La réunion

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Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la commission examine le rapport de M. Jean-Patrick Courtois et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 2 (2014-2015), présentée par Mme Éliane Assassi et plusieurs de ses collègues, visant à instaurer un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie, et à interdire leur utilisation par la police ou la gendarmerie contre des attroupements ou manifestations.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Les auteurs de la proposition de loi visant à instaurer un moratoire sur l'utilisation et la commercialisation d'armes de quatrième catégorie estiment qu'il est nécessaire de procéder à un état des lieux de l'utilisation des armes « à létalité atténuée » ou « de force intermédiaire », afin d'évaluer leur dangerosité, justifie la proposition d'un moratoire. Leur argumentation repose sur l'incident du 8 juillet 2009 au cours duquel une personne a perdu l'usage d'un oeil à la suite d'un tir provenant d'un lanceur de balle de défense, dit Flash-ball superpro.

Notre droit encadre strictement l'utilisation de la force pour rétablir l'ordre public : elle doit être proportionnée, répondre à un critère d'absolue nécessité et s'inscrire dans une logique de réponse graduée. L'utilisation des armes, qui n'est qu'une des modalités de l'emploi de la force, n'est autorisée que pour disperser un attroupement après au moins deux sommations, sauf lorsque des violences ou voies de fait sont exercées contre les représentants de la force publique ou lorsqu'ils ne peuvent défendre autrement le terrain qu'ils occupent. L'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure les autorise alors exceptionnellement à faire directement usage de la force et à utiliser des lanceurs de balles de défense (LBD 40).

En dehors du cadre du maintien de l'ordre, les armes de force intermédiaire comme le Flash-Ball superpro ou le Taser X 26 peuvent être utilisées en situation de légitime défense pour éviter le recours à des armes létales, plus dangereuses. Leur usage relève alors des dispositions pénales de droit commun relative à la légitime défense (L. 122-5 du code pénal) et à l'état de nécessité (L. 122-7 du code pénal).

En plus du moratoire, la proposition de loi modifie l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure afin d'encadrer davantage les circonstances dans lesquelles les armes de quatrième catégorie peuvent être utilisées par les forces de l'ordre.

Le texte présente plusieurs difficultés formelles. D'une part, il se réfère à une classification des armes obsolète qui date d'avant la loi du 6 mars 2012 et la répartition des armes en quatre catégories (de A à D) selon leur degré de dangerosité. Les armes de quatrième catégorie ont été pour la plupart requalifiées en catégorie B, dont le régime de détention est soumis à autorisation préalable, sans pour autant qu'il existe de correspondance stricte entre l'ancienne et la nouvelle catégorie. D'autre part, l'article 1er qui institue le moratoire entre en contradiction avec le second qui restreint les possibilités d'utilisation des armes de quatrième catégorie par les forces de sécurité, en situation de maintien de l'ordre.

D'autres difficultés juridiques et pratiques interviennent. L'article 1er ne prévoit pas d'armes de substitution pendant la durée du moratoire. Les forces de l'ordre n'auraient alors d'autre choix que de se retirer en cas d'incident, ce qui nuirait à la crédibilité et à l'autorité de l'État, ou au contraire d'aller au contact des manifestants, ce qui pourrait avoir de lourdes conséquences. Il est indispensable de conserver une capacité de riposte et de dissuasion à la hauteur de la gravité des troubles à l'ordre public provoqués par des attroupements. À la différence des bombes lacrymogènes, les armes telles que le LBD 40 ont l'avantage de cibler spécifiquement les fauteurs de troubles.

En outre, en interdisant des armes de force intermédiaire de catégorie B tout en maintenant l'utilisation d'armes létales de catégorie A, le moratoire introduirait une rupture dans la gradation des moyens.

Enfin, le ministère de l'Intérieur organise de manière permanente et régulière une évaluation de l'utilisation de ces armes ainsi qu'une veille sur les nouvelles technologies susceptibles de les améliorer ou de les remplacer. À la suite des événements du barrage de Sivens, le ministre de l'Intérieur, Bernard Cazeneuve, a annoncé la constitution d'un groupe de travail commun à la police et à la gendarmerie sur les techniques du maintien de l'ordre et leur évolution possible. La Direction générale de la police nationale oeuvre également à trouver une alternative au Flash-Ball superpro, efficace mais imprécis : un appel d'offres a été lancé il y a deux ans pour équiper le LBD 40 de munitions de courte portée. Doté d'un viseur, ce dernier est bien plus précis que le Flash-Ball superpro.

Quant à l'article 2, il propose de compléter l'alinéa 6 de l'article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure afin de préciser que des armes, telles que le Flash-Ball superpro, ne pourront être utilisées que dans des « circonstances exceptionnelles où sont commises des violences ou des voies de fait d'une particulière gravité et constituant une menace directe contre leur intégrité physique ». L'interprétation de ces dispositions reste largement incertaine. La restriction s'applique-t-elle seulement dans l'hypothèse d'un terrain à défendre ou aux deux circonstances mentionnées à l'alinéa 6 de l'article L. 211-9 ?

La notion peu précise de « violences d'une particulière gravité » présente un risque d'insécurité juridique en tant qu'elle relève d'une interprétation subjective a posteriori. Il semble difficile, voire impossible pour les forces de l'ordre d'anticiper les conséquences des violences qu'elles subissent, afin de déterminer les armes susceptibles d'être utilisées. Complexifier le cadre de l'emploi de la force en légitime défense pour soi ou pour autrui présente un risque certain tant pour la sécurité des forces de l'ordre que pour celle des citoyens. C'est pour toutes ces raisons que je vous propose de ne pas adopter cette proposition de loi.

Néanmoins, ce texte soulève de réelles problématiques, notamment sur l'utilisation du Flash-Ball superpro et du Taser X 26. Si les CRS ne disposent pas de ces armes dans leur mission de maintien de l'ordre, les unités intervenant en renfort peuvent y recourir. Les auditions ont montré que la formation habilitant au port de ces armes demeure insuffisante et n'est que trop rarement dispensée. Les syndicats ont également signalé qu'elle consistait en des exercices essentiellement théoriques, pratiqués sur des cibles statiques plutôt que mobiles.

Je partage les réserves du Défenseur des droits sur la décision du ministre de l'Intérieur de ne plus procéder à l'achat de pistolets à impulsions électriques munis de dispositifs d'enregistrement vidéo et sonore auxquels sont pourtant favorables les syndicats de police. En effet, ce dispositif est protecteur tant pour les citoyens que pour les policiers qui sont ainsi plus rapidement exonérés de toute responsabilité dans les cas fréquents d'usage légitime de la force. Enfin, je ne peux qu'encourager la Direction générale de la police nationale à accélérer le calendrier de son expérimentation concernant les munitions de courte portée qui pourraient être utilisées par le LBD 40, de manière à mettre un terme à l'utilisation du Flash-Ball superpro.

Au regard de toutes ces difficultés, je vous invite, mes chers collègues, à ne pas adopter la proposition de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Je tiens à remercier le rapporteur pour ses propos équilibrés et conformes à nos échanges il y a une semaine. Cette proposition de loi n'est pas parfaite. Nous souhaitions cependant qu'elle soit l'occasion d'avoir un débat en séance sur un vrai sujet. Plusieurs organisations ont signalé que l'utilisation des armes de quatrième catégorie posait problème. Le Défenseur des droits a manifesté son inquiétude. Des incidents ont eu lieu, que vous avez rappelés. Ce qui est en jeu, c'est la sécurité des forces de police et celle de nos concitoyens. La rédaction du texte n'est pas sans lacunes, notamment à l'article 2. Je proposerai des modifications en séance si la commission choisit de ne pas adopter cette proposition de loi. Entre-temps, nous avons auditionné des organisations de policiers et de de gendarmes sur ce sujet essentiel dont le législateur doit s'emparer.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Je tiens à saluer l'esprit de synthèse et la clarté qui caractérisent l'exposé du rapporteur. Mme Assassi fait preuve d'une grande constance dans ses préoccupations : elle avait déjà abordé ce sujet lors de l'examen de la proposition de loi sur les polices territoriales. Nous avions alors émis un avis défavorable à l'amendement proposé, parce que nous voulions mettre l'accent sur la formation des policiers. Au-delà des différences politiques, nous pourrions marquer la constance avec laquelle le Sénat souhaite que le Gouvernement se positionne sur les questions de sécurité et d'armements. La presse n'a-t-elle pas fait état récemment de ventes organisées par la police nationale pour solder certaines catégories d'armes aux polices municipales intéressées ? Nous pourrions demander des précisions sur le calendrier d'examen par l'Assemblée nationale d'un texte qui avait reçu l'assentiment d'un grand nombre d'entre nous.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je m'associe à mes collègues pour saluer la collaboration constructive entre le rapporteur et les auteurs de ce texte.

