Intervention de Elisabeth Borne

Commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire — Réunion du 13 mai 2015 à 9h00
Audition de Mme élisabeth Borne candidate proposée aux fonctions de président-directeur général de la régie autonome des transports parisiens ratp

Elisabeth Borne :

C'est un grand honneur d'être devant vous, sur la proposition du Président de la République, pour solliciter votre accord sur ma nomination comme présidente directrice générale de la RATP.

La RATP est une grande entreprise publique, une référence mondiale dans le domaine des transports urbains. C'est une entreprise riche de son histoire, de ses prouesses et innovations techniques ; riche des femmes et des hommes, profondément attachés aux valeurs du service public, qui composent le groupe intégré qu'est la RATP, dans la diversité de ses métiers ; riche aussi de la qualité des relations qu'elle a su tisser avec les collectivités et autorités organisatrices, au premier rang desquelles le Syndicat des transports d'Ile-de-France.

Elle est au coeur d'enjeux essentiels allant de la vie quotidienne des millions de voyageurs qu'elle transporte chaque jour au développement des territoires que ses réseaux irriguent, mais aussi, à une échelle plus globale, à la lutte contre les gaz à effet de serre par le recours à des modes de transports sobres en énergie et peu polluants.

Les questions de transport, leurs liens avec l'aménagement et le développement des territoires constituent l'axe principal de ma vie professionnelle. Je suis ingénieure de formation, de l'Ecole polytechnique puis de l'Ecole Nationale des Ponts et Chaussées. Mon parcours m'a conduit à occuper des postes au sein de l'Etat, en administration centrale, en cabinet ministériel ou comme préfète de région, en collectivité et en entreprise, dans le secteur public mais aussi dans le secteur privé, avec la préoccupation constante de servir l'intérêt général et la conviction que l'action publique doit permettre d'améliorer le quotidien et l'avenir de nos concitoyens.

J'ai suivi les questions de transport pendant cinq ans au cabinet du Premier Ministre et j'ai ensuite été cinq ans directrice de la stratégie, membre du comité exécutif de la SNCF. Dans ce cadre, j'étais notamment en charge du projet industriel de l'entreprise, qui visait à faire partager par les cheminots et leurs représentants les grands enjeux de transformation de l'entreprise.

Ces expériences m'ont permis de connaître les grandes problématiques du domaine des transports, de mesurer l'importance du dialogue avec les partenaires sociaux et de la qualité des relations avec les collectivités et autorités organisatrices mais aussi d'appréhender, de manière opérationnelle, la déclinaison de ces enjeux au sein d'une grande entreprise du secteur.

Mon expérience de secrétaire générale du schéma directeur d'Ile-de-France puis de directrice générale de l'urbanisme de la Ville de Paris, menant de nombreuses opérations avec les collectivités voisines, m'a appris à bien connaître les territoires où intervient la RATP et ceux où elle est appelée à se développer avec le réseau de transports du Grand Paris.

Mon parcours m'a permis de travailler, de dialoguer et de négocier avec des partenaires très variés, de développer des projets en France et à l'international, de mobiliser des équipes au service de grandes politiques publiques, notamment comme préfète de région. C'est cette expérience que je souhaite, si vous m'accordez votre confiance, mettre au service de la RATP, en mesurant le poids des responsabilités qui pourraient m'être confiées à la tête de cette grande entreprise, d'une collectivité humaine de 55 000 personnes qui, chaque jour, mettent leurs compétences, leur dévouement au service des millions de voyageurs qu'elles transportent.

Comme vous le savez, la RATP est en bonne santé. Elle respecte la trajectoire financière fixée en accord avec l'Etat dans son plan d'entreprise. Elle a montré sa capacité à améliorer sa performance économique en mobilisant les différents leviers de productivité. Elle partage son résultat avec le STIF à hauteur de 100 millions d'euros par an, le reste lui permettant d'améliorer sa capacité d'investissement au profit des voyageurs.

Le cadre juridique de son action en Ile-de-France est clarifié, notamment depuis la loi de décembre 2009 déclinant le règlement européen sur les obligations de service public. La RATP assume, ainsi, depuis le 1er janvier 2012, la mission pérenne de gestionnaire d'infrastructure, y compris pour les futures lignes du Grand Paris Express et dispose d'un temps d'adaptation conséquent pour une ouverture à la concurrence différenciée selon les activités.

Depuis la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain, elle est également autorisée à développer son activité par l'intermédiaire de filiales en province et à l'étranger. Sa diversification est engagée même si le coeur historique, en Ile-de-France, représente plus de 80 % de son activité. Le groupe RATP est ainsi, aujourd'hui, le cinquième acteur mondial du transport public, présent sur tous les modes de la mobilité collective : rail, métro, tramway et bus.

