Sur un sujet que vous connaissez déjà, la proposition de loi de MM. Pozzo di Borgo, Charron et Dominati vise à transférer au maire de Paris certaines compétences de police administrative aujourd'hui détenues par le préfet de police, non pour remettre en cause la qualité du travail de ce dernier mais pour aligner Paris sur le droit commun. À Paris, à la différence des autres communes de France, c'est en effet le préfet de police qui détient le pouvoir de police générale et non le maire. Responsable du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publiques, il assure également plus de cinquante polices spéciales qu'il exerce en lieu et place du maire - comme la police des animaux dangereux et errants - ou du préfet de département - comme l'admission en soins de personnes souffrant de troubles mentaux. Le préfet de police cumule ainsi les pouvoirs d'un préfet de département et d'un maire.
Ce régime de police dérogatoire datant de Napoléon Bonaparte a été justifié par l'histoire de Paris et par son statut de capitale du pays, Paris accueillant par exemple plus de 7 000 manifestations par an.
Les compétences de police du maire de Paris ont certes été renforcées : il est désormais responsable de la salubrité publique, du bon ordre dans les foires, des troubles de voisinage et d'une grande partie de la police de la circulation et du stationnement. Mais ses compétences demeurent restreintes au regard de celles du préfet de police.
Ce régime dérogatoire de police présente des limites institutionnelles, d'une part, et opérationnelles, d'autre part.
D'un point de vue institutionnel, la police administrative est exercée par un préfet de police nommé par le Président de la République et non par une personne élue au suffrage universel, paradoxe singulier à l'heure de la décentralisation : alors que des lois successives ont renforcé le maire de Paris pour aligner ses prérogatives sur celles du droit commun, les pouvoirs de police continuent de lui échapper. Cela pose une vraie question de responsabilité politique : le maire n'est pas responsable devant ses électeurs de l'exercice du pouvoir de police.
D'un point de vue opérationnel, la préfecture de police gère des tâches de police municipale. Ce sont par exemple des policiers nationaux qui assurent le barriérage des routes lors du marathon de Paris ou qui fournissent un soutien aux personnes sans-abri, alors que la préfecture de police a vocation à se concentrer sur des missions régaliennes de sécurité. De même, elle contrôle le respect des règles de circulation et de stationnement par l'intermédiaire des agents de surveillance de Paris (ASP), les anciennes « pervenches », mis à disposition par la mairie de Paris. Or, ce système est insatisfaisant puisqu'environ 85 % des Parisiens ne payent pas leur stationnement, sachant combien la probabilité de devoir régler une amende est faible. La raison en est peut-être que cela ne fait pas partie des priorités opérationnelles de la préfecture de police. Cette dernière n'a, en outre, aucune incitation financière à agir, à la différence de la Ville de Paris qui perçoit une partie des recettes des amendes de stationnement et fixera, à partir de 2016, le montant de la redevance qui remplacera ces amendes. Cet exemple nous montre que des polices purement municipales peuvent être mieux gérées par la Ville de Paris que par la préfecture de police. Les présidents de conseil général l'ont bien vu lorsque les agents de l'État ont cessé d'être mis à disposition pour être directement sous leur autorité : ils ont été bien plus efficaces !
Autre difficulté opérationnelle : la complexité du dispositif mis en oeuvre pour prévenir et réprimer les petites incivilités à Paris. Outre les ASP et les policiers nationaux gérés par la préfecture de police, la mairie a recours à ses propres personnels de sécurité, les inspecteurs de sécurité (ISVP) et les agents d'accueil et de surveillance (AAS). Il est difficile pour les citoyens parisiens de comprendre les rôles et les responsabilités de chacun, d'autant plus que ces différentes forces ne collaborent pas suffisamment, patrouillant par exemple sur les mêmes sites mais sans coordonner leurs actions ni échanger d'informations.
Avec la présente proposition de loi, le maire serait désormais compétent pour le bon ordre, la sûreté et la sécurité publiques et devrait en répondre devant ses électeurs. Il pourrait par exemple interdire la consommation d'alcool sur la voie publique ou encore des spectacles causant un trouble à l'ordre public. En outre, les policiers nationaux exécuteraient directement les arrêtés du maire au titre de l'article L. 2214-3 du code des collectivités territoriales.
La rédaction initiale de la proposition de loi lui confie aussi certaines polices spéciales du code général des collectivités territoriales comme la police des funérailles. Pour poursuivre la logique de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la compétence du préfet de police serait limitée en matière de circulation et de stationnement à la protection des institutions.
Le maire de Paris retrouverait son autorité sur les ASP, actuellement mis à disposition de la préfecture de police mais rémunérés par la mairie ; il pourrait leur confier des missions identiques à celles qu'ils exercent déjà (le contrôle du stationnement), ou en charger un prestataire extérieur pour réorienter leur action vers la prévention et la répression des petites incivilités, ce qu'autorise déjà leur statut.
Cette proposition de loi implique enfin une réforme en profondeur de la préfecture de police qui continuerait à assurer la coordination des forces de police nationale mais dont les compétences seraient réduites pour devenir comparables à celles d'une préfecture dans les villes à police étatisée. Elle pourrait ainsi se concentrer sur des tâches à caractère régalien comme la protection des institutions de la République.