », il y a – me semble-t-il – de la marge. En ce sens, la Cour des comptes nous propose une vision très dangereuse de l’asile, car purement comptable.

Arrêtons-nous donc un instant sur les chiffres, tout en gardant à l’esprit que la situation de la France est incomparable à celle du Liban, de la Jordanie ou même de la Turquie qui accueillent, dans des structures collectives, des centaines de milliers de réfugiés. Rappelons-nous aussi que les Nations unies estiment que, chaque jour, 32 000 hommes, femmes et enfants sont contraints à l’exil quand la France fait l’objet de quelque 60 000 demandes annuelles et que plus de 80 % de ces réfugiés atterrissent dans des pays dits « en développement ».

Quant aux demandeurs d’asile qui parviennent à franchir la fameuse forteresse Europe, des quatre pays européens ayant reçu le plus grand nombre de demandes d’asile en 2014, la France est celui qui y accède le moins, avec 21, 7 % de réponses positives. Ramené aux populations des États membres, c’est en Suède que le nombre de demandeurs d’asile est le plus élevé, devant la Hongrie, l’Autriche et Malte.

Contrairement aux idées reçues, ni l’Europe ni la France ne sont les principales zones destinataires du flux des demandeurs d’asile. Ces chiffres nous invitent à combattre les discours démagogues, ce que les membres du groupe communiste, républicain et citoyen s’engagent à faire tout au long de ces débats.

Mais au-delà de la question de savoir si nous accueillons trop ou pas assez de réfugiés, il devient urgent d’apporter à chacun d’entre eux un accueil de qualité, une réponse juste, rapide et effective. L’objectif est de rendre son sens au droit d’asile : il faut réduire les délais de traitement tout en améliorant la qualité de la décision, finalités tout à fait complémentaires.

Par le biais du présent projet de loi, le Gouvernement propose des améliorations au droit d’asile et la mise en lumière de certains grands principes incontournables qu’il reste toutefois à mieux définir.

Ce texte est porteur de plusieurs avancées issues des directives européennes, notamment d’un meilleur accès à la demande d’asile avec le droit au maintien sur le territoire français, pour tous les demandeurs, jusqu’à la décision définitive de l’OFPRA ou de la CNDA.

Les conditions de l’examen de la demande sont également améliorées, en particulier grâce à une mesure emblématique : l’entretien individuel systématique par l’OFPRA avec le demandeur d’asile et la possibilité, pour ce dernier, d’être assisté d’un avocat ou d’un représentant d’association.

D’autres avancées proposées à l’origine – vous pouvez le constater, monsieur le ministre, nous savons reconnaître et saluer les dispositions qui vont dans le bon sens…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion