Intervention de Jean-Yves Leconte

Réunion du 19 mai 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Article 10 bis nouveau

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

L’amendement a pour objet de supprimer l’article 10 bis, introduit par la commission des lois, qui a pour objet de rendre inopérant le moyen tiré de la méconnaissance de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme devant le juge administratif de droit commun de l’éloignement, sauf exceptions.

La commission ayant finalement émis un avis favorable sur notre amendement, je limiterai mon argumentaire à trois points.

Premièrement, la disposition adoptée par la commission est partielle et donc inopérante, d’une part, parce qu’elle est limitée au tribunal administratif, ce qui exclut les cours administratives d’appel et le Conseil d’État, et aux mesures d’éloignement relevant du champ de l’article L. 512-1 du CESEDA et, d’autre part, parce que le dispositif prévu n’est pas cohérent avec les délais de jugement imposés au juge de l’éloignement par ce même article. Cela risque de rendre le dispositif inapplicable dès lors que l’obligation de quitter le territoire français et le jugement du tribunal administratif peuvent intervenir très rapidement après la décision négative de la CNDA.

Deuxièmement, le dispositif envisagé procède d’une confusion entre l’office du juge de l’asile, la CNDA, qui statue au regard des critères d’octroi de l’asile, et la protection résultant des exigences de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, lequel a un champ beaucoup plus large.

Troisièmement, la problématique d’une « discordance de jurisprudence » soulevée par le rapporteur doit être amplement relativisée.

Le juge administratif de droit commun de l’éloignement se fonde régulièrement, en pratique, sur ce qu’a jugé la CNDA pour apprécier le bien-fondé du moyen tiré de la violation de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme. En tout état de cause, il peut en tenir compte, même s’il n’est pas lié par l’appréciation portée par la CNDA. De fait, les discordances d’appréciation entre le juge de droit commun et le juge de l’asile sont rares. En outre, dans le cas où, exceptionnellement, le juge de droit commun annule, pour violation de l’article 3 de la convention européenne des droits de l’homme, après un rejet de la CNDA, la décision fixant le pays de renvoi qui assortit l’obligation de quitter le territoire français, la jurisprudence du Conseil d’État prévoit l’articulation à faire entre cette annulation et l’office du juge de l’asile.

Une décision du juge de l’éloignement ne s’impose pas avec l’autorité absolue de la chose jugée à la CNDA, eu égard à ses compétences propres et à son office. En revanche, cette décision implique que la CNDA procède à un réexamen de l’ensemble des faits soumis à son appréciation. La cohérence entre les deux juges est donc déjà assurée par la jurisprudence. C'est la raison pour laquelle nous proposons la suppression de cet article.

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