La proposition de loi n'est pas adoptée.

La proposition de loi sera donc discutée en séance publique dans sa rédaction initiale.

La commission examine ensuite le rapport de M. Jean-Pierre Sueur et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 120 (2014-2015), présentée par MM. Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau, simplifiant les conditions de saisine du conseil national d'évaluation des normes.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je ne vais pas revenir longuement sur le problème de la multiplicité des normes dont chacun est ici informé. Je ne rappellerai pas qu'en 1991, le Conseil d'État dénonçait déjà la « surproduction normative ». Je ne citerai pas non plus les travaux de la Délégation aux collectivités locales et à la décentralisation du Sénat, très éclairants sur ce sujet, ni le rapport de notre collègue Éric Doligé que chacun a en tête, et dont certaines propositions ont été reprises dans le projet de loi NOTRe. Je rappellerai simplement que l'ancien président du Sénat Jean-Pierre Bel avait pris l'initiative d'états généraux des collectivités locales, à la suite desquels Jacqueline Gouraud et moi-même avions été chargés de rédiger deux propositions de loi. L'une portait sur les conditions d'exercice des mandats locaux : elle a été promulguée après deux ans de navette avec l'Assemblée nationale. L'autre a substitué à la Commission consultative d'évaluation des normes un Conseil national d'évaluation des normes applicables aux collectivités locales aux pouvoirs élargis. Ce nouveau conseil a en effet la capacité de s'autosaisir et de travailler sur le flux mais également sur le stock des normes. Alain Lambert, son président, nous l'a confirmé : tous les projets ou propositions de loi, tous les textes réglementaires (décrets, arrêtés, etc.) doivent lui être soumis, dès lors qu'ils ont des effets sur les collectivités locales. Ce processus satisfait les associations nationales d'élus, car en évitant en amont la surabondance des normes, il réduit les coûts pour les collectivités locales.

L'enfer se niche dans les décrets... Celui du 30 avril 2014 qui vise à compléter la loi du 17 octobre 2013 créant le conseil national va à l'encontre de l'esprit de la loi. Il prévoit en effet que, pour qu'une demande d'évaluation soit examinée par le Conseil, la saisine soit faite par cent communes au minimum. Dans les débats parlementaires, personne n'avait imaginé une telle lourdeur.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Le ministre de l'Intérieur et la ministre chargée de la décentralisation, entre autres.

Heureusement, nos deux collègues, Jean-Marie Bockel et Rémy Pointereau, ont déposé une proposition de loi, que je vous invite à soutenir, pour revenir à l'esprit initial de la loi grâce à une procédure de saisine simplifiée, pour les collectivités locales. Alain Lambert s'est toutefois étonné : pourquoi une proposition de loi pour modifier un décret ? Une question de bon sens... Je crois pourtant que la voie choisie par nos collègues sera plus efficace, car elle offre au Sénat l'occasion de marquer son attachement à l'esprit initial de la proposition de loi.

Nous avions également présenté avec Jacqueline Gourault une proposition de loi organique prévoyant que l'avis du Conseil serait joint au projet de loi ou à la proposition de loi de la même manière qu'une étude d'impact. Dès lors que des contraintes techniques ou financières nouvelles pèseraient sur les collectivités locales, les parlementaires bénéficieraient de l'avis du conseil. Cette proposition de loi organique dont le rapporteur était Alain Richard a été examinée par la commission des lois de l'Assemblée nationale qui a jugé bon d'y annexer quantité d'avis en provenance d'institutions existantes. Les projets prendraient ainsi les proportions d'un annuaire téléphonique ! C'est pourquoi, je formule un double voeu pour que l'Assemblée nationale s'en tienne à l'objet du texte et pour qu'elle l'examine en séance publique cette proposition de loi organique dans les délais les plus courts possibles.

