La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu intégral de la séance du mercredi 13 mai 2015 a été publié sur le site internet du Sénat.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à la réforme de l’asile (projet n° 193, texte de la commission n° 426, rapport n° 425, avis n° 394).
La discussion générale ayant été close, nous passons à la discussion du texte de la commission.
Chapitre Ier
Dispositions relatives aux conditions d’octroi de l’asile
(Non modifié)
L’intitulé du titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi rédigé : « Les conditions d’octroi de l’asile ».
L'article 1 er est adopté.
Au c de l’article L. 111-10 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, les mots : « ou le bénéfice de la protection subsidiaire » sont remplacés par les mots : «, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride ». –
Adopté.
Le chapitre Ier du titre Ier du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 711-2 est ainsi rédigé :
« Art. L. 711 -2. – Les actes de persécution et les motifs de persécution, au sens de la section A de l’article 1er de la convention de Genève précitée, sont appréciés dans les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2 de l’article 9 et au paragraphe 1 de l’article 10 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 2011, concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection.
« S’agissant des motifs de persécution, les aspects liés au genre et à l’orientation sexuelle sont dûment pris en considération aux fins de la reconnaissance de l’appartenance à un certain groupe social ou de l’identification d’une caractéristique d’un tel groupe.
« Pour que la qualité de réfugié soit reconnue, il doit exister un lien entre l’un des motifs de persécution et les actes de persécution ou l’absence de protection contre de tels actes.
« Lorsque l’autorité compétente évalue si un demandeur craint avec raison d’être persécuté, il est indifférent que celui-ci possède effectivement les caractéristiques liées au motif de persécution ou que ces caractéristiques lui soient attribuées par l’auteur des persécutions. » ;
2° Sont ajoutés des articles L. 711-3 à L. 711-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 711 -3. – Le statut de réfugié n’est pas accordé à une personne qui relève de l’une des clauses d’exclusion prévues aux sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève précitée.
« La même section F s’applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices des crimes ou des agissements mentionnés à ladite section ou qui y sont personnellement impliquées.
« Art. L. 711 -4. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié lorsque la personne concernée relève de l’une des clauses de cessation prévues à la section C de l’article 1er de la convention de Genève précitée. Pour l’application des 5 et 6 de la même section C, le changement dans les circonstances ayant justifié la reconnaissance de la qualité de réfugié doit être suffisamment significatif et durable pour que les craintes du réfugié d’être persécuté ne puissent plus être considérées comme fondées.
« L’office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au statut de réfugié lorsque :
« 1° Le réfugié aurait dû être exclu du statut de réfugié en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève précitée ;
« 2° La décision de reconnaissance de la qualité de réfugié a résulté d’une fraude ;
« 3° §(nouveau) Le réfugié doit, compte tenu de circonstances intervenues postérieurement à la reconnaissance de cette qualité, en être exclu en application des sections D, E ou F de l’article 1er de la convention de Genève précitée.
« Art. L. 711 -5. – Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 711-4, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié résulte d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ou du Conseil d’État, la juridiction est saisie par l’office ou par l’autorité administrative en vue de mettre fin au statut de réfugié. Les modalités de cette procédure sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 711-6 (nouveau). – Le statut de réfugié est refusé ou il est mis fin à ce statut lorsque :
« 1° Il y a des raisons sérieuses de considérer que la présence en France de la personne concernée constitue une menace pour la sécurité publique ou la sûreté de l’État ;
« 2° La personne concernée a été condamnée en dernier ressort pour un crime constituant un acte de terrorisme ou tout autre crime particulièrement grave et sa présence en France constitue une menace pour la société. »
L'amendement n° 24 rectifié bis, présenté par Mme Létard, M. Guerriau, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Alinéa 3
Compléter cet alinéa par les mots :
et dans les conditions prévues aux paragraphes 1 et 2 de l’article 60 de la convention du Conseil de l’Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique
La parole est à Mme Valérie Létard.
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’Assemblée nationale avait souhaité rappeler que les actes et motifs de persécution doivent aussi être appréciés au regard de l’article 60 de la convention d’Istanbul du Conseil de l’Europe du 11 mai 2011 sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
Cet article précise, dans son premier paragraphe, que « les Parties prennent les mesures législatives ou autres nécessaires pour que la violence à l’égard des femmes fondée sur le genre puisse être reconnue comme une forme de persécution au sens de [...] la Convention relative au statut des réfugiés de 1951 et comme une forme de préjudice grave donnant lieu à une protection complémentaire/subsidiaire ».
Il est indiqué plus loin que « les Parties veillent à ce qu’une interprétation sensible au genre soit appliquée à chacun des motifs de la Convention et à ce que les demandeurs d’asile se voient octroyer le statut de réfugié dans les cas où il a été établi que la crainte de persécution est fondée sur l’un ou plusieurs de ces motifs, conformément aux instruments pertinents applicables. »
Or les femmes sont très souvent victimes de violences, en particulier du fait de traditions coutumières dans certains pays, et il importe qu’elles puissent être accueillies et protégées pour les y soustraire.
La commission des lois a estimé que ces dispositions étaient inutiles dans la mesure où elles sont reprises à l’article 10 de la directive « Qualification » 2011/95/UE, déjà cité dans cet alinéa.
Néanmoins, au vu des chiffres de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, concernant les femmes demandeuses d’asile en 2014, lesquels indiquent que 36, 4 % des premières demandes sont aujourd’hui déposées par des femmes et que celles-ci représentent la moitié des accords de protection subsidiaire de l’OFPRA, il nous paraît utile de conserver cette précision dans le texte
Il ne semble pas forcément superflu d’aller dans le sens de ce qui a été débattu à l’Assemblée nationale et qui, pour nous, revêt une dimension plus qu’anecdotique !
Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, Mme Létard propose de réintroduire dans le projet de loi la référence à la convention d’Istanbul relative à la prévention et à la lutte contre la violence à l’égard des femmes.
Or cette référence nous paraît redondante, car l’article 10 de la directive Qualification, auquel le projet de loi renvoie, prévoit d’ores et déjà que les aspects liés au genre sont « dûment pris en compte » dans l’examen de la demande d’asile.
Cette référence complexifie la rédaction de l’article et, surtout, sur le fond, n’apporte finalement aucune garantie supplémentaire aux demandeurs d’asile de sexe féminin, dont la protection n’est pas améliorée.
Pour ces deux motifs, la commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement n° 24 rectifié bis
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame Létard, vous le savez, le Gouvernement a été particulièrement sensible au sort réservé aux femmes qui relèvent de l’accueil et de la protection. J’en veux pour preuve le fait que, lors de la discussion du texte à l’Assemblée nationale, nous avons accepté des amendements concernant la question de la violence à l’égard des femmes et la violence domestique.
L’amendement que vous proposez nous paraît être satisfait dans le texte. En effet, l’article 2 du projet de loi, notamment dans son alinéa 3, précise que les motifs de persécution au sens de la convention de Genève sont appréciés dans les conditions prévues à l’article 10 de la directive du 13 décembre 2011, lequel prend en compte votre préoccupation.
Comme il est satisfait par le texte qui vous est soumis, je vous suggère de retirer cet amendement.
Nos collègues députés ont bien vu que le texte proposé contenait déjà une précision puisqu’il se réfère à la directive sur cette question spécifique du genre. Ils ont néanmoins souhaité insister sur ce point au vu des chiffres de l’OFPRA que j’ai rappelés, chiffres significatifs qui justifient notre préoccupation commune.
Mais je ne souhaite pas inaugurer cette discussion par un désaccord, d’autant que j’ai conscience d’avoir d’ores et déjà satisfaction. Je n’en constate pas moins que nous allons les uns et les autres, sur les différentes travées, accepter ou même proposer, au cours de la discussion, bien des éléments qui sont déjà présents dans le texte ou qui relèvent parfois du domaine réglementaire, et ce à juste titre.
Je tenais à souligner l’utilité de certains rappels dans le texte quand ils ont un sens pour le Parlement, car il n’est pas forcément redondant d’insister sur ce qui est essentiel pour nous. Les deux délégations parlementaires aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes s’étaient également montrées sensibles à cet aspect.
Cela étant, comme cet amendement m’a permis de signifier l’importance particulière qu’il convient d’attacher à cette question, je le retire, madame la présidente.
L'amendement n° 24 rectifié bis est retiré.
Les amendements n° 157 et 152 ne sont pas défendus.
L'amendement n° 44, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Alinéa 15, première phrase
Supprimer les mots :
ou par l'autorité administrative
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Le présent amendement prévoit de supprimer la possibilité, ajoutée en commission des lois, que la Cour nationale du droit d'asile, la CNDA, ou le Conseil d'État puissent être saisis par l'autorité administrative pour mettre fin au statut de réfugié dans le cadre du recours en révision prévu au nouvel article L. 711-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA.
Cette disposition nous semble délicate à mettre en œuvre. En effet, l’autorité administrative n'a pas intérêt à agir devant la CNDA, n'étant pas partie à l'audience.
En outre, cette disposition est inutile dès lors que, si le préfet dispose d'éléments mettant en exergue la nécessité de faire cesser ce statut, il peut les transmettre à l'OFPRA, qui décide de demander ou non la révision devant la CNDA.
Je rappelle que l’OFPRA est présent à l’audience de la CNDA.
La commission est défavorable à cet amendement, qui vise à supprimer la possibilité donnée au préfet de saisir la Cour nationale du droit d’asile ou le Conseil d’État d’un recours en révision afin de faire cesser un statut de réfugié que ces juridictions ont elles-mêmes accordé.
Il est important de préserver cette nouvelle prérogative accordée au préfet pour qu’il puisse transmettre aux juridictions les éléments démontrant la nécessité de mettre fin à ce statut.
Par ailleurs, le fait de demander – comme le proposent les auteurs de l’amendement – au préfet de communiquer ces éléments à l’OFPRA pour que ce dernier saisisse lui-même la Cour nationale du droit d’asile ou le Conseil d’État nous semble complexifier inutilement la procédure.
Telles sont les raisons pour lesquelles j’émets, au nom de la commission, un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de loi vise à simplifier les dispositifs.
Par ailleurs, il faut laisser la possibilité à l’administration, lorsqu’elle dispose des éléments qui témoignant du risque s’attachant au comportement de telle ou telle personne ayant obtenu le statut de réfugié, de pouvoir donner toutes informations relatives aux raisons qui motivent la volonté de l’État de voir cette décision remise en cause.
Par conséquent, en raison du contexte que vous connaissez, et puisque cet amendement viendrait complexifier un texte que nous souhaitons simplifier, j’émets, au nom du Gouvernement, un avis défavorable sur cet amendement.
Je suis au regret de vous dire que je vais le maintenir ! Encore une fois, l’autorité administrative n’a pas intérêt à agir devant la CNDA, n’étant pas partie à l’audience.
Je vais donner un exemple de faits qui ne se sont encore jamais produits en France – Dieu merci ! –, mais que l’on constate dans un certain nombre de pays européens. Je veux parler de l’utilisation qui est faite des notices rouges d’Interpol par le pays d’origine : une personne qui a obtenu une protection dans un pays européen peut se retrouver menacée de la perdre. Ce fut le cas de certains qui, après avoir bénéficié d’une protection en Europe centrale, se sont retrouvés bloqués en Espagne et menacés d’expulsion vers leur pays d’origine. Cette situation, je le dis, n’est pas normale et tient à un mélange des genres !
L’OFPRA a, lui, intérêt à agir devant la CNDA. Si l’autorité administrative a des informations, il est souhaitable, pour la bonne efficacité du système, qu’elle les transmette à l’OFPRA, qui est lui-même en capacité d’étudier l’ensemble du dossier. Il peut notamment regarder comment un certain nombre de pays autoritaires utilisent Interpol pour essayer de récupérer des personnes qui ont obtenu des protections.
Il me semble souhaitable de ne pas prêter le flanc à ce genre de chose ! Par conséquent, je maintiens mon amendement, qui vise précisément à protéger les personnes et à permettre à l’OFPRA, qui a les capacités de procéder aux vérifications nécessaires, d’étudier les demandes de la préfecture et d’agir vis-à-vis de la CNDA s’il l’estime nécessaire.
Monsieur le sénateur, je pense que la disposition qui a été ajoutée par la commission des lois et dont nous demandons le maintien est de nature à protéger tout le monde.
Nous sommes dans un contexte particulier qui est celui que vous savez. Or, dans ce contexte, il apparaît que des protections ont été accordées à des demandeurs d’asile avant qu’il soit porté à la connaissance de l’autorité administrative des informations attestant que certaines de ces personnes bénéficiant d’une protection ont pu être engagées dans des activités qui justifient le retrait de cette protection.
Si, demain, nous accordons le statut de réfugié à des personnes dont on constate qu’elles sont susceptibles d’être impliquées dans des activités à caractère terroriste – je prends cet exemple, parce qu’il est le plus saillant –, alors que le préfet dispose de ces informations dont l’OFPRA n’a pas à connaître car elles peuvent lui être communiquées par des services qui ont compétence pour le faire, nous nous exposons à fragiliser considérablement non seulement l’Office, mais aussi le droit d’asile lui-même.
C’est pourquoi ne pas prendre en compte le contexte me semble de nature à poser problème.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 148, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Alinéas 16 à 18
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement tend à supprimer une disposition introduite en commission qui prévoit d’exclure du statut de réfugié de nouvelles catégories de personnes, ou de mettre fin à ce statut pour certaines d’entre elles. Cet ajout a été présenté comme visant à transposer l’article 14. 4. a) de la directive Qualification du 13 décembre 2011. Or il s’agit d’une disposition facultative de la directive, qui peut en outre paraître contraire à la convention de Genève.
En effet, la convention prévoit d’exclure une personne dont on a de sérieuses raisons de penser qu’elle a commis un crime de génocide ou un crime grave de droit commun, hors du pays d’accueil, ou a agi à l’encontre des buts et principes de Nations unies. L’article 33-2 de la convention dispose que l’on peut expulser vers son pays un réfugié qui porterait atteinte à la sécurité nationale. La directive ajoute donc un cas d’exclusion.
Cependant, la jurisprudence du Conseil d’État, dans ses arrêts Rajkumar du 25 septembtre1998 et Pham du 21 mai 1997, prévoit, d’une part, que l’on ne peut pas exclure une personne pour un crime commis dans le pays d’accueil, et, d’autre part, que l’article 33-2 ne peut pas être appliqué dans la détermination du statut de réfugié.
Maintenir ces dispositions ferait encourir un risque à la loi, si une question préjudicielle venait à être posée à l'occasion d'un contentieux portant sur les décrets d’application.
Le dispositif introduit par la commission pour refuser ou faire cesser le statut de réfugié en cas de menace pour la société ou de crime particulièrement grave est essentiel pour que l’administration puisse agir contre ceux qui n’ont pas vocation à bénéficier de la protection de la France. Il reprend les termes de la directive Qualification du 13 décembre 2011, ce qui garantit sa conformité au droit communautaire. En outre, il est conforme à la convention de Genève.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l’amendement n° 148.
L'amendement n'est pas adopté.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote sur l'article.
Je voterai l’article 2.
Monsieur le ministre, puisque nous discutons du chapitre Ier relatif aux conditions d’octroi de l’asile, je souhaite connaître précisément la position de la France par rapport aux quotas.
Mes chers collègues, ici même, la semaine dernière, au cours de la discussion générale, le ministre s’est déclaré favorable aux quotas définis par l’Europe à condition, a-t-il ajouté, que l’Europe prenne en compte les efforts déjà réalisés par chacun des États, ce qui me paraît cohérent. Nous avons donc compris que, sur la question des migrants, la France accepterait les quotas européens.
Or, ce week-end, le Premier ministre a annoncé qu’en la matière la France s’opposerait fermement à tout quota défini au niveau européen… Si des difficultés ou des erreurs d’interprétation peuvent surgir en fonction de ce qui est dit ou écrit, il nous faut néanmoins connaître de façon claire la position de la France.
Monsieur le ministre, la France va-t-elle accepter le principe des quotas européens prenant en compte les efforts déjà réalisés ou bien le Gouvernement, changeant de pied en quelque sorte, va-t-il le refuser, à l’instar du Royaume-Uni, de la Hongrie, de la République tchèque et de la Pologne ? C’est une question importante, sinon essentielle, pour 2015.
Monsieur le sénateur, le Premier ministre a dit clairement quelle était la position de la France et elle n’est pas différente de celle que j’ai exprimée ici même la semaine dernière. Sur ce sujet, il faut éviter toute confusion et être d’une très grande précision.
Les propositions de la Commission européenne s’inspirent pour partie des démarches que nous avons entreprises auprès des différents pays de l’Union européenne pour qu’une position raisonnable soit trouvée qui à la fois permette d’accueillir ceux qui doivent être accueillis et évite que l’Union européenne ne soit confrontée à une situation qu’elle ne maîtriserait pas, à savoir l’arrivée sur son sol de migrants économiques irréguliers.
Pour ce qui est des personnes éligibles à l’asile en Europe, le statut est attribué à partir non pas de quotas, mais de critères objectifs, qui sont d’ailleurs ceux de la directive Qualification.
Or, aujourd'hui, dans l’Union européenne, cinq pays sur vingt-huit accueillent 75 % des demandeurs d’asile. Nous souhaitons que, dès lors qu’elles relèvent du statut protecteur de demandeur d’asile en Europe, les personnes soient réparties entre pays de l’Union européenne en tenant compte des efforts déjà accomplis en la matière par ces pays.
Pour les demandeurs d’asile, la notion de quota n’a pas de sens, car ce sont des critères qui président à leur accueil. C’est la position du Premier ministre et c’est également la mienne. Il s’agit de promouvoir une répartition solidaire de ceux qui peuvent bénéficier du statut de demandeur d’asile en Europe.
Pour ce qui est maintenant des migrants, de la même façon, nous ne sommes pas favorables à des quotas. En effet, si nous souhaitons réserver, dans la solidarité avec les autres pays européens, l’accueil que l’on doit aux réfugiés politiques et aux demandeurs d’asile, en revanche, en matière d’immigration économique irrégulière, nous avons proposé deux dispositions qui ont d’ailleurs été reprises par la Commission européenne.
En premier lieu, il s’agit de travailler avec les pays de provenance de manière à organiser des programmes puissants de codéveloppement leur permettant de bénéficier - non d’être privés - de la ressource humaine que constituent ces migrants pour mettre en place des projets. C’est le sens du déplacement récent que j’ai effectué au Niger et au Cameroun.
En second lieu, à partir de l’Italie et des hotspots présentés par la Commission européenne, il faut établir une distinction entre ceux qui relèvent de l’accueil au titre de la demande d’asile et ceux qui relèvent de l’immigration économique irrégulière, afin que FRONTEX, l’Agence européenne pour la gestion de la coopération opérationnelle aux frontières extérieures, puisse, en liaison avec les pays de provenance, organiser le retour de ces migrants.
Par conséquent, je le redis, la France est favorable à un mécanisme de répartition solidaire de ceux qui relèvent du statut de demandeur d’asile, tenant compte des efforts déjà consentis par les pays. Pour ce qui est de l’immigration économique irrégulière, en revanche, nous souhaitons démanteler les filières et travailler au codéveloppement avec les pays de provenance.
Nous souhaitons de même que la distinction soit faite à partir de l’Italie, avec le concours de FRONTEX, entre ceux qui relèvent de l’asile et doivent à ce titre bénéficier de ce dispositif de répartition solidaire, et ceux qui doivent être reconduits à la frontière.
Telle est la position de la France, exprimée clairement tant par le Premier ministre que par moi-même. Si la France est hostile aux quotas, ce n’est pas parce qu’elle est contre un mécanisme de répartition solidaire, c’est parce que ce concept n’a tout simplement pas de sens pour ceux qui relèvent de l’asile. Pour les autres, nous préconisons une politique de codéveloppement et de lutte contre les filières de l’immigration irrégulière.
Cette position est donc très claire et il n’est absolument pas nécessaire de lancer ou d’entretenir plus avant des polémiques qui n’ont pas lieu d’être.
Par ailleurs, nous allons discuter avec la Commission européenne, qui a repris un très grand nombre de nos propositions, afin que les bons concepts soient utilisés pour conduire les bonnes politiques. En d’autres termes, il ne faudrait pas qu’une mauvaise communication gâche cet excellent plan qui permet et l’accueil dans de bonnes conditions de ceux qui relèvent de l’asile et la maîtrise des flux migratoires. À défaut, il n’y aura pas de soutenabilité de l’asile en Europe.
Humanité et équilibre : voilà la politique de la France et nous travaillons à ce qu’elle soit celle de l’Europe !
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour explication de vote sur l'article.
Monsieur le ministre, malgré l’amitié et l’estime que j’ai pour vous, je vous contredirai. Avant la déclaration de M. Valls, vous vous êtes prononcé pour les quotas sur l’antenne de RFI.
En tant qu’historienne, je tiens à établir un parallèle. M. Valls parle comme Henry Bérenger qui, en 1938, conduisait la délégation française à la conférence d’Évian convoquée par Roosevelt pour trouver une solution au problème des réfugiés juifs autrichiens et allemands. Henry Bérenger affirmait que la France n’avait pas les ressources nécessaires pour accepter les quotas. Le Royaume-Uni soutenait qu’après la crise de 1929 le chômage était tel qu’il ne pouvait accueillir les réfugiés et ne voulait pas non plus des quotas. Finalement, on a rendu ces gens à leurs bourreaux et vous connaissez la fin de l’histoire…
Répéter aujourd’hui – avec les mêmes mots – ce qui s’est passé en 1938, à la conférence d’Évian, me semble assez problématique.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas faire le talmudiste et chercher ainsi à établir une différence entre quota et répartition. Nous avons tous fait des études : la distinction ne va pas de soi. Vous faites de la rhétorique pour noyer le poisson ! Au regard du problème humanitaire auquel nous sommes confrontés, nous n’allons pas discuter avec la Syrie pour savoir si elle peut améliorer les conditions économiques sur son territoire afin que les candidats au départ renoncent à leur projet…
On ne peut pas faire de distinction et affirmer que les quotas sont pour les demandeurs d’asile et non pour les migrants qui viennent chercher du travail. Vous savez bien que la France est l’un des pays qui a accordé le moins l’asile par rapport à l’Allemagne, à la Suède et même à la Turquie.
La Turquie a accueilli 2 millions de réfugiés syriens, dont 225 000 dans trois camps situés à l’est du pays, à la frontière syrienne, où je me suis rendue. Ce n’est pas en ayant reçu 500 réfugiés syriens en 2014 que la France pourrait avoir rempli le moindre quota !
Essayons, pour une fois, face à des événements aussi dramatiques, de nous élever au-dessus de la politique politicienne.
Madame la sénatrice, malgré toute l’estime que j’ai également pour vous, permettez-moi de vous dire que c’est vous qui faites de la politique politicienne, et je veux en apporter la démonstration rigoureusement.
Si on est animé de considérations humanistes, cela n’a aucun sens d’instaurer des quotas de demandeurs d’asile.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Que ferez-vous des nouveaux demandeurs d’asile satisfaisant aux critères lorsque le quota fixé sera atteint ? Allez-vous leur refuser l’accueil ?
Mme Esther Benbassa s’exclame.
Quand on est humaniste, quand on se réfère aux valeurs qui sont les vôtres, on parle non pas de quotas pour les demandeurs d’asile, mais de critères, parce qu’il s’agit d’appliquer des principes.
Le gouvernement français considère que l’on est demandeur d’asile lorsque l’on est persécuté dans son pays, quand on risque d’y trouver la mort, d’y être exécuté, d’y être emprisonné. Dès lors que l’on entre dans cette catégorie, on relève de l’asile, sur le fondement de critères.
Il est donc totalement absurde, dès lors que les demandeurs d’asile sont éligibles à ce statut sur le fondement de critères, d’être favorable à des quotas, sauf à renoncer à la tradition humaniste qui est la nôtre. Je le répète : quand on se réfère à la philosophie qui semble inspirer votre intervention, madame la sénatrice, cela n’a aucun sens de vouloir des quotas.
Dire qu’un gouvernement qui raisonne comme je viens de le faire est animé de l’esprit de 1938 constitue non seulement une insulte, mais également une contrevérité au regard des objectifs qu’il se fixe et des principes qu’il défend.
M. Roger Karoutchi s’exclame.
Madame la sénatrice, vis-à-vis des demandeurs d’asile, nous prônons un mécanisme de solidarité européen en lieu et place des quotas. Telle est la position que je suis personnellement allé défendre au mois d’août dernier dans les capitales européennes, afin qu’elle devienne celle de l’Union européenne, ce qui n’était alors pas le cas.
En outre, et je regrette que vous n’ayez pas fait preuve de la plus grande rigueur intellectuelle sur cette question qui l’exigerait pourtant, on ne peut pas assimiler immigration économique irrégulière et demande d’asile. Si on le fait, madame la sénatrice, alors il n’y a plus aucune soutenabilité humanitaire et politique de l’accueil des demandeurs d’asile.
Mme Catherine Tasca approuve.
Pour notre part, nous souhaitons que les personnes relevant de l’asile soient accueillies sur la base de critères et non pas en fonction de quotas et qu’un mécanisme européen de solidarité soit mis en place. Aujourd'hui, cinq pays accueillent 75 % des demandeurs d’asile, dans une Union européenne qui compte vingt-huit membres. Ce n’est pas normal !
Pour ce qui est de l’immigration irrégulière, nous démantelons les filières, nous organisons des politiques de codéveloppement et reconduisons à la frontière. Si nous ne le faisions pas, la politique d’accueil des demandeurs d’asile ne serait pas soutenable.
Voilà très précisément quelle est la position du gouvernement français. Elle inspire une partie de la politique de l’Union européenne, et c’est bien.
Nous devons maintenant utiliser les concepts avec la plus grande rigueur, en étant le plus précis possible. Nous le devons à ceux qui souffrent parce qu’ils sont persécutés. Leur situation doit effectivement nous conduire à nous tenir très loin des considérations politiciennes, lesquelles, comme vous l’avez constaté à l’instant, madame la sénatrice, n’inspirent pas la position du gouvernement français.
La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote sur l'article.
Je dois dire que je souscris totalement à l’analyse du Gouvernement sur la question précise des quotas. Le projet de loi que nous examinons porte sur le droit d’asile. À cette occasion, nous ne devons pas, mes chers collègues, accroître la confusion entre la question des demandeurs d’asile et celle des immigrants. Ce serait à mon avis une faute grave d’engager notre discussion sur la base d’une telle confusion.
Par ailleurs, le projet de loi comporte des améliorations notables s’agissant des conditions d’accueil du demandeur d’asile et de l’examen au plus près de sa demande.
Ce texte donne à l’OFPRA la possibilité de procéder à un examen sérieux, approfondi et individualisé des demandes d’asile. Il ne faut pas sortir de cette logique, mes chers collègues.
Or la notion même de quota renvoie à un traitement quantitatif par masses, par groupes éventuellement, ce qui est totalement étranger au projet de loi dont nous engageons la discussion des articles aujourd'hui.
Il suffit d’assister à un entretien à l’OFPRA par ses officiers pour comprendre que l’Office procède véritablement au cas par cas, ce qui est très important. Il est vrai que nous sommes aujourd'hui confrontés à des situations collectives – la Syrie en est évidemment un exemple –, qui entraînent un nombre croissant de demandes d’asile, vers la France, mais pas uniquement.
La logique du droit d’asile, c’est un examen individualisé des demandes, lequel est totalement incompatible avec la notion de quotas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour explication de vote sur l'article.
Je partage tout à fait le point de vue de ma collègue Catherine Tasca : un examen systématiquement individuel des cas est indispensable.
Bien entendu, les procédures, et en particulier les procédures de Dublin, dysfonctionnent totalement – nous aurons certainement l’occasion de revenir sur cette question au cours de nos débats –, mais on ne peut pas les remplacer par des dispositifs qui seraient la négation même de l’examen individuel des demandes d’asile. Il y a beaucoup de travail à faire en Europe sur ce sujet. Nous devons au préalable mettre nos dispositions en accord avec nos principes en termes d’examen individualisé des cas et prévoir des garanties.
Par ailleurs, je regrette vivement que mon amendement sur l’autorité administrative n’ait pas été adopté, car cela aura un impact sur les réflexions que nous aurons lors de l’examen de l’article 10, dont la commission a modifié la rédaction concernant le secret des sources de la CNDA. Il a été très difficile de trouver un équilibre sur ce sujet précisément.
La nécessité du secret des sources et la question du respect par la CNDA du principe du contradictoire, y compris lorsque des informations disponibles justifieraient de ne pas accorder une protection ou de la retirer, ont en effet suscité de nombreux débats et nécessité de nombreux « calages ». M. le rapporteur y reviendra peut-être lorsque nous examinerons l’article 10.
J’attire votre attention sur le fait que, l’autorité administrative ayant désormais la possibilité d’intervenir directement auprès de la CNDA, nous n’aurons pas les mêmes garanties s’agissant du respect du contradictoire, les informations risquant de ne pas être disponibles. Telles sont les raisons pour lesquelles je regrette que mon amendement n° 44 n’ait pas été adopté.
L'article 2 est adopté.
Le chapitre II du même titre Ier est ainsi modifié :
1° L’article L. 712-1 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« Le bénéfice de la protection subsidiaire est accordé à toute personne qui ne remplit pas les conditions pour se voir reconnaître la qualité de réfugié et pour laquelle il existe des motifs sérieux et avérés de croire qu’elle courrait dans son pays un risque réel de subir l’une des atteintes graves suivantes :
« a) La peine de mort ou une exécution ; »
b) Au c, le mot : «, directe » est supprimé ;
2° L’article L. 712-2 est ainsi modifié :
a) À la fin du b, les mots : « de droit commun » sont supprimés ;
b) Sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Le présent article s’applique également aux personnes qui sont les instigatrices ou les complices de ces crimes ou agissements ou qui y sont personnellement impliquées.
« La protection subsidiaire est refusée à une personne s’il existe des raisons sérieuses de penser, d’une part, qu’elle a commis, avant son entrée en France, un ou plusieurs crimes qui ne relèvent pas du champ d’application des a à d et qui seraient passibles d’une peine de prison s’ils avaient été commis en France et, d’autre part, qu’elle n’a quitté son pays d’origine que dans le but d’échapper à des sanctions résultant de ces crimes. » ;
3° L’article L. 712-3 est ainsi rédigé :
« Art. L. 712 -3. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides procède à un réexamen des protections subsidiaires accordées au moins tous les trois ans. Il met fin, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque les circonstances ayant justifié l’octroi de cette protection ont cessé d’exister ou ont connu un changement suffisamment significatif et durable pour que celle-ci ne soit plus requise.
« Il ne peut être mis fin à la protection subsidiaire en application du premier alinéa lorsque son bénéficiaire peut invoquer des raisons impérieuses tenant à des atteintes graves antérieures pour refuser de se réclamer de la protection de son pays.
« L’office met également fin à tout moment, de sa propre initiative ou à la demande de l’autorité administrative, au bénéfice de la protection subsidiaire lorsque :
« 1° Son bénéficiaire aurait dû être exclu de cette protection pour l’un des motifs prévus à l’article L. 712-2 ;
« 2° La décision d’octroi de cette protection a résulté d’une fraude ;
« 3° §(nouveau) Son bénéficiaire doit, à raison de faits commis postérieurement à l’octroi de la protection, en être exclu pour l’un des motifs prévus à l’article L. 712-2. » ;
4° Il est ajouté un article L. 712-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 712 -4. – Dans les cas prévus aux 1° et 2° de l’article L. 712-3, lorsque l’octroi de la protection subsidiaire résulte d’une décision de la Cour nationale du droit d’asile ou du Conseil d’État, la juridiction est saisie par l’office ou par l’autorité administrative en vue de mettre fin à la protection subsidiaire. Les modalités de cette procédure sont fixées par décret en Conseil d’État. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 25 rectifié bis est présenté par Mme Létard, M. Guerriau, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.
L'amendement n° 84 est présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 13
Supprimer les mots :
procède à un réexamen des protections subsidiaires accordées au moins tous les trois ans. Il
La parole est à Mme Valérie Létard, pour défendre l'amendement n° 25 rectifié bis.
Permettez-moi de revenir brièvement sur l’article 2.
En réponse à notre collègue Roger Karoutchi, M. le ministre a rappelé et précisé de façon très claire quelle était sa position sur les quotas et sur les critères.
On ne voit pas en effet comment il serait possible de définir des quotas s’agissant d’un phénomène qui n’est absolument pas circonscrit. La situation doit être appréhendée de façon solidaire à l’échelle européenne.
Monsieur le ministre, les critères devront être précisés, le terme « critère » étant lui-même très large : on voit bien comment, sur cette réalité, on peut s’entendre quand on ne sait pas ce qu’il faut entendre par le vocable utilisé…
Sachant que l’Union européenne compte 511 millions d’habitants et qu’il y a 650 000 demandeurs d’asile, ce chiffre étant évolutif et pouvant être plus important demain, il faut répartir l’effort de manière beaucoup plus partagée et solidaire, mais pas pour autant uniforme, car, on le sait, la situation n’est pas la même suivant les États membres. Il faudra donc que l’on nous dise ce que l’on entend par « critère ».
Ce qui est certain, c’est qu’il ne faut pas confondre demandeurs d’asile et immigrés pauvres, comme vous l’avez précisé, et c’était indispensable, monsieur le ministre. Pour que le droit d’asile perdure, il doit être octroyé dans les meilleures conditions à l’échelle de l’Union européenne.
En revanche, les immigrés économiques sont des personnes en situation irrégulière. Il faut bien sûr les accompagner humainement et dignement vers le retour, mais également faire un travail en amont, avec les pays d’origine aussi, et faire du codéveloppement. On ne peut être que d’accord sur ce point.
Je le répète, nous attendons des précisions au cours de nos débats. Nous verrons alors comment nous pourrons nous retrouver sur cette voie.
J’en viens à l’amendement n° 25 rectifié bis.
La commission des lois du Sénat a souhaité que l’OFPRA procède à un réexamen périodique, tous les trois ans, des dossiers des bénéficiaires de la protection subsidiaire, ayant constaté que le réexamen annuel actuellement prévu par le droit n’est en pratique pas suivi d’effet. L’objectif du texte est de permettre un meilleur suivi des dossiers en réduisant les délais constatés à toutes les étapes de la procédure.
Réintroduire une telle obligation nécessitera forcément de mobiliser des moyens qui pourront faire défaut par ailleurs, alors qu’aujourd’hui l’Office est en capacité, à tout moment, de décider de revoir la situation de personnes lorsque le besoin de protection a cessé d’exister ou lorsqu’un changement significatif et durable est intervenu.
Il semble donc préférable de laisser à l’OFPRA la possibilité de déclencher ces réexamens plutôt que de les systématiser, sachant en outre que l’Office devra être extrêmement offensif, car sa charge de travail va considérablement s’accroître compte tenu de l’augmentation du nombre de dossiers qui lui seront soumis.
Systématiser cet élément de la procédure rendrait peut-être plus difficile l’instruction dans de bonnes conditions des dossiers des nouveaux entrants et le bon suivi des autres lorsque cela est nécessaire.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour présenter l'amendement n° 84.
La commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements identiques.
La protection subsidiaire a très exactement concerné 1 940 personnes en 2014. L’OFPRA a aujourd'hui obligation, par les textes, de vérifier tous les ans si cette protection peut être supprimée. Or nous savons qu’il est difficile de réaliser de telles vérifications tous les ans. Pour autant, il ne nous a pas paru raisonnable de supprimer totalement toute périodicité.
Nous proposons donc d’instituer un délai de trois ans, lequel serait parfaitement compatible à la fois avec la charge de travail de l’OFPRA et avec l’obligation qui lui est faite de vérifier si le statut de protection peut être supprimé en raison d’un changement de circonstances. Un tel délai est clair et permettra à l’OFPRA d’engager des procédures.
On comprend la bonne intention des auteurs de ces amendements, mais le risque, en supprimant tout délai, est qu’il ne se passe jamais rien, faute de temps pour effectuer les contrôles. Et on aura beau jeu, en l’absence de périodicité, de se dire qu’après tout ce n’est pas bien grave si le contrôle ne se fait pas.
Le Gouvernement est, lui, favorable à ces deux amendements identiques.
Nous avons considéré que le réexamen tous les trois ans proposé par la commission des lois était de nature à accroître considérablement le travail de l’OFPRA, alors que l’objectif du présent texte est de faciliter la procédure d’asile.
Il nous paraît beaucoup plus approprié de revenir au texte initial et de prévoir qu’un réexamen de la situation est possible à tout moment, pour des raisons liées à la fois à un changement de circonstances dans les pays d’origine ou à un changement dans la situation de droit ou de fait de la personne concernée.
Je voudrais maintenant répondre à la question qui m’a été posée précédemment : la Commission a indiqué qu’elle souhaitait, d’ici à la fin du mois, définir les clefs de la répartition solidaire des demandes d’asile entre les différents pays de l’Union européenne.
