Intervention de Nathalie Goulet

Réunion du 12 mai 2015 à 21h45
Débat sur les conclusions de la commission d'enquête sur l'organisation et les moyens de la lutte contre les réseaux djihadistes en france et en europe

Photo de Nathalie GouletNathalie Goulet :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, moi aussi je suis quelqu’un de simple : lorsque je ne suis pas contente, je le dis, et lorsque j’ai des observations à faire, je les fais. Il convenait de voter les conclusions de la commission d’enquête puisque nous sommes tous d’accord pour lutter contre les filières djihadistes, même si nous ne partageons pas l’ensemble des objectifs et des moyens pour y parvenir. Reste que le problème n’étant pas apparu en un jour, il ne se réglera pas non plus en un jour.

Monsieur le ministre, je veux appeler votre attention sur un seul sujet : le financement.

Lors du débat budgétaire sur les crédits de votre ministère, nous avions souligné que le mot « terrorisme » ne figurait sur aucun document. J’en ai parlé avec Alain Lambert, qui m’a indiqué tout à fait doctement que le Gouvernement pouvait créer une mission budgétaire pour suivre les flux financiers liés à la lutte contre le terrorisme. Il serait en effet intéressant pour le Parlement de suivre l’évolution de ces dépenses, par exemple celles décidées dans le cadre du projet de loi relatif au renseignement.

Par ailleurs, je préconise la création d’un ambassadeur dédié. Chacun sait ici que je fais la guerre aux ambassadeurs thématiques, qui ne servent à rien. Or un ambassadeur dédié, tel que celui qui existe aux États-Unis, pour assurer les liaisons et la coordination de toutes les forces qui travaillent sur ce sujet, serait extrêmement intéressant.

Je recommande également de créer une délégation ou une commission permanente au Parlement. Le Congrès des États-Unis n’en compte pas moins de trois liées à la sécurité. Il s’agit, là aussi, d’un travail de longue haleine, sur lequel nous allons devoir nous pencher.

Je voudrais concentrer mon intervention sur les flux financiers.

Lors de l’examen de la loi du 13 novembre 2014, j’avais déposé un certain nombre d’amendements sur le sujet, mais le rapporteur Alain Richard m’avait alors conseillé d’attendre les conclusions du rapport de la commission d’enquête. Je pensais notamment au crowdfunding : sachant qu’il faut moins de 500 euros pour acheter une kalachnikov, il serait intéressant que ces opérations, qui ne sont absolument pas surveillées, puissent faire l’objet d’une déclaration préalable, laquelle serait extrêmement simple, pour ne pas freiner leur développement, et se ferait sur un portail hébergé, par exemple, par le ministère de l’économie et des finances. Veillons également au problème du financement des billets d’avion, dont j’avais également parlé à l’automne dernier.

Monsieur le ministre, je voudrais surtout appeler votre attention sur le trafic d’armes. Il circule énormément d’armes dans tout notre pays. Le trafic d’armes représente une source de financement commune aux délinquants de droit commun et aux terroristes, au même titre que les réseaux de blanchiment et de fraude fiscale. Il est difficile de mesurer l’importance de ce commerce illégal, mais il est certain qu’à chaque fois que nous livrons des armes à l’opposition syrienne, que nous versons de l’argent pour l’armée libanaise ou que nous lui fournissons pour 3 milliards d’euros d’armement, nous courons le risque que ces armes se retrouvent entre de mauvaises mains. Il faut être extrêmement prudent en la matière et probablement rehausser le contrôle sur ces flux d’armes.

Un point n’a pas été évoqué, ce qui est normal, dans la mesure où il peut paraître accessoire, même s’il est essentiel en matière de financement du terrorisme, je veux parler du trafic d’œuvres d’art. La destruction d’œuvres d’art inestimables a récemment suscité l’attention des médias, mais le trafic de ces objets doit tout autant nous préoccuper. Je le répète, il s’agit d’un sujet que l’on évoque peu, même s’il existe des conventions internationales et que l’UNESCO y travaille. En la matière, nos contrôles aux frontières doivent être renforcés, car l’art suscite de nombreux intérêts. Certes, la France est moins concernée que les États-Unis et le Japon, qui comptent un nombre de collectionneurs très important. Néanmoins, il convient de s’intéresser au sujet.

Tous les problèmes liés au maniement de fonds posent de nombreuses questions. À cet égard, Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics, a pris un certain nombre de décisions qui ne sont pas encore aujourd’hui entrées dans les faits. Il s’agit notamment de la réduction du montant maximum des paiements en espèces. Nous sommes nombreux à penser que l’assèchement des flux financiers sera une arme tout aussi importante que l’arsenal répressif et de renseignement que vous mettez en place.

Je ne connais pas encore aujourd’hui les dispositions qui seront adoptées, mais j’espère que vous pourrez nous donner un calendrier de mise en œuvre des mesures concernant le contrôle financier, qui doivent être corrélées avec celles liées à la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, pour lesquelles le groupe CRC, en particulier Éric Bocquet, s’est beaucoup mobilisé. À mes yeux, ces deux sujets ne font qu’un. Aussi, je forme le vœu que vous puissiez nous apporter un éclairage dans votre réponse sur ces aspects très précis du financement.

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