Séance en hémicycle du 6 avril 2010 à 22h00

Résumé de la séance

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La séance

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La séance, suspendue à vingt heures, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de Mme Monique Papon.

(Texte de la commission)

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie, par M. Voguet, Mmes Assassi et Gonthier-Maurin, M. Vera et les membres du groupe Communiste, Républicain, Citoyen et des Sénateurs du Parti de Gauche, d'une motion n°5.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (367, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-François Voguet, auteur de la motion.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-François Voguet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il est des moments rares dans notre République, par exemple quand le peuple devient législateur et est appelé à donner son avis sur un projet de loi.

Nous venons de vivre un tel moment avec les élections régionales en Île-de-France. En effet, chaque liste en présence a placé au cœur de sa campagne son opinion, son jugement sur le projet de loi qui vient en discussion devant nous aujourd’hui.

Aussi, les citoyens de cette région, en élisant leurs représentants, ont été appelés à donner leur avis sur ce texte de loi.

Dans ces conditions, les premiers articles de la Constitution prennent toute leur dimension et toute leur valeur.

En stipulant, en son article 2, que le principe de la République est : « gouvernement du peuple, par le peuple et pour le peuple » et, dans son article 3, que la souveraineté nationale « appartient au peuple qui l’exerce par ses représentants et par la voie du référendum », la Constitution affirme un principe fondateur qui fait du peuple le souverain en toute chose et de son vote l’outil de cette souveraineté.

Au lendemain des élections régionales, l’expression de notre peuple a été claire. Elle doit être respectée. Le projet de loi sur le Grand Paris ayant été au cœur du débat régional, ce serait faire offense à notre peuple que d’en poursuivre l’examen.

En votant majoritairement pour des représentants régionaux s’étant exprimés clairement et publiquement contre ce projet de loi, les citoyens d’Île-de-France ont rejeté dans l’opposition la liste concurrente qui soutenait ce projet. Le peuple de la région d’Île-de-France a exercé sa souveraineté, il a tranché en élisant ses représentants ; il doit donc être entendu.

Est-ce interprétation de notre part que de penser que les termes du choix étaient clairement posés ? Permettez-moi quelques rappels.

C’est le Gouvernement qui a décidé de soumettre ce projet de loi au Parlement, contre l’avis de l’immense majorité des élus municipaux, départementaux et régionaux. C’est encore lui qui a décidé d’en faire l’axe central des candidats de la majorité en Île-de-France. Le Président de la République est même allé jusqu’à convoquer à l’Élysée les têtes de listes UMP d’Île-de-France pour leur rappeler qu’elles devaient mettre au premier plan de leur campagne électorale le projet du Grand Paris. On peut même dire, monsieur le secrétaire d’État, que vous avez voulu transformer les élections régionales en Île-de-France en un référendum pour ou contre le Grand Paris.

C’est d’ailleurs le Gouvernement qui a organisé le débat parlementaire pour que la discussion de ce texte et les élections régionales soient concomitantes. Il était alors persuadé que ce serait un « plus » pour les candidats de la majorité, qui y trouveraient un soutien fort et décisif.

Finalement, le peuple souverain a rejeté une telle réforme en élisant ses représentants. Dans ces conditions, ne pas tenir compte du vote des Franciliens et poursuivre l’examen de ce projet de loi serait contraire à l’article 3 du texte constitutionnel. C’est le premier élément justifiant pour nous cette motion d’irrecevabilité.

« À scrutin régional, conséquences régionales », affirmait le Président de la République. Ce projet de loi ne concernant que la région Île-de-France, nous vous demandons aujourd’hui d’appliquer ce principe en cessant l’examen de ce projet de loi. Pour nous, c’est essentiel.

Cependant, il est d’autres arguments qui justifient cette motion. En effet, ce projet de loi est, à notre sens, contraire à de nombreux autres articles de la Constitution.

Ainsi, ce texte a d’abord été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, en méconnaissance de l’article 39 de la Constitution, qui prévoit, en son deuxième alinéa, que « les projets de loi ayant pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales sont soumis en premier lieu au Sénat ».

Devant ce manquement flagrant aux règles constitutionnelles, nous avons alerté les autorités parlementaires et gouvernementales, mais sans succès.

L’exposé des motifs est pourtant clair. On y lit en effet que « la conception et la mise en œuvre concrète du projet nécessiteront son partage avec tous les acteurs et la mise en place des outils juridiques et structures de pilotage appropriés », ce qui signifie, si vous me permettez cette traduction, que les collectivités locales seront contraintes d’y participer dans un cadre juridique spécifique qui modifiera leurs règles de fonctionnement.

L’exposé des motifs se termine par une phrase qui éclaire les enjeux du texte : « Les projets de développement territorial seront définis dans leur contenu et dans leur périmètre en partenariat entre l’État et les collectivités locales et actés dans un contrat ». Nous soutenons par conséquent que le Gouvernement a méconnu l’article 39 de la Constitution, en ne présentant pas ce projet de loi en premier lieu au Sénat. C’est la deuxième raison qui motive le dépôt de notre motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, permettez-moi de vous interroger à ce stade de ma démonstration. L’article 34 de la Constitution dresse la liste de l’ensemble des matières dont la loi peut fixer les règles ou déterminer les principes fondamentaux. Je vous ferai grâce de la liste, chacun pourra s’y référer.

J’ai donc cherché dans cet article à quel domaine de la loi pouvait se rattacher ce projet de loi. J’avoue que je n’y ai rien trouvé qui concerne la création d’une infrastructure de transport public ou la création d’un établissement public à caractère industriel et commercial. Il semblerait donc que l’objet de ce projet de loi ne soit pas vraiment conforme à l’objet constitutionnel d’une loi, à moins que le Gouvernement ne rattache ce texte au domaine de la libre administration des collectivités locales. Dans ce cas, cependant, monsieur le secrétaire d’État, vous confirmeriez le bien-fondé de la critique relative à la non-application de l’article 39 que je viens de développer.

J’attends donc de votre part une réponse précise à cette simple question : en quoi ce projet de loi répond-il aux exigences de l’article 34 de la Constitution ? Pourriez-vous nous préciser à quel domaine de la loi vous le rattachez ?

La question est d’autant moins anodine que si, comme nous le pensons, vous rattachez bien ce texte à l’organisation des collectivités locales, ce projet de loi, outre la non-application de l’article 39, met à mal l’article 72 en supprimant la libre administration des collectivités locales franciliennes, notamment dans la gestion de leur sol, et tout particulièrement la libre administration de la région d’Île-de-France dans sa compétence « transports ».

Nous avons déjà eu ce débat à propos du texte sur la réforme de nos collectivités locales, mais il prend ici un relief particulier.

En effet, les pouvoirs conférés dans le texte à la Société du Grand Paris sont considérables sur le plan territorial. Compte tenu de l’ampleur du réseau de transports dont elle gérera la construction, la Société exercera des pouvoirs d’aménagement sur un périmètre équivalent à quatre fois la superficie de Paris ; c’est considérable ! Elle détiendra donc à elle seule plus de pouvoirs que n’importe quelle collectivité territoriale régionale.

Un tel déséquilibre est d’autant plus grave que, contre les dispositions de l’alinéa 5 de l’article 72 de la Constitution, qui précise qu’aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre, la Société du Grand Paris aura, elle, tout pouvoir pour imposer ses vues.

Compte tenu de l’ampleur des pouvoirs de la Société du Grand Paris et de son champ d’intervention territorial, il s’agit non pas d’un simple encadrement de la libre administration des collectivités locales franciliennes, mais bien d’une remise en cause totale de ce principe constitutionnel.

Avec un tel projet de loi, les communes qui accueilleront des gares vont perdre la gestion de leur sol, qui est pourtant une compétence essentielle, une compétence que l’on pourrait même définir comme fondatrice de leur existence. Le périmètre un temps envisagé à 1 500 mètres autour des gares représente à certains endroits plus de la moitié, voire la totalité du territoire de ces communes. C’est dire l’ampleur de la remise en cause des pouvoirs constitutionnellement garantis aux communes !

Que dire alors de la remise en cause totale de la compétence régionale en matière de transports ? L’État n’a rien fait pendant plus de trente ans alors qu’il exerçait la compétence « transports » dans la région Île-de-France. Après avoir renié ses engagements financiers lors du transfert de cette compétence à la région, il refuse toujours de transmettre au Conseil d’État le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, et décide finalement aujourd’hui de reprendre la main, seul et sans concertation véritable, malgré l’avis contraire de l’immense majorité des élus locaux franciliens.

Alors que la Constitution, dans son article 1er, définit l’organisation de notre République comme étant « décentralisée », le Président de la République n’a pas hésité à nommer un ministre pour s’occuper d’une région et à passer par la loi pour imposer un modèle de développement contraire aux orientations définies par les élus qui en ont la charge.

Cela constitue en fait une sorte de coup de force institutionnel. Le Sénat, qui représente les collectivités locales, ne peut accepter une telle remise en cause. C’est la troisième raison qui motive notre motion.

Chacun en convient, le texte s’apparente à une loi d’exception qui permet sur un territoire défini, mais dont les contours sont encore vagues, de remettre en cause les règles communes qui s’imposent à tous sur l’ensemble du territoire national. De ce fait, le projet de loi sur le Grand Paris méconnaît l’article 1er de la Constitution, qui affirme l’égalité des citoyens devant la loi.