La France, qui a activement œuvré pour la mise en place de ce mécanisme de solidarité, discutera très attentivement avec la Commission, laquelle a déjà envisagé de retenir plusieurs critères comme le PIB, le nombre d’habitants et les efforts précédemment réalisés par les différents pays pour accueillir des demandeurs d’asile.
Il nous semble d’ailleurs que ce dernier critère est insuffisamment pris en compte, et nous insisterons pour qu’il le soit davantage. En effet, avec cinq pays en Europe qui accueillent 75 % des demandeurs d’asile, la répartition n’est pas satisfaisante et il manque une vraie dynamique européenne en la matière. La France sera donc très vigilante sur la définition de ces critères.
Sur la question de l’immigration économique irrégulière, nous nous attaquons aux filières. Au Niger et au Cameroun, où je me suis rendu la semaine dernière, j’ai pu constater les ravages humains épouvantables provoqués par ces filières et par la traite des êtres humains à laquelle elles se livrent. Les pays de provenance souhaitent donc nous voir agir fortement contre ces filières.
Quant aux politiques de codéveloppement, nous ne pouvons pas les mettre en place sans associer les pays d’origine eux-mêmes et sans que l’Union européenne s’implique fortement. Nous souhaitons donc que la Commission s’engage puissamment dans une politique de codéveloppement avec les pays d’origine.
Cela impose d’exiger des mesures très concrètes.
Ainsi, au Niger, j’ai constaté que certains lieux dans lesquels intervenait l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, mais qui n’étaient pas directement gérés par elle, étaient tenus par les passeurs. Nous voulons que ces centres soient véritablement gérés en partenariat avec les pays concernés, que le respect de la personne humaine y prévale et qu’il existe de véritables projets de développement.
Se pose par ailleurs le problème de la gestion de l’immigration économique irrégulière en Italie : il convient en la matière de bien distinguer ceux qui relèvent de l’asile de ceux qui n’en relèvent pas et d’organiser les reconduites à la frontière.
Sur tous ces sujets, nous allons continuer à dialoguer de façon très positive avec l’Allemagne et, au-delà, avec l’ensemble des pays de l’Union européenne, de manière à avancer des propositions efficaces permettant l’accueil de ceux qui doivent être accueillis et la maîtrise des flux migratoires, sans laquelle l’accueil des demandeurs d’asile en Europe ne sera pas soutenable.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte les amendements.
L'article 3 est adopté.
Le chapitre III du même titre Ier est ainsi modifié :
1° A §(nouveau) L’article L. 713-1 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils peuvent également l’être par la Cour nationale du droit d’asile dans les conditions prévues au chapitre III du titre III du présent livre. » ;
1° L’article L. 713-2 est ainsi modifié :
a) Le début du premier alinéa est ainsi rédigé : « Les persécutions ou menaces de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et les atteintes graves ou menaces d’atteintes graves pouvant...
le reste sans changement
b) Au second alinéa, les mots : « et des organisations internationales et régionales » sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « ou des partis ou organisations, y compris des organisations internationales, qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci. Cette protection doit être effective et non temporaire. » ;
c) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« Une telle protection est en principe assurée lorsque les autorités mentionnées au deuxième alinéa prennent des mesures appropriées pour empêcher les persécutions ou les atteintes graves et lorsque le demandeur a accès à cette protection. » ;
2° Après le mot : « grave », la fin de la première phrase de l’article L. 713-3 est ainsi rédigée : «, si elle peut, légalement et en toute sécurité, se rendre vers cette partie du territoire et si l’on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’elle s’y établisse. » ;
3° Sont ajoutés des articles L. 713-4 à L. 713-6 ainsi rédigés :
« Art. L. 713 -4. – Les craintes de persécutions prises en compte dans la reconnaissance de la qualité de réfugié et le risque réel de subir des atteintes graves pouvant donner lieu au bénéfice de la protection subsidiaire peuvent être fondées sur des événements survenus après que le demandeur d’asile a quitté son pays d’origine ou à raison d’activités qu’il a exercées après son départ du pays, notamment s’il est établi que les activités invoquées constituent l’expression et la prolongation de convictions ou d’orientations affichées dans son pays.
« Art. L. 713-5 (nouveau). – L’autorité judiciaire communique au directeur général de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides et au président de la Cour nationale du droit d’asile, sur demande ou d’office, tout élément recueilli au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle, y compris lorsque celle-ci s’est terminée par un non-lieu, de nature à faire suspecter qu’une personne qui demande l’asile ou le statut d’apatride ou qui s’est vu reconnaître le statut de réfugié, le bénéfice de la protection subsidiaire ou le statut d’apatride relève de l’une des clauses d’exclusion mentionnées aux articles L. 711-3 et L. 712-2 du présent code ou à l’article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides.
« Art. L. 713-6 (nouveau). – L’autorité judiciaire communique au directeur général de l’office et au président de la Cour nationale du droit d’asile, sur demande ou d’office, tout élément recueilli au cours d’une instance civile ou d’une information criminelle ou correctionnelle, y compris lorsque celle-ci s’est terminée par un non-lieu, de nature à faire suspecter le caractère frauduleux d’une demande d’asile ou du statut d’apatride. » –
Adopté.
Chapitre Ier bis
Dispositions relatives au statut d’apatride
Le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa de l’article L. 721-2 et au premier alinéa de l’article L. 721-3, les mots : « et apatrides » sont supprimés ;
2° Après le titre Ier du livre VIII, il est inséré un titre Ier bis ainsi rédigé :
« TITRE I ER BIS
« LE STATUT D’APATRIDE
« CHAPITRE UNIQUE
« Art. L. 812 -1. – La qualité d’apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l’article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention.
« Art. L. 812 -2. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides reconnaît la qualité d’apatride aux personnes remplissant les conditions mentionnées à l’article L. 812-1, au terme d’une procédure définie par décret en Conseil d’État.
« Art. L. 812 -3. – L’office notifie par écrit sa décision au demandeur du statut d’apatride. Toute décision de rejet est motivée en fait et en droit et précise les voies et délais de recours.
« Aucune décision sur une demande de statut d’apatride ne peut naître du silence gardé par l’office.
« Art. L. 812 -4. – L’office exerce la protection juridique et administrative des apatrides.
« Il assure cette protection, notamment l’exécution de la convention de New York, du 28 septembre 1954, précitée, dans les conditions prévues aux troisième et dernier alinéas de l’article L. 721-2.
« Il est habilité à délivrer aux apatrides les pièces nécessaires pour leur permettre d’exécuter les divers actes de la vie civile et à authentifier les actes et documents qui lui sont soumis dans les conditions prévues à l’article L. 721-3.
« Art. L. 812 -5. – Sauf si sa présence constitue une menace pour l’ordre public, le ressortissant étranger qui a obtenu la qualité d’apatride peut demander à bénéficier de la réunification familiale, dans les conditions prévues à l’article L. 752-1.
« Art. L. 812 -6. – L’article L. 752-2 est applicable au mineur non accompagné qui a obtenu la qualité d’apatride.
« Art. L. 812 -7. – À moins que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public s’y opposent, l’étranger reconnu apatride et titulaire d’un titre de séjour en cours de validité peut se voir délivrer un document de voyage dénommé ‘‘titre de voyage pour apatride’’ l’autorisant à voyager hors du territoire français.
« Ce document de voyage peut être retiré ou son renouvellement refusé lorsqu’il apparaît, postérieurement à sa délivrance, que des raisons impérieuses de sécurité nationale ou d’ordre public le justifient.
« Art. L. 812-8 (nouveau). – I. – Le présent titre est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile et sous réserve des adaptations suivantes : à l’article L. 812-5, la référence : « 10° de l’article L. 313-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 16 de l’ordonnance n° 2000-371 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers dans les îles Wallis et Futuna » et la référence : « 9° de l’article L. 314-11 » est remplacée par la référence : « 10° de l’article 20 de la même ordonnance ».
« II. – Le présent titre est applicable en Polynésie française dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile et sous réserve des adaptations suivantes : à l’article L. 812-5, la référence : « 10° de l’article L. 313-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 17 de l’ordonnance n° 2000-372 du 26 avril 2000 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Polynésie française » et la référence : « 9° de l’article L. 314-11 » est remplacée par la référence : « 10° de l’article 22 de la même ordonnance ».
« III. – Le présent titre est applicable en Nouvelle-Calédonie dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile et sous réserve des adaptations suivantes : à l’article L. 812-5, la référence : « 10° de l’article L. 313-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 17 de l’ordonnance n° 2002-388 du 20 mars 2002 relative aux conditions d’entrée et de séjour des étrangers en Nouvelle-Calédonie » et la référence : « 9° de l’article L. 314-11 » est remplacée par la référence : « 6° de l’article 22 de la même ordonnance ».
L'amendement n° 224, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 2
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…° Au 10° de l’article L. 313-11, la référence : « livre VII » est remplacée par la référence : « titre Ier bis du livre VIII » ;
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 225, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 12
Remplacer le mot :
troisième et dernier
par les mots :
deux derniers
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 254, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 18
Rédiger ainsi cet alinéa :
« Art. L. 812 -8. – Le présent titre est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … relative à la réforme de l’asile dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
II. – En conséquence, alinéas 19 et 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 4 bis est adopté.
Chapitre II
Dispositions relatives à la procédure d’examen des demandes d’asile
Section 1
Dispositions générales
Le chapitre Ier du titre II du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° L’article L. 721-2 est ainsi modifié :
a) Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’office exerce en toute impartialité les missions mentionnées ci-dessus et ne reçoit, dans leur accomplissement, aucune instruction.
« L’anonymat des agents de l’office chargés de l’instruction des demandes d’asile et de l’entretien personnel mené avec les demandeurs est assuré. » ;
b) Au début du troisième alinéa, le mot : « Il » est remplacé par les mots : « L’office » ;
2° L’article L. 721-3 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « apatrides » est remplacé par les mots : « bénéficiaires de la protection subsidiaire » ;
b) Le deuxième alinéa est supprimé ;
c) Après le mot : « timbre », la fin de la seconde phrase du dernier alinéa est supprimée ;
3° Est ajouté un article L. 721-6 ainsi rédigé :
« Art. L. 721 -4. –
Supprimé
« Art. L. 721 -5. – (Supprimé)
« Art. L. 721 -5-1. – (Supprimé)
« Art. L. 721 -6. – L’office établit chaque année un rapport annuel retraçant son activité et fournissant des données sur la demande d’asile et l’apatridie. Ce rapport est transmis au Parlement et rendu public. »
L'amendement n° 164, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 5
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
L’introduction de l’anonymat des agents de l’OFPRA ne reçoit pas notre assentiment.
Tout d’abord, la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations est très claire sur le sujet, son article 4 disposant que, dans ses relations avec les autorités administratives, « toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l’adresse administratives de l’agent chargé d’instruire sa demande ou de traiter l’affaire qui la concerne ».
Par ailleurs, rien dans les directives européennes originales ou révisées ne peut justifier une telle disposition.
Le personnel de la Cour, dont les noms sont publics, serait-il moins exposé, alors même que c’est la Cour qui prend la décision finale ?
Surtout, dès lors que les directives européennes Qualification et Procédures ont des exigences sur la formation, la compétence et le sexe des intervenants, l’anonymat interdit au juge tout contrôle et prive l’intéressé des droits de la défense. Or le juge doit pouvoir vérifier le respect de ces dispositions.
En outre, cette revendication doit, semble-t-il, être comprise comme impérative à l’Office pour que ses agents acceptent la présence de l’avocat. Mais que penser d’un tel argument devant la Cour de justice de l’Union européenne ou la Cour européenne des droits de l’homme ?
Enfin, l’avocat, ou le tiers accompagnant le demandeur d’asile lors de son entretien, ne va pas assister à un entretien face à une personne fantôme. Cette disposition est irréaliste et va dans le sens de la suspicion à l’égard des demandeurs d’asile, dont certains sont considérés comme potentiellement dangereux.
L’article 5 du projet de loi introduit le principe de l’anonymat des agents instructeurs de l’OFPRA afin de prévenir toute forme de pression qui pourrait être exercée à leur encontre. Ces pressions pourraient provenir de réseaux de proxénétisme, de traite ou d’autres réseaux criminels.
Cet anonymat est souhaité par les agents de l’OFPRA, comme le directeur général l’a confirmé lors de son audition. Dans la mesure où il ne contrevient pas au principe de transparence administrative posé par la loi du 12 avril 2000 – les décisions de l’Office comporteraient toujours les nom, prénom et qualité des officiers de protection qui en sont les signataires –, la commission n’a vu aucune raison de s’opposer à l’anonymat s’il peut contribuer à la sérénité de l’instruction des demandes d’asile par les agents de l’OFPRA.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne suis pas favorable à cet amendement, mais, paradoxalement, pour des raisons proches de celles qui l’ont inspiré !
Sourires.
D’abord, l’anonymisation des agents de l’OFPRA se justifie non par des considérations sécuritaires, mais par la volonté de garantir une instruction sereine et impartiale des demandes d’asile. Il s’agit de mettre les officiers de protection à l’abri des pressions qui peuvent émaner notamment des pays d’origine de la demande d’asile ou des individus susceptibles, selon la Convention de Genève, d’être exclus de la demande d’asile pour des raisons tenant à la commission de crimes de guerre, de crimes de génocide ou de crimes contre l’humanité.
Aucune pression ne doit s’exercer sur les agents de l’OFPRA, et l’anonymat apporte à ce titre une garantie, à la fois pour les agents et pour les demandeurs d’asile.
Constatant la bonne foi qui m’anime, madame Assassi, je vous propose donc de retirer cet amendement.
Mme Éliane Assassi sourit.
Je le dis très sérieusement, l’inspiration de cette disposition est parfaitement sincère. En la supprimant, on fragiliserait l’efficacité du dispositif.
J’invite également Mme Assassi à retirer cet amendement.
Bien entendu, cet article prévoit une dérogation à la loi du 12 avril 2000, mais celle-ci ne vaut que pour les agents qui instruisent la demande d’asile, et non pour ceux qui signent les décisions.
La transparence me semble donc assurée.
Parce que je ne doute pas de la bonne foi de M. le ministre et que je sais entendre un certain nombre d’arguments – je comprends notamment que la demande émane des personnels concernés –, je retire l’amendement, madame la présidente.
L'amendement n° 164 est retiré.
L'amendement n° 226, présenté par M. Buffet, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Alinéa 8
Rédiger ainsi cet alinéa :
a) Au premier alinéa, après le mot : « réfugiés », sont insérés les mots : « et bénéficiaires de la protection subsidiaire » ;
La parole est à M. le rapporteur.
L'amendement est adopté.
L'article 5 est adopté.
L’article L. 722-1 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est remplacé par six alinéas ainsi rédigés :
« L’office est administré par un conseil d’administration comprenant :
« 1° Deux parlementaires désignés l’un par l’Assemblée nationale et l’autre par le Sénat ;
« 2° Un représentant de la France au Parlement européen désigné par décret ;
« 3° Trois personnalités qualifiées dont deux sont désignées respectivement par l’Assemblée nationale et le Sénat et la troisième est nommée par décret ; au moins l’une d’entre elles représente les organismes participant à l’accueil et à la prise en charge des demandeurs d’asile et des réfugiés ;
« 4° Huit représentants de l’État, désignés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
« 5° Un représentant du personnel de l’office, désigné dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État. » ;
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Le délégué du haut-commissaire des Nations unies pour les réfugiés assiste aux séances du conseil d’administration et peut y présenter ses observations et ses propositions. »
Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 8
Remplacer ces alinéas par quinze alinéas ainsi rédigés :
1° Le premier alinéa est remplacé par quatorze alinéas ainsi rédigés :
« L'office est administré par un conseil d'administration qui comprend :
« 1° Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président de l'Assemblée nationale pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente de l'Assemblée nationale à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
« 2° Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président du Sénat pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente du Sénat à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
« 3° Deux représentants, un homme et une femme, du personnel de l'office ;
« 4° Deux représentants, un homme et une femme, des organismes participant à l'accueil et à la prise en charge des demandeurs d'asile et des réfugiés ;
« 5° Des représentants de l'État qui sont :
« - Une personnalité nommée par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans ;
« - Un représentant du ministre de l'intérieur ;
« - Un représentant du ministre chargé de l'asile ;
« - Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;
« - Le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ;
« - Un représentant du ministre chargé des affaires sociales ;
« - Un représentant du ministre chargé des droits des femmes ;
« - Le directeur du budget au ministère chargé du budget. » ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise à réformer la composition du conseil d’administration de l’OFPRA.
Le conseil d’administration est doté de compétences importantes : fixer les orientations générales concernant l’activité de l’Office ; délibérer sur les modalités de mise en œuvre des dispositions relatives à l’octroi du statut de réfugié ou de la protection subsidiaire ; enfin, établir la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d’origine sûrs, liste qui conditionne l’application de la procédure accélérée et dont l’établissement revêt une importance particulière.
La principale modification prévue par notre amendement consiste à substituer aux parlementaires des personnalités qualifiées nommées pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique.
Nous ne souscrivons pas nécessairement à cette habitude qui consiste à multiplier la présence de parlementaires au sein d’organismes extérieurs. Chacun reconnaît désormais que les appartenances multiples de parlementaires à des structures, organismes extérieurs ou extraparlementaires participent d’une dispersion à laquelle il faut mettre un terme. Le projet de loi nous en donne l’occasion.
Ce choix repose également sur la volonté de consolider le conseil d’administration en renforçant la représentation des personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences juridique et géopolitique.
C’est d’autant plus important que l’une des missions du conseil d’administration est de fixer la liste des pays d’origine sûrs.
Ces personnalités seront élues à la majorité qualifiée des trois cinquièmes par les commissions compétentes des deux assemblées sur proposition des présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, de sorte que leur choix relève d’un large consensus. Ces personnalités auront par ailleurs voix délibérative.
Enfin, notre amendement vise à réinscrire dans la loi, comme le prévoyait l’Assemblée nationale, la liste des représentants de l’État, plutôt que de renvoyer celle-ci au décret.
L'amendement n° 27, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :
Alinéas 4 à 7
Rédiger ainsi ces alinéas :
« 1° Deux députés, une femme et un homme, désignés par l’Assemblée nationale, deux sénateurs, une femme et un homme, désignés par le Sénat ;
« 2° Deux représentants de la France au Parlement européen, une femme et un homme, désignés par décret ;
« 3° Une personnalité qualifiée nommée par décret pour une durée de trois ans ;
« 4° Neuf représentants de l’État, désignés dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ;
La parole est à Mme Valérie Létard.