La RATP dispose d'une compétence exceptionnelle dans la gestion des flux denses de voyageurs grâce à son coeur d'activité, en Ile-de-France, où elle exploite l'un des réseaux les plus importants d'Europe, dans le cadre du contrat qui la lie au Syndicat des transports d'Ile-de-France. Bien sûr, sa situation financière dépend largement de ce contrat dont la renégociation s'engage dans un contexte marqué par les contraintes qui pèsent sur les finances publiques, celles des collectivités locales en particulier, et par la nécessité de renforcer la desserte en transport en commun en banlieue et à la périphérie de l'Ile-de-France.

La RATP devra donc poursuivre l'amélioration de sa performance économique, mais elle peut prendre appui sur ses bases solides pour se consacrer à la première des priorités qu'est la qualité du service rendu aux près de neuf millions de voyageurs qu'elle transporte chaque jour. Elle ne pourra le faire que par la mobilisation de ses salariés autour d'objectifs clairs, grâce à l'engagement du management associé à la détermination de la stratégie et à la qualité du dialogue social.

La RATP a été précurseur dans ce domaine. Je voudrais rendre hommage, notamment sur ce sujet, aux présidents dont l'impulsion a fait de la RATP ce qu'elle est aujourd'hui, Jean-Paul Bailly tout d'abord, puis Anne-Marie Idrac et, bien sûr, Pierre Mongin, avec une pensée particulière pour la très grande directrice des ressources humaines qu'a été, à leurs côtés, Josette Théophile qui nous a quittés il y a quelques semaines.

La transformation, le développement, la capacité à relever les défis passe par l'implication de tous les salariés de la RATP qui assurent, quotidiennement, une belle mission de service public, dans des conditions parfois difficiles. La qualité du dialogue social est un préalable à la réussite de l'entreprise. Si vous m'accordez votre confiance, ce sera l'une de mes priorités.

Je voudrais dire quelques mots des principaux défis que devront relever les 55 000 collaborateurs du groupe RATP. Le premier, c'est la qualité du service rendu aux usagers. La RATP doit, tout d'abord, proposer des offres supplémentaires pour faire face à l'augmentation de la fréquentation sur le réseau existant, que la prochaine réforme tarifaire devrait accentuer. Cela passe par l'acquisition de matériels de plus grande capacité et plus confortables, avec notamment la poursuite du déploiement de trains à deux niveaux sur le RER A ou la modernisation des rames du RER B ; par la modernisation du métro, avec l'automatisation de la ligne 4 ; par l'augmentation de la fréquence, grâce à des systèmes de contrôle commande modernisés.

Un autre enjeu majeur, en Ile-de-France, est de répondre aux besoins des territoires aujourd'hui mal desservis. Sans attendre la mise en service du réseau Grand Paris Express et pour le préparer, la RATP réalise, pour le compte du STIF ou de la Société du Grand Paris, des extensions de réseau sur quatre lignes de métro, et a mis en service les nouvelles lignes de tramway T6 et T8 fin 2014, après les deux mises en service intervenues en 2013. De même à la demande du STIF, l'offre de bus a été renforcée sur 49 lignes en 2014.

Mais ce qui est attendu, au-delà, de la RATP, c'est de fournir un service plus attentionné, avec une plus grande régularité, une information fiable et personnalisée, notamment en situation perturbée, des espaces sûrs et propres, en étant bien sûr irréprochable en termes de sécurité.

La sécurité ferroviaire est au coeur de la culture de la RATP. Elle passe par un très haut niveau de maintenance et de suivi assuré, notamment par le gestionnaire d'infrastructure interne, mais aussi par une vigilance permanente et une mobilisation à tous les niveaux de l'entreprise, y compris du président.

La qualité de service sera bien sûr au coeur de la négociation qui démarre avec le STIF sur le prochain contrat, qui pourrait couvrir la période 2016-2020. La RATP peut se féliciter d'un taux de satisfaction de plus de 80% selon les enquêtes du STIF. Mais les attentes restent fortes, notamment sur l'amélioration de la régularité avec deux priorités. La ligne 13, tout d'abord, qui sera, heureusement, soulagée par le prolongement de la ligne 14 - j'ai bien noté l'enjeu en termes de délai sur ce sujet. Les RER A et B, ensuite, pour lesquels une modernisation sans précédent est lancée dans le cadre des schémas directeurs d'investissement. Les progrès réalisés grâce à la mise en oeuvre d'une exploitation unifiée entre la RATP et la SNCF pour le RER B devront être confortés. Il s'agira également d'étendre cette dynamique positive au RER A.