La loi précise que tout texte législatif ayant des répercussions techniques ou financières sur les normes doit être soumis au Conseil. C'est également le cas de tout texte réglementaire relatif aux collectivités locales. La trop grande généralité de cette disposition sur cette deuxième catégorie favorise un risque d'engorgement. C'est pourquoi je proposerai un amendement pour préciser que le Conseil national ne peut être saisi des textes réglementaires que dans la mesure où ils ont un impact sur les normes applicables aux collectivités locales.

Je proposerai également un amendement sur les procédures d'urgence. En effet, le Conseil peut être saisi en urgence par le Premier ministre, avec l'obligation de statuer dans les quinze jours. En cas d'extrême urgence, il doit pouvoir se prononcer dans les soixante-douze heures. Lors de l'examen du projet de loi sur la transition énergétique, Alain Lambert a été saisi du texte un vendredi soir avec obligation pour le Conseil de rendre son avis dans les soixante-douze heures. Dans ces conditions, il a préféré s'abstenir. Avec mon amendement, en cas d'extrême urgence, le Conseil serait saisi par le Premier ministre et devrait rendre son avis au terme de quatre jours ouvrables.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Je remercie M. Sueur pour l'examen approfondi du texte auquel il s'est livré et pour ses propositions d'amélioration.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Ce sujet a déjà fait l'objet de plusieurs discussions dans notre assemblée. Tel un Huron au Palais du Luxembourg, je m'étonne de voir les détournements pervers auxquels la procédure de proposition de loi est exposée. Son utilisation peut être purement déclarative, l'important étant que le tweet parte avant le soir. On a peu d'information sur les suites de la navette, et cela même quand il y a un consensus fort comme cela a été le cas sur la proposition de loi sur la police municipale. À l'époque, j'avais été désigné par mon groupe pour suivre le dossier auprès d'Alain Richard et du rapporteur.

Ce n'est pas totalement en vain que la Constitution distingue le champ des articles 34 et 37. Je déplore que ce partage soit largement remis en cause par certaines pratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Lors de l'audition d'Alain Lambert, j'ai assisté à des discussions intéressantes sur le texte. Il est regrettable de devoir en passer par la rédaction et le vote d'une proposition de loi pour modifier un décret. Qui a pu rédiger celui-là ? N'étant pas en adéquation avec ce qui avait été décidé, il constitue une source de blocage. Autoriser chaque commune et chaque EPCI à intervenir relève du bon sens. Même si nous votons cette proposition de loi au Sénat, il restera à la faire adopter par l'Assemblée nationale. Je souhaite que l'adoption de ce texte fasse réagir le Gouvernement en l'incitant à modifier le décret.

Quant aux normes sportives, elles sont soumises à l'avis d'une instance particulière - la Cerfres - dont l'existence me paraît d'autant plus inutile que le Conseil est habilité à se prononcer. On gagnerait à la supprimer.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

On pourrait discuter longtemps des articles 34 et 37 de la Constitution, que l'on enseigne encore dans les facultés de droit. Les auteurs de la proposition de loi ont clairement manifesté leur opposition au décret. D'autant que pratiquement, il faut aussi préciser en quoi la norme n'est pas bonne pour déclencher la saisine, ce qui suppose une expertise. C'est insensé !

Quand on fait une législation nouvelle par amendement, il n'y a ni étude d'impact, ni vérification. Je crois qu'il y a un ou deux articles de ce type dans le projet de loi NOTRe... L'inflation législative - le projet de loi Macron est un autre exemple - fait qu'on n'étudie plus rien. En général, c'est l'administration qui a élaboré le texte qui prépare l'étude d'impact de manière à le justifier... Quand sera-t-elle élaborée par une instance extérieure ? Cette proposition de loi est la seule manière dont nous pourrons faire bouger les choses. Peut-être le ministre s'engagera-t-il alors à modifier le décret.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