Le projet de loi issu des travaux de l’Assemblée nationale prévoyait d’introduire la parité dans la représentation des parlementaires au sein du conseil d'administration de l’OFPRA. Cette mesure semble être une avancée intéressante, car elle peut apporter un double regard dans les débats et faciliter la représentation de sensibilités différentes. Mon amendement vise donc à la réintroduire.
Le nombre de personnalités qualifiées et de représentants de l’État serait également revu, dans le souci de ne pas étendre excessivement la composition du conseil d'administration de l’OFPRA et d’assurer la majorité aux représentants de l’État.
La représentation élargie des parlementaires me paraît intéressante, car les élus peuvent apporter leur expérience de terrain ; je pense, par exemple, à celle de notre collègue Natacha Bouchart à Calais. Les élus sont souvent aux avant-postes quand il s’agit de prendre en charge les migrants ; ils sont souvent l’interface entre la population, les associations, la préfecture et les demandeurs d’asile.
C’est la raison pour laquelle j’ai choisi, à titre personnel, de défendre la parité des parlementaires introduite par les députés, même si j’ai bien conscience que cette mesure conduit à prévoir un nombre élevé de parlementaires au sein du conseil d'administration de l’OFPRA.
L'amendement n° 82 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 5 et 6
Rédiger ainsi ces alinéas :
« 2° Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président de l'Assemblée nationale pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente de l'Assemblée nationale à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
« 3° Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président du Sénat pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente du Sénat à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Je suis un peu étonné de devoir présenter cet amendement de repli, madame la présidente. Cela revient à présupposer que le précédent sera rejeté…
Je présente donc l’amendement n° 82 rectifié, que nous avons déposé pour le cas où l’amendement n° 77 rectifié serait rejeté ; je suppose d'ailleurs qu’il le sera, car je connais l’avis de la commission…
Il est nécessaire d’améliorer la composition du conseil d’administration de l’OFPRA. Cet amendement vise d'abord à supprimer de la liste des membres le représentant de la France au Parlement européen désigné par décret. Sur quel critère se ferait ce choix, si ce n’est, pour la majorité du moment, en vertu de considérations politiques ?
Nous défendons depuis le début la nécessité de sélectionner les membres du conseil d’administration sur des critères objectifs de compétences en droit et en géopolitique. La participation d’un unique représentant au Parlement européen et sa désignation par décret ne nous paraissent pas de nature à garantir le respect de ces conditions.
En contrepartie, nous proposons de porter de trois à quatre le nombre de personnalités qualifiées, ce qui permet d’introduire un critère de représentation paritaire - un homme, une femme. La désignation des personnalités qualifiées – cette proposition figurait déjà dans notre précédent amendement – se ferait dans chaque assemblée par un vote de la commission des lois à la majorité des trois cinquièmes, afin de s’assurer que cette désignation résulte d’un large accord.
Alors que notre précédent amendement visait à réviser l’ensemble de la composition du conseil d'administration de l’OFPRA, celui-ci a une portée moins large. Une autre différence est que la présence des deux parlementaires – un de chaque chambre – au sein du conseil d'administration serait maintenue. En effet, plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné l’utilité de cette présence. Nous savons en outre que notre proposition a ainsi plus de chances d’être entendue par notre assemblée.
L'amendement n° 81, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer cet alinéa par neuf alinéas ainsi rédigés :
« 4° Des représentants de l'État qui sont :
« - Une personnalité nommée par décret du Premier ministre pour une durée de trois ans ;
« - Un représentant du ministre de l'intérieur ;
« - Un représentant du ministre chargé de l'asile ;
« - Le secrétaire général du ministère des affaires étrangères ;
« - Le directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice ;
« - Un représentant du ministre chargé des affaires sociales ;
« - Un représentant du ministre chargé des droits des femmes ;
« - Le directeur du budget au ministère chargé du budget ;
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Il s’agit en quelque sorte d’un amendement de précision.
L’Assemblée nationale avait établi la liste des représentants de l’État au conseil d'administration de l’OFPRA. Sur l’initiative de son rapporteur, la commission des lois du Sénat a supprimé cette liste, renvoyant à un décret pour la fixation des conditions de désignation des représentants de l’État.
Nous pensons qu’il est indispensable d’inscrire cette liste dans la loi afin d’avoir la garantie que l’ensemble des ministères qui jouent un rôle direct ou indirect en matière d’asile seront représentés au sein du conseil d'administration de l’OFPRA.
Chacun l’a compris, l’article 5 bis concerne la composition du conseil d’administration de l’OFPRA. La rédaction retenue par la commission des lois repose sur plusieurs principes.
Le premier principe consiste à ne pas multiplier le nombre de parlementaires au sein du conseil d'administration de l’OFPRA, conformément aux préconisations du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat, tout en conservant une présence parlementaire au sein du conseil d’administration de l’Office.
La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 77 rectifié et 27.
Le deuxième principe est d’augmenter néanmoins l’influence du Parlement au sein du conseil d’administration de l’OFPRA. La commission a donc proposé que deux des trois personnalités qualifiées soient désignées par le Parlement.
Enfin, le troisième principe est de fixer dans la loi l’équilibre entre les représentants de l’État et les autres membres du conseil d'administration tout en laissant au Gouvernement le choix des ministères représentés.
La commission est donc défavorable à l’amendement n° 81.
En revanche, elle a émis un avis favorable à l’amendement n° 82 rectifié. En effet, le nombre de membres du conseil d’administration de l’OFPRA, fixé par la commission à quinze, serait conservé, et la substitution de deux personnalités qualifiées désignées par l’Assemblée nationale et le Sénat aux deux membres désignés par le Gouvernement – un représentant de la France au Parlement européen et une personnalité qualifiée – permettait d’introduire la parité.
Cet amendement vise en outre à préciser utilement que les personnalités qualifiées doivent être désignées à raison de leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique. Enfin, la durée du mandat serait fixée à trois ans. Les règles de nomination proposées s’inspirent de celles qui sont prévues par l’article 56 de la Constitution pour ceux des membres du Conseil constitutionnel qui sont désignés par les présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat.
Cette série d’amendements traite de trois sujets : la représentation des parlementaires au sein du conseil d'administration de l’OFPRA, ce qui inclut la question de la parité ; le nombre de personnalités qualifiées ; les conditions de désignation des représentants de l’État, puisque l’un des amendements présentés par Jean-Yves Leconte vise à les préciser dans la loi au lieu de renvoyer pour leur fixation à un texte réglementaire.
Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
S'agissant tout d'abord de l’amendement n° 77 rectifié, je me suis beaucoup battu, lorsque j’étais parlementaire, pour que les parlementaires disposent de pouvoirs leur permettant de contrôler la gestion des instances qui contribuent à la conduite de politiques publiques financées par le budget de l’État, ainsi que de participer, au sein du conseil d'administration de ces instances, à la définition de leurs objectifs.
En ce qui concerne l’OFPRA, il s’agit de veiller au bon fonctionnement de l’institution et de s’assurer que la représentation parlementaire est suffisamment plurielle et équilibrée. Compte tenu de l’importance de la politique conduite par l’OFPRA, l’idée de supprimer toute présence parlementaire au sein de son conseil d'administration pose un problème au Gouvernement. Nous ne souhaitons pas que le Parlement soit privé de ses prérogatives en la matière.
Le Gouvernement est favorable à la parité. Nous serions donc favorables à l’amendement n° 27 s’il ne comportait que cet élément. Cependant, il vise également à diminuer le nombre des personnalités qualifiées. C’est un problème pour nous, parce que nous considérons que les compétences des représentants du tissu associatif et des experts sont une richesse dont il ne faut pas priver le conseil d'administration de l’OFPRA.
J’en viens à l’amendement n° 81, qui vise à préciser dans la loi les conditions de désignation des représentants de l’État. Cette matière relève du pouvoir réglementaire en vertu de l’article 37 de la Constitution. Nous ne sommes pas favorables à ce que l’on introduise dans la loi des dispositions à caractère réglementaire.
Le Gouvernement pourrait être favorable à l’amendement n° 82 rectifié si ses auteurs renonçaient à supprimer le représentant de la France au Parlement européen de la liste des membres du conseil d'administration de l’OFPRA. En effet, comme notre débat vient de le montrer, ce sujet a une dimension éminemment européenne.
Je suis sensible aux arguments de notre rapporteur. Il a analysé tous les amendements et propose une solution respectant les orientations fixées par la commission tout en permettant une amélioration de la parité au sein du conseil d'administration de l’OFPRA. J’ai également entendu les propos de M. le ministre. J’ignore s’il est possible de rectifier l’amendement n° 82 rectifié dans le sens qu’il a indiqué. En tout cas, je suis prête à retirer mon amendement si nous nous accordons sur un moyen d’améliorer la parité.
Nous sommes tout à fait prêts à être constructifs afin de prendre en compte les préoccupations exprimées par Jean-Yves Leconte et par Valérie Létard. Cela implique un travail rédactionnel fin. Je propose donc une suspension de séance de quelques minutes. À défaut, mon cabinet pourrait retravailler sur le sujet avec les parlementaires concernés ; dans ce cas, nous examinerions à nouveau l’amendement après qu’il aurait été rectifié pour correspondre aux préoccupations de tous.
J’étais l’un des corapporteurs du groupe de réflexion sur les méthodes de travail du Sénat. Par pitié, ne rajoutez pas constamment des obligations de désignation de parlementaires appelés à siéger dans des organismes ! Les parlementaires désignés ne peuvent pas forcément remplir leur office, de sorte que le bilan de la présence des parlementaires dans les organismes où le Parlement est représenté n’est pas toujours très glorieux…
Il faut essayer de trouver une solution pour que les désignations ne concernent que des organismes où les parlementaires siègent réellement.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je partage totalement votre préoccupation, monsieur le sénateur, mais il ne s’agit pas d’ajouter une représentation parlementaire : cette représentation existe déjà. Nous refusons de priver les parlementaires de prérogatives qui leur sont actuellement reconnues. Vous pourriez nous le reprocher !
Sourires.
Monsieur Leconte, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens suggéré par M. le ministre et de répondre également au souhait de Mme Létard ?
Je suis d'accord pour tenter de trouver un équilibre prenant en compte les différents souhaits, madame la présidente.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à quatorze heures quarante, est reprise à quinze heures cinquante.
La séance est reprise.
Je suis saisie d’un amendement n° 82 rectifié bis, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
I Alinéa 6
Remplacer cet alinéa par deux alinéas ainsi rédigés :
2°bis Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président de l'Assemblée nationale pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente de l'Assemblée nationale à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
« 3° Deux personnalités qualifiées reconnues pour leurs compétences dans les domaines juridique et géopolitique, un homme et une femme, nommées par le Président du Sénat pour une durée de trois ans après approbation par la commission permanente compétente du Sénat à la majorité qualifiée des trois cinquièmes ;
II Alinéa 7, au début
Remplacer le mot :
Huit
par le mot :
Neuf
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
À l’issue de nos précédents échanges, j’ai donc décidé de rectifier mon amendement pour satisfaire l’ensemble des intervenants.
Aux termes de l’amendement n° 82 ainsi rectifié bis, le conseil d’administration de l’OFPRA comprendra quatre personnalités qualifiées, au lieu de trois dans le texte de la commission, nommées selon la procédure décrite par l’amendement. Par ailleurs, pour assurer l’équilibre, il y aurait neuf représentants du Gouvernement.
Cela étant, madame la présidente, je retire l’amendement n° 77 rectifié.
L’amendement n° 77 rectifié est retiré.
Madame Létard, qu’en est-il de l’amendement n° 27 ?
L’amendement n° 27 est retiré.
Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 82 rectifié bis ?
La commission des lois émet un avis favorable sur ce nouvel amendement n° 82 rectifié bis.
L'amendement est adopté.
L'article 5 bis est adopté.
L’article L. 722-1 du même code est ainsi modifié :
1° Au deuxième alinéa, les mots : « ainsi que, dans les conditions prévues par les dispositions communautaires en cette matière, la liste des pays considérés au niveau national comme des pays d’origine sûrs, mentionnés au 2° de l’article L. 741-4. Il » sont remplacés par le mot : « et » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :
« Un pays est considéré comme un pays d’origine sûr lorsque, sur la base de la situation légale, de l’application du droit dans le cadre d’un régime démocratique et des circonstances politiques générales, il peut être démontré que, d’une manière générale et uniformément, il n’y est jamais recouru à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants et qu’il n’y a pas de menace en raison d’une violence généralisée dans des situations de conflit armé international ou interne.
« Le conseil d’administration fixe la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs, dans les conditions prévues à l’article 37 et à l’annexe I de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale.
« Il veille à l’actualité et à la pertinence des inscriptions. Il radie de la liste les pays ne remplissant plus les critères mentionnés au douzième alinéa et peut, en cas d’évolution rapide et incertaine de la situation dans un pays, en suspendre l’inscription.
« Saisi par les présidents des commissions chargées des affaires étrangères et des commissions chargées des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, des associations de défense des droits de l’homme, des associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, des associations de défense des droits des femmes ou des enfants, dans des conditions prévues par décret en Conseil d’État, le conseil d’administration peut inscrire ou radier un État sur la liste des pays considérés comme des pays d’origine sûrs. »
3°
Supprimé
L'amendement n° 165, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Cécile Cukierman.
Avec cet amendement, nous souhaitons ôter de la législation française la notion de pays d’origine sûr, introduite par la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile. En septembre 2014, dix-sept pays figuraient sur cette liste, établie par le conseil d’administration de l’OFPRA.
Les décisions d’inscription sur cette liste, souvent plus guidées par des préoccupations de gestion de flux de demandeurs d’asile que par le respect des droits de l’homme, ont fait l’objet de nombreux contentieux. En effet, les neuf listes successivement adoptées depuis leur institution en 2005 ont fait l’objet de six reprises, et ont donné lieu à cinq annulations, en tout ou partie, par le Conseil d’État.
De plus, au-delà de la fluctuation de la liste, nous déplorons l’interprétation subjective de cette notion, comme en témoigne l’absence de liste européenne commune aux différents États membres.
Par ailleurs, la catégorie des pays d’origine sûrs entraînant une appréciation des demandes d’asile qui diffère selon la nationalité des demandeurs, la loi française introduit donc une discrimination en raison de la nationalité et entre par conséquent en contradiction avec l’article 3 de la convention du 28 juillet 1951 relatif au statut des réfugiés, qui prohibe toute discrimination à raison de la nationalité.
Enfin, l’application de cette notion revient à tirer les conséquences d’une situation générale d’un État donné pour l’examen d’une situation individuelle, alors même que la demande d’asile repose sur une appréciation avant tout individualisée de la situation de chacune des personnes demandeuses, de ses craintes de persécution ou d’atteintes graves en cas de renvoi dans son pays d’origine.
Ainsi, la notion de pays d’origine sûr réduit sérieusement les chances d’obtenir l’asile et participe de l’accélération des procédures d’examen des demandes, en évacuant les dimensions singulières propres à chaque cas individuel, qui devraient pourtant rester au cœur des procédures.
À l’instar de diverses instances internationales, avec, en tête, l’Agence des Nations Unies pour les réfugiés, nous sommes fortement opposés à cette notion et souhaitons son retrait du texte. Tel est le sens de notre amendement.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à remettre en cause l’existence même d’une liste des pays d’origine sûrs au motif que le placement en procédure accélérée de la demande d’asile émanant du ressortissant d’un pays d’origine sûr en vertu de la loi conduirait à nier le principe de l’examen individuel d’une demande d’asile.
Le V de l’article L. 723-2, dans sa rédaction issue de l’article 7 du projet de loi, réaffirme pourtant le principe de l’examen individuel d’une demande d’asile, en précisant que cela vaut tout particulièrement pour une demande d’asile émanant d’un ressortissant d’un pays d’origine sûr, puisque l’OFPRA peut également, dans cette hypothèse, décider à tout moment d’instruire la demande selon la procédure normale.
Il n’y a donc pas d’obligation, pour l’OFPRA, de traiter la demande d’une personne ressortissant d’un État d’origine sûr suivant la procédure accélérée. L’OFPRA peut parfaitement décider de traiter la demande au bénéfice de la procédure normale.
Aussi, à mon sens, il est absolument nécessaire de maintenir cette liste.
Je ne reviens pas sur l’objet de l’amendement, qui a été expliqué très clairement par Mme Cukierman.
Je ne suis pas favorable à cette proposition sur le fond, car je n’ai pas été convaincu par l’argumentation qui vient d’être développée.
D’abord, je veux rappeler que le projet de loi a pour objet de rénover de façon significative le dispositif des pays d’origine sûrs, la définition étant plus exigeante que celle du droit actuel s’agissant de la stabilité politique et démocratique, ainsi que du respect effectif des droits de l’homme dans le pays considéré.
Cette définition est strictement conforme à nos obligations européennes et elle est de nature à éviter toute inscription contestable sur la liste des pays d’origine sûrs.
Par ailleurs, le texte introduit l’obligation, nouvelle, de veiller de façon permanente à l’actualité et à la pertinence des inscriptions, ainsi qu’un mécanisme de suspension en cas d’évolution rapide et incertaine dans un pays.
En outre, des modifications substantielles ont été apportées pour renforcer considérablement l’objectivité et l’impartialité du processus d’adoption de la liste des pays d’origine sûrs.
Enfin, les changements apportés à la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, le droit ouvert aux personnalités qualifiées de se prononcer sur l’inscription sur la liste des pays d’origine sûrs ou, au contraire, sur la radiation de la liste, ainsi que l’ouverture d’une possibilité de saisine du conseil d’administration au bénéfice d’autorités ou d’associations prévues à l’alinéa 7 vont indéniablement dans ce sens.
Pour toutes ces raisons, nous considérons que l’adoption de votre amendement aurait pour conséquence de minorer considérablement les garanties données, ce qui ne peut recevoir notre approbation, car nous souhaitons justement qu’elles soient maximales.
Il est indispensable de rappeler en préambule que ce projet de loi vise à donner les mêmes garanties à tous les demandeurs, considérés de manière individuelle. Qu’ils fassent l’objet d’une procédure accélérée ou d’une procédure normale, ils ont droit aux mêmes prestations et à un recours suspensif. Il s’agit d’une nouveauté par rapport à ce qui avait cours jusqu’à présent.
Par conséquent, le fait, pour un demandeur, d’être originaire d’un pays d’origine sûr ne veut pas dire que ses droits seront minorés.
En revanche, nous le savons, il est des pays dont les ressortissants sont quasiment tous en danger lorsqu’ils s’y maintiennent. Chacun comprend bien que nous ne pouvons pas traiter de la même manière une demande émanant d’un ressortissant japonais et celle qui est présentée par un Syrien. À ceux qui ont un besoin impérieux d’être protégés, nous devons être en capacité de répondre rapidement. Il est donc logique de mettre en place une procédure permettant d’orienter les dossiers, tout en respectant les droits dans chaque cas.