Pour l'information voyageur, c'est en combinant la mobilisation de toutes les nouvelles technologies du digital, une gestion plus réactive et partagée, avec le STIF et la SNCF, des informations, et l'équipement et l'implication des personnels que la RATP pourra jouer pleinement son rôle d'acteur de la ville intelligente, facilitant la vie de ses voyageurs.

Je sais que les attentes concernent également l'amélioration de la propreté pour laquelle la RATP devra poursuivre les efforts engagés depuis 2013, sachant que la sécurité, la garantie de voyager en toute tranquillité sont indispensables pour attirer tous les publics vers les transports en commun. En accord avec le STIF, ceci pourra conduire à renforcer encore les équipes du groupe de protection et de sécurisation des réseaux (GPSR) qui compte dès à présent 1100 agents dédiés à cette mission.

La négociation du nouveau contrat qui s'engage est donc essentielle pour la RATP. Elle s'inscrit, logiquement, dans une exigence croissante de la part de l'autorité organisatrice dans le cadre de laquelle la RATP pourra capitaliser sur la relation de confiance qui s'est tissée ces dernières années grâce, notamment, au travail de terrain réalisé par les agences et les différents services, à l'écoute des usagers et des collectivités.

La RATP cherchera également à concilier cette exigence avec des conditions de travail réellement motivantes pour ses salariés. La déclinaison des objectifs de qualité de service au niveau de chacun des opérateurs est un gage de mobilisation de toute l'entreprise sur ces enjeux essentiels.

La RATP visera enfin à maintenir le haut niveau d'investissement du contrat en cours pour accroitre l'offre et moderniser le réseau avec des cofinancements lui permettant de ne pas aggraver sa dette.

Le deuxième défi est celui de l'exemplarité en termes de développement durable. La RATP a su, par le passé, être précurseur à de nombreux égards, que ce soit dans le domaine social, par ses propositions de développement du réseau largement reprises dans le projet Grand Paris Express, ou par des prouesses techniques comme l'automatisation de la ligne 1 sans interruption de service. Si vous m'accordez votre confiance, je souhaite mobiliser la richesse et la diversité de ses talents pour faire de la RATP l'entreprise de référence en termes de mobilité durable.

Cet enjeu s'impose d'autant plus que la France, qui accueillera la conférence Paris Climat en décembre prochain, se doit d'être exemplaire. Elle s'est fixée des objectifs ambitieux dans le projet de loi de transition énergétique qui reviendra en discussion devant votre assemblée avant l'été.

Le programme « Bus 2025 », élaboré en concertation avec le STIF et la Ville de Paris, s'inscrit dans cette ambition puisqu'il doit permettre de disposer d'un parc « zéro émission - zéro particule - zéro bruit » à horizon 2025. La RATP, qui travaille en partenariat avec GDF Suez - désormais ENGIE - et EDF pour expérimenter les meilleures solutions, peut avoir un véritable effet d'entrainement sur la filière et faire émerger des offres de constructeurs français. Mais des progrès sont aussi possibles dans la gestion des déchets, le traitement du bruit, la récupération de l'énergie ou de la chaleur... Je suis certaine que la RATP a la capacité d'être à la pointe sur ces différents sujets.

Les enjeux en termes d'environnement concernent également la santé avec, notamment, la question de la qualité de l'air dans les espaces souterrains ferrés - enjeu pour les voyageurs mais aussi pour les 13 500 agents qui travaillent dans ces espaces. La RATP pourra s'appuyer sur l'expertise en cours de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail, l'ANSES pour cibler encore mieux ses actions.

La responsabilité sociale de l'entreprise, c'est aussi l'accessibilité pour tous, pour favoriser la mobilité des personnes handicapées, ce qui participe également de l'amélioration du confort de l'ensemble des voyageurs et permet de se préparer au vieillissement de la population.

Si la situation du métro pose des difficultés particulières prises en compte par la loi de 2005, le réseau de tramway est entièrement accessible, les 65 gares du RER seront accessibles en 2019 et la quasi-totalité des bus disposent d'une rampe d'accès, le travail devant se poursuivre avec les collectivités gestionnaires de voirie pour adapter les points d'arrêt.

La responsabilité sociale, c'est, enfin, la mobilisation de la RATP en faveur de l'emploi y compris pour les personnes qui en sont le plus éloignées, avec 4 300 recrutements pour le groupe en 2014, dont 2 800 pour l'établissement public industriel et commercial (EPIC), ce qui en fait l'un des premiers recruteurs d'Ile-de-France. L'an passé, 800 personnes y ont bénéficié de contrats aidés. Avec votre accord, je veillerai à ce que la RATP joue pleinement son rôle dans les territoires qu'elle dessert, en faveur de l'emploi, du développement économique et de l'insertion sociale. Je serai attentive à la voir continuer à assumer ses responsabilités en termes d'emploi des personnes handicapées ; tirer parti des nouvelles perspectives ouvertes pour le service civique, dans un jeu gagnant-gagnant pour les jeunes et pour les voyageurs ; utiliser toutes ses marges de progrès en termes de parité puisqu'elle emploie à peine 20 % de femmes.

