Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de présenter au nom de Dominique Perben, et qui a été adopté à l'unanimité par l'Assemblée nationale en première lecture, va mettre un terme à un long débat sur la nature des conventions d'aménagement et les conditions dans lesquelles elles doivent être conclues.
Ce texte est très attendu par les collectivités et les aménageurs. Il permettra de lever des incertitudes juridiques qui entravent la réalisation des opérations d'aménagement et compromettent le succès de la relance des constructions de logements, pourtant essentielle pour nos concitoyens.
Les changements apportés sont profonds. Notre droit interne permettait aux communes de choisir librement leur aménageur, sans obligation de mise en concurrence préalable.
Cette faculté a été réaffirmée en dernier lieu par la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre 2000, qui a par ailleurs réservé les subventions publiques aux opérations confiées à un établissement public d'aménagement ou à une société d'économie mixte, leur conférant ainsi un quasi-monopole.
Depuis 2001, la Commission européenne conteste ce dispositif. La France a soutenu que les conventions d'aménagement ne constituaient ni des marchés de travaux ni des délégations de service public et n'étaient donc pas soumises aux règles de publicité et de passation prévues pour ces contrats. Et il est exact qu'elles ne sont ni l'un ni l'autre.
Mais la Cour de justice des Communautés européennes a précisé que tous les contrats publics, y compris ceux qui sont exclus du champ d'application des directives sur la passation des marchés, devaient faire l'objet d'une publicité préalable pour respecter les règles fondamentales du traité de l'Union.
Cette jurisprudence, qui a été reprise par un premier jugement de notre justice administrative, imposait de modifier notre système juridique. La discussion a été renouée avec la Commission européenne. Elle a débouché sur le texte qui vous est aujourd'hui soumis.
La philosophie générale de ce texte est simple. Il subordonne le choix d'un aménageur à une mise en concurrence préalable et met les différents aménageurs sur un pied d'égalité quel que soit leur statut, public, semi-public ou privé : égalité des droits à concourir et à être désigné comme concessionnaire, égalité des moyens d'action - je pense, par exemple, à la possibilité de se voir déléguer le droit de préemption urbain - mais aussi égalité au regard des obligations qui leur sont faites, notamment en matière de publicité de leurs propres marchés, de contrôle ou de rendu compte auprès de la collectivité concédante.
J'en viens aux principales dispositions du projet de loi.
Une catégorie unique de contrats d'aménagement, ouverts à tous les aménageurs, qu'ils soient publics ou privés, est créée : c'est la concession d'aménagement.
Compte tenu de la diversité des situations, le projet de loi fixe un cadre très général. Il appartiendra aux communes d'adapter les traités de concession aux caractéristiques des opérations dont elles prennent l'initiative et pour lesquelles elles apportent, le cas échéant, une participation financière contribuant à leur équilibre.
Les concessions d'aménagement devront être conclues en respectant des procédures de publicité et de mise en concurrence qui seront définies par décret en Conseil d'État.
Ce décret retiendra des procédures très comparables à celles qui découlent de la loi Sapin, en tenant compte de l'existence ou de l'absence d'une participation de la collectivité et, le cas échéant, de son importance.
En cas de participation publique, le contrôle exercé sur le concessionnaire sera analogue à celui que la loi prévoit aujourd'hui pour les opérations menées par des SEM, des sociétés d'économie mixte.
Les marchés conclus par le concessionnaire pour la réalisation des travaux et des équipements destinés à être remis à l'issue de la concession à la collectivité locale devront, eux aussi, faire l'objet d'une procédure spécifique de transparence et de concurrence, procédure qui sera différente selon que l'opération est partiellement financée par des fonds publics ou entièrement prise en charge par l'aménageur privé.
Enfin, conformément à la jurisprudence européenne, le concédant ne sera pas tenu de mettre en oeuvre une procédure de mise en concurrence lorsqu'il conclura une concession avec un aménageur sur lequel il exerce un contrôle comparable à celui qu'il exerce sur ses propres services.
A cet égard, les débats à l'Assemblée nationale ont longuement porté sur l'impossibilité, pour les collectivités, de se doter de sociétés à capitaux exclusivement publics, comme il en existe dans de nombreux pays européens.
Le Gouvernement a pris l'engagement de constituer un groupe de travail et de préparer très rapidement un texte qui permettra de donner aux collectivités qui le souhaitent, la possibilité de disposer d'opérateurs dédiés dont elles assureraient entièrement le contrôle.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi très technique est essentiel pour apporter aux opérations d'aménagement la sécurité juridique indispensable à leur réalisation.
Il modifiera très sensiblement des pratiques anciennes, mais je ne doute pas que l'ensemble des acteurs de l'aménagement, dont il faut saluer le professionnalisme et la compétence, sauront s'adapter.
Dans un cadre plus sûr et plus transparent, ce projet de loi permettra aux collectivités et à leurs élus de poursuivre le développement de nos villes, indispensable pour assurer leur vitalité culturelle et économique et répondre aux besoins de leurs habitants.