En outre, le conseil d’administration de l’OFPRA, dont la composition a été rééquilibrée, comme nous venons de le voir, doit veiller à ne pas prendre de décision inadéquate en plaçant sur la liste des pays d’origine sûrs des pays qui représenteraient un danger pour certains de leurs ressortissants.
Enfin, je rappelle que, sur cette question, l’Union européenne a encore beaucoup de chemin à faire. Le droit européen reconnaît en effet la notion de pays d’origine sûr, mais chaque pays européen a sa propre définition. Compte tenu des enjeux actuels pour l’Europe, il me semble qu’il vaut mieux défendre ce principe et avoir des discussions avec nos partenaires pour qu’une liste existe à terme au niveau européen, plutôt que de la remettre en cause, ce qui reviendrait à remettre en cause l’ensemble du droit d’asile.
Il faudra bien, un jour, remettre à plat la question des pays d’origine sûrs. On vient de nous le dire, suivant les pays, les gouvernements ou les périodes, la définition varie. En réalité, la limite entre l’immigration économique et le droit d’asile restera toujours floue, tant que l’on ne se décidera pas à donner une définition claire du droit d’asile et des pays qui en relèvent véritablement.
Permettez-moi de citer un exemple. En 2014, monsieur le ministre, le Gouvernement a considéré que les ressortissants du Kosovo ne relevaient plus automatiquement du droit d’asile, parce que des institutions démocratiques avaient été mises en place et que les populations ne faisaient plus l’objet de persécutions. Cette décision a d’ailleurs contribué à faire baisser le nombre des demandeurs d’asile, mais le Kosovo a fini par être retiré de la liste, en raison des recours engagés.
Cet exemple en dit long sur l’absence de critère objectif, en France et en Europe, permettant de définir les pays dont les ressortissants peuvent se revendiquer du droit d’asile. Si le Kosovo figure sur la liste ou en disparaît en fonction des recours des associations, c’est bien la preuve qu’il n’existe pas de critère objectif. Je comprends les explications de M. Leconte : je suis d’accord pour qu’une définition européenne soit établie, mais il faut que l’Europe se décide à dire ce qui relève du droit d’asile et ce qui n’en relève pas. Ce non-dit constant est insupportable, parce qu’il crée une incertitude totale.
Je suis très attaché au droit d’asile et je ne veux pas qu’il soit dilué, c’est pourquoi il faut adopter une définition claire.
Je serais plutôt enclin à suivre votre raisonnement, monsieur le sénateur. Je souhaite cependant faire le point sur le cas du Kosovo.
Le Gouvernement avait demandé l’inscription du Kosovo sur la liste des pays d’origine sûrs, parce qu’il pensait que, compte tenu de l’évolution de la situation politique, les conditions étaient réunies. Un recours a été engagé devant le Conseil d’État, qui a annulé la décision du conseil d’administration de l’OFPRA. Ce n’est donc pas le Gouvernement qui a retiré le Kosovo de la liste, mais le Conseil d’État.
En effet, sur le plan conventionnel, le fait qu’un recours soit intenté devant une juridiction contre la liste des pays d’origine sûrs est une garantie que nous devons respecter. Par conséquent, au regard des règles européennes, nous n’avons pas d’autre choix que de laisser statuer une instance juridictionnelle, dûment saisie par des associations, sur l’opportunité d’inscrire ou non un pays sur cette liste.
Quoi qu’il en soit, la position du Gouvernement reste la même. Il considère que le Kosovo doit désormais figurer sur la liste des pays d’origine sûrs, le Conseil d’État estime que les conditions ne sont pas réunies, mais nous continuerons à discuter de ce sujet.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 55, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
uniformément
insérer les mots :
pour les hommes comme pour les femmes
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise à revenir sur une suppression opérée par la commission des lois, sur l’initiative de son rapporteur, et qui nous semble résulter d’une mauvaise interprétation de l’article 6.
Si cet amendement n’est pas adopté, nous aurons au moins eu l’occasion d’une discussion nous permettant d’indiquer dans quel état d’esprit nous avons voté cet article.
La commission a supprimé les mots « pour les hommes et pour les femmes », sous prétexte que cette mention aurait un effet contraire à l’effet recherché, ce dont nous ne sommes pas convaincus. Avant la suppression opérée par la commission, le texte prévoyait que, pour entrer dans la catégorie des pays d’origine sûrs, il devait être démontré qu’un pays ne recourt jamais ni à la persécution ni à la torture, respectivement à l’égard des hommes et des femmes. Le texte requérait donc que la démonstration du non-recours à la persécution ou à la torture soit faite, à la fois, pour les hommes et pour les femmes. En conséquence, en posant cette double exigence pour qu’un pays figure sur la liste des pays d’origine sûrs, le texte du projet de loi était plus protecteur.
La situation actuelle confirme d’ailleurs la nécessité de faire figurer dans le projet de loi cette double exigence. En effet, il peut arriver que les décisions du conseil d’administration de l’OFPRA concernant l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs ne semblent pas tenir compte de la situation des femmes dans un certain nombre de pays. Ainsi, le Conseil d’État avait annulé, en juillet 2010, une décision du conseil d’administration de novembre 2009 ajoutant plusieurs pays à la liste des pays d’origine sûrs, dont le Mali. Cette liste a dû être révisée, puisque, si le Mali était à l’époque un pays d’origine sûr pour les requérants du sexe masculin, la forte prévalence des mutilations sexuelles féminines devait conduire à ne plus le considérer comme tel pour les femmes.
Pour l’ensemble de ces raisons, il est nécessaire d’assortir le recours à la notion de pays d’origine sûr d’indicateurs ou de critères relatifs à la situation des droits des femmes, afin de ne pas oublier celles-ci lors de l’examen de la liste des pays d’origine sûrs.
Cet amendement prolonge un débat que la commission a eu en son sein sur le meilleur moyen d’assurer la protection des femmes.
Deux questions se posent. Vaut-il mieux laisser la faculté au conseil d’administration de l’OFPRA de ne considérer un pays comme sûr que pour ses ressortissants hommes, ce que permet le droit en vigueur et le texte de la commission ? Ou bien, comme le propose notre collègue Leconte, faut-il empêcher toute inscription d’un pays sur la liste des pays d’origine sûrs, dès lors que les droits des femmes n’y sont pas assurés ?
Cette seconde solution présente l’inconvénient de nous priver de cet outil à l’égard de certains pays, dont on sait pourtant pertinemment que les demandes d’asile émanant de ressortissants masculins masquent une immigration économique. C’est la raison pour laquelle la commission a préféré s’en tenir à l’état du droit et a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, parce qu’il est sensible à la nécessité de prendre en compte la situation particulière des droits des femmes dans certains pays lors de l’examen de la demande d’asile.
Cette préoccupation doit guider le conseil d’administration de l’OFPRA dans le cadre de ses délibérations sur l’établissement de la liste des pays d’origine sûrs. Le Gouvernement souhaite donc que cet amendement soit adopté.
Je mets aux voix l’amendement n° 55.
L’amendement n° 23, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après les mots :
inhumains ou dégradants
insérer les mots :
, qu’il n’existe aucun risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95/UE
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le présent amendement a pour objet de préciser que la notion de pays d’origine sûr doit prendre en compte le risque d’atteintes graves au sens de la directive 2011/95 de l’Union européenne, qui mentionne également la peine de mort.
Cet amendement est conforme à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, ainsi qu’à la jurisprudence constante du Conseil d’État. Par exemple, dans un arrêt du 19 novembre 2009, Kaboulov contre Ukraine, la Cour européenne des droits de l’homme a rappelé l’interdiction pour les États parties d’extrader une personne si elle est « exposée à un risque réel d’être passible de la peine capitale dans l’État de réception ».
Bien que la jurisprudence prenne en compte ce critère de manière constante, il semble important de le consacrer au niveau législatif.
Le texte adopté par la commission tient compte de la demande formulée par nos collègues, puisqu’il mentionne les « peines ou traitements inhumains ou dégradants », ce qui inclut la peine de mort.
La commission demande donc le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
L’avis du Gouvernement est le même que celui de la commission. La loi transpose la directive qui répond à vos préoccupations, monsieur le sénateur, et vous donne donc satisfaction. Je vous suggère également de retirer votre amendement.
L’amendement est adopté.
L’amendement n° 4, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
et du Sénat,
insérer les mots :
soixante députés ou soixante sénateurs,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
L’amendement n° 5, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Après les mots :
et du Sénat,
insérer les mots :
le président d’un groupe parlementaire,
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le groupe RDSE est favorable à l’établissement d’une liste de pays d’origine sûrs, comme moyen de rationalisation des flux de demande, dans la mesure où cette liste ne porte pas atteinte au droit des demandeurs d’asile d’être entendus.
L’établissement de cette liste de pays d’origine sûrs doit faire l’objet d’une actualisation en temps réel, de manière à réagir aux événements dans ces pays. Ainsi, les présidents des commissions chargées des affaires étrangères et des commissions chargées des affaires européennes de l’Assemblée nationale et du Sénat, les associations de défense des droits de l’homme, les associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile et les associations de défense des droits des femmes ou des enfants pourront saisir le conseil d’administration de l’OFPRA d’une demande tendant à l’inscription ou à la radiation d’un État sur cette liste.
Le groupe RDSE propose qu’un président de groupe parlementaire, mais aussi soixante députés ou soixante sénateurs – sur le modèle de l’article 61 de la Constitution –, puissent également saisir le conseil d’administration. Il s’agit d’ouvrir les conditions de la saisine, afin de garantir l’actualité de la liste des pays d’origine sûrs au vu de l’importance qu’elle revêt.
Aujourd’hui, le conseil d’administration de l’OFPRA peut être saisi soit par le Gouvernement, soit par les associations, soit par les présidents des commissions des affaires étrangères ou des affaires européennes de l’Assemblée nationale ou du Sénat. Il a semblé à la commission que l’ensemble de ces possibilités était largement suffisant. Il ne lui a pas non plus paru opportun de tenter d’établir un parallèle avec la saisine du Conseil constitutionnel ou d’ouvrir la saisine aux présidents de groupe politique.
Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable sur ces deux amendements. L’idéal serait que vous les retiriez, mon cher collègue !
Nous comprenons bien les motivations des auteurs de cet amendement, qui sont d’ailleurs assez congruentes aux préoccupations que j’ai exprimées tout à l’heure concernant la participation des parlementaires dont le Gouvernement veut reconnaître le rôle. En même temps, nous voyons bien les complications que de telles dispositions pourraient occasionner.
L’adoption de ces deux amendements présente donc autant d’avantages que d’inconvénients. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement s’en remet à la sagesse du Sénat.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n° 6 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 7
Remplacer les mots :
de défense des droits de l’homme, des associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, des associations de défense des droits des femmes ou des enfants
par les mots :
dont l’objet statutaire est en relation directe ou indirecte avec la défense des droits des étrangers ou des droits de l'homme
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
En mentionnant les associations de défense des droits de l’homme, les associations de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, les associations de défense des droits des femmes ou des enfants, le présent article procède à une énumération qui, par sa précision, ne peut que restreindre de manière dommageable la saisine du conseil d’administration de l’OFPRA par les associations.
Cet amendement rédactionnel tend à supprimer cette énumération, nécessairement limitative : ainsi, les associations dont l’objet social justifie la présence auprès du demandeur pourront agir. Quant au critère de pertinence d’intervention desdites associations, il sera préservé.
Il s’agit donc, à cet égard, d’un amendement de simplification.
Selon la commission, la formule proposée via cet amendement n’est pas plus limpide, plus claire ou plus simplificatrice que la rédaction actuelle du présent texte – je songe en particulier aux notions de relation « directe » ou « indirecte ».
En conséquence, je demande le retrait de cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur Requier, j’abonde dans le sens de M. le rapporteur : la rédaction que vous proposez risquerait de priver certaines associations de la possibilité d’agir. Parallèlement, elle étendrait la possibilité d’agir à nombre d’associations qui n’ont pas intérêt à le faire.
Voilà pourquoi je vous demande, à mon tour, de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L'article 6 est adopté.
L’article L. 722-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, conformément au second alinéa de l’article 40 du code de procédure pénale, le directeur général de l’office transmet au procureur de la République tout renseignement utile ayant conduit au rejet d’une demande d’asile ou d’apatridie motivé par l’une des clauses d’exclusion définies à la section F de l’article 1er de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, aux a, b et c de l’article L. 712-2 du présent code ou au iii du 2 de l’article 1er de la convention de New York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides. » –
Adopté.
Le chapitre III du titre II du livre VII du même code est ainsi modifié :
1° Au début, est ajoutée une section 1 intitulée : « Garanties procédurales et obligations du demandeur », qui comprend les articles L. 723-1 à L. 723-9-1, dans leur rédaction résultant des 2° à 5° quater du présent article ;
2° L’article L. 723-1 est ainsi modifié :
aa) (nouveau) La première phrase est complétée par les mots : « dans un délai de trois mois » ;
a) Après le mot : « demande », la fin de la seconde phrase du premier alinéa est ainsi rédigée : « dont l’examen relève de la compétence d’un autre État en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou d’engagements identiques à ceux prévus par ledit règlement avec d’autres États. » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
3° Les articles L. 723-2 et L. 723-3 sont ainsi rédigés :
« Art. L. 723 -2. – I. – L’office statue en procédure accélérée dans un délai de quinze jours lorsque :
« 1° Le demandeur provient d’un pays considéré comme un pays d’origine sûr en application de l’article L. 722-1 ;
« 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n’est pas irrecevable.
« II. – L’office peut, de sa propre initiative, statuer en procédure accélérée dans un délai de quinze jours lorsque :
« 1° Le demandeur a présenté de faux documents d’identité ou de voyage, fourni de fausses indications ou dissimulé des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin de l’induire en erreur ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
« 2° Le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu’il formule ;
« 3° Le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d’origine.
« III. – L’office statue également en procédure accélérée dans un délai de quinze jours lorsque l’autorité administrative en charge de l’enregistrement de la demande d’asile constate que :
« 1° Le demandeur refuse de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales conformément au règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relatif à la création d’Eurodac pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l’application efficace du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride et relatif aux demandes de comparaison avec les données d’Eurodac présentées par les autorités répressives des États membres et Europol à des fins répressives, et modifiant le règlement (UE) n° 1077/2011 portant création d’une agence européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice ;
« 2° Lors de l’enregistrement de sa demande, le demandeur présente de faux documents d’identité ou de voyage, fournit de fausses indications ou dissimule des informations ou des documents concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d’induire en erreur l’autorité administrative ou a présenté plusieurs demandes d’asile sous des identités différentes ;
« 3° Sans motif légitime, le demandeur qui est entré irrégulièrement en France ou s’y est maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande d’asile dans le délai de quatre-vingt-dix jours à compter de son entrée en France ;
« 4° Le demandeur ne présente une demande d’asile qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement ;
« 5° La présence en France du demandeur constitue une menace grave pour l’ordre public, la sécurité publique ou la sûreté de l’État.
« IV. – Sans préjudice de l’article L. 221-1, la procédure accélérée ne peut être mise en œuvre à l’égard d’un demandeur qui est un mineur non accompagné.
« V. – Dans tous les cas, l’office procède à un examen individuel de chaque demande dans le respect des garanties procédurales prévues au présent chapitre. Il peut décider de ne pas statuer en procédure accélérée lorsque cela lui paraît nécessaire pour assurer un examen approprié de la demande, en particulier si le demandeur provenant d’un pays inscrit sur la liste mentionnée au neuvième alinéa de l’article L. 722-1 invoque des raisons sérieuses de penser que son pays d’origine ne peut pas être considéré comme sûr en raison de sa situation personnelle et au regard des motifs de sa demande.
« VI. – La décision de l’office mentionnée au II, celle de l’autorité administrative mentionnée au III ou le refus de l’office de ne pas statuer en procédure accélérée prévu au V ne peut pas faire l’objet, devant les juridictions administratives de droit commun, d’un recours distinct du recours qui peut être formé, en application de l’article L. 731-2, devant la Cour nationale du droit d’asile, à l’encontre de la décision de l’office.
« Art. L. 723 -3. – Pendant toute la durée de la procédure d’examen de la demande, l’office peut définir les modalités particulières d’examen qu’il estime nécessaires pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa situation particulière ou de sa vulnérabilité.
« L’office peut statuer par priorité sur les demandes manifestement fondées ainsi que sur les demandes présentées par des personnes vulnérables identifiées comme ayant des besoins particuliers en matière d’accueil en application de l’article L. 744-6 ou comme nécessitant des modalités particulières d’examen.
« Lorsque l’office considère que le demandeur d’asile, en raison notamment des violences graves dont il a été victime ou de sa minorité, nécessite des garanties procédurales particulières qui ne sont pas compatibles avec l’examen de sa demande en procédure accélérée en application de l’article L. 723-2, il peut décider de ne pas statuer ainsi. » ;
4° L’article L. 723-3-1 devient l’article L. 723-8 ;
4° bis L’article L. 723-4 devient l’article L. 723-9. Il est complété par une phrase ainsi rédigée : « Les modalités de désignation et d’habilitation de ces agents sont fixées par décret en Conseil d’État. » ;
5° L’article L. 723-4 est ainsi rétabli :
« Art. L. 723 -4. – L’office se prononce, au terme d’une instruction unique, sur la reconnaissance de la qualité de réfugié ou sur l’octroi de la protection subsidiaire.
« Il appartient au demandeur de présenter, aussi rapidement que possible, tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande d’asile. Ces éléments correspondent à ses déclarations et à tous les documents dont il dispose concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays ainsi que les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire ainsi que les raisons justifiant sa demande.
« Il appartient à l’office d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande.
« L’office peut effectuer des missions déconcentrées dans les territoires.
« L’office statue sur la demande en tenant compte de la situation prévalant dans le pays d’origine à la date de sa décision, de la situation personnelle et des déclarations du demandeur, des éléments de preuve et d’information qu’il a présentés ainsi que, le cas échéant, des activités qu’il a exercées depuis le départ de son pays d’origine et qui seraient susceptibles de l’exposer dans ce pays à des persécutions ou à des atteintes graves. L’office tient compte également, le cas échéant, du fait que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité.
« Le fait que le demandeur a déjà fait l’objet de persécutions ou d’atteintes graves ou de menaces directes de telles persécutions ou atteintes constitue un indice sérieux du caractère fondé des craintes du demandeur d’être persécuté ou du risque réel de subir des atteintes graves, sauf s’il existe des éléments précis et circonstanciés qui permettent de penser que ces persécutions ou atteintes graves ne se reproduiront pas.