Avec ce projet de loi et les règles d’exception qu’il instaure, les élus franciliens municipaux, départementaux et régionaux ne disposeront plus des mêmes pouvoirs que les autres élus de notre pays et, partant, les citoyens qu’ils représentent ne disposeront plus des mêmes droits que les citoyens des autres régions. Une telle situation constitue à nos yeux une nouvelle violation de la Constitution.

Ces règles sont par ailleurs d’autant plus contestables qu’elles sont inutiles, néfastes et dangereuses.

Elles sont inutiles, car le Gouvernement dispose de tous les outils juridiques nécessaires à la réalisation de ce projet d’infrastructure de transport par l’intermédiaire des contrats de plan État-région, des schémas directeurs d’aménagement ou des opérations d’intérêt national, les OIN.

Elles sont néfastes, car elles empilent de nouvelles structures d’aménagement dans une région qui n’en manque pas. Pour ne prendre que l’exemple du plateau de Saclay, sur un même territoire il y a déjà des communes, un département et une région qui interviennent en termes d’aménagement, mais aussi un plan Campus, une OIN et des pôles de compétitivité. Nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire, dans ces conditions, de rajouter deux nouvelles structures pour intervenir sur l’aménagement du même site.

Le texte du projet de loi est néfaste parce qu’il démantèle le STIF, le Syndicat des transports d’Île-de-France, et remet en cause ses prérogatives. Alors que partout en France on tente de mettre en place des organismes de gestion et de coordination des transports régionaux, le projet de loi envisagé pour la région d’Île-de-France fractionne, divise, casse l’outil que chacun rêve d’établir ailleurs.

Ce texte est néfaste parce que le projet de grande boucle envisagé, le Grand huit, est un métro rapide qui méconnaît les besoins du maillage nécessaire au développement des transports franciliens et ne se préoccupe que des problématiques de trajets « travail-travail », alors que les enjeux franciliens, comme partout ailleurs, se concentrent sur les trajets « domicile-travail ».

Ce projet de loi porte aussi un plan d’aménagement dangereux pour l’avenir de la région et la vie de ses habitants parce qu’il organise un développement économique et urbain centré sur des pôles au détriment du reste du territoire. Ce développement ségrégatif risque de renforcer la compétition entre les territoires, alors que c’est la solidarité qui devrait être soutenue.

Ce type de développement est dangereux car il va relancer la spéculation foncière, pourtant déjà active dans la région. La spéculation permettra sans doute de relancer les investissements, mais aggravera les difficultés pour le plus grand nombre de Franciliens qui souhaitent accéder à un logement et pour les collectivités locales qui ont l’ambition réaliser les équipements publics nécessaires à la vie de leurs concitoyens.

En fait, votre objectif est clair, monsieur le secrétaire d’État : en dessaisissant les élus locaux de leurs prérogatives en matière d’aménagement, vous réduisez leurs possibilités d’intervention pour répondre aux besoins et aux attentes de leurs concitoyens et vous ouvrez la porte aux milieux d’affaires et aux affairistes de tous poils. Voici revenu le temps des bétonneurs et des spéculateurs, qui ont pourtant laissé tant de cicatrices dans le paysage urbain de l’Île-de-France en particulier.

Finalement, vous n’avez rien appris de l’histoire. Vous allez commettre les mêmes erreurs, et ce projet de loi vous permet d’imposer vos vues alors que vous avez été battu par le suffrage universel.

Mes chers collègues, pour toutes les raisons que je viens de développer, je vous demande de voter cette motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité.

Un vote majoritaire de notre assemblée permettrait de remettre l’ouvrage sur le métier ; il en a bien besoin. Nous pourrions alors lancer une vaste réflexion associant réellement l’ensemble des partenaires institutionnels, économiques et sociaux, les architectes et les populations.

Notre objectif est simple : placer au cœur du Grand Paris les Franciliens eux-mêmes et répondre ainsi à leurs besoins en termes d’emplois, de logements, de transports, de santé, de formation, de culture, de sports et de loisirs.

Pour y parvenir, il faut doter cette région de services publics de qualité, modernisés et performants, des services qui sont nécessaires pour répondre de manière solidaire à de tels besoins.

La motion de procédure que nous vous invitons à voter est un appel à construire un nouvel espoir. Nous voulons un Grand Paris qui soit beau, où il fasse bon vivre, qui soit respectueux de l’environnement et qui place au cœur de son projet non pas la mise en concurrence des territoires et des habitants au profit de la finance, mais l’ensemble des familles franciliennes. Voilà, selon nous, ce qui est moderne aujourd’hui pour la région parisienne.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Monsieur Voguet, je vous ai écouté avec beaucoup d’intérêt et j’ai noté que vous adressiez au fond quatre reproches au texte proposé par la commission spéciale.

Premièrement, il porterait gravement atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales. Or, dans la rédaction de l’article 72 de la Constitution, que nous avons modifiée il y a quelques années, ces collectivités s’administrent librement, certes, mais « dans les conditions prévues par la loi ». Les limites sont posées, et c’est d’ailleurs pareil pour le droit de grève, mais, curieusement, dans ces deux domaines, on les oublie souvent !

Le législateur peut donc parfaitement prévoir l’intervention de l’État dans le cadre de projets d’intérêt national. En outre, je rappellerai un point auquel je tiens beaucoup : le texte issu de nos travaux ne remet nullement en cause les projets de court terme engagés par la région ; il prépare simplement l’avenir de la région-capitale.

Deuxièmement, le projet de loi aurait d’abord, selon vous, dû être déposé, en vertu de l’article 39 de la Constitution, sur le bureau du Sénat. S’il a été soumis en premier lieu à l’Assemblée nationale, c’est parce que, contrairement à celui que nous avons examiné aux mois de janvier et février derniers, il ne s’agit pas d’un texte organisant les collectivités territoriales.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat lève les bras au ciel.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Soyons précis : il ne prévoit pas de nouvelle organisation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Dallier a d’ailleurs regretté tout à l’heure qu’il ne contienne aucune disposition en ce sens pour le Grand Paris.

Je l’ai dit au début de l’après-midi, le projet de loi a trois objets principaux : la construction d’une nouvelle ligne de métro automatique de grande capacité, la création d’un outil juridique partenarial inédit et facultatif, dénommé « contrat de développement territorial » ; la valorisation du pôle scientifique et technologique établi sur le plateau de Saclay.

Le projet de loi n’a donc pas pour principal objet l’organisation des collectivités territoriales. Après avoir été débattu à l’Assemblée nationale, le voici soumis au Sénat : la procédure suivie nous paraît parfaitement normale.

Troisièmement, vous avez évoqué les risques de spéculation. C’est la raison pour laquelle j’ai cru devoir ajouter au texte, car cela n’avait été prévu ni par le Gouvernement ni par l’Assemblée nationale, une taxation des plus-values immobilières. Pour ce faire, j’ai repris le texte élaboré par le Sénat dans le cadre du projet de loi Grenelle II en l’adaptant à la région d’Île-de-France. Le Gouvernement déposera, s’il ne l’a déjà fait, un amendement visant à attribuer à celle-ci une partie du produit ainsi récupéré, pour lui permettre de faire face à l’ensemble des opérations à engager.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Madame Bricq, rappelez-vous : lors de son audition devant la commission spéciale, M. Carrez, que vous citez si souvent, a précisé qu’une telle taxation pouvait rapporter un ou deux milliards d’euros.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur. Dans la période actuelle, je ne refuse pas une telle somme, que je considère comme une ressource tangible !

Applaudissementssur les travées de l’UMP. – M. Yves Pozzo di Borgo applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Quatrièmement, enfin, vous nous avez reproché, monsieur Voguet, de ne pas respecter l’expression du peuple. Comme si nous, parlementaires nationaux, étions engagés par un vote régional !

Voilà quelque temps, j’ai siégé au conseil régional d’Île-de-France, aux côtés, notamment, de Mme Bricq, de MM. Lagauche, Bodin…

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Non, je ne peux pas laisser dire que nous ne respectons pas l’expression du peuple. Il y aura un débat public sur le projet, qui sera confié à la CNDP, la Commission nationale du débat public.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Nous avons en outre complété la rédaction de l'article 18, pour préciser, de manière claire, que tous les contrats de développement des territoires situés autour des futures gares de la nouvelle ligne de métro feront l’objet d’une enquête publique. Par conséquent, si vous estimez que le projet de loi ne prévoit aucune consultation de la population, c’est que vous l’avez mal lu !

Sous le bénéfice de ces observations, mes chers collègues, la commission spéciale vous invite à rejeter la motion tendant à opposer l’exception d’irrecevabilité !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale

M. Christian Blanc, secrétaire d'État chargé du développement de la région capitale. Je me range à l’avis émis par M. le rapporteur.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

J’invite, bien entendu, tous mes collègues à voter la motion défendue, au nom de notre groupe, par Jean-François Voguet. Alors que notre collègue a tout de même été assez explicite, j’ai trouvé, monsieur le rapporteur, que vous aviez une façon toute particulière de lui répondre. Au fond, vous nous avez dit en substance : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »

Il y a au contraire, de notre point de vue, beaucoup à voir ! Sans répéter tous les arguments avancés par notre collègue, j’insisterai sur un point véritablement problématique quant à la lettre et l’esprit des règles qui fondent nos institutions.

Le projet de loi s’inscrit dans le droit fil des réformes voulues par Président de la République pour les collectivités territoriales. Si l'examen du texte de portée générale suit son cours, personne ne sait quand il s’achèvera : là aussi, vous n’avez pas entendu le message des électeurs et tenu compte du suffrage universel, alors même qu’il s’agissait précisément d’un scrutin local par lequel on consultait les collectivités territoriales.

