Intervention de George Pau-Langevin

Réunion du 19 mai 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Article 10, amendements 202 16

George Pau-Langevin, ministre :

L’amendement n° 202 a pour objet de supprimer tout encadrement et l’amendement n° 16 vise à élargir les possibilités de renvoi à l’OFPRA en cas de vice de procédure grave.

Nous ne pouvons pas être favorables à ces amendements.

Tout d’abord, le juge de l’asile est un juge de plein contentieux. Par conséquent, il ne contrôle pas la procédure suivie devant l’OFPRA, mais il lui appartient de juger directement du bien-fondé de la demande d’asile. Autrement dit, il substitue sa propre décision à celle de l’Office. La jurisprudence la plus récente du Conseil d’État vient de rappeler cet office du juge de l’asile et le présent projet de loi le consacre.

Ensuite, le projet de loi consacre la jurisprudence la plus récente du Conseil d’État et de la CNDA, qui n’admet l’annulation de la décision de l’OFPRA et le renvoi à l’Office qu’en cas de méconnaissance des garanties essentielles que sont l’examen particulier de chaque demande et l’entretien personnel mené avec le demandeur. Ainsi, le projet de loi encadre l’office du juge afin de circonscrire les possibilités de contrôle aux garanties essentielles déjà reconnues dans l’intérêt des demandeurs et d’une bonne administration de la justice. Ne pas enserrer les possibilités de renvoi des affaires de la CNDA à l’OFPRA aurait un impact très dommageable sur l’ensemble des délais de traitement de la demande d’asile.

Enfin, permettez-moi de relever que, si tout demandeur a droit à un recours effectif devant une juridiction contre une décision lui refusant l’asile, le droit de l’Union européenne et, en particulier, la directive Procédures de 2013 reconnaissent l’autonomie procédurale des États membres. Par conséquent, chaque État membre peut définir les voies de recours ouvertes contre les décisions en matière d’asile.

J’en viens à l’amendement n° 132, ayant pour objet de permettre à la Cour de renvoyer à l’OFPRA l’examen d’une demande dès lors, notamment, que celui-ci n’aurait pas mené un entretien personnel avec le demandeur. Mme Benbassa indique, à juste titre d'ailleurs, que tous les demandeurs devraient bénéficier d’un entretien.

Pour quelles raisons le Gouvernement n’est-il pas favorable à cet amendement ? Comme le permet la directive Procédures, le projet de loi généralise le principe de l’entretien personnel mais prévoit trois cas spécifiques dans lesquels l’OFPRA peut s’en dispenser : si l’Office s’apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié, ce qui est plutôt positif pour le demandeur ; si des raisons médicales interdisent de procéder à l’entretien ; et dans le cadre de l’examen préliminaire d’une demande de réexamen.

Ces cas sont strictement limités, autorisés par la directive et parfaitement légitimes. Il est donc normal que l’article 10 consacre la jurisprudence en la matière et qu’il prévoie l’annulation de la décision attaquée et le renvoi à l’Office, lorsque celui-ci s’est dispensé de mener un entretien personnel. Il serait donc incohérent de supprimer cette mention.

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