« Lorsqu’une partie de ses déclarations n’est pas étayée par des éléments de preuve, il n’est pas exigé du demandeur d’autres éléments de justification s’il s’est conformé aux exigences du deuxième alinéa du présent article et si ses déclarations sont considérées comme cohérentes et crédibles et ne sont pas contredites par des informations dont dispose l’office. » ;
5° bis L’article L. 723-5 est ainsi rédigé :
« Art. L. 723 -5. – L’office peut demander à la personne sollicitant l’asile de se soumettre à un examen médical.
« Le fait que la personne refuse de se soumettre à cet examen médical ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande.
« Un arrêté conjoint des ministres chargés de l’asile et de la santé, pris après avis du directeur général de l’office, fixe les catégories de médecins qui peuvent pratiquer l’examen médical, ainsi que les modalités d’établissement des certificats médicaux. » ;
5° ter Sont ajoutés des articles L. 723-6 et L. 723-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 723 -6. – L’office convoque le demandeur à un entretien personnel. Il peut s’en dispenser s’il apparaît que :
« 1° L’office s’apprête à prendre une décision reconnaissant la qualité de réfugié à partir des éléments en sa possession ;
« 2° Des raisons médicales, durables et indépendantes de la volonté de l’intéressé, interdisent de procéder à l’entretien.
« Chaque demandeur majeur est entendu individuellement hors de la présence des membres de sa famille. L’office peut entendre individuellement un demandeur mineur, dans les mêmes conditions, s’il estime raisonnable de penser qu’il aurait pu subir des persécutions ou atteintes graves dont les membres de la famille n’auraient pas connaissance.
« L’office peut procéder à un entretien complémentaire en présence des membres de la famille s’il l’estime nécessaire à l’examen approprié de la demande.
« Le demandeur se présente à l’entretien et répond personnellement aux questions qui lui sont posées par l’agent de l’office. Il est entendu dans la langue de son choix, sauf s’il existe une autre langue dont il a une connaissance suffisante.
« Si le demandeur en fait la demande et si cette dernière apparaît manifestement fondée par la difficulté pour le demandeur d’exposer l’ensemble des motifs de sa demande d’asile, l’entretien est mené, dans la mesure du possible, par un agent de l’office du sexe de son choix et en présence d’un interprète du sexe de son choix.
« Le demandeur peut se présenter à l’entretien accompagné soit d’un avocat, soit d’un représentant d’une association de défense des droits de l’homme, d’une association de défense des droits des étrangers ou des demandeurs d’asile, d’une association de défense des droits des femmes ou des enfants ou d’une association de lutte contre les persécutions fondées sur le sexe ou l’orientation sexuelle. Les conditions d’habilitation des associations et les modalités d’agrément de leurs représentants par l’office sont fixées par décret en Conseil d’État ; peuvent seules être habilitées les associations indépendantes à l’égard des autorités des pays d’origine des demandeurs d’asile et apportant une aide à tous les demandeurs. L’avocat ou le représentant de l’association ne peut intervenir qu’à l’issue de l’entretien pour formuler des observations.
« L’absence d’un avocat ou d’un représentant d’une association n’empêche pas l’office de mener un entretien avec le demandeur.
« Sans préjudice de l’article L. 723-11-1, l’absence sans motif légitime du demandeur, dûment convoqué à un entretien, ne fait pas obstacle à ce que l’office statue sur sa demande.
« Sans préjudice des nécessités tenant aux besoins d’une action contentieuse, la personne qui accompagne le demandeur à un entretien ne peut en divulguer le contenu.
« Les modalités d’organisation de l’entretien sont définies par le directeur général de l’office.
« Un décret en Conseil d’État fixe les conditions dans lesquelles l’entretien peut se dérouler par un moyen de communication audiovisuelle pour des raisons tenant à l’éloignement géographique ou à la situation particulière du demandeur.
« Art. L. 723 -7. – I. – L’entretien personnel mené avec le demandeur, ainsi que les observations formulées, font l’objet d’une transcription versée au dossier de l’intéressé.
« La transcription est communiquée, à leur demande, à l’intéressé ou à son avocat ou au représentant de l’association avant qu’une décision soit prise sur la demande.
« Dans le cas où il est fait application de la procédure accélérée prévue à l’article L. 723-2, cette communication peut être faite lors de la notification de la décision.
« II. – Par dérogation au titre Ier de la loi n° 78-753 du 17 juillet 1978 portant diverses mesures d’amélioration des relations entre l’administration et le public et diverses dispositions d’ordre administratif, social et fiscal, lorsque l’entretien personnel mené avec le demandeur a fait l’objet d’une transcription et d’un enregistrement sonore, le demandeur ne peut avoir accès à cet enregistrement, dans des conditions sécurisées définies par décret en Conseil d’État, qu’après la notification de la décision négative de l’office sur la demande d’asile et pour les besoins de l’exercice d’un recours contre cette décision. Cet accès peut être obtenu auprès de l’office ou, en cas de recours, auprès de la Cour nationale du droit d’asile.
« Le fait, pour toute personne, de diffuser l’enregistrement sonore réalisé par l’office d’un entretien personnel mené avec un demandeur d’asile est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende.
« III
5° quater §(nouveau) Après l’article L. 723-9, il est inséré un article L. 723-9-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 723-9-1 (nouveau). – La collecte par l’office d’informations nécessaires à l’examen d’une demande d’asile ne doit pas avoir pour effet de divulguer aux auteurs présumés de persécutions ou d’atteintes graves l’existence de cette demande d’asile ou d’informations la concernant.
« Ne sont pas communicables par l’office les informations versées au dossier du demandeur ou relatives à leurs sources dont la divulgation porterait atteinte à la sécurité des personnes physiques ou morales ayant fourni ces informations ou à celle des personnes auxquelles elles se rapportent ou serait préjudiciable à la collecte d’informations nécessaires à l’examen d’une demande d’asile. » ;
6° Sont ajoutées des sections 2 à 4 ainsi rédigées :
« Section 2
« Demandes irrecevables
« Art. L. 723 -10. – L’office peut prendre une décision d’irrecevabilité écrite et motivée, sans vérifier si les conditions d’octroi de l’asile sont réunies, dans les cas suivants :
« 1° Lorsque le demandeur bénéficie d’une protection effective au titre de l’asile dans un État membre de l’Union européenne ;
« 2° Lorsque le demandeur bénéficie du statut de réfugié et d’une protection effective dans un État tiers et y est effectivement réadmissible ;
« 3° En cas de demande de réexamen lorsque, à l’issue d’un examen préliminaire effectué dans les conditions prévues à l’article L. 723-14, il apparaît que cette demande ne repose sur aucun élément nouveau.
« La notification de la décision d’irrecevabilité au demandeur d’asile précise les voies et délais de recours.
« Lors de l’entretien personnel prévu à l’article L. 723-6, le demandeur est mis à même de présenter ses observations sur l’application du motif d’irrecevabilité mentionné aux 1° ou 2° du présent article à sa situation personnelle.
« L’office conserve la faculté d’examiner la demande présentée par un étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection pour un autre motif.
« Section 3
« Retrait d’une demande et clôture d’examen d’une demande
« Art. L. 723 -11. – Lorsque le demandeur l’informe du retrait de sa demande d’asile, l’office clôture l’examen de cette demande. Cette clôture est consignée dans le dossier du demandeur.
« Art. L. 723 -11 -1. – L’office peut prendre une décision de clôture d’examen d’une demande dans les cas suivants :
« 1° Le demandeur, sans motif légitime, n’a pas introduit sa demande à l’office dans les délais prévus par décret en Conseil d’État et courant à compter de la remise de son attestation de demande d’asile ou ne s’est pas présenté à l’entretien à l’office ;
« 2° Le demandeur refuse, de manière délibérée et caractérisée, de fournir des informations essentielles à l’examen de sa demande en application de l’article L. 723-4 ;
« 3° Le demandeur n’a pas informé l’office, dans un délai raisonnable, de son lieu de résidence ou de son adresse et ne peut être contacté aux fins d’examen de sa demande d’asile ;
« 4° §(nouveau) Le demandeur a abandonné, sans motif légitime, le lieu où il était hébergé en application de l’article L. 744-3.
« L’office notifie par écrit sa décision motivée en fait et en droit au demandeur d’asile. Cette notification précise les voies et délais de recours.
« Art. L. 723 -12. – Si, dans un délai inférieur à neuf mois suivant la décision de clôture, le demandeur sollicite la réouverture de son dossier, l’office rouvre le dossier et reprend l’examen de la demande au stade auquel il avait été interrompu. Le dépôt par le demandeur d’une demande de réouverture de son dossier est un préalable obligatoire à l’exercice d’un recours devant les juridictions administratives de droit commun, à peine d’irrecevabilité de ce recours.
« Le dossier d’un demandeur ne peut être rouvert qu’une seule fois en application du premier alinéa.
« Passé le délai de neuf mois, la décision de clôture est définitive et la demande est considérée comme une demande de réexamen.
« Section 4
« Demandes de réexamen
« Art. L. 723 -13. – Constitue une demande de réexamen une demande d’asile présentée après qu’une décision définitive a été prise sur une demande antérieure, y compris lorsque le demandeur avait explicitement retiré sa demande antérieure, lorsque l’office a pris une décision définitive de clôture en application de l’article L. 723-11-1 ou lorsque le demandeur a quitté le territoire, même pour rejoindre son pays d’origine. Ces dispositions s’appliquent sans préjudice du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride.
« Si des éléments nouveaux sont présentés par le demandeur d’asile alors que la procédure concernant sa demande est en cours, ceux-ci sont examinés, dans le cadre de cette procédure, par l’office si celui-ci n’a pas encore statué ou par la Cour nationale du droit d’asile si celle-ci est saisie.
« Art. L. 723 -14. – À l’appui de sa demande de réexamen, le demandeur indique par écrit les faits et produit tout élément susceptible de justifier un nouvel examen de sa demande d’asile.
« L’office procède à un examen préliminaire des faits ou éléments nouveaux présentés par le demandeur, intervenus postérieurement à la décision définitive prise sur une demande antérieure ou dont il est avéré qu’il n’a pu en avoir connaissance que postérieurement à cette décision.
« Lors de l’examen préliminaire, l’office peut ne pas procéder à un entretien.
« Lorsque, à la suite de cet examen préliminaire, l’office conclut que ces faits ou éléments nouveaux n’augmentent pas de manière significative la probabilité que le demandeur justifie des conditions requises pour prétendre à une protection, il peut prendre une décision d’irrecevabilité.
« Art. L. 723 -15. –
Suppression maintenue
« Art. L. 723 -16 (nouveau). – Les conditions et délais d’instruction des demandes d’asile dont l’office est saisi sont fixés par décret en Conseil d’État. »
Mes chers collègues, avec cet article 7, nous abordons pour ainsi dire les dispositions centrales de ce projet de loi : il s’agit de l’examen des demandes d’asile par l’OFPRA.
Un grand nombre d’amendements ont été déposés sur cet article. Avant que nous n’engagions leur examen, je tiens à revenir sur quatre points.
Premièrement – gardons-le bien à l’esprit, qui plus est dans le contexte actuel –, le règlement de Dublin existe et le présent texte en tient compte, mais nous n’avons pas pour autant fini de débattre de son application !
Nous le savons tous, à l’heure actuelle, on ne peut pas compter sur un règlement de Dublin qui fonctionne. En effet, s’ils devaient appliquer ses dispositions à la lettre, certains pays d’arrivée seraient totalement submergés. Je songe tout particulièrement à l’Italie puisque, aujourd’hui, la plupart des demandeurs d’asile arrivant en Europe débarquent sur les côtes italiennes.
Parallèlement, un certain nombre de pays considèrent qu’ils n’ont pas à accorder l’asile, dans la mesure où les demandeurs, une fois leur requête satisfaite, partent pour d’autres pays de l’Union européenne.
Je note que, face à de tels raisonnements, les demandeurs d’asile sont, en définitive, prisonniers du règlement de Dublin : ils formulent une demande d’asile dans un pays qui la leur refuse, au motif qu’ils souhaitent partir ailleurs ; puis, lorsqu’ils gagnent un autre pays, on leur oppose qu’ils y ont émis une requête et qu’ils relèvent donc de celui-ci…
Bien entendu, il faut s’appuyer sur le droit en vigueur, notamment sur les directives européennes. Toutefois, je l’indique d’entrée de jeu, un immense travail doit être effectué – ce chantier a d’ailleurs été mentionné au tout début de ce débat.
Deuxièmement, je tiens à évoquer la question des empreintes digitales inexploitables. En 2010 et 2011, un grand nombre de placements en procédure accélérée d’office ont été décidés sur ce motif.
Je le dis dès à présent pour ne pas avoir à y revenir trop longuement dans la suite de nos discussions : l’article 7 prévoit le cas où une personne refuserait « de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales ». Néanmoins, cette situation ne doit pas être confondue avec le fait d’avoir des empreintes digitales inexploitables. Mieux vaut résoudre cette difficulté en amont, faute de quoi elle pourrait susciter des débats par la suite. Il faut éviter d’appliquer automatiquement la procédure accélérée à des dossiers qui ne méritent pas d’y être soumis.
Troisièmement, cet article introduit la présence d’un tiers au cours de l’entretien OFPRA. Il s’agit là d’une garantie nouvelle essentielle et il convient de l’affirmer de nouveau, avant même que nous n’engagions l’examen des amendements déposés sur cet article.
Par ailleurs, grâce à certains amendements adoptés par la commission, les demandeurs d’asile pourront bénéficier de la présence d’un interprète ou d’un officier de protection du sexe de leur choix.
Quatrièmement, je veux attirer l’attention de la Haute Assemblée sur ce point, il est nécessaire que l’on puisse disposer dans les meilleurs délais de statistiques relatives au traitement de l’asile. C’est un impératif dans le contexte européen actuel, et pour atteindre l’objectif de réduction des écarts de délais, observés d’une région à l’autre en matière de traitement des demandes.
Dans certains cas, si l’on attend la publication du rapport d’activité de l’OFPRA, on ne peut disposer d’une vision immédiate et totalement transparente de l’évolution de la réalité de la demande d’asile. De même, il convient de disposer de données région par région.
Le temps d’enregistrement des demandes fait partie des défis que le Gouvernement entend relever à travers ce projet de loi ! À cet égard, il serait bon qu’un certain nombre d’engagements soient pris quant à la rapidité de l’information statistique, qu’il s’agisse de l’origine des demandes ou de la durée des procédures d’enregistrement. Ces données aideraient à harmoniser au mieux les diverses situations. De surcroît, elles seraient utiles aux discussions menées au niveau européen.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 86 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 166 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 86.
À nos yeux, par rapport à la procédure déjà existante, la procédure accélérée présente un champ d’application bien trop étendu. Cette dernière permettra à l’OFPRA de traiter de manière expéditive l’essentiel des demandes d’asile. Elle aura pour conséquence de faire juger par un juge unique, dans un délai également expéditif, l’essentiel des demandes d’asile rejetées par cet office.
Le principe deviendra donc assurément la procédure accélérée devant un juge unique, en méconnaissance flagrante de toutes les garanties procédurales et de fond prévues par le droit européen, le droit national et le droit international des droits de l’homme.
En conséquence, nous proposons la suppression du présent article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 166.
Jean-Yves Leconte vient de le souligner, cet article 7 est très important : il constitue en quelque sorte le pivot du présent texte. Or il instaure dans notre système de droit d’asile un certain nombre de dispositifs auxquels les membres du groupe CRC s’opposent fermement.
En raison des garanties moindres qui y sont attachées, l’extension de la procédure accélérée est prévisible pour dix nouveaux cas, alors que la procédure prioritaire existante se limite à trois cas précis.
Ainsi, la CNDA statuera à juge unique, foulant au passage le principe du contradictoire. J’ajoute que cette situation conduira à écarter le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés de l’instance juridictionnelle. Or la présence de cette institution est un élément fondateur du dispositif français d’asile.
De plus, les motifs de placement en procédure accélérée sont disproportionnés, vagues et flous : provenance du demandeur, pays d’origine sûr, présentation de faux documents, entrée irrégulière en France, refus de prise d’empreintes, menaces graves pour l’ordre public, déclarations incohérentes, contradictoires, etc. Ces éléments ménagent aux autorités une grande marge d’appréciation, et donc de subjectivité.
La directive Procédures exige de confier à la seule autorité responsable de la détermination le soin de décider de l’orientation de la procédure. Or le nouvel article 723-2 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, le CESEDA, permet le placement automatique en procédure accélérée et habilite, dans certains cas, l’autorité préfectorale à décider d’un tel placement.
Pour être conforme à ladite directive, la décision d’orientation de la procédure devrait relever exclusivement de l’autorité chargée de la détermination.
Enfin, cet article contient une disposition parfaitement révélatrice de la philosophie du présent texte : il s’agit de la référence à la preuve, figurant aux alinéas 30 et suivants. Cette mention est contraire à l’esprit de la Convention de Genève et de la directive Qualification, en vertu de laquelle les agents de l’OFPRA et les juges de la CNDA doivent se forger une intime conviction quant à la crédibilité du récit formulé par le demandeur d’asile, et ce à partir non de preuves, mais de simples faisceaux d’indices.
Mes chers collègues, pour toutes ces raisons, et pour d’autres que nous aurons sans doute l’occasion de détailler en défendant divers amendements qui suivent, nous vous soumettons cet amendement de suppression.
Tout d’abord, je le souligne à mon tour, nous entamons l’examen d’un des principaux articles de ce projet de loi, lequel instaure la procédure dite « accélérée » et met des moyens supplémentaires à la disposition de l’OFPRA.
Cet article définit, notamment, les conditions d’irrecevabilité et de clôture des demandes. Par ailleurs, il inscrit dans le CESEDA une partie de la jurisprudence en vigueur. En outre, il apporte des garanties supplémentaires dans le cadre de la directive Procédures, notamment la présence d’un tiers à l’entretien OFPRA, le renforcement du contradictoire et la prise en compte de la vulnérabilité.
De nombreux amendements déposés sur le présent article visent à supprimer, ici ou là, tel ou tel alinéa. Par ce biais, leurs auteurs cherchent à remettre en cause la procédure d’ensemble, qui, je le rappelle, a notamment pour but de traiter dans des délais raisonnables des demandes dont l’OFPRA considère, d’entrée de jeu, qu’elles ne sont pas de nature à conférer au demandeur la protection souhaitée.
Selon la commission, cette procédure accélérée est absolument nécessaire pour traiter l’ensemble des demandes dans des délais assez courts.