Qu’on veuille ou non lui dénier ce droit, le peuple s’exprime ; en tant que parlementaires, nous nous devons de l’écouter.

Globalement, les réformes engagées, notamment celle de la taxe professionnelle, visent à ôter aux collectivités territoriales, dotées, dois-je le rappeler, d’assemblées élues au suffrage universel, certaines de leurs prérogatives, pourtant constitutives de la libre administration des collectivités territoriales depuis les lois de décentralisation.

On peut toujours affirmer le contraire, mais il n’empêche que la question est posée : comment une collectivité territoriale peut-elle s’administrer librement si elle se voit priver de ses prérogatives, notamment pour développer ses projets de territoire ?

Le texte qui nous est soumis se fonde sur une réalité qui s’impose à tous : le fait métropolitain, voire « mégamétropolitain » ; puisque, selon vos dires, il s’agit d’un projet d'intérêt national, ce qui est vrai, d’ailleurs, c’est à l’État de s’en occuper.

Mais qui s’oppose à l’intervention de l’État ? Personne, en tout cas pas nous ! Nous n’avons eu de cesse de déplorer, au fil des années, le désengagement du pouvoir central, plus particulièrement en région parisienne.

Cela étant, en l’espèce, on passe allègrement de l’intérêt national et du nécessaire engagement de l’État, tout particulièrement financier, à la dépossession des collectivités territoriales, qui, privées de leurs responsabilités en violation du principe de libre administration, se voient mises sous tutelle, …

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

… et au remplacement des instances élues par la technostructure. Or l'engagement de l’État ne va pas obligatoirement de pair avec un tel pilotage !

S’agissant du Grand Paris ou des collectivités territoriales, ce sont finalement les mêmes conceptions que vous mettez en œuvre. Si vous avez « sorti » la région-capitale de la réforme territoriale globale, c’est sans doute parce que vous êtes en butte à de sérieux rapports de force, mais je n’ai nullement l’intention d’entrer dans ce genre de considérations.

Nous sommes d’ailleurs à peine sortis de la réforme des collectivités territoriales que nous y retournons aussitôt, tant les principes sont les mêmes. Ce que j’ai appelé « le pilotage par la technostructure », en tout cas par-dessus les collectivités concernées, la concentration des pouvoirs au niveau des métropoles et le regroupement des collectivités sous la houlette des préfets, tout cela participe complètement de cette conception.

Voilà comment vous réintégrez le projet relatif au Grand Paris dans le cadre la réforme plus globale des collectivités territoriales, en favorisant une reprise en main par l’État, qui plus est sans le moindre apport financier.

Marques de lassitude sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Vous pouvez le nier, mais d’énormes problèmes continuent de se poser.

C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons pas accepter ce projet de loi relatif au Grand Paris et que nous vous demandons en quelque sorte de surseoir à son examen, pour engager un véritable débat public, en amont et non en aval de la discussion parlementaire.

Finalement, nous en revenons toujours au même point. Après avoir glosé sur le mille-feuille administratif, puis quelque peu tergiversé, le Président de la République est revenu à la charge, lors de la campagne des élections régionales, sur ses projets de réforme en la matière, et vous l’avez suivi. Or, pour ce qui est du Grand Paris, vous créez un échelon supplémentaire dans la prise de décision.

M. Louis Nègre ironise.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Les élections régionales ont eu lieu, et, que je sache, les Franciliens ne vous ont pas suivis sur ce terrain !

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Borvo Cohen-Seat

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est regrettable pour vous, mais c’est un fait, et vous devriez le reconnaître !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, notre groupe tient à s’associer aux propos qui viennent d’être tenus.

Monsieur le rapporteur, vous avez écarté bien rapidement un certain nombre de vérités, mais je voudrais y revenir, tant sur le fond que sur la forme.

Sur la forme, il est vrai que nous aurions aimé être les premiers consultés. Le Gouvernement nous avait promis que tel serait le cas pour tous les textes touchant aux collectivités territoriales. Vous nous dites que le projet de loi relatif au Grand Paris n’entre pas dans cette catégorie ; permettez-moi de m’interroger !

Si le futur métro, qui est voué à desservir 40 gares et implique donc pour chacune, dans un périmètre de 1, 5 kilomètre, la maîtrise des terrains et touche, directement et indirectement, 120 communes au minimum, si donc ce projet ne concerne pas les collectivités locales, c’est à n’y rien comprendre…

Par conséquent, même si cela ne change pas grand-chose sur le fond, il est tout à fait anormal que le Sénat n’ait pas été consulté en premier.

Pour citer un secteur intéressant plus particulièrement M. Voguet et moi-même, les départements du Val-de-Marne et de la Seine-Saint-Denis ainsi qu’une quinzaine de communes se sont regroupés pour engager une réflexion sur les moyens à mettre en œuvre afin d’améliorer la situation, sur une ligne de conduite à définir en commun, chaque collectivité restant toutefois autonome et libre de s’administrer comme elle l’entend.

Or ici, de liberté, il n’y en a plus pour ces communes.

Je prendrai quelques exemples, à commencer par celui de Fontenay-sous-Bois, la ville dont M. Jean-François Voguet est le maire.

Vous avez écarté d’un revers de la main une consultation populaire qui avait été lancée par le conseil régional sur Arc Express. Cela me paraît relever du non-sens. Je le disais dans la discussion générale, il est quelque peu scandaleux d’inviter au dialogue le conseil régional, pour mieux l’envoyer balader sa première proposition à peine formulée. En d’autres termes, poussez-vous de là ; vous n’avez même plus à consulter ; le passage d’Arc Express par Fontenay-sous-Bois en venant de Noisy-le-Sec pour aller à Sucy-en-Brie, ce n’est pas votre problème, c’est le nôtre ! Et vous faites valoir une économie de 7 milliards d’euros, somme intéressante que les élus pourraient reverser dans la cagnotte commune pour réaliser cette boucle du Grand huit.

Je prendrai un autre exemple, celui de ma propre ville, Neuilly-sur-Marne.

Il semble que, sur la ligne menant de la Cité Descartes à Clichy- Montfermeil, un arrêt était prévu du côté de Chelles ou de Neuilly-sur-Marne. Soit ! Cependant, même si l’arrêt est implanté en limite communale, le périmètre en cause englobe une bonne moitié de la ville que j’administre.

Et pourtant, monsieur le secrétaire d’État, pour vous être rendu sur place, vous savez que nous n’avons pas lésiné quand il s’est agi d’acquérir, et les prix étaient élevés, une centaine d’hectares pour les aménager. Vous savez de quel joyau je parle. Oui, nous nous sommes ruinés pour acheter une grande partie des terrains destinés à accueillir le futur centre national de conservation, de restauration et de recherches patrimoniales.

Et vous voudriez vous contenter de nous demander notre avis ? Ce que nous souhaitons, nous, c’est que, sur les projets entre le Gouvernement et la Société du Grand Paris, vous nous demandiez non pas un avis, mais au moins un accord. Je pense que vous comprenez fort bien notre souci de ne pas être complètement spoliés, nous qui avons acheté, encore une fois à des prix élevés, un certain nombre de terrains.

Certes, vous me direz que l’on peut toujours discuter et trouver une solution, mais les discussions, j’ai vu ce qu’il en était à l’heure où nous devions voir arriver sur ces terrains les réserves destinées à stocker les œuvres d’art des grands musées parisiens, notamment du Louvre ! Et je me souviens que, contre l’avis unanime des acteurs concernés, de l’ensemble des élus – je vous prends à témoin, monsieur Voguet – aux techniciens du Louvre, en passant par les représentants des différents ministères, ministres compris, qui étaient d’accord, le Président de la République, par un véritable diktat, a tout simplement privé Neuilly-sur-Marne de ce centre.

Alors, les discussions pour parvenir à un accord, monsieur le secrétaire d’État, l’exemple de Neuilly-sur-Marne illustre de manière évidente qu’il ne faut guère y croire !

J’en arrive au dernier point.

Marques d’impatience sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mahéas

M. Jacques Mahéas. Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi traiter de la sorte les élus franciliens ? Sans vouloir en rajouter sur les résultats des élections, je rappelle au Gouvernement qu’il doit tout de même en tenir un peu compte et considérer les élus franciliens comme des élus régionaux à part entière ! Il n’y a pas de raison de les maltraiter !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix la motion n° 5, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

J’ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l’avis de la commission de même que l’avis du Gouvernement sont défavorables.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 168 :

Le Sénat n'a pas adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je suis saisie, par M. Caffet, Mme Bricq, M. Angels, Mmes Campion et Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mahéas et Repentin, Mme Tasca, M. Teston, Mme Voynet, MM. Bodin et Assouline, Mme Le Texier, M. Badinter et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n°1.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (367, 2009-2010).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas quinze minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, auteur de la motion.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Pierre Caffet. Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, au moment d’entrer dans le vif de ce débat, beaucoup d’entre nous ont en tête le discours prononcé par le Président de la République le 29 avril 2009, à l’occasion de l’inauguration des travaux des dix équipes d’architectes chargées d’imaginer la métropole post-Kyoto. Paraphrasant Victor Hugo – Dominique Voynet l’a rappelé avant moi - Nicolas Sarkozy avait dit alors que le Grand Paris devait se concevoir sous l’égide du vrai, du beau, du grand, du juste.