Si le Gouvernement a posé par décret des conditions restrictives pour l'accès au Conseil national d'évaluation des normes, nous en partageons la responsabilité : c'est nous qui avons prévu dans la loi qu'un décret en Conseil d'État déterminerait les conditions de saisine. L'intervention du législateur n'est cependant pas inappropriée. Nous ne modifions pas le décret ; nous considérons simplement que la saisine par les collectivités doit pouvoir se faire de plein droit. Nous intervenons dans le champ de la loi et non pas dans le champ réglementaire.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Méfions-nous des décrets en Conseil d'État qu'on met après chaque article de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Je partage ce qui a été dit par mes collègues. Si le Gouvernement s'engageait à la suite du débat à modifier le décret, ce serait simple et pratique. Je vous proposerai des amendements pour améliorer la loi. Enfin, j'ai toujours été défavorable aux études d'impact, car l'objet de nos débats est bien de mesurer l'impact d'une loi. Si l'on discute d'une loi sur les OGM, par exemple, les orateurs commenceront par contester l'étude d'impact qui l'accompagne. La bonne méthode est de donner au Gouvernement et au Parlement des moyens d'expertise.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Mon amendement COM-3 modifie la loi pour que le Conseil national ne soit saisi que des textes réglementaires ayant un impact technique et financier sur les collectivités locales.

L'amendement COM-3 est adopté.

Dans l'amendement COM-4, je propose que le Conseil puisse s'autosaisir ou bien être saisi par le Gouvernement et par l'ensemble des collectivités locales, des collectivités territoriales et des EPCI à fiscalité propre. Le texte initial mentionnait qu'il pouvait être saisi par le président des assemblées et par les commissions. Nous avons élargi la saisine à l'ensemble des députés et des sénateurs. Enfin, nous proposons de ne pas faire figurer les associations d'élus, trop nombreuses et diverses. Le fait que chaque collectivité ait la faculté de saisir le Conseil rend inutile la capacité de saisine des associations d'élus.

L'amendement COM-4 est adopté.

L'amendement COM-5 dispose que les demandes d'évaluation seront motivées.

L'amendement COM-5 est adopté.

Sur demande motivée du Premier ministre ou du président de l'assemblée parlementaire qui le saisit, le délai peut être fixé à deux semaines. L'amendement COM-6 rectifié précise en outre qu'en cas d'impérieuse nécessité et sur demande motivée du Premier ministre, ce délai peut être réduit sans être inférieur à quatre jours ouvrables.

L'amendement COM-6 rectifié est adopté.

Articles additionnels après l'article unique

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Quand, avec Jacqueline Gourault, nous avions jugé bon d'intégrer la Commission d'examen des projets de règlements fédéraux relatifs aux équipements sportifs (Cerfres) dans le Conseil national d'évaluation des normes, nous nous étions heurtés à une vive résistance de la part du ministère des sports et de l'ensemble des fédérations sportives. La loi du 17 octobre 2013 a prévu que la Cerfres peut soumettre au Conseil un projet de normes sportives. L'amendement COM-1 propose que tout projet de normes émanant d'une fédération sportive soit soumis au Conseil avant que la Cerfres ne se prononce. Je n'y donnerai pas d'avis favorable car, à ce stade, il me semble important de nous rapprocher des instances sportives très attachées à la Cerfres.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Je comprends votre position. Néanmoins, nous nous inscrivons dans une démarche de simplification et cette instance constitue un doublon. Si nous devions voter cet amendement, elle serait consultée après la saisine du Conseil. À quoi cela servirait-il ? Certes, la suppression de la Cerfres n'irait pas sans causer des émois. En intégrant certains de ses membres au Conseil national d'évaluation des normes, nous construirions un dispositif plus efficace.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

La composition de la Cerfres a évolué, puisque ses représentants sont, pour moitié, des élus locaux et, pour moitié, des représentants des fédérations sportives. Alain Lambert craint l'accumulation des dossiers. Il y a énormément de règlements sportifs. Or le Conseil peut être saisi de toutes les modifications des normes techniques, et cela pour chacun des sports existants.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous sommes tous des élus locaux, confrontés chaque année aux coûts énormes que provoquent les modifications des normes sportives. J'estime que la Cerfres ne fait pas correctement son travail.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Patrick Courtois

Si le Conseil national d'évaluation des normes consultait la fédération sportive concernée avant de rendre son avis, celle-ci serait ainsi intégrée au circuit et l'on pourrait supprimer cette commission.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

C'est un sujet qui a déjà été abordé en son temps. Le problème tient au fait que l'État a délégué aux fédérations une partie de son pouvoir réglementaire.