Mes chers collègues, cette volonté est partagée par la très grande majorité des membres de cette assemblée. Je le répète, nous souhaitons que cette procédure puisse être limitée à un délai de neuf mois. Or, sans les dispositifs juridiques conçus à cet effet, il sera difficile d’atteindre cet objectif.
Nous aurons l’occasion de débattre de chacun des amendements spécifiquement. Aussi, je ne détaillerai pas cette question davantage. Je vous indique simplement que la commission est défavorable au principe même d’une suppression de cet article.
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Je ne reviendrai pas sur le débat de fond et sur la justification du recours à la procédure accélérée en tant que telle. Cela étant, je tiens à rappeler que le présent article ne se résume pas à la procédure accélérée. En réalité, il couvre des domaines beaucoup plus larges puisqu’il englobe notamment l’ensemble des procédures d’examen des demandes d’asile.
Mme Catherine Tasca acquiesce.
Par conséquent, si l’on supprime l’article 7, ce texte n’a plus d’intérêt…
M. Bernard Cazeneuve, ministre. Tout à fait, monsieur le sénateur. Peut-être voterez-vous cet amendement avec cet espoir !
Souriressur les travées du groupe socialiste.
Sourires.
À mon sens, une telle hypothèse n’est pas souhaitable si l’on veut disposer d’un texte permettant de traiter de manière efficace les demandes de ceux qui relèvent de l’asile en France.
En outre, cette précision me semble de la plus grande importance : en matière d’asile, le Gouvernement entend faire usage de la procédure accélérée dans les limites strictement fixées par la directive.
Cette procédure est une condition de l’accélération de l’examen des dossiers. Elle permettra de traiter rapidement les demandes d’asile. Néanmoins, nous n’entendons pas procéder dans un cadre exorbitant du droit commun de l’asile : nous agirons dans les strictes limites établies via la directive.
La procédure accélérée est indispensable pour que nous puissions atteindre nos objectifs en matière de délais. Parallèlement, je le dis et je le répète, elle n’est en rien préjudiciable aux droits des demandeurs d’asile. En effet, ceux d’entre eux qui bénéficieront de cette procédure feront par ailleurs l’objet de l’ensemble des dispositions prévues par la loi en faveur des demandeurs d’asile en termes d’hébergement, de droit au maintien sur le territoire national ou de recours suspensif devant la CNDA.
En conclusion, je résumerai mon propos en trois points.
Premièrement, cet article ne traite pas uniquement de la procédure accélérée : il porte sur un ensemble de sujets qui sont au cœur de ce dispositif législatif.
Deuxièmement, comme son nom l’indique, la procédure accélérée permet de traiter plus rapidement les dossiers des demandeurs d’asile qui se trouvent dans des situations de vulnérabilité et dont le cas exige d’être examiné le plus vite possible.
Troisièmement, les personnes bénéficiant de la procédure accélérée se verront appliquer tous les dispositifs reconnus aux demandeurs d’asile.
Pour l’ensemble de ces raisons, la suppression de cet article serait une très mauvaise manière faite aux demandeurs d’asile.
Monsieur le ministre, n’ayez crainte : je n’ai pas du tout l’intention de mettre un terme à ce débat passionnant qui, à coup sûr, va se prolonger !
Je ne voterai en aucun cas ces amendements de suppression, d’autant que – tout le monde en convient – si l’on veut sauver le droit d’asile, il faut réduire le délai global d’examen des dossiers.
Aujourd’hui, le temps moyen de traitement des demandes atteint dix-huit mois ou deux ans. Nous nous trouvons dans l’impossibilité matérielle d’assurer cette charge, comme de faire en sorte que le raccompagnement aux frontières se fasse dans des conditions décentes. Les demandeurs présents depuis deux ans se sont installés, ils peuvent avoir des enfants scolarisés, cela devient donc plus difficile.
Ne confondons pas « procédure accélérée » et « procédure expéditive ». Cette procédure accélérée s’étend sur neuf mois : c’est tout de même loin d’être expéditif ! Cela laisse le temps d’étudier les demandes au cas par cas.
Je le dis aux auteurs de l’amendement : le mieux est parfois l’ennemi du bien. Face aux 65 000 demandeurs d’asile, dans les conditions qui règnent à l’OFPRA et à la CNDA, l’existence d’une procédure « accélérée » – et non « expéditive » – permet de préserver le droit d’asile pour tout le monde. Je voterai donc contre ces amendements de suppression.
Je souhaite ajouter à ces arguments le rappel suivant : en supprimant l’article 7, nous supprimerions son alinéa 49, lequel établit la possibilité pour le demandeur de se présenter devant l’OFPRA avec un avocat ou le représentant d’une association de défense des droits de l’homme. Il s’agit d’une avancée majeure à laquelle je ne doute pas que vous êtes favorables.
Il est donc préférable d’entrer dans le détail de l’article 7 et d’en débattre point par point, plutôt que de le supprimer.
En supprimant cet article 7, nous renoncerions à transposer la directive dans les délais qui nous sont imposés, c’est-à-dire avant le mois de juin. Cela emporterait condamnation de l’État français pour manquement à ses obligations au regard du droit communautaire.
Dans cette perspective, le vote de ces amendements nous conduirait à une impasse. Notre responsabilité est bien d’amender cet article, si nous le souhaitons, mais en aucun cas de refuser de transposer cette directive conformément à nos obligations européennes.
Évitons les polémiques stériles ! Monsieur Leconte, vous comprenez bien qu’en déposant ces amendements de suppression, nous ne nourrissions aucune illusion sur leur chance d’être adoptés.
Nous avons seulement cherché à lancer le débat. À l’évidence, c’est un succès…
Au vu de la liste des amendements et de leurs auteurs, on voit bien que le souhait de débattre des sujets traités dans cet article est partagé. Restons donc lucides sur les motifs qui nous conduisent à déposer des amendements de suppression !
La cause me semble entendue sur la question de la suppression. Je souhaite seulement relever deux points évoqués par les auteurs de ces amendements : la procédure, qu’ils qualifient d’expéditive, et le recours au juge unique.
M. Karoutchi a clairement exposé que les délais nous gardaient d’une procédure expéditive. Concernant le recours au juge unique, le texte prévoit que, s’il s’estime insuffisamment armé pour conclure, celui-ci peut faire appel à la formation collégiale. Il n’y a donc là aucune fragilisation des droits du demandeur d’asile.
Il me semble important de garantir cette procédure accélérée, car ce qui est aujourd’hui le plus préjudiciable à l’intérêt du demandeur et à la pérennité de notre système de droit d’asile, c’est la longueur des délais. En reculant sur ce point, nous compromettrions tout le sens de cette loi.
Je prends à mon compte les arguments avancés par Mme Éliane Assassi. J’ajoute que notre amendement avait également pour objet de rassurer les membres des associations qui s’occupent des demandeurs d’asile, lesquels craignent que la procédure accélérée n’aboutisse à un traitement expéditif des demandes d’asile. Ce débat nous offre l’occasion de réitérer le souhait que cette procédure n’aura pas cette conséquence.
Nous ne sommes pas dupes du destin réservé à nos amendements : nous savions que l’article ne serait pas supprimé !
Je souhaite associer la voix de mon groupe à celles qui se sont exprimées pour défendre le maintien de cet article.
Cette procédure accélérée ne doit pas seulement être comprise négativement. Elle permettra également aux demandeurs en situation de vulnérabilité de bénéficier d’un statut plus rapidement. Sans transposition de la directive qui nous impose de le faire, c’est aujourd’hui impossible.
C’est au cœur de notre préoccupation : nous ne respectons pas nos obligations communautaires. Mettons-nous donc en ordre de marche et conformons-nous aux exigences que nous font l’Europe et la République dans ce qu’elle a de meilleur !
Cet article emporte, certes, des exigences et conduira à écarter plus rapidement des personnes qui se sont trompées d’orientation, mais il nous donnera aussi les moyens d’aller plus rapidement au-devant des besoins de demandeurs qui relèvent de la Convention de Genève.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 80, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Après le mot :
délai
insérer le mot :
moyen
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise à améliorer la rédaction proposée par la commission des lois, qui a souhaité inscrire dans le texte que l’OFPRA doit statuer dans un délai de trois mois en procédure normale. Nous ne sommes pas opposés à ce que la loi fixe le délai imparti à l’OFPRA pour prendre une décision, comme c’est déjà le cas pour la CNDA, même si cette obligation n’est assortie d’aucune sanction.
Ce délai est conforme aux visées exposées par le Gouvernement et reprises dans le contrat d’objectifs et de moyens signé avec l’OFPRA. Toutefois, laisser cette mention en l’état reviendrait à contraindre l’Office à contrevenir au texte si l’étude d’un dossier particulier, posant des difficultés spécifiques, exigeait d’y consacrer plus de temps. Il semble pourtant important de ménager à l’OFPRA la faculté d’examiner plus longuement une demande lorsqu’il estime que c’est nécessaire.
À défaut, nous pourrions nous trouver dans la situation que nous connaissions il y a quelques années. Nombre de dossiers étaient alors « repêchés » à la CNDA parce que l’OFPRA ne faisait pas correctement son travail. Pour éviter cela, nous ne devons pas contraindre par la loi le fonctionnement de l’Office.
Nous proposons de qualifier ce délai de « moyen », afin de fixer un but conforme au contrat d’objectifs et de moyens. Pour autant, il ne s’agit pas d’obliger l’OFPRA à mettre en place des procédures internes qui l’empêcheraient – au détriment des délais de jugement de la CNDA – de prendre le temps nécessaire pour travailler sur une demande durant plus de trois mois, en raison des difficultés qu’elle présente ou de la vulnérabilité particulière du demandeur.
Le mieux étant l’ennemi du bien, je vous propose d’adopter cet amendement.
Cette question a fait l’objet d’un long débat en commission. Fallait-il s’en tenir à un délai de trois mois, ou en faire un délai moyen ? Le texte prévoit que la CNDA statue dans un délai de cinq mois en procédure normale. Dans la convention qui lie l’OFPRA et le Gouvernement, il est indiqué un délai de trois mois.
Pour des raisons de parallélisme des formes, et pour marquer notre volonté collective de limiter les délais d’instruction de l’ensemble des dossiers à neuf mois au maximum, nous avons souhaité fixer à l’OFPRA un délai de trois mois. C’est une ligne claire. Si l’on décide que ce délai de trois mois correspond à un délai moyen, on vide cette volonté de son sens et on perd de vue l’objectif de départ.
Tempérons notre approche : si le délai de trois mois est bien réel, son dépassement n’est sanctionné ni à l’OFPRA ni à la CNDA.
Selon les auteurs de l’amendement, faire de ce délai le résultat d’une moyenne autoriserait, à la fois, des délais de traitement plus courts et d’autres plus longs. Si l’OFPRA peut statuer plus rapidement, tant mieux, mais l’instauration de ce délai serait alors dénuée de sens.
En revanche, fixer un délai moyen à l’OFPRA pour lui permettre d’agir comme il le souhaite, c’est envoyer un mauvais signal. En établissant un délai ferme, nous savons bien que, si l’Office a besoin de consacrer plus de temps à un dossier en particulier, il le fera, sans préjudice pour qui que ce soit.
L’avis est donc défavorable.
Avant de donner mon avis sur cet amendement, je souhaite revenir sur les objectifs de ce projet de loi. La réduction volontariste des délais d’instruction à l’OFPRA en est un, et elle doit s’effectuer dans le cadre des principes fondamentaux du droit d’asile.
Il n’est pas question que la réduction des délais dans le traitement des dossiers des demandeurs d’asile se fasse au détriment de la reconnaissance de leurs droits. C’est la raison pour laquelle nous tenons absolument à ce que chaque demande puisse être examinée de façon très attentive, en fonction de ses caractéristiques propres.
Certaines demandes sont, et continueront d’être, examinées dans des délais plus rapides, notamment celles qui sont traitées en procédure accélérée et dont le délai sera fixé par voie réglementaire à quinze jours. D’autres, en revanche, ne pourront être examinées en trois mois parce qu’elles nécessiteront un examen particulièrement attentif et un complément d’analyse juridique ou géopolitique, ou parce qu’elles correspondent à des situations de grandes difficultés d’expression de la part du demandeur, au regard des violences qu’il aura pu subir.
Après des années de dérive, les délais d’instruction vont donc se réduire notablement, dans un cadre réaliste et adapté aux contraintes de l’asile, s’agissant d’hommes, de femmes et d’enfants en situation de grande souffrance. C’est pourquoi je suis favorable à cet amendement tendant à imposer un délai moyen de trois mois plutôt qu’un délai maximal. C’est ainsi que l’on pourra atteindre l’équilibre entre la volonté de réduire les délais et la reconnaissance individuelle de la situation de chaque demandeur.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que je suis surpris de la position que vous venez d’exprimer. Un délai moyen équivaut à une absence de délai, dans la mesure où il n’est mesuré qu’a posteriori.
On mesure le délai moyen de traitement des demandes tous les trois mois, tous les six mois, ou en fin d’année. Que fait-on si la moyenne est dépassée ? Il est trop tard pour agir sur les demandes dont l’instruction aura duré plus de trois mois !
Vous constaterez alors que vous ne disposez que d’un instrument de mesure globale de l’activité de l’OFPRA, et non d’une règle s’imposant au traitement individuel de chaque demande. Vous venez donc d’émettre un avis favorable sur un amendement qui, de manière déguisée, vise à supprimer le délai.
Enfin, il ne me semble pas satisfaisant, au vu de l’embolie actuelle des services chargés d’instruire les demandes d’asile, de supprimer toute condition de délai : de fait, juridiquement, telle serait la conséquence de l’adoption de cet amendement.
Je partage – c’est le moins que l’on puisse dire ! – l’avis que vient d’émettre l’excellentissime président de la commission des lois.
Je tiens à vous rappeler, monsieur le ministre, les propos que j’ai tenus au cours de la discussion générale. Tout l’intérêt de ce texte, au-delà des garanties qu’il apporte, tient à la possibilité qu’il offre de mener des procédures accélérées, et non expéditives, dans des délais plus courts. Je partage plutôt l’orientation de ce projet de loi, mais à la condition que le respect du délai d’examen fasse l’objet d’une sanction. Or ce projet n’en prévoyait aucune.
L’amendement en discussion prévoit que le délai de neuf mois – trois mois devant l’OFPRA, six mois devant la CNDA – devienne un délai moyen.
Cet amendement n’aurait en effet pas de sens si le délai de l’examen par la CNDA ne devenait pas, lui aussi, un délai moyen. Or on ne sait pas trop ce que l’on entend ici par « délai moyen ». Dans certains cas, les procédures vont durer beaucoup plus longtemps, sans qu’il y ait de sanctions.
Par conséquent, comme l’a dit M. le président de la commission des lois, la notion même de délai de neuf mois disparaît. Cela a été souligné dès le début de la discussion, si aucune sanction n’est prévue et si, de surcroît, on fait du délai d’examen un délai moyen, aucune restriction de la procédure dans le temps n’a lieu d’être. Je ne comprends donc pas bien la position défendue par M. le ministre.
Nous pouvions avoir des désaccords sur le texte tout en acceptant la philosophie qui le sous-tend, à savoir des garanties accrues, contrebalancées par des procédures d’examen plus rapides. Si, en revanche, les délais d’examen des demandes deviennent des délais moyens, sans sanction, et si, par conséquent, des procédures plus rapides ne sont plus imposées, il manquera une jambe à votre projet !
Je préférerai donc, comme le souhaite la commission, qu’on en reste à la détermination d’un délai précis.
Nous débattons d’un assouplissement dans la gestion quotidienne par l’OFPRA des dossiers en procédure normale. Si la loi fixe un délai moyen de trois mois, on lui offre de la souplesse : si les trois mois ne sont pas nécessaires, le dossier sera traité aussi vite que possible ; dans le cas contraire, l’OFPRA pourra bénéficier d’un peu plus de temps.
Cette souplesse ne revient pas à supprimer le délai, qui est notre objectif commun. Pour avoir examiné de près le fonctionnement de l’OFPRA, je peux vous assurer qu’il réalise, eu égard à la situation antérieure, des efforts absolument considérables.
L’OFPRA n’a pas intérêt à laisser filer le temps, comme ce fut le cas auparavant. Au lieu d’instaurer le délai de trois mois comme un couperet, ce qui pourrait poser des problèmes de procédure contentieuse à l’égard des décisions de l’Office, offrons-lui plutôt un délai indicatif. Les trois mois restent l’objectif, mais avec toute la souplesse nécessaire.
Il n’y a donc là rien de dramatique et l’esprit de la loi n’est nullement remis en cause. À mon sens, ce serait là une vision beaucoup trop technique et juridique de l’objectif que nous visons. Eu égard au très grand nombre de dossiers, un tel délai peut parfaitement être appliqué de façon souple : certaines demandes seront traitées en trois mois et quinze jours ; beaucoup d’autres, nous l’espérons, en deux mois, voire moins.
Nous sommes tous préoccupés par la question des délais. C’est justement pour cela qu’il faut faire montre de flexibilité !
Que pourra dire le directeur général de l’OFPRA qui, confronté à un dossier difficile nécessitant des investigations trop longues, ne respecterait pas le délai de trois mois ? Même s’il n’encourt pas de sanction, il ne respecte pas l’objectif qui lui est assigné, ce qui n’est pas bon. C’est précisément cet écueil qu’il faut éviter. En effet, la demande pourrait alors être envoyée à la CNDA, ce qui rallongerait la procédure de cinq mois.
Comme je le disais tout à l’heure, le mieux est l’ennemi du bien. Il faut rester flexible. On aimerait depuis longtemps avoir satisfait l’objectif d’un délai moyen de trois mois. On œuvre à présent pour que ce soit une réalité : tel est justement l’objet de ce projet de loi.
Ne compliquons pas la loi. Voulez-vous que les délais globaux d’examen des dossiers soient, par manque de flexibilité, de huit mois – trois mois devant l’OFPRA, puis cinq mois devant la CNDA –, ou bien préférez-vous que l’on essaye de les traiter en trois mois ?
Les questions que suscite ce délai de trois mois ne sont pas simples !
Je souscris à l’idée d’instituer des procédures de durée restreinte. En effet, que la réponse soit positive ou qu’elle aboutisse à une réorientation du demandeur, il faut que la procédure soit rapide, sans quoi elle perd tout son sens. La durée actuelle de la procédure de demande d’asile représente un dérèglement complet du processus. Il faut donc tenir nos objectifs de réduction des délais.
Quant au délai de trois mois, je suis, pour ma part, convaincue qu’il faut le faire figurer dans le texte. Comme il a été dit, si l’on ne prévoit qu’un délai moyen, il n’y a plus de véritable délai.