Rires sur les travées du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Aujourd’hui, nous sommes obligés de constater, que dans ce texte, par rapport à ce discours, il n’y a rien de vrai, il n’y a rien de beau, il n’y a rien de grand, il n’y a rien de juste. Le rêve prometteur initié par les architectes a finalement accouché d’un métro automatique souterrain, de deux établissements publics et de nombreuses dispositions contraires aux principes de la décentralisation.

Nous aurons l’occasion d’en faire la démonstration dans le débat qui s’ouvre.

Pour l’heure, parce que la loi sort toujours grandie d’un vrai débat démocratique, arguments contre arguments, je veux me concentrer sur les désaccords de fond qui nous opposent et qui nous incitent à poser la question préalable.

Notre premier désaccord, monsieur le secrétaire d’État, porte sur la stratégie économique qui est sous-jacente à ce texte. Pour vous, afin de doubler la croissance en Île-de-France, il suffirait de relier entre eux, par un métro automatique, des clusters, des pôles de développement spécialisés, qu’ils soient déjà identifiés ou en devenir. Seraient ainsi créés un million d’emplois supplémentaires à l’horizon de quinze ans, cela d’ailleurs en parfaite contradiction avec les perspectives démographiques actuelles, notamment en termes de population active et, surtout, sans que le texte réponde à ces questions cruciales : où et comment seront logés ces nouveaux salariés ?

C’est cette stratégie, fondée sur une vision avant tout technique, que nous contestons. Et si nous la contestons, c’est que nous pensons que votre texte souffre d’un problème de diagnostic.

Vous citez abondamment, monsieur le secrétaire d’État, les autres villes-monde, New York, Londres, Tokyo, mais vous ne faites que les citer comme des eldorados à imiter, sans décrire leur stratégie de développement. Or il suffit de les observer pour constater que le postulat de concentration de l’activité économique dans quelques pôles spécialisés comme facteur essentiel de compétitivité et de croissance ne résiste pas à l’examen de la manière dont se recomposent les grandes métropoles mondiales.

En tout cas, ce que nous ont dit clairement les responsables de l’extension du réseau de transports en commun londonien lors de notre déplacement outre-manche, c’est que leur stratégie ne reposait pas sur un lien de transport entre clusters, mais visait avant tout à relier les banlieues ouest et est de Londres, en passant par le centre de la capitale. Vous en conviendrez, monsieur le rapporteur.

Cette question du diagnostic sur les forces et les faiblesses de l’Île-de-France est pour nous centrale. Le temps me manque pour expliciter notre analyse, mais force est de constater que cette région est extrêmement puissante sur un grand nombre de filières économiques.

Aussi l'enjeu n’est-il pas de rechercher une ou plusieurs filières pour les renforcer en les territorialisant à l'extrême.

Non, le véritable enjeu pour nous est de faire en sorte que la machine à innover régionale soit plus efficace, ce qui suppose de combler le déficit d'entrepreneuriat que l'on constate par rapport à d'autres régions du monde ou, dit autrement, le déficit d'accompagnement aux porteurs de projets dont peuvent naître les petites et moyennes entreprises. Vous l’aurez compris, monsieur le secrétaire d'État, je me réfère à ces deux étudiants de Stanford que vous évoquiez dans la discussion générale.

De fait, partant du constat que les pôles de compétitivité ne peuvent tout faire, nous pensons que la stratégie francilienne de croissance renvoie moins à un problème de choix de secteur à privilégier qu'à la sous-efficacité actuelle de l'appareil productif.

Nous pensons, pour résumer, que la véritable question stratégique est celle de la territorialisation des politiques d’innovation et qu'elle dépasse largement le seul problème du contour géographique des clusters.

En Île-de-France, le cluster, pour nous, ce doit être la région tout entière. C’est cette stratégie qu’a tenté d’incarner le SDRIF – peut-être imparfaitement, j’en conviens... –, en faisant en sorte, en outre, que les enjeux sociaux soient intégrés au mieux dans les priorités régionales, de manière à associer les politiques d’aménagement et les politiques de développement économique.

Notre deuxième point de désaccord, qui est tout aussi profond que le premier, porte sur la méthode employée pour élaborer ce projet de loi. D’une certaine manière, ce texte signe le retour de l’État en Île-de-France. Cela aurait pu être une bonne nouvelle, après des décennies d’absence, mais ce retour s’effectue dans les pires conditions, et je dirai même dans des conditions exécrables.

Je ne reviendrai pas sur les différentes versions de ce texte, notamment celle du 27 août 2009, heureusement modifiée à la suite de son examen par le Conseil d’État, afin d’en gommer les aspects les plus « recentralisateurs », qui encouraient le risque d’inconstitutionnalité.

Songez, mes chers collègues, que le Gouvernement avait imaginé au départ, après une vague concertation avec les collectivités locales, de leur imposer par décret le périmètre et le contenu des contrats de développement territorial ! Et quand je parle de contenu, ce n’est pas un vain mot, puisqu’il s’agissait « des orientations générales de développement et d’aménagement, notamment en matière d’urbanisme, de logement, de transports et de déplacements, de développement des communications numériques, de développement économique et culturel, d’espaces publics, de commerce », et j’en passe... La liste serait trop longue à énumérer dans le temps qui m’est imparti.

Vous aviez même prévu, monsieur le secrétaire d’État, que ce décret pourrait modifier la charte d’un parc naturel régional, ce qui en dit long sur les préoccupations environnementales qui vous animent ! Il est vrai que vous avez reculé sur ces prétentions, mais cette philosophie attentatoire à la décentralisation ne vous a pas abandonné. Je n’en citerai que deux exemples.

Tout d’abord, premier exemple, vous avez délibérément ignoré – pour ne pas dire méprisé ! – le plan de mobilisation pour les transports élaboré par la région et les départements d’Île-de-France. Or ce plan, qui tend à répondre aux besoins urgents des Franciliens, est financé, lui, pour les deux tiers de son coût, grâce aux engagements consentis par les collectivités locales. Cerise sur le gâteau, monsieur le secrétaire d'État, vous avez inspiré une disposition visant à étouffer dans l’œuf tout débat public sur la pièce maîtresse de ce plan, c’est-à-dire Arc Express.

Le second exemple a trait à la composition des organes dirigeants de la Société du Grand Paris et aux pouvoirs exorbitants qui lui sont conférés.

C’est l’État qui, de fait, au travers du directoire de la SGP, un triumvirat nommé par décret, aura les pleins pouvoirs, les collectivités territoriales étant appelées à faire de la figuration dans un conseil de surveillance où elles seront minoritaires.

C’est l’État encore qui, au travers de la SGP, aura pour mission de définir ce nouveau réseau de transports, au mépris des compétences légales de la région et du STIF.

Et c’est toujours l’État qui, au travers de la SGP, pourra imposer à une commune ou à un EPCI une opération d’aménagement ou de construction autour d’une nouvelle gare, et ce même si la commune ou l’EPCI concerné a émis un avis défavorable. Car c’est ce que dit le texte.

Tout cela constitue à l’évidence un recul démocratique majeur, car c’est la première fois depuis que la gauche a lancé le mouvement de décentralisation, voilà maintenant près de trente ans, que l’on éloigne à une telle échelle la prise de décision des élus légitimes qui en ont la charge.

J’en viens au troisième désaccord de fond que nous avons sur ce texte.

Nous pouvons comprendre, monsieur le secrétaire d’État, que vous êtes le représentant d’un gouvernement gérant un État impécunieux et financièrement exsangue, mais nous avons le regret de vous dire, en tant qu’élus nationaux représentant les collectivités territoriales, que nous ne pouvons accepter de cautionner un projet d’un montant de plus de 20 milliards d’euros qui n’est pas financé ou qui ne l’est qu’à la marge, via la valorisation foncière des terrains qui feront l’objet d’une opération d’aménagement ou de construction dans les périmètres concernés. Je dis « à la marge », car chacun sait que ces recettes ne procureront sans doute que quelques centaines de millions d’euros, peut-être 1 ou 2 milliards d’euros, sur les 30 milliards au moins que vous devrez rembourser en quarante ans, c'est-à-dire les 20 milliards d’euros de capital emprunté auxquels viendront s’ajouter les intérêts.

Certes, l’article 1er de ce projet de loi, dans sa nouvelle rédaction, dispose que ce financement sera assuré par l’État. Mais, en même temps, pour alimenter les caisses de la Société du Grand Paris, vous ne résistez pas à la tentation d’alourdir les charges du STIF en appliquant l’imposition forfaitaire des entreprises de réseau au matériel roulant utilisé sur les lignes de transport en commun de voyageurs en Île-de-France.

Bref, nous avons tout lieu de craindre que le financement de ce nouveau réseau ne soit partagé avec les collectivités locales de façon bien plus importante que vous ne le dites maintenant.

Vous aurez compris que ce texte ne nous convient absolument pas. Pourtant, dans cette idée généreuse de Grand Paris, une autre voie était possible : celle d’un partenariat loyal et fécond entre l’État et les collectivités territoriales, partenariat que nous avons réclamé pendant des mois sans être entendus. Cette voie n’est pas un rêve, ni une idée fumeuse. Elle avait même trouvé une incarnation : le rapport de notre collègue député Gilles Carrez, qui faisait consensus sur l’essentiel.

L’essentiel, c’est la redéfinition du réseau de transports francilien en intégrant votre double boucle, mais aussi le contrat de projets État-région dans sa dimension « transports », et le plan de mobilisation de la région et des départements franciliens.