L'amendement COM-1 est adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

Qui fait le travail d'expertise et d'évaluation lorsque le Conseil national est saisi ? Hébergé par le ministère de l'Intérieur, celui-ci n'a pas de moyen - tout au plus dispose-t-il d'un permanent. L'amendement COM-2 de M. Pointereau propose de préciser dans la loi que le travail d'expertise et d'évaluation est assuré par les services de l'État. Certains disent que cet amendement arrangerait les associations d'élus en leur évitant d'intervenir. J'y suis favorable, sous réserve d'un sous-amendement qui en rédigerait ainsi la fin : « dans un délai de trois mois à compter de la notification de la demande par le conseil à l'administration concernée ».

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

N'y a-t-il pas une ambiguïté dans l'utilisation du mot « rapport » ? Le rapport est fait par un rapporteur qui est membre du conseil. Ne vaudrait-il pas mieux écrire que « les éléments de l'évaluation sont communiqués par l'administration compétente au Conseil national dans un délai de trois mois » ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

On pourrait tout à fait ajouter que « cette évaluation est effectuée sur la base d'une analyse réalisée par l'administration compétente » afin de ne pas confondre l'analyse effectuée par les services de l'État et le rapport présenté par le rapporteur devant le conseil.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Tasca

Toute institution à qui est confiée une telle mission doit avoir le pouvoir d'interroger l'administration. Je n'ai rien contre le fond de cet amendement ; mais je regrette que le champ de la loi s'étende toujours un peu plus.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Sueur

MM. Pointereau et Lambert sont très attachés à ces importantes précisions car le Conseil national, qui ne dispose pas de services ni de moyens, a besoin de l'expertise des services de l'État, et surtout du délai de trois mois pour assurer une évaluation. Ils ont fait l'expérience de devoir répondre dans les soixante-douze heures et celle de rester sans réponse de l'administration.

L'amendement COM-2 rectifié est adopté.

La proposition de loi est adoptée dans la rédaction issue des travaux de la commission.

Le sort des amendements examinés par la commission est retracé dans le tableau suivant :

La commission examine enfin le rapport de M. Alain Marc et le texte qu'elle propose sur la proposition de loi n° 391 (2014-2015), présentée par MM. Yves Pozzo di Borgo, Pierre Charon et Philippe Dominati, tendant à modifier le régime applicable à Paris en matière de pouvoirs de police.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Sur un sujet que vous connaissez déjà, la proposition de loi de MM. Pozzo di Borgo, Charron et Dominati vise à transférer au maire de Paris certaines compétences de police administrative aujourd'hui détenues par le préfet de police, non pour remettre en cause la qualité du travail de ce dernier mais pour aligner Paris sur le droit commun. À Paris, à la différence des autres communes de France, c'est en effet le préfet de police qui détient le pouvoir de police générale et non le maire. Responsable du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publiques, il assure également plus de cinquante polices spéciales qu'il exerce en lieu et place du maire - comme la police des animaux dangereux et errants - ou du préfet de département - comme l'admission en soins de personnes souffrant de troubles mentaux. Le préfet de police cumule ainsi les pouvoirs d'un préfet de département et d'un maire.

Ce régime de police dérogatoire datant de Napoléon Bonaparte a été justifié par l'histoire de Paris et par son statut de capitale du pays, Paris accueillant par exemple plus de 7 000 manifestations par an.

Les compétences de police du maire de Paris ont certes été renforcées : il est désormais responsable de la salubrité publique, du bon ordre dans les foires, des troubles de voisinage et d'une grande partie de la police de la circulation et du stationnement. Mais ses compétences demeurent restreintes au regard de celles du préfet de police.

Ce régime dérogatoire de police présente des limites institutionnelles, d'une part, et opérationnelles, d'autre part.

D'un point de vue institutionnel, la police administrative est exercée par un préfet de police nommé par le Président de la République et non par une personne élue au suffrage universel, paradoxe singulier à l'heure de la décentralisation : alors que des lois successives ont renforcé le maire de Paris pour aligner ses prérogatives sur celles du droit commun, les pouvoirs de police continuent de lui échapper. Cela pose une vraie question de responsabilité politique : le maire n'est pas responsable devant ses électeurs de l'exercice du pouvoir de police.

