Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 12 mai 2015 à 21h45
Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en france et en europe

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

… aucun imam auditionné – juste un aumônier –, aucun éducateur, aucun associatif travaillant dans ces quartiers n’a été entendu, non plus que des policiers appartenant à la police de proximité. Voilà qui rend ce rapport fortement théorique – même si la théorie ne nous fait pas peur – et dangereusement dépendant des analyses à l’emporte-pièce d’une anthropologue-psychologue-déradicalisatrice, qui ne mérite peut-être pas tout le crédit qu’on lui accorde !

Pourquoi ne pas s’être directement adressé à des parents de jeunes radicalisés, pour certains fraîchement convertis à l’islam, pour mieux saisir le rôle que joue la religion dans leur embrigadement ? Des experts confirmés, sociologues, anthropologues, historiens, travaillant sur l’islam, sur le Coran et la Tradition, sur les radicalismes, auraient sans doute été plus utiles.

Rien ne justifie le terrorisme, mais on ne pourra l’éradiquer seulement par la répression. Sans prévention, il n’y a pas de remède. Or aucun des amendements proposés en la matière n’a été retenu. Lutte contre le décrochage scolaire, lutte contre les discriminations à l’éducation, à l’embauche, au logement, au faciès que subissent les jeunes nés en France dans des familles issues de pays musulmans ou du continent africain, mesures destinées aux quartiers difficiles, mesures visant à la réorganisation de l’islam de France, à la formation du personnel du culte musulman : tout cela est tombé au motif que le président de notre assemblée préparait un rapport pour le Président de la République, un rapport fort intéressant qui s’est finalement révélé peu fourni en propositions de cet ordre.

Permettez-moi pour finir, mes chers collègues, de reprendre – en en subvertissant un peu le sens – la célèbre formule de Rabelais : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme. » Moins technique, plus réflexif, nourri de plus de questionnements, ce rapport eût incontestablement été plus utile à ses utilisateurs éventuels. Je souhaite vivement en tout cas qu’il soit utilisé à bon escient, car il a demandé beaucoup d’efforts aux membres de la commission d’enquête.

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