Intervention de Jean-Pierre Sueur

Réunion du 11 juillet 2005 à 15h00
Concessions d'aménagement — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Jean-Pierre SueurJean-Pierre Sueur, rapporteur :

En effet, autant il est souhaitable, lorsque l'on crée une ZAC, d'indiquer la nature des équipements publics que l'on a l'intention d'y installer, autant il faut laisser la place aux concours d'urbanisme, d'architecture, à la concertation avec les habitants, pour décider finalement de l'endroit où l'on va implanter la bibliothèque, la piscine ou tel autre équipement public.

En quatrième lieu, l'Assemblée nationale a introduit l'obligation de soumettre à une enquête publique les délibérations du conseil municipal concernant l'établissement des plans d'alignement et de nivellement, l'ouverture, le redressement et l'élargissement des voies communales.

En cinquième lieu, elle a introduit un nouvel article, l'article 11, qui permet de procéder à la validation législative de l'ensemble des conventions passées - et, par conséquent, des opérations qu'elles ont permis de réaliser - avant la promulgation de la loi.

La commission des lois du Sénat souscrit tout à fait à une telle validation. Puisque nous recherchons la sécurité juridique, il est clair qu'il faut valider ce qui a été fait en fonction de la législation actuelle au moment où nous mettons cette législation en conformité avec le droit européen.

Une autre innovation de l'Assemblée nationale, que la commission a retenue mais qui ne suscite pas forcément l'enthousiasme de son rapporteur, consiste à proroger de six mois le délai accordé au Gouvernement pour réformer par ordonnance les différents régimes d'enquêtes publiques. Qu'en dirait M. Portelli, qui évoquait tout à l'heure cette question, à propos du précédent texte ? M. le président de la commission des lois a également dit : « Je souhaiterais que ce fût la dernière fois. » Or il nous est de nouveau demandé une prorogation de délai !

Voilà donc les modifications qui ont été introduites par l'Assemblée nationale.

Permettez-moi maintenant, monsieur le ministre, mes chers collègues, de formuler quelques remarques.

Premièrement, dans ce projet de loi, la définition des règles de publicité et de mise en concurrence est renvoyée à un décret. Nous émettons quelques doutes sur cette procédure. Il est en effet paradoxal de renvoyer l'essentiel de l'objet du projet de loi, c'est-à-dire la définition des règles de transparence et de mise en concurrence, à un simple décret.

Je vous rappelle, monsieur le ministre, que l'article 34 de la Constitution dispose que la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales relève de la loi, ce qui signifie que l'on ne peut imposer à celles-ci quelque obligation que ce soit sans le vote d'une loi.

Le Conseil d'Etat considère d'ailleurs depuis fort longtemps que le code des marchés publics intervient dans une matière normalement réservée au législateur lorsqu'il détermine les modalités de passation et d'exécution des marchés des collectivités locales.

La procédure de passation des délégations de service public a ainsi été fixée par la loi du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques, dite « loi Sapin ». Vous y avez du reste fait allusion, monsieur le ministre, et c'était précisément à propos de ce que contiendrait le futur décret.

Nous savons tous ici qu'il est possible de se référer, et vous ne manquerez pas de le faire, au fameux décret-loi du 12 novembre 1938 relatif aux marchés publics. Je me permets cependant de vous faire humblement remarquer, monsieur le ministre, mes chers collègues, que ce texte est évidemment antérieur au partage des domaines respectifs de la loi et du règlement opéré par la Constitution de 1958...

Nous avons donc décidé de vous soumettre un amendement tendant à indiquer ce qui, à notre avis, doit constituer la substance de cette publicité et de cette mise en concurrence. Nous aurons l'occasion d'y revenir ultérieurement et de vous interroger à ce sujet, monsieur le ministre.

Deuxièmement, je souhaite me faire l'écho d'une question que nous avons évoquée avec les partenaires des opérations d'aménagement que nous avons rencontrés.

Chacun le sait, aujourd'hui, les sociétés d'économie mixte d'aménagement et les autres aménageurs, notamment privés, ne sont pas soumis au même régime fiscal. Or, à partir du moment où l'on fait jouer la concurrence, il paraît utile de mener une réflexion à ce sujet. En effet, il ne faudrait pas que se crée, à l'occasion de cette mise en concurrence et par le biais de cette différence de régime fiscal, une distorsion qui serait préjudiciable à l'équité.

Troisièmement, je souhaite soulever une question de principe à propos de l'ordonnance du 6 juin 2005, qui a été publiée mais n'a pas été ratifiée par le Parlement.

Le Conseil d'Etat considère en effet que, dès lors qu'une ordonnance est citée dans un texte de loi, cette citation vaut ratification.

En ce qui concerne les partenariats public-privé, on s'est ainsi trouvé dans une situation pour le moins bizarre, le Conseil d'Etat ayant jugé qu'une ordonnance était ratifiée dans la mesure où elle était citée dans la loi relative à la politique de santé publique.

Or ce n'était pas l'avis du Parlement puisque, à l'occasion de l'examen d'un tout autre texte, le rapporteur du Sénat avait déposé un amendement tendant à la ratification de l'ordonnance en question : le fait que la Haute Assemblée ait eu l'intention de ratifier cette ordonnance signifie bien que ses membres étaient opposés à la ratification implicite de cette dernière.

Et ce n'était pas non plus l'avis du puisque celui-ci avait déposé un projet de loi de ratification de cette même ordonnance devant le Conseil d'Etat : cela tend à prouver que lui non plus n'admet pas la notion de ratification implicite.

En vertu de cet arrêt du Conseil d'Etat, la simple citation d'une ordonnance dans un texte de loi pourrait donc se traduire par une sorte de ratification implicite, « à l'insu du plein gré », si je puis dire, du Parlement et du Gouvernement.

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