À nos yeux, le premier article d’un texte doit poser un cadre général et définir de grandes orientations. Or notre désaccord de fond avec la philosophie d’ensemble de ce projet de loi est tel que nous ne saurions proposer d’amender son article 1er.
Cela étant, rarement le premier article d’un projet de loi aura connu autant de vicissitudes : nous en sommes à la quatrième version !
La première d’entre elles, remontant au 27 août 2009, faisait état d’une triple exigence : satisfaire les besoins immédiats de nos concitoyens ; apporter des réponses appropriées aux principaux défis économiques, sociaux et environnementaux ; décloisonner les approches.
Un mois plus tard, l’article présenté en conseil des ministres avant le dépôt du projet de loi sur le bureau de l’Assemblée nationale tenait en une seule phrase : « Le projet du Grand Paris a pour objet de susciter, par la création d’un réseau de transport public de voyageurs unissant les zones les plus attractives de la capitale et de la région d'Île-de-France, un développement économique et urbain structuré autour de territoires et de projets stratégiques identifiés, définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales, qui bénéficiera à l’ensemble du territoire. »
Ce texte avait au moins le mérite de la simplicité et la vertu de la vérité, hormis la fable selon laquelle les projets seraient définis et réalisés conjointement par l’État et les collectivités territoriales. En effet, il était clairement énoncé que le projet du Grand Paris consistait simplement en la création d’un réseau de transport public censé unir les zones les plus attractives de la capitale et de la région d’Île-de-France, les autres pouvant a priori attendre !
Après que l’Assemblée nationale eut adopté une troisième version, une quatrième, élaborée par notre commission spéciale, nous est aujourd’hui soumise, qui introduit – chose tout à fait incroyable ! – un objectif de construction de 70 000 logements par an. Or, outre que cet article n’a bien évidemment aucun caractère normatif, nous avons appris cet après-midi, par une dépêche de l’Agence France-Presse, que le Gouvernement s’apprête à déposer un amendement tendant à supprimer l’article 19 bis, c’est-à-dire le seul article du projet de loi véritablement consacré au logement – il constitue d’ailleurs un titre à lui seul !
En résumé, quatre versions successives et complètement contradictoires d’un article censé définir la politique du Gouvernement pour le Grand Paris ont été élaborées… J’ai le sentiment que le Gouvernement navigue à vue sans savoir où il va. C’est pourquoi j’estime que nous avons bien fait de ne pas tenter d’amender cet article 1er, dont Mmes Voynet et Assassi ont peut-être finalement raison de demander la suppression pure et simple.