Intervention de Brigitte Gonthier-Maurin

Réunion du 6 avril 2010 à 22h00
Grand paris — Article 1er

Photo de Brigitte Gonthier-MaurinBrigitte Gonthier-Maurin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet article pose l'objet de la démarche du Grand Paris : la réalisation conjointe par l'État et les collectivités d'un projet urbain, social et économique associant les citoyens et tendant à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux. Il met également en exergue la nécessité d’une lutte contre l'étalement urbain et celle d'une offre de logement adaptée, au travers notamment de l'objectif de construction annuelle de 70 000 logements, inscrit dans le texte par la commission spéciale.

Cet article prévoit en outre de confier à l'État le financement du réseau de transport public de voyageurs, sans en préciser toutes les modalités ni les conditions. En effet, il est simplement question d'une dotation de 4 milliards d'euros pour lancer le projet. Les mécanismes de remboursement de l’emprunt sont flous. C'est donc la porte ouverte à la valorisation des terrains attenants aux gares et à de nouvelles sources de financement qui seraient affectées à la Société du Grand Paris, échappant ainsi à toute péréquation régionale.

Cette déclaration d'intention est donc en profond décalage, voire en contradiction, avec le reste du texte.

Premièrement, les citoyens ne seront associés que ponctuellement au débat public, et non de manière continue.

Deuxièmement, dans le dispositif présenté, la place des collectivités est secondaire. Ainsi, elles seront minoritaires au sein du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris : dès lors, comment parler d'une réalisation conjointe ?

Troisièmement, la lutte contre l'étalement urbain ne peut passer par la création d'une chenille d'expropriation et d'urbanisation autour du Grand huit.

Quatrièmement, la question du logement n'est traitée qu'à la marge dans la quasi-totalité des articles, alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur sur le territoire francilien. Le déficit de logements est en effet l'une des causes principales de l'allongement des parcours de transport en Île-de-France. On ne peut donc obtenir une amélioration de l'offre de transport sans un renforcement des dispositifs en faveur de la construction de logements publics. Il convient, en particulier, de faire respecter la loi SRU.

On nous présente ce texte comme le symbole du réinvestissement de l'État dans la région-capitale, notamment sur le plan financier. Il s'agit en réalité de confisquer l'intérêt général au profit du privé. Ainsi, ce texte organise la spéculation foncière autour des gares. L'aménagement du territoire sera repris en main par l'État, qui fera appel au privé. Le métro en rocade n'aura d'utilité et de pertinence qu'en termes de déplacements travail-travail, et non travail-habitat : il servira donc les hommes d'affaires ! Comment ne pas voir, dans ces conditions, qu'il s'agit fondamentalement d'un détournement de l'intérêt général ?

Ce que nous demandons à l'État, ce n’est pas de faire un coup d'éclat avec un texte, c'est de cesser de se désengager des politiques publiques. Transport, logement, éducation : tous ces budgets sont en constante régression ; les services publics sont aujourd'hui en souffrance.

Favoriser la réduction des inégalités sociales et territoriales en Île-de-France passe nécessairement par un maillage fin du territoire, la présence de services et d'équipements publics, une politique industrielle ambitieuse, et non par la création d'un métro automatique, la réduction des dépenses publiques et la suppression de postes de fonctionnaires.

Les difficultés auxquelles la région-capitale est aujourd'hui confrontée en termes de développement sont également très liées à la désindustrialisation de son territoire. Une véritable réflexion doit être lancée sur ce sujet.

Comprenons-nous bien : nous ne sommes pas opposés à une intervention de l'État en Île-de-France. Elle doit cependant s’inscrire dans le cadre de ses compétences, et non être utilisée pour empiéter sur celles des collectivités, et donc des instances de démocratie de proximité. Les cadres de réflexion et d'action pour penser l'avenir de la région-capitale existent déjà : ce sont les collectivités territoriales, le conseil régional ou encore le syndicat Paris Métropole. L'État n'en est pas exclu. Il est même censé garantir l'intérêt général national, et peut donc jouer un rôle majeur, via des contrats de projet État-région, ainsi que par son poids décisif dans les travaux du schéma directeur.

Or l’attitude de l’État a jusqu’à présent été paradoxale. Non content de ne pas honorer ses engagements au titre des contrats de plan, il a également fait le choix de bloquer le schéma directeur, élaboré au terme d'un long débat démocratique. Je profite de cette occasion pour renouveler notre souhait que ce document du SDRIF soit enfin transmis au Conseil d'État.

Oui, il faut donc bien un projet pour l'Île-de-France, mais il doit être construit avec les habitants et leurs élus, et non dans la précipitation.

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