D'un point de vue opérationnel, la préfecture de police gère des tâches de police municipale. Ce sont par exemple des policiers nationaux qui assurent le barriérage des routes lors du marathon de Paris ou qui fournissent un soutien aux personnes sans-abri, alors que la préfecture de police a vocation à se concentrer sur des missions régaliennes de sécurité. De même, elle contrôle le respect des règles de circulation et de stationnement par l'intermédiaire des agents de surveillance de Paris (ASP), les anciennes « pervenches », mis à disposition par la mairie de Paris. Or, ce système est insatisfaisant puisqu'environ 85 % des Parisiens ne payent pas leur stationnement, sachant combien la probabilité de devoir régler une amende est faible. La raison en est peut-être que cela ne fait pas partie des priorités opérationnelles de la préfecture de police. Cette dernière n'a, en outre, aucune incitation financière à agir, à la différence de la Ville de Paris qui perçoit une partie des recettes des amendes de stationnement et fixera, à partir de 2016, le montant de la redevance qui remplacera ces amendes. Cet exemple nous montre que des polices purement municipales peuvent être mieux gérées par la Ville de Paris que par la préfecture de police. Les présidents de conseil général l'ont bien vu lorsque les agents de l'État ont cessé d'être mis à disposition pour être directement sous leur autorité : ils ont été bien plus efficaces !

Autre difficulté opérationnelle : la complexité du dispositif mis en oeuvre pour prévenir et réprimer les petites incivilités à Paris. Outre les ASP et les policiers nationaux gérés par la préfecture de police, la mairie a recours à ses propres personnels de sécurité, les inspecteurs de sécurité (ISVP) et les agents d'accueil et de surveillance (AAS). Il est difficile pour les citoyens parisiens de comprendre les rôles et les responsabilités de chacun, d'autant plus que ces différentes forces ne collaborent pas suffisamment, patrouillant par exemple sur les mêmes sites mais sans coordonner leurs actions ni échanger d'informations.

Avec la présente proposition de loi, le maire serait désormais compétent pour le bon ordre, la sûreté et la sécurité publiques et devrait en répondre devant ses électeurs. Il pourrait par exemple interdire la consommation d'alcool sur la voie publique ou encore des spectacles causant un trouble à l'ordre public. En outre, les policiers nationaux exécuteraient directement les arrêtés du maire au titre de l'article L. 2214-3 du code des collectivités territoriales.

La rédaction initiale de la proposition de loi lui confie aussi certaines polices spéciales du code général des collectivités territoriales comme la police des funérailles. Pour poursuivre la logique de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, la compétence du préfet de police serait limitée en matière de circulation et de stationnement à la protection des institutions.

Le maire de Paris retrouverait son autorité sur les ASP, actuellement mis à disposition de la préfecture de police mais rémunérés par la mairie ; il pourrait leur confier des missions identiques à celles qu'ils exercent déjà (le contrôle du stationnement), ou en charger un prestataire extérieur pour réorienter leur action vers la prévention et la répression des petites incivilités, ce qu'autorise déjà leur statut.

Cette proposition de loi implique enfin une réforme en profondeur de la préfecture de police qui continuerait à assurer la coordination des forces de police nationale mais dont les compétences seraient réduites pour devenir comparables à celles d'une préfecture dans les villes à police étatisée. Elle pourrait ainsi se concentrer sur des tâches à caractère régalien comme la protection des institutions de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Je vous proposerai de donner un avis favorable à ce texte : il est nécessaire de renforcer les responsabilités du maire de Paris et, en poursuivant la démarche entamée en 1975, d'aligner le droit applicable à Paris sur celui des autres communes de France. Outre trois amendements rédactionnels, je vous proposerai de délimiter précisément le champ de la proposition de loi à la police générale et à la police spéciale du stationnement et de la circulation. Il n'apparaît en effet pas opportun à ce stade de transférer d'autres polices spéciales comme celle des funérailles. Au regard de l'ampleur de la réforme proposée, il me semble plus réaliste d'adopter une démarche progressive consistant d'abord à confier un pouvoir de police général au maire avant d'envisager un transfert de davantage de polices spéciales dans un second temps. Une analyse détaillée de chaque police spéciale serait également nécessaire afin de distinguer celles qui peuvent être le mieux gérées par la préfecture de police de celles pour lesquelles la mairie de Paris peut apporter une réelle plus-value.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

L'exercice du pouvoir de police à Paris est incompréhensible pour quiconque d'un tant soit peu sensé. Dans le droit commun, le maire exerce ses pouvoirs de police sous l'autorité du préfet, qui se substitue à lui s'il ne s'en acquitte pas correctement. A Paris, coexistent sur le même territoire un préfet de police et un maire, qui n'a pas toujours été là : avant 1975, c'était le secrétaire général de la préfecture qui faisait tout !

Je partage votre analyse, même si je doute que l'efficacité des ASP augmente beaucoup en étant transférés à la Ville de Paris. J'ai fait une enquête à la préfecture de police : certains des policiers, qui ne peuvent plus être placés sur le terrain, travaillent dans les garages ou placent les barrières, sans toutefois perdre leur statut de policiers. Enfin, je redoute la dépénalisation des amendes, qui permettra de faire du chiffre... au détriment comme toujours des habitants de la grande couronne, qui n'ont pas d'autre moyen que la voiture pour venir travailler à Paris, et qui souffrent déjà des fermetures de voies. Ne nous étonnons pas dans ces conditions que la région Île-de-France soit moins attractive que les métropoles de province et tant mieux pour elles !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Paris a un régime spécial depuis 1667 ; le statut actuel, qui date de la fin de la Révolution, confie la police au préfet de police, ce qui favorise la cohérence dans l'action opérationnelle. Paris n'est pas la seule capitale dans ce cas : le pouvoir fédéral est largement responsable de la sécurité à Washington DC et le chef de la Metropolitan police de Londres est nommé par le ministre de l'intérieur britannique. Cette proposition de loi portrait atteinte à l'efficacité de la préfecture de police tout en privant les Parisiens des synergies et des économies d'échelle que ce statut assure. Paris est la capitale de la France, une capitale dense où se rendent chaque jour des centaines de milliers de personnes. Toucher à ce statut lorsque les Parisiens et les Français ont été touchés dans leur chair par les attentats de janvier ne me semble pas opportun.

La volonté de voir moins de voitures circuler à Paris n'est pas discriminatoire à l'égard des habitants des communes de la grande couronne. Cette proposition de loi aurait été plus opportune lorsque la métropole qui se met en place fonctionnera. La famille politique des auteurs varie sur ce sujet : Jacques Chirac était viscéralement hostile à un changement de statut ; mais lorsque gouvernement et mairie de Paris sont à gauche, cette proposition revient sur le tapis... Enfin, la préfecture de police a été réorganisée il y a peu, et sa compétence élargie à trois autres départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

Il ne s'agit que d'aligner Paris sur le droit commun. Vous citez Washington et Londres, vous auriez pu parler aussi de Madrid et Berlin, qui ont un statut proche de ce que je propose. Cette proposition de loi - dont je propose de préciser le champ par l'amendement COM-1 - ne crée pas une police municipale ; elle ne touche pas aux polices spéciales. La préfecture de police n'est sans doute pas enthousiaste à l'idée de voir ses compétences réduites ; mais le stationnement payant n'est pas sa priorité. Sinon, les ASP seraient bien plus performants. La Ville de Paris verse 300 millions d'euros à la préfecture de police chaque année ! Au nom de quoi ne contrôle-t-elle pas des agents qu'elle paye ? Cette proposition de loi amendée garantira une meilleure efficacité de l'argent public.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Madec

Je ne mets pas en doute votre bonne volonté. Toutefois, maire pendant dix-huit ans, je ne partage pas votre analyse : le faible respect du stationnement payant tient davantage aux mentalités. Ce n'est pas lié à la verbalisation ; c'est un problème de trésor public. Seule la verbalisation automatique apporte une nette amélioration sur le taux de recouvrement. Je ne voterai pas votre amendement, étant opposé à l'ensemble de la proposition de loi : mais je reconnais que vous avez contribué à ce qu'elle soit plus raisonnable.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Marc

La chambre régionale des comptes a attiré notre attention sur l'utilisation des ASP.

EXAMEN DES AMENDEMENTS

Article 1er

Les amendements COM-1 et COM-2 sont adoptés.

Article 2

L'amendement rédactionnel COM-3 est adopté.