L’essentiel, c’est aussi un phasage prévisionnel crédible, avec une première étape jusqu’en 2025, conciliant l’impératif économique et l’urgence pour les Franciliens.

L’essentiel, c’est encore un plan de financement, tout aussi crédible, sur le plan tant de l’investissement que du fonctionnement.

L’essentiel, enfin, c’est une gouvernance originale de la mise en œuvre de ce nouveau réseau par la création d’une nouvelle entité juridique distincte du STIF, dans laquelle l’État aurait d’ailleurs pu être majoritaire, mais qui aurait partagé avec le STIF sa direction et ses équipes techniques, ce qui aurait à l’évidence permis d’optimiser la cohérence des projets de l’État et des collectivités locales.

Ce schéma, monsieur le secrétaire d’État, vous n’avez pas voulu en entendre parler, pas plus d’ailleurs que le rapporteur de notre commission spéciale, que je tiens néanmoins à remercier de la quantité et de la qualité des auditions qu’il a menées.

Vous persévérez aujourd’hui dans une volonté recentralisatrice de mise à mal des compétences légales et des projets des collectivités territoriales. Vous le faites en outre dans un contexte très particulier. Qui, sinon le Président de la République, a décidé de transformer les élections régionales franciliennes en une sorte de référendum sur les transports et sur votre vision du Grand Paris ? Vous conviendrez, monsieur le secrétaire d’État, que ce référendum, vous l’avez perdu. Et de quelle manière ! Et pourtant, vous décidez aujourd’hui de continuer sur la voie que les électeurs ont rejetée.

À élections régionales, conséquences régionales, nous avait-on dit. Et pourtant, ce que nous vivons avec le maintien de ce texte, et même son aggravation, c’est plutôt : à élections régionales, oukase national ! À l’ignorance des collectivités locales et de leurs élus, vous ajoutez le déni de démocratie vis-à-vis des électeurs.

Mes chers collègues, il me faut conclure. Je le ferai en quelques mots.

Stratégie économique erronée parce que trop partielle et trop datée, empiétement inacceptable de l’État sur les compétences des collectivités locales, aventurisme financier, refus de tirer les leçons pourtant claires d’un scrutin qui date de moins d’un mois : voilà autant de raisons de vous demander de retirer ce texte et d’en écrire un autre qui pourrait être fondateur d’un partenariat inédit entre l’État et les collectivités franciliennes, un partenariat fondé sur le respect mutuel et le principe de la codécision. Pour notre part, nous sommes prêts à y contribuer.

Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Si j’avais été un jeune sénateur frais émoulu du suffrage sénatorial, et si je ne siégeais pas au sein de cette assemblée depuis 1977, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.... j’aurais été impressionné par le propos de M. Caffet.

Sourires

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Je reprendrai les quatre points de son argumentation, qui sont bien présentés, mais qui passent un peu à côté, malheureusement, du texte dont nous débattons.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

S’agissant du diagnostic, tout d’abord, nous constatons tous que la croissance de la région d’Île-de-France est inférieure à la croissance nationale, et surtout inférieure à celle de toutes les autres grandes villes comparables.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Jean-Pierre Fourcade, rapporteur.Si ! La croissance est beaucoup plus forte dans les zones situées à l’extérieur de la région qu’à l’intérieur.

Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Nous pensons, comme le Gouvernement, que le fait de favoriser la mobilité en mettant en place un système de transport moderne et « bouclé » – et j’insiste sur ce dernier point ! – est un élément très important, qui doit être associé aux clusters et aux pôles de développement, à la reprise des pôles de compétitivité, lancés et développés il y a quelques années, et surtout à la valorisation, dans le cadre de la réforme des universités, de l’ensemble du réseau universitaire, et notamment de l’opération Campus du plateau de Saclay. En fait de diagnostic, ces trois points sont très importants.

Monsieur Caffet, lorsque je lis le contrat de projets État-région en matière de transports, que j’ai sous les yeux, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

j’y vois seulement du saupoudrage : le lancement de seize petites opérations, dont la plus importante est d’un montant de 350 millions d’euros, des études, des opérations de fret, des opérations interrégionales… Saupoudrage que tout cela !

Mes chers collègues, je répondrai à votre diagnostic que l’on ne règle pas un problème de transport avec du saupoudrage d’investissements !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Laissez-moi poursuivre, monsieur Bodin : je n’ai pas interrompu M. Caffet ! Et nous avons eu suffisamment d’échanges autrefois pour que vous puissiez me laisser achever mon propos aujourd’hui.

La méthode gouvernementale a tout d’abord été quelque peu brutale, je vous le concède, notamment lors de la présentation du projet de loi initial.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Mais l’Assemblée nationale a considérablement amélioré ce texte initial, et notre commission spéciale, dont vous fûtes un membre éminent, monsieur Caffet, a fait de même en prévoyant une enquête publique pour les contrats de développement territorial, une meilleure organisation de la Commission nationale du débat public, et la mise en place de méthodes permettant d’aboutir à un résultat plus satisfaisant.

Vous avez parlé de conditions « exécrables ». De tels mots n’ont pas leur place dans cette enceinte ! Ce terme me semble hors de proportion et je m’étonne qu’un homme tel que vous l’utilise. Et dire que l’on m’a reproché d’avoir employé l’expression : « Circulez, il n’y a rien à voir ! »...

Sourires sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Vous avez dit également que l’État était impécunieux et que vous n’accordiez pas foi aux propos tenus au début de la séance par M. le secrétaire d’État.

Mais enfin, monsieur Caffet, tous les pays « normaux » ont pour habitude d’emprunter pour financer leurs investissements. Autant il est anormal que l’emprunt serve essentiellement à couvrir des dépenses de fonctionnement, autant il est tout à fait normal, en revanche, de financer ainsi les investissements.

Avec de nombreux élus de mon camp, et je parle sous le contrôle de M. Cambon, j’ai bien connu la région d’Île-de-France : lorsque nous étions aux commandes de cette région, le budget d’investissement était le double du budget de fonctionnement.

M. Christian Cambon opine. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Que constatons-nous depuis douze ans ? Le budget de fonctionnement est deux fois supérieur au budget d’investissement. La région a nettement ralenti l’investissement !

Applaudissements sur les travées de l ’ UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Nicole Bricq

Nous sommes au Sénat ! Nous ne faisons pas une campagne électorale !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

M. Caffet n’ayant pas fait dans la nuance, je suis obligé de lui répondre !

Vous avez enfin indiqué, mon cher collègue, que vous étiez favorable à un partenariat loyal et fécond. Je le crois possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Je vous le concède, le projet Arc Express est compliqué. Nous l’évoquerons avec M. le secrétaire d’État lors de l’examen de l’article 3.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Je le répète, un partenariat loyal et fécond me paraît possible, à condition que le schéma directeur soit remodelé et complété, et que soit trouvé un mécanisme permettant l’intégration de l’ensemble des systèmes. Mais le présent contrat de projet, assorti d’un saupoudrage de crédits, n’est pas adéquat. En réalité, le contrat de projet État-région doit prévoir le prolongement de la ligne Éole jusqu’à La Défense et celui de la ligne 14 vers le nord. Qui a d’ailleurs lancé la réalisation de ces lignes ? C’est nous !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

J’entends encore les critiques que nous avons subies au sujet de ces deux systèmes de transport se croisant sous la gare Saint-Lazare !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Enfin, monsieur Caffet, vous avez évoqué les élections. Pour ma part, j’ai participé à de nombreuses élections régionales.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Fourcade

Or, lorsque nous avons remporté celles de 1992, je ne me souviens pas que le gouvernement, alors de gauche, et la majorité de l’Assemblée nationale aient tenu compte de notre victoire. Alors, ne nous racontez pas d’histoires !

Le présent projet de loi comporte trois éléments principaux.

Le grand métro automatique sera financé par une dotation en capital de 4 milliards d’euros et par des investissements réalisés par le biais d’emprunts. Relevons une séparation tranchée entre le financement des investissements nouveaux et la participation de l’État à un contrat de projet plus sérieux que celui que j’ai entre les mains.

Par ailleurs, il est urgent de résoudre l’affaire du plateau de Saclay. En effet, il faut permettre aux petites entreprises de biotechnologie ou aux sociétés implantées dans un pôle de compétitivité de type Systematic ou Medicen qui veulent revenir en France après s’être installées aux États-Unis ou en Grande-Bretagne de le faire, grâce à l’apport du crédit d’impôt recherche.

Pour toutes ces raisons, la commission spéciale est défavorable à la motion n° 1 tendant à opposer la question préalable.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l ’ UMP et de l ’ Union centriste.

Debut de section - Permalien
Christian Blanc, secrétaire d'État

Même avis, madame la présidente.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Je souhaite indiquer pour quelles raisons les membres du groupe CRC-SPG soutiendront la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues du groupe socialiste.

En ce début du xxie siècle, les métropoles deviennent un défi majeur pour les peuples.

En effet, il faut bien reconnaître que, en tout lieu, leur constitution engendre non seulement richesses et potentialités, mais aussi lourds déséquilibres, inégalités et incapacité à répondre aux besoins du plus grand nombre.

Le projet du Grand Paris met en lumière deux questions : dans quelle région voulons-nous vivre ? Quel type de développement devons-nous privilégier pour favoriser un « vivre ensemble » à la fois écologique, solidaire et citoyen ? Il s’agit bien, en effet, de définir la société dans laquelle nous voulons vivre.

Indéniablement, les aspirations à un « mieux vivre » sur un territoire partagé, fondé sur la solidarité, respectueux de l’environnement, participant à la construction du monde, sont fortes.