Le troisième défi pour la RATP, c'est de se préparer à la concurrence et de conforter le développement du groupe. La concurrence existe, depuis 2010, pour les nouveaux réseaux créés par le STIF. L'ingénierie est aussi totalement concurrentielle en particulier pour le projet du Grand Paris Express. Systra, filiale commune avec la SNCF, a remporté la moitié des contrats attribués.

La RATP a de nombreux atouts pour tenir une place de premier plan dans le projet de développement majeur qu'est le Grand Paris. Avec les prolongements au Nord jusqu'à Saint-Denis-Pleyel et au Sud, jusqu'à Orly, de la ligne 14, elle en réalisera, pour le compte de la Société du Grand Paris et du STIF, le premier maillon qui sera une véritable épine dorsale du Grand Paris et contribuera à assurer une meilleure desserte des aéroports parisiens.

Elle aura prochainement à faire face à un appel d'offre majeur : celui de l'exploitation de la grande rocade du Grand Paris Express, la ligne 15. Pour la RATP, c'est un enjeu technique, économique et d'image. Je crois en ses capacités pour gagner cet appel d'offre et démontrer ainsi ses forces sur son territoire historique.

Au-delà, en 2024, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le président, c'est la totalité des lignes de bus franciliennes qui seront soumises à appel d'offre. La RATP doit s'y préparer de manière offensive et dynamique en s'appuyant sur des progrès permanents de compétitivité.

Le groupe RATP a également bien engagé son développement hors d'Ile-de-France, en visant un chiffre d'affaire de plus d'1 milliard d'Euros en 2015, en étant présent dans quatorze pays sur quatre continents et en proposant, en région, une offre alternative aux collectivités locales, aux côtés de celles de Keolis et de Transdev. Il a sans doute une carte à jouer sur le marché des autocars interurbains dont l'ouverture est prévue dans le cadre projet de loi pour la croissance et l'activité. Il peut valoriser son savoir-faire en matière de tramway, les 100 km que la RATP exploite en Ile-de-France en faisant l'un des plus grands exploitants de ce mode de transport dans le monde. La RATP peut, en outre, s'appuyer sur son modèle multimodal, à la pointe des technologies du transport haute densité dont les lignes 1 et 14 sont les meilleurs exemples.

Ces atouts doivent permettre à l'entreprise de conforter sa place sur le marché national et mondial, ses filiales RATP Dev et Systra portant en province et à l'étranger le savoir-faire de l'établissement public dans les domaines des transports et de l'ingénierie. Ces contrats en province ou à l'étranger permettent à la RATP d'apprendre la concurrence et de progresser pour mieux se préparer à l'ouverture du marché en Ile-de-France.

La période qui s'ouvre s'annonce passionnante pour la RATP. La préparation du nouveau contrat avec le STIF qui sera l'occasion de marquer l'engagement de toute l'entreprise sur la qualité de service et de montrer sa capacité à dégager des ressources pour participer au financement des investissements. La réalisation du Grand Paris Express qui sera un puissant levier pour un développement plus équilibré des territoires de l'Ile-de-France et un défi en termes de construction et d'exploitation de nouveaux réseaux. Enfin, la prise de conscience des enjeux climatiques et de santé publique qui devrait conduire à renforcer la demande de transports propres à l'échelle mondiale.

Grâce aux compétences de ses agents et à la pertinence des politiques menées par les présidents qui se sont succédé ces dernières années, dont je voudrais de nouveau saluer l'action, la RATP a tous les atouts pour réussir, pour répondre aux besoins de mobilité croissant des Franciliens, pour assurer un meilleur accès à l'emploi, aux services, à la culture, pour conforter l'attractivité de la région capitale et sa capacité à accueillir de grands événements tels que la COP 21 en décembre prochain et, au-delà, les jeux olympiques de 2024 et l'exposition universelle en 2025, pour renforcer sa place parmi les leaders mondiaux du transport public.

Il faudra savoir prendre appui sur ces acquis pour que l'entreprise continue à innover, à entreprendre et à aller toujours plus loin.

Si vous l'approuvez, c'est avec beaucoup de modestie mais aussi une très grande motivation que je me propose de mobiliser ces compétences, ces femmes et ces hommes pour relever ces beaux défis, au service de l'intérêt général, dans une entreprise que je sais très attachée, comme je le suis moi-même, aux valeurs du service public et au dialogue social.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion