Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 18 mai 2015 à 14h30
Réforme de l'asile — Article 2

Bernard Cazeneuve :

Monsieur le sénateur, le Premier ministre a dit clairement quelle était la position de la France et elle n’est pas différente de celle que j’ai exprimée ici même la semaine dernière. Sur ce sujet, il faut éviter toute confusion et être d’une très grande précision.

Les propositions de la Commission européenne s’inspirent pour partie des démarches que nous avons entreprises auprès des différents pays de l’Union européenne pour qu’une position raisonnable soit trouvée qui à la fois permette d’accueillir ceux qui doivent être accueillis et évite que l’Union européenne ne soit confrontée à une situation qu’elle ne maîtriserait pas, à savoir l’arrivée sur son sol de migrants économiques irréguliers.

Pour ce qui est des personnes éligibles à l’asile en Europe, le statut est attribué à partir non pas de quotas, mais de critères objectifs, qui sont d’ailleurs ceux de la directive Qualification.

Or, aujourd'hui, dans l’Union européenne, cinq pays sur vingt-huit accueillent 75 % des demandeurs d’asile. Nous souhaitons que, dès lors qu’elles relèvent du statut protecteur de demandeur d’asile en Europe, les personnes soient réparties entre pays de l’Union européenne en tenant compte des efforts déjà accomplis en la matière par ces pays.

Pour les demandeurs d’asile, la notion de quota n’a pas de sens, car ce sont des critères qui président à leur accueil. C’est la position du Premier ministre et c’est également la mienne. Il s’agit de promouvoir une répartition solidaire de ceux qui peuvent bénéficier du statut de demandeur d’asile en Europe.

Pour ce qui est maintenant des migrants, de la même façon, nous ne sommes pas favorables à des quotas. En effet, si nous souhaitons réserver, dans la solidarité avec les autres pays européens, l’accueil que l’on doit aux réfugiés politiques et aux demandeurs d’asile, en revanche, en matière d’immigration économique irrégulière, nous avons proposé deux dispositions qui ont d’ailleurs été reprises par la Commission européenne.

En premier lieu, il s’agit de travailler avec les pays de provenance de manière à organiser des programmes puissants de codéveloppement leur permettant de bénéficier - non d’être privés - de la ressource humaine que constituent ces migrants pour mettre en place des projets. C’est le sens du déplacement récent que j’ai effectué au Niger et au Cameroun.

En second lieu, à partir de l’Italie et des hotspots présentés par la Commission européenne, il faut établir une distinction entre ceux qui relèvent de l’accueil au titre de la demande d’asile et ceux qui relèvent de l’immigration économique irrégulière, afin que FRONTEX, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, puisse, en liaison avec les pays de provenance, organiser le retour de ces migrants.

Par conséquent, je le redis, la France est favorable à un mécanisme de répartition solidaire de ceux qui relèvent du statut de demandeur d’asile, tenant compte des efforts déjà consentis par les pays. Pour ce qui est de l’immigration économique irrégulière, en revanche, nous souhaitons démanteler les filières et travailler au codéveloppement avec les pays de provenance.

Nous souhaitons de même que la distinction soit faite à partir de l’Italie, avec le concours de FRONTEX, entre ceux qui relèvent de l’asile et doivent à ce titre bénéficier de ce dispositif de répartition solidaire, et ceux qui doivent être reconduits à la frontière.

Telle est la position de la France, exprimée clairement tant par le Premier ministre que par moi-même. Si la France est hostile aux quotas, ce n’est pas parce qu’elle est contre un mécanisme de répartition solidaire, c’est parce que ce concept n’a tout simplement pas de sens pour ceux qui relèvent de l’asile. Pour les autres, nous préconisons une politique de codéveloppement et de lutte contre les filières de l’immigration irrégulière.

Cette position est donc très claire et il n’est absolument pas nécessaire de lancer ou d’entretenir plus avant des polémiques qui n’ont pas lieu d’être.

Par ailleurs, nous allons discuter avec la Commission européenne, qui a repris un très grand nombre de nos propositions, afin que les bons concepts soient utilisés pour conduire les bonnes politiques. En d’autres termes, il ne faudrait pas qu’une mauvaise communication gâche cet excellent plan qui permet et l’accueil dans de bonnes conditions de ceux qui relèvent de l’asile et la maîtrise des flux migratoires. À défaut, il n’y aura pas de soutenabilité de l’asile en Europe.

Humanité et équilibre : voilà la politique de la France et nous travaillons à ce qu’elle soit celle de l’Europe !

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