Mais force est de constater que, loin de réduire les déséquilibres et les inégalités territoriales, le projet de loi relatif au Grand Paris va les aggraver et accélérer la marche dans la voie d’une mondialisation libérale, hypothéquant ainsi l’avenir. Ce sont les femmes et les hommes les plus modestes, doublement touchés par la crise et par les répercussions de la politique du Gouvernement, qui vont en faire les frais. Personne n’est dupe !

En effet, en dépit d’un exposé des motifs tissé de bonnes intentions, le projet de loi met en scène une recentralisation des pouvoirs entre les mains de l’État, via la Société du Grand Paris, un dessaisissement des collectivités territoriales et de leurs élus, un développement assis sur la spéculation foncière, qui ne pourra que renforcer l’exclusion des plus défavorisés. Il constitue une arme redoutable contre la mixité sociale, pourtant essentielle au regard de la solidarité territoriale.

Comment ne pas voir que ce texte s’inscrit dans un ensemble plus vaste et cohérent de réformes conduites par le Gouvernement ? Toutes modifient profondément la gouvernance de notre pays et mènent à restreindre toujours davantage la dépense et la responsabilité sociales et publiques pour faire la part belle à de grands groupes privés.

Le présent projet de loi ne concerne pas seulement le secteur des transports. Il amorce une recomposition profonde de la région-capitale, région stratégique s’il en est dans une Europe de la concurrence. Il n’a nullement pour objet de permettre la nécessaire amélioration des transports, de désenclaver des territoires, de relier les banlieues entre elles, de rééquilibrer l’est et l’ouest de la région. En réalité, il vise à connecter des centres d’affaires et financiers, dont celui de La Défense, parallèlement à la mise en place de pôles de compétitivité qui, en absorbant et en concentrant toutes les richesses, ne manqueront pas d’accroître les déséquilibres que l’on prétend réduire.

La Société du Grand Paris, pilotée par l’État, bénéficierait d’un droit de préemption foncière autour de la quarantaine de gares que comporterait le Grand huit, pour une superficie équivalente à quatre fois celle de Paris. En définitive, les élus locaux perdraient la main sur ce territoire en matière d’urbanisme et d’aménagement, notamment. Dès lors, comment voir dans le présent projet de loi une réponse au défi de la coopération, de la mutualisation dans l’intérêt du plus grand nombre sur des territoires solidaires ?

L’échelon régional et le schéma directeur de la région d’Île-de-France, le SDRIF, pourtant élaboré démocratiquement, sont complètement niés. Monsieur le rapporteur, un partenariat fécond ne saurait en aucun cas naître d’un texte piétinant le SDRIF !

Enfin, le financement global de ce projet demeure hypothétique et flou. L’État avancerait, en effet, 4 milliards d’euros à la Société du Grand Paris pour amorcer le lancement d’emprunts qui seraient remboursés notamment grâce au produit d’une taxe assise sur la plus value-foncière issue de la valorisation des terrains devant être aménagés autour des gares du futur métro. La majorité, on le voit bien, n’a guère tiré de leçons de la crise financière ! De surcroît, rien n’est vraiment prévu pour le financement du fonctionnement du futur métro, sinon qu’il sera assumé par le STIF.

Le projet du Grand Paris ne répond donc à aucun des enjeux majeurs pour notre région : le logement, le transport, l’emploi, la coopération, la mobilisation en faveur de l’environnement, la construction d’un développement économique solidaire. Il fait l’impasse sur la réflexion en vue d’instaurer un type de développement comportant une articulation nouvelle entre emploi, habitat, agriculture et alimentation. Il ne peut en résulter que de nouvelles inégalités pour nos concitoyens.

Pour toutes ces raisons, les membres du groupe CRC-SPG voteront en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable présentée par nos collègues socialistes.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC-SPG et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour explication de vote.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Monsieur le rapporteur, bien que n’ayant pas votre ancienneté – je ne suis sénateur que depuis 2004 –, j’ai tout de même eu le temps d’apprendre un certain nombre de choses en siégeant dans cette enceinte…

En ce qui concerne le diagnostic, je ne connais pas les taux de croissance respectifs des différentes capitales, mais il convient d’être prudent quand on s’engage dans un tel débat. Ce matin, par exemple, j’ai entendu affirmer que le taux de croissance de Londres s’élevait à 8, 5 % depuis des années… Cela me fait plutôt sourire !

Néanmoins, supposons que la croissance parisienne soit inférieure à celle de New York ou de Londres : le problème n’est pas là ! À mes yeux, le diagnostic ne se résume pas à une comparaison de taux de croissance. En réalité, le développement économique d’une métropole est un phénomène beaucoup plus complexe que vous ne le dites. Pour notre part, nous ne pensons pas qu’il suffira de construire une ligne de métro automatique de 130 kilomètres reliant neuf pôles de développement de l’Île-de-France pour doubler le taux de croissance francilien. Ce n’est pas vrai ! Si la solution était aussi simple, pourquoi n’y aurait-on pas déjà pensé ? Ne nous faites pas l’injure de croire que nous ne savons pas réfléchir ni lire ! Je pourrais me référer à des rapports savants, tels ceux du Conseil d’analyse économique, ou aux études de Paul Krugman, prix Nobel d’économie, qui juge que la mise en place de clusters peut être intéressante, mais qu’il ne faut pas en attendre de miracles. Ne nous prenez donc pas pour des demeurés en matière économique !

Par ailleurs, vos propos sur les contrats de plan État-région m’inquiètent, monsieur le rapporteur. J’avais cru comprendre, lors de nos discussions en commission, que vous vouliez vous-même les réintroduire dans le texte dès l’article 1er, or vous soutenez aujourd’hui qu’ils ne servent rigoureusement à rien, parce qu’ils se bornent à une sorte de saupoudrage. Si telle est votre opinion, nous sommes vraiment très mal partis !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

Il me semblait que la majorité sénatoriale voulait mettre l’accent sur les contrats de plan État-région, mais si finalement nos collègues ne voient d’avenir que dans la double boucle, je tiens à les appeler à la prudence…

Monsieur le rapporteur, vous avez eu raison de souligner que le premier projet était très inquiétant, mais, pour ma part, je considère que le second l’est tout autant ! L’adoption d’un amendement visant à exclure toute possibilité de débat public sur les projets de la région est absolument scandaleuse !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

J’espère que nous pourrons revenir sur cette disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

M. Jean-Pierre Caffet. L’examen de la première version du texte par le Conseil d’État et l’Assemblée nationale a permis d’amodier singulièrement un dispositif qui était inacceptable pour les collectivités territoriales. Il ne faudrait pas que l’on revienne sur ces acquis au cours de notre débat !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC -SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

J’ai été saisie de deux demandes de scrutin public, émanant l’une du groupe socialiste, l’autre de la commission spéciale.

Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable, ainsi que celui du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

Le scrutin a lieu.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

Il est procédé au dépouillement du scrutin.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici le résultat du scrutin n° 169 :

Nombre de votants339Nombre de suffrages exprimés338Majorité absolue des suffrages exprimés170Pour l’adoption152Contre 186Le Sénat n'a pas adopté.

Mme Catherine Tasca s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Le Grand Paris est un projet urbain, social et économique d'intérêt national qui unit la ville de Paris et les grands territoires stratégiques de la région d’Île-de-France et promeut le développement économique durable, solidaire et créateur d’emplois de la région capitale. Il vise à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux au bénéfice de l'ensemble du territoire national. Les collectivités territoriales et les citoyens sont associés à l’élaboration et à la réalisation de ce projet.

Ce projet s’appuie sur la création d'un réseau de transport public de voyageurs dont le financement des infrastructures est assuré par l’État.

Ce réseau s'articule autour de contrats de développement territorial définis et réalisés conjointement par l'État, les communes et leurs groupements. Ces contrats participent à l’objectif de construire chaque année 70 000 logements géographiquement et socialement adaptés en Île-de-France et contribuent à la maîtrise de l'étalement urbain.

Le projet du Grand Paris favorise également la recherche, l’innovation et la valorisation industrielle au moyen de pôles de compétitivité et du pôle scientifique et technologique du Plateau de Saclay dont l’espace agricole est préservé.

Dans cette perspective, l’élaboration du réseau organisant les transports dans la région d’Île-de-France doit prendre en compte les interconnexions à mettre en place avec l’ensemble du réseau ferroviaire et routier national afin de permettre des liaisons plus rapides et plus fiables entre chacune des régions de l’hexagone et éviter les engorgements que constituent les transits par la région d’Île-de-France.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Brigitte Gonthier-Maurin

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, cet article pose l'objet de la démarche du Grand Paris : la réalisation conjointe par l'État et les collectivités d'un projet urbain, social et économique associant les citoyens et tendant à réduire les déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux. Il met également en exergue la nécessité d’une lutte contre l'étalement urbain et celle d'une offre de logement adaptée, au travers notamment de l'objectif de construction annuelle de 70 000 logements, inscrit dans le texte par la commission spéciale.

Cet article prévoit en outre de confier à l'État le financement du réseau de transport public de voyageurs, sans en préciser toutes les modalités ni les conditions. En effet, il est simplement question d'une dotation de 4 milliards d'euros pour lancer le projet. Les mécanismes de remboursement de l’emprunt sont flous. C'est donc la porte ouverte à la valorisation des terrains attenants aux gares et à de nouvelles sources de financement qui seraient affectées à la Société du Grand Paris, échappant ainsi à toute péréquation régionale.

Cette déclaration d'intention est donc en profond décalage, voire en contradiction, avec le reste du texte.

Premièrement, les citoyens ne seront associés que ponctuellement au débat public, et non de manière continue.

Deuxièmement, dans le dispositif présenté, la place des collectivités est secondaire. Ainsi, elles seront minoritaires au sein du conseil de surveillance de la Société du Grand Paris : dès lors, comment parler d'une réalisation conjointe ?

Troisièmement, la lutte contre l'étalement urbain ne peut passer par la création d'une chenille d'expropriation et d'urbanisation autour du Grand huit.

Quatrièmement, la question du logement n'est traitée qu'à la marge dans la quasi-totalité des articles, alors même qu'il s'agit d'un enjeu majeur sur le territoire francilien. Le déficit de logements est en effet l'une des causes principales de l'allongement des parcours de transport en Île-de-France. On ne peut donc obtenir une amélioration de l'offre de transport sans un renforcement des dispositifs en faveur de la construction de logements publics. Il convient, en particulier, de faire respecter la loi SRU.

On nous présente ce texte comme le symbole du réinvestissement de l'État dans la région-capitale, notamment sur le plan financier. Il s'agit en réalité de confisquer l'intérêt général au profit du privé. Ainsi, ce texte organise la spéculation foncière autour des gares. L'aménagement du territoire sera repris en main par l'État, qui fera appel au privé. Le métro en rocade n'aura d'utilité et de pertinence qu'en termes de déplacements travail-travail, et non travail-habitat : il servira donc les hommes d'affaires ! Comment ne pas voir, dans ces conditions, qu'il s'agit fondamentalement d'un détournement de l'intérêt général ?

Ce que nous demandons à l'État, ce n’est pas de faire un coup d'éclat avec un texte, c'est de cesser de se désengager des politiques publiques. Transport, logement, éducation : tous ces budgets sont en constante régression ; les services publics sont aujourd'hui en souffrance.

Favoriser la réduction des inégalités sociales et territoriales en Île-de-France passe nécessairement par un maillage fin du territoire, la présence de services et d'équipements publics, une politique industrielle ambitieuse, et non par la création d'un métro automatique, la réduction des dépenses publiques et la suppression de postes de fonctionnaires.

Les difficultés auxquelles la région-capitale est aujourd'hui confrontée en termes de développement sont également très liées à la désindustrialisation de son territoire. Une véritable réflexion doit être lancée sur ce sujet.

Comprenons-nous bien : nous ne sommes pas opposés à une intervention de l'État en Île-de-France. Elle doit cependant s’inscrire dans le cadre de ses compétences, et non être utilisée pour empiéter sur celles des collectivités, et donc des instances de démocratie de proximité. Les cadres de réflexion et d'action pour penser l'avenir de la région-capitale existent déjà : ce sont les collectivités territoriales, le conseil régional ou encore le syndicat Paris Métropole. L'État n'en est pas exclu. Il est même censé garantir l'intérêt général national, et peut donc jouer un rôle majeur, via des contrats de projet État-région, ainsi que par son poids décisif dans les travaux du schéma directeur.

Or l’attitude de l’État a jusqu’à présent été paradoxale. Non content de ne pas honorer ses engagements au titre des contrats de plan, il a également fait le choix de bloquer le schéma directeur, élaboré au terme d'un long débat démocratique. Je profite de cette occasion pour renouveler notre souhait que ce document du SDRIF soit enfin transmis au Conseil d'État.

Oui, il faut donc bien un projet pour l'Île-de-France, mais il doit être construit avec les habitants et leurs élus, et non dans la précipitation.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, sur l'article.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Caffet

À nos yeux, le premier article d’un texte doit poser un cadre général et définir de grandes orientations. Or notre désaccord de fond avec la philosophie d’ensemble de ce projet de loi est tel que nous ne saurions proposer d’amender son article 1er.

Cela étant, rarement le premier article d’un projet de loi aura connu autant de vicissitudes : nous en sommes à la quatrième version !

La première d’entre elles, remontant au 27 août 2009, faisait état d’une triple exigence : satisfaire les besoins immédiats de nos concitoyens ; apporter des réponses appropriées aux principaux défis économiques, sociaux et environnementaux ; décloisonner les approches.

Un mois plus tard, l’article présenté en conseil des ministres avant le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale tenait en une seule phrase : « Le projet du Grand Paris a pour objet de susciter, par la création d’un réseau de transport public de voyageurs unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d'Île-de-France, un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales, qui bénéficiera à l’ensemble du territoire. »

Ce texte avait au moins le mérite de la simplicité et la vertu de la vérité, hormis la fable selon laquelle les projets seraient définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales. En effet, il était clairement énoncé que le projet du Grand Paris consistait simplement en la création d’un réseau de transport public censé unir les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, les autres pouvant a priori attendre !

Après que l’Assemblée nationale eut adopté une troisième version, une quatrième, élaborée par notre commission spéciale, nous est aujourd’hui soumise, qui introduit – chose tout à fait incroyable ! – un objectif de construction de 70 000 logements par an. Or, outre que cet article n’a bien évidemment aucun caractère normatif, nous avons appris cet après-midi, par une dépêche de l’Agence France-Presse, que le Gouvernement s’apprête à déposer un amendement tendant à supprimer l’article 19 bis, c’est-à-dire le seul article du projet de loi véritablement consacré au logement – il constitue d’ailleurs un titre à lui seul !

En résumé, quatre versions successives et complètement contradictoires d’un article censé définir la politique du Gouvernement pour le Grand Paris ont été élaborées… J’ai le sentiment que le Gouvernement navigue à vue sans savoir où il va. C’est pourquoi j’estime que nous avons bien fait de ne pas tenter d’amender cet article 1er, dont Mmes Voynet et Assassi ont peut-être finalement raison de demander la suppression pure et simple.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC-SPG.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Bodin

Il apparaît, à la lecture de cet article 1er, que le Gouvernement entend présenter le Grand Paris comme un grand projet pour l’Île-de-France, comme on avait d’ailleurs déjà pu le comprendre lors de la campagne des élections régionales.

Or la réalisation d’un tel projet implique nécessairement un rééquilibrage vers l’Est de notre région. À cet égard, la grande question est celle de l’équilibre entre habitat et emploi. Le chemin est long, puisque le ratio entre emplois et logements est pour l’heure de 0, 6 dans la ville nouvelle de Sénart, par exemple !

Si l’on a une véritable ambition pour l’Île-de-France, il convient certes de mettre en valeur les « territoires stratégiques » mentionnés à l’article 1er, mais sans oublier pour autant les zones périphériques. Cela concerne notamment la formation, l’implantation d’universités ou de pôles de recherche. Ainsi, en Seine-et-Marne, le taux de bacheliers suivant des études supérieures est actuellement inférieur à la moyenne nationale.

Or le projet du Grand Paris ne répond en rien à ces urgences. Exception faite du pôle Champs-sur-Marne-Cité Descartes, la localisation des pôles d’excellence exclut l’est de l’Île-de-France, particulièrement le département de la Seine-et-Marne. La seule zone d’activité privilégiée est celle de Roissy-en-France, rien n’étant prévu, au Sud, pour Sénart, Melun-Sénart ou Melun-Villaroche.

Dans ces conditions, en quoi la Seine-et-Marne, qui représente la moitié de la superficie de notre région, est-elle concernée par le projet du Grand Paris ? Pour un habitant de ce département, le Grand Paris, c’est une ligne de métro qui passera là-bas, au cœur de l’agglomération. Or nous attendons des emplois, de la formation, des équipements de santé, une revitalisation, en particulier dans nos zones rurales désertées, qui connaissent une paupérisation.

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi êtes-vous allé présenter votre projet à Provins, voilà quelques mois ? Je me souviens parfaitement des interrogations formulées, à l’issue de la réunion, par les personnes qui étaient venues vous écouter : « En quoi sommes-nous concernés ? On nous a juste parlé d’une ligne de métro devant passer à une centaine de kilomètres d’ici. En quoi le Grand Paris, supposé être un projet pour l’Île-de-France, nous concerne-t-il ? » Je puis en témoigner, beaucoup étaient atterrés. D’ailleurs, vous en avez sans doute pris conscience, puisque vous avez organisé une séance de rattrapage à Marne-la-Vallée, seul secteur du département directement concerné par votre projet…

On ne peut donc présenter le Grand Paris comme un projet pour l’ensemble de l’Île-de-France. Cela est totalement faux, puisque rien n’est prévu pour près des deux tiers du territoire de la région. Reprenant une formule célèbre, quelqu’un a même parlé du fameux métro comme d’un « machin »…

En définitive, nous ne comptons pour rien. Je suivrai attentivement les débats, monsieur le secrétaire d’État, mais sachez que la déception des habitants de la Seine-et-Marne est grande. Cela devrait nous conduire à voter non seulement contre le présent article 1er, mais également contre les suivants.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Voynet

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d'État, mesdames, messieurs, je voudrais prolonger le débat qui s’est engagé tout à l’heure d’une manière assez brutale et presque caricaturale entre M. Fourcade et M. Caffet.

Non, monsieur le rapporteur, il n’y a pas, d’un côté, ceux qui auraient de l’ambition pour l’Île-de-France, et, de l’autre, ceux qui se contenteraient d’un saupoudrage ! Sur des sujets aussi complexes, il est difficile d’affirmer de manière péremptoire que certaines politiques fonctionnent et d’autres pas.

