Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 12 mai 2015 à 21h45
Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en france et en europe

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

… donnant un peu le sentiment d’avoir été produit par la commission des lois, ce qui est déjà pas mal. Pourtant, la composition hétérogène des membres de cette commission d’enquête a quelque peu été gommée.

Nous avions déjà débattu ici même d’un projet de loi contre le terrorisme. Nous avions en outre une idée de ce que serait le projet de loi relatif au renseignement, qui sera bientôt soumis à notre examen. Ne pouvions-nous dépasser quelque peu l’horizon des mesures envisagées par l’exécutif ? Faire en sorte que ce rapport ajoute une véritable plus-value à ce qui était en train de s’élaborer ?

La liste des personnes auditionnées comporte un nombre considérable d’institutionnels, ce qui est bien, mais, curieusement, un seul universitaire, Farhad Khosrokhavar, ainsi qu’Erin Saltman, chercheur associé à un think tank britannique. Aucun expert du Moyen-Orient véritablement digne de ce nom n’a été entendu, alors que nous formons de nombreux scientifiques en la matière, comme Olivier Roy. On leur a préféré des publicistes, compte non tenu de l’importance que revêt pour nous, ici, la situation dans cette région du monde.

Les « analyses » géopolitiques présentées semblent parfois devoir beaucoup à internet, n’offrant guère de consistance scientifique et analytique. Je l’ai dit en commission. Il suffit, pour se convaincre de la nécessité d’aller un peu au-delà de considérations fort convenues en matière de géopolitique, de lire des extraits des documents trouvés chez Haji Bakr – tué en 2014 –, ex-colonel irakien formé sous Saddam Hussein, planificateur de la prise du pouvoir de l’État islamique en Syrie, publiés par le journal allemand Der Spiegel. Pas à pas, méticuleusement, Haji Bakr a bâti l’architecture d’un État policier islamique stalinien. Daech, contrairement à Al-Qaïda, n’a rien de « religieux » dans sa façon d’agir, sa stratégie, ses renversements d’alliances sans scrupule, sa propagande soigneusement mise en scène. La religion est là une façade pour attirer tous ces jeunes en quête d’idéal, elle est un artifice au service du recrutement, non pas l’essence de cet État.

Malgré l’insistance de certains d’entre nous, dont Mme Assassi, il n’y a pas eu un seul déplacement dans les quartiers d’où émergent souvent les futurs djihadistes.

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