Je me souviens de la phrase terrible qui ouvrait le rapport d’activité pour 2004 de la DATAR, qui célébrait alors son quarantième anniversaire. Cet organisme reconnaissait qu’il était à peu près impossible de tirer réellement le bilan de quarante années de politiques d’aménagement du territoire. Selon ce rapport, la situation aurait peut-être été plus difficile encore si de telles politiques n’avaient pas existé. C’était là une manière quelque peu étrange d’affirmer leur efficacité…

Vaut-il mieux concentrer les efforts sur les territoires qui manifestent encore de la vitalité, qui disposent d’équipements de recherche, de cerveaux, de projets, ou investir davantage dans ceux qui, se trouvant dans une situation plus difficile, ne peuvent espérer tirer seuls leur épingle du jeu ? Au cours des quarante dernières années, les habitudes et les conceptions ont évolué.

Des générations d’étudiants sont allées étudier dans le nord de l’Italie les systèmes productifs locaux, les SPL, les clusters et les pôles de compétitivité. On constate souvent l’efficacité d’un système de coopération, peaufiné au cours du temps, qui est fondé sur la confiance entre acteurs locaux, l’adéquation fine des productions aux besoins, la réactivité des sous-traitants et la curiosité des fournisseurs. Il est difficile de reproduire cela de manière autoritaire, surtout quand on est confronté à la misère de l’évaluation et qu’on se bat simplement à coups de concepts et d’idéologies.

Quand on veut bien examiner ce qui se passe réellement sur le terrain dans nos départements, on constate que la plupart des emplois sont aujourd’hui créés par des PME, et même par de petites entreprises, innovantes ou traditionnelles, dans les secteurs du bâtiment, des métiers de bouche ou des services rendus à la personne. En ce qui concerne les grandes entreprises, les emplois relèvent davantage des fonctions supports, de la logistique ou des services que des activités de recherche.

Je ne dis pas que votre démarche n’a pas de sens, mais j’estime qu’au lieu de se battre à coups de caricatures, il convient d’étudier de près ce qui peut servir la dynamique de développement des territoires. Il en va de cette politique comme de la politique sociale : des mesures sont efficaces à certains endroits quand toutes les conditions sont réunies, d’autres ne le sont pas. En tout état de cause, il ne me semble pas que la DATAR ait jamais considéré, en quarante années d’activité, qu’un « super métro » reliant des pôles économiques puisse contribuer aussi peu que ce soit au développement de territoires quand les logements, les services publics, les équipements hospitaliers, éducatifs ou culturels ne sont pas au rendez-vous.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l’article.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Monsieur le secrétaire d’État, l’article 1er, notamment son premier alinéa, mérite une attention particulière, car il est la clé de notre incompréhension mutuelle.

Le gouvernement auquel vous appartenez a malheureusement pris l’habitude de parsemer ses textes de propos incantatoires qui pourraient créer autant d’espoirs que de vives désillusions.

En effet, il y a tout dans cet article 1er : chacun en a sa part, et tous l’ont en entier. Il annonce tout à la fois un développement économique durable, solidaire, créateur d’emplois, la réduction des déséquilibres sociaux, territoriaux et fiscaux et, par surcroît, l’association des collectivités territoriales et des citoyens. C’est trop beau ! Mais il s’agit bel et bien d’un pur effet d’annonce, et la suite du texte démontre amplement que cela ne va pas au-delà. Dès lors, ne vous étonnez pas de susciter un profond sentiment de défiance.

La loi – faut-il le rappeler ? – n’est pas un exercice déclaratoire. Elle doit être normative, et non pas votive. Elle doit créer des obligations concrètes dont le Parlement et les citoyens doivent pouvoir juger. La suite du débat montrera, malheureusement, que votre texte n’atteint pas cet objectif.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Monsieur le secrétaire d’État, pourquoi n’assumez-vous pas le fait que le Grand Paris est un projet de transport, point final ! Les premières versions du texte en témoignent.

Quelle que soit la dénomination retenue, Paris Métropole ou Grand Paris, la plupart des acteurs, toutes tendances politiques confondues, commençaient à être convaincus de la nécessité de penser une « ville-monde », une agglomération dans toute sa complexité, avec ces dimensions fondamentales que sont, notamment, le transport et le logement, en vue d’un développement durable.

Mais vous êtes venu casser ce consensus naissant en prétendant régler l’ensemble des problèmes à partir d’un projet de transport, le Grand huit, le reste devant suivre !

Politiquement, cependant, cela faisait un peu court, notamment pour s’adresser, lors de la campagne des élections régionales, aux citoyens confrontés aux difficultés de la vie dans l’agglomération parisienne. Les élus locaux, même ceux de l’UMP, savent bien que les problèmes de l’Île-de-France ne pourront pas être réglés par le seul Grand huit. La question est bien plus complexe, et un maillage d’une tout autre envergure s’impose, y compris en matière de transports.

Alors vous faites de la politique un peu à la manière du Président de la République : vous présentez un article dont le premier alinéa est consensuel, manifeste l’ambition de mettre en œuvre un véritable projet d’agglomération, en espérant que l’arbre suffira à cacher la forêt… Mais tout le reste vient contredire cet article, y compris ce fameux objectif affiché de construction de 70 000 logements par an, puisqu’un amendement du Gouvernement visera à supprimer l’article 19 bis, le seul du projet de loi consacré au logement.

M. le secrétaire d’État fait un signe de dénégation.

Debut de section - Permalien
Christian Blanc, secrétaire d'État

Je vais vous répondre.

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

En tout état de cause, le premier alinéa de l’article 1er aurait pu définir le cadre d’un projet du Grand Paris prenant en compte tous les aspects du développement d’une métropole. Il est dommage qu’il n’en soit pas ainsi et qu’il ne s’agisse en fait, comme le montrera la suite du débat, que de nous imposer d’en haut à tout prix un métro souterrain, un Grand huit, qui viendra de plus contrecarrer un projet en cours et un débat public que vous entendez empêcher par l’adoption de ce projet de loi.

J’espère que, sur ce dernier point au moins, monsieur le secrétaire d'État, nous aurons une bonne surprise d’ici à la fin de ce débat… En effet, on ne peut pas dire, comme l’a fait tout à l’heure M. Fourcade, que l’on est prêt, notamment au sujet de l’Arc Express, à rechercher des solutions plus harmonieuses, et prévoir en même temps, grâce à M. Pozzo di Borgo, dont je salue la contribution

Sourires. – M. Jean-Pierre Caffet applaudit

Debut de section - PermalienPhoto de Bariza Khiari

La rédaction initiale de l’article 1er, avant le passage sous les fourches caudines de l’Assemblée nationale puis du Sénat, brillait par sa modestie et son manque de vision, comme l’a souligné M. Caffet. Ce fait suffirait sans doute à témoigner du manque patent d’ambition dont souffre globalement le texte.

Dans sa version actuelle, l’article 1er, de portée désormais plus générale, fait référence à des problématiques métropolitaines plus nourries et ouvre sur une réflexion un peu plus aboutie.

Cependant, je reste dubitative, même s’il est certes fait mention de la nécessité de lutter contre les inégalités territoriales sur les plans sociaux et fiscaux, ainsi que de l’importance de combattre les déséquilibres qui caractérisent les métropoles contemporaines, notamment la dichotomie Est-Ouest s’agissant de l’Île-de-France. À cet égard, M. Bodin vient à l’instant de nous éclairer sur l’absence de rééquilibrage vers l’Est : comment un métro souterrain pourrait-il, à lui seul, remédier à la situation actuelle ?

Il existe, en revanche, un projet dont la finalité ultime est la constitution d’une aire métropolitaine plus solidaire, à la fois attractive et ambitieuse : le schéma directeur de la région d’Île-de-France, qui a fait l’objet d’études minutieuses et d’une concertation poussée. Ce travail a été approuvé par la région, par une majorité des départements et par de nombreuses collectivités territoriales. Pourtant, l’article 1er reste silencieux à son sujet, ce qui est difficilement compréhensible. D’un côté, on affirme qu’il s’agit, par le présent texte, d’unir Paris, les villes environnantes et l’État ; de l’autre, on nie le travail des différents acteurs.

En fait, nous ne comprenons que trop bien : l’article 1er mentionne des principes sur lesquels l’État s’assoira par la suite. Il ne s’agit que d’un énoncé déclaratif d’apparat. La suite du texte, qui est la négation pure et simple de cet article, m’incite à m’exprimer contre ce dernier. Nous refusons de cautionner une recentralisation déguisée se parant, à l’article 1er, des atours séduisants du développement durable et de la lutte contre les inégalités, avant de rejeter ces principes par la suite.

Debut de section - Permalien
Christian Blanc, secrétaire d'État

Je tiens à souligner que le Gouvernement n’a nullement déposé d’amendement de suppression de l’article 19 bis.

Debut de section - Permalien
Christian Blanc, secrétaire d'État

Si nous nous mettons à commenter les dépêches de l’AFP, les débats risquent de devenir encore plus compliqués qu’ils ne le sont déjà !

Debut de section - PermalienPhoto de David Assouline

Il s’agit tout de même d’une source sûre, pas comme le Canard enchaîné !

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Debut de section - PermalienPhoto de Monique Papon

Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 7 avril 2010, à quatorze heures trente et le soir :

1. Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif au Grand Paris (123, 2009-2010).

Rapport de M. Jean-Pierre Fourcade, fait au nom de la commission spéciale (366, 2009-2010).

Texte de la commission (n° 367, 2009-2010).

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

La séance est levée à vingt-trois heures cinquante.