Malgré tout, j’ai bien entendu ce qu’a dit Mme Tasca : ses observations peuvent être fondées à d’autres étapes de la procédure. Fixer un délai de trois mois peut poser des difficultés, dans la mesure où l’OFPRA est en train de se réorganiser et où il ne pourra que difficilement le respecter. Pour autant, vaut-il mieux ne pas fixer de délai, ou encore fixer un délai moyen ?
J’en conviens, nous ne sortirons pas satisfaits de la présente discussion. Je suis toutefois certaine que le processus ne gagnera nullement en efficacité si l’on ôte ce délai du texte.
Comment peut-on accompagner l’OFPRA en termes de moyens ou d’organisation ? Il existe là aussi des possibilités d’évolution sur lesquelles nous pourrons revenir par la suite, qu’il s’agisse de la territorialisation ou de nombreuses autres solutions proposées par les uns et les autres. Il faut donner à cet office les moyens de faire face à une situation exceptionnelle. Je pense, en tout cas, que nous pourrons parvenir à un consensus sur la nécessité de répondre par des moyens adaptés à un problème que nous rencontrons à l’échelle européenne et mondiale.
L’OFPRA doit pouvoir bénéficier d’un regard attentif et il est nécessaire de le soutenir, même dans une période budgétaire difficile. Plus encore que dans d’autres domaines, il faut veiller à trouver les voies et moyens de nature à lui permettre, à terme, de prospérer. Supprimer ce délai nous renverrait à la case départ.
J’entends, d’un côté, les préoccupations de M. le président de la commission des lois et de Mme Létard, et, de l’autre, les aspirations de M. Leconte.
Comment satisfaire toutes ces aspirations, qui ne sont pas nécessairement contradictoires ?
D’abord, partons de la réalité. Le délai de traitement d’une demande d’asile est de vingt-quatre mois.
Dans la plupart des pays de l’Union européenne, il est plutôt de l’ordre de douze mois : telle est la réalité.
La directive européenne mentionne un délai de six mois en procédure individuelle normale. Par conséquent, monsieur le président de la commission, en visant trois mois, nous sommes plus ambitieux que la directive !
Je veux vous rassurer, madame Létard, quant à ce que nous faisons – ce faisant, je m’adresse, à la fois, à votre esprit et à votre cœur ! §– : encore une fois, l’amendement de M. Leconte tend à fixer un objectif plus ambitieux que la directive.
Par ailleurs, peut-on traiter tous les dossiers de la même manière ? Non, vous en conviendrez. L’examen d’un dossier soumis par un ressortissant syrien persécuté à la fois par Daech et par le régime de Bachar al-Assad n’est pas du tout de même nature qu’un dossier plus compliqué, déposé par des demandeurs d’asile venant de pays dont la situation peut susciter des interrogations.
En outre, peut-on traiter dans le même délai les dossiers d’où qu’ils viennent, sans remettre en cause le principe de la décision individuelle que l’on doit aux demandeurs d’asile ? Non, bien entendu !
J’ajouterai un argument très important. Que la sanction du délai soit individuelle ou qu’elle soit moyenne, il ne saurait y avoir de décision implicite de rejet, et ce pour une simple et bonne raison : si une telle décision était rendue au terme d’un délai défini, la CNDA pourrait toujours être saisie. Or elle pourrait juger le délai appliqué au traitement du dossier insuffisant au regard des caractéristiques de celui-ci, et renvoyer le dossier à l’OFPRA pour un examen plus approfondi. Que se passerait-il alors ? Nous rajouterions des délais aux délais, ce qui conduirait à une situation contraire à l’objectif que vous poursuivez !
Permettez-moi de revenir sur mon argumentation, monsieur le président de la commission des lois, car cela m’attristerait, pour des raisons de solidarité territoriale
Sourires.
Le délai que nous prévoyons, donc, est plus ambitieux que celui prévu par la directive.
Qu’il s’agisse d’un délai individuel ou d’un délai moyen, cela ne prive pas le demandeur de la possibilité d’engager un recours devant la CNDA, laquelle ajoutera de nouveaux délais si elle estime que le dossier n’a pas été correctement traité.
Je le répète, fixer une sanction au terme de délais très courts revient à ajouter des délais aux délais, et donc à aller à l’encontre de l’objectif que nous poursuivons. Par ailleurs, le principe de l’individualisation de l’examen du dossier est nécessaire. Enfin, pour que le délai effectif soit en moyenne de neuf mois, il faut que l’OFPRA respecte, en moyenne, le délai de trois mois.
Pour toutes ces raisons, nous pourrions parvenir à un consensus sur cette préoccupation commune. C’est pourquoi je vous demande de bien vouloir adopter l’amendement de M. Leconte, qui ne vise nullement à remettre en cause l’esprit du projet de loi, mais au contraire à conforter l’objectif de réduction des délais. N’oubliez pas un point fondamental : qu’il s’agisse d’une durée individuelle ou d’une durée moyenne, la CNDA peut toujours statuer, parce qu’il ne peut pas y avoir de décision implicite de rejet. Si la CNDA statue, cela rajoute des délais aux délais, et l’objectif que vous poursuivez est réduit à néant.
Je vous demande – je sais que c’est un effort considérable ! – de me faire confiance sur ce point.
Nous avons bien entendu, monsieur le ministre, vos remarques sur le débat qui s’est engagé autour de cet amendement. Néanmoins, le groupe UMP reste en désaccord avec vous. Nous considérons en effet – et c’est d’ailleurs une réalité – qu’un délai moyen ne peut être constaté qu’ex post. Cela supprime toute possibilité d’encadrer la procédure de façon assez ferme : il faut à cette fin non pas seulement une indication, mais bien une forte volonté d’agir et un délai véritablement contraignant.
On voit bien à l’heure actuelle que notre vie politique souffre régulièrement du décalage existant entre des annonces, souvent très médiatiques, qui suscitent beaucoup de commentaires, et des textes qui, parfois, ne suivent pas. Dans le cas présent, l’exposé des motifs de ce projet de loi affichait une certaine ambition. Or là, avec un mot, d’un coup d’un seul, vous remettez en cause cette volonté affichée de réduire les délais…
Si le Gouvernement veut être fidèle à l’argumentation qu’il a développée, selon laquelle le délai de traitement de certains dossiers peut être plus long, qu’il l’assume en déposant un amendement prévoyant un délai de quatre mois, sachant que ce délai est plus court que celui qui est prévu par la directive !
En tout état de cause, l’adjectif « moyen » est en quelque sorte un artifice, et les sénateurs UMP ne veulent pas l’inscrire dans la loi : c’est certes un petit mot, mais qui, d’un coup, modifie l’esprit du texte.
M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, mon cœur de Normand saigne
Sourires.
Il y a une différence de nature entre un délai qui crée un droit opposable pour le demandeur…
… et un délai moyen, qui crée une obligation d’organisation administrative à la charge du Gouvernement et de l’établissement public qui devra le mettre en œuvre, ce délai moyen se vérifiant a posteriori.
Vous pouvez parfaitement arguer du fait que le traitement de la demande dans un certain délai, que nous avons fixé à trois mois, ne sera plus assorti d’un droit. Mais alors, supprimez ce droit, et assumez-le ! Vous ne pouvez pas simplement dire qu’un délai moyen de trois mois est préférable à un délai de trois mois, qui crée un droit opposable et individuel pour le demandeur.
Vous avez même souligné le fait qu’aucune sanction n’était prévue. Dieu merci ! On ne saurait prévoir une admission au statut de réfugié par décision implicite ou, pire, le rejet d’une demande d’asile par décision implicite.
Pour autant, ce n’est pas parce qu’on ne débouche pas sur une décision implicite de rejet ou d’acceptation que le délai légal de trois mois ne crée aucune obligation. Si la décision est rendue au bout de six mois, le requérant pourra fort bien demander réparation du préjudice qu’il aura subi pour violation du délai.
D’ailleurs, un préjudice est possible : ce retard a, par exemple, pu empêcher le demandeur d’obtenir un emploi.
En outre, quand le Parlement fixe un délai dans la loi – même si la non-observation de ce délai par l’administration ne débouche pas sur une décision implicite –, le Gouvernement a, pour autant, l’obligation de mobiliser les moyens nécessaires pour le faire respecter.
Monsieur le ministre, si vous donnez à l’OFPRA, dans le cadre de l’examen de la loi de finances, les moyens nécessaires pour lui permettre de traiter chacune des demandes dans un délai de trois mois, j’en prends l’engagement ici, nous voterons naturellement ces crédits, sur le conseil avisé de notre collègue Roger Karoutchi, rapporteur spécial du budget relatif à l’immigration.
Monsieur le ministre, nous avons un choix de principe : ou bien nous fixons un délai – c’est notre cas ! –, ou bien nous n’en fixons pas. En choisissant cette dernière option, vous vous contentez alors d’inscrire une indication d’ordre général. Pour sa bonne administration, l’OFPRA relèvera simplement les compteurs pour voir si le délai moyen de trois mois est observé. Mais, là, vous ne créez aucun droit pour le demandeur. Or c’est précisément ce que nous voulons faire ! Voilà ce qui nous différencie.
Monsieur le président de la commission, votre argumentation serait tout à fait juste si un droit opposable à l’administration par le demandeur d’asile figurait dans un texte. Mais pouvez-vous me dire où ce droit est inscrit ?…
Ce délai n’existe pas, car il ne figure dans aucun texte. Un délai de trois mois est évoqué dans un texte réglementaire pour ce qui concerne la procédure accélérée, mais point de délai de trois mois ailleurs !
Par conséquent, le délai de trois mois n’ouvre pas de droit au demandeur d’asile. En mettant en place un délai moyen de trois mois, le Gouvernement ne s’oppose pas à ce droit, puisqu’il n’existe pas. En l’espèce, vous ne pouvez pas nous opposer cet argument.
Monsieur le président de la commission des lois, aujourd’hui, aucun délai de trois mois n’est opposable à l’administration en cas de non-respect.
Aussi, je ne saurais souscrire à votre raisonnement consistant à dire que le délai moyen de trois mois constituerait une dégradation par rapport au délai de trois mois reconnu au demandeur d’asile comme un droit opposable à l’administration.
Par ailleurs – c’est le deuxième élément très important ! –, vous affirmez que vous seriez prêt à accepter ce délai moyen si nous nous dotions des moyens nécessaires pour faire en sorte qu’il soit respecté.
Mais qu’avons-nous fait d’autre en attribuant en 2015 cinquante postes supplémentaires à l’OFPRA, lequel bénéficiera d’ailleurs d’autres mesures budgétaires en 2016 ? Il ne s’agit pas là d’une décision virtuelle : ces cinquante emplois sont inscrits dans le budget de 2015 !
Et que faisons-nous lorsque nous décidons d’octroyer des moyens supplémentaires à la CNDA en vue de lui permettre de raccourcir les délais ?...
Que faisons-nous lorsque nous créons, outre les 4 000 places déjà prévues, 5 000 places supplémentaires dans les centres d’accueil pour demandeurs d’asile, afin que les personnes relevant de la procédure du droit d’asile soient traitées correctement ? Qu’est-ce donc, sinon l’attribution de moyens supplémentaires ?
Votre démonstration, selon laquelle vous seriez prêt à vous ranger à notre argumentation dès lors que nous prévoirions les moyens nécessaires, ne tient pas ! Car ces moyens sont déjà inscrits ; j’en veux pour preuve le budget de 2015. Il n’y a donc aucune raison pour que vous n’y souscriviez pas.
Vous avez tout à fait raison de dire qu’un délai moyen n’a de sens que si l’on se fixe les objectifs de l’atteindre en allouant les moyens adéquats. C’est bien parce que nous avons l’intention d’atteindre notre objectif que nous avons prévu des moyens supplémentaires !
Enfin, j’évoquerai un troisième argument de fond.
Votre logique vaudrait si, au terme du délai individuel établi, le dépassement du délai valait décision. Mais tel n’est pas le cas ! Le demandeur d’asile pourra déposer une demande devant la CNDA, qui l’examinera, ce qui implique de nouveaux délais. Dans ces conditions, votre délai individuel de trois mois ne tient pas pour cette raison de droit qui est imparable.
Au final, monsieur Lemoyne – je le dis, car vous semblez vouloir demander un scrutin public sur l’amendement n° 80 –, votre proposition revient à allonger les délais. Je tiens vraiment à ce que cela figure au compte rendu des débats !
Les services des comptes rendus ne choisissent pas les propos qui doivent ou non figurer au Journal officiel !
M. Karoutchi ne veut pas que cela figure dans le compte rendu. Mais, moi, j’y tiens !
Je n’ai rien dit de tel ! Mon autorité au Sénat n’est pas si grande, monsieur le ministre…
J’y insiste, si nous faisons ce que vous demandez, nous allons allonger les délais. Et ça, je ne le veux pas !
Je mets aux voix l’amendement n° 80.
J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l’avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 181 :
Le Sénat n’a pas adopté.
L’amendement n° 15, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 6
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…) Il est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lors du dépôt de sa demande et tout au long de la procédure, le demandeur est informé, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, de la procédure à suivre et de ses droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Il est informé du calendrier, des moyens dont il dispose pour remplir ses obligations de présenter les éléments de sa demande, ainsi que des conséquences d’un retrait explicite ou implicite de la demande. Ces informations lui sont communiquées à temps pour lui permettre d’exercer les droits qui lui sont garantis. »
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Cet amendement vise à garantir, au vu de la complexité réelle et bien connue du droit français, une aide et une information au demandeur lors du dépôt de la demande d’asile, afin que le recours exercé puisse être effectif.
C’est pourquoi nous proposons de transposer l’article 12 de la directive Procédures, en insérant un alinéa ainsi rédigé : « Lors du dépôt de sa demande et tout au long de la procédure, le demandeur est informé, dans une langue qu’il comprend ou dont il est raisonnable de supposer qu’il la comprend, de la procédure à suivre et de ses droits et obligations au cours de la procédure ainsi que des conséquences que pourrait avoir le non-respect de ses obligations ou le refus de coopérer avec les autorités. Il est informé du calendrier, des moyens dont il dispose pour remplir ses obligations de présenter les éléments de sa demande, ainsi que des conséquences d’un retrait explicite ou implicite de la demande. Ces informations lui sont communiquées à temps pour lui permettre d’exercer les droits qui lui sont garantis. »
Ces précisions, loin d’être anodines, doivent permettre au demandeur d’asile d’exercer ses droits de manière effective.
L’article 15 du projet de loi tend précisément à assurer à chaque demandeur une telle information, en généralisant l’accès aux centres d’accueil pour demandeurs d’asile à l’ensemble des demandeurs et en prévoyant la faculté pour l’administration de passer des conventions avec le secteur associatif local pour ce qui concerne l’accueil, l’information et l’accompagnement social et administratif des demandeurs. Les choses sont donc claires.
C’est la raison pour laquelle je demande à notre collègue de bien vouloir retirer son amendement ; à défaut, la commission y sera défavorable.
Le Gouvernement partage l’avis de M. le rapporteur.
M. Jean-Claude Requier. Non, je le retire, madame la présidente, car M. le rapporteur et M. le ministre se sont ligués contre moi !
Sourires.
Je demande une suspension de séance de cinq minutes, madame la présidente.
Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le ministre.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix -sept heures vingt.
La séance est reprise.
Je suis saisie de dix-huit amendements faisant l’objet d'une discussion commune.
L’amendement n° 87, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 8 à 10
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Madame la présidente, je défendrai conjointement les amendements n° 87 et 88.
L’amendement n° 87 vise à supprimer les alinéas 8 à 10 qui prévoient que l’OFPRA statue obligatoirement en procédure accélérée lorsque le « demandeur provient d’un pays considéré comme un pays d'origine sûr » ou en cas de « demande de réexamen ». En effet, nous considérons que la procédure accélérée doit rester une procédure d’exception.
L’amendement n° 88 est un amendement de repli par rapport à l’amendement précédent. Il a pour objet de supprimer le caractère automatique de la procédure accélérée, car celle-ci porte atteinte aux droits des demandeurs concernés.
Nous estimons que cette procédure doit représenter a minima une option pour l’OFPRA et ne pas constituer une obligation.
L’amendement n° 88, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 8
Remplacer le mot :
statue
par les mots :
peut, de sa propre initiative, statuer
II. – Alinéa 11
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a été défendu.
L’amendement n° 78, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 8, 11 et 15
Supprimer les mots :
dans un délai de quinze jours
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement tend à supprimer du projet de loi la mention du délai de quinze jours retenu pour l’examen par l’OFPRA d’une demande d’asile en procédure accélérée.
Si nous ne sommes pas opposés à l’objectif visé, il nous semble cependant particulièrement difficile d’inscrire un tel délai dans la loi, dans la mesure où l’OFPRA se trouve en première ligne face à d’éventuelles sollicitations qui peuvent varier de manière très significative.
Fixer dans la loi un objectif qui, faute de sanction prévue, pourrait de temps à autre ne pas être respecté me semble préoccupant.
Contrairement au délai d’examen de trois mois prévu pour la procédure normale – tel que le Sénat vient de l’adopter, ou sous la forme d’un délai « moyen » tel que je le proposais –, il me paraît illusoire d’introduire dans la loi un délai de quinze jours pour la procédure accélérée. Certes, nous sommes tous d’accord pour dire que, dans la mesure du possible, ce délai doit être respecté. Toutefois, compte tenu du nombre de journées que comportent certaines semaines – au mois de mai en particulier – et, comme je le disais, des sollicitations qui peuvent varier, cela semble peu évident. En réalité, l’OFPRA fera au mieux !
Pour cette raison, il me semble raisonnable de renvoyer à un décret le soin de fixer les délais en procédure accélérée.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 89 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 167 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 9
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 89.
Il s’agit d’un amendement de repli.
L’automaticité du placement en procédure accélérée des demandes d’asile de ressortissants d’un pays d’origine sûr est en contradiction avec le principe du nécessaire examen individuel de la demande d’asile. La notion même de pays d’origine sûr est trop aléatoire, comme cela a été rappelé, et l’expérience montre qu’elle a été « dévoyée à des fins de gestion des flux migratoires », ainsi que le précise le rapport d’information sur le droit d’asile de MM. Jean-Yves Leconte et Christophe-André Frassa déposé, le 14 novembre 2012, au nom de la commission des lois.
En outre, des arguments identiques figurent dans le récent rapport du commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe, établi à la suite de la visite de ce dernier en France du 22 au 26 septembre 2014. Pour manifester sa préoccupation, il indique ainsi que « la seule nationalité d’un demandeur d’asile ne devrait pas être un motif suffisant de classement d’une demande d’asile en procédure accélérée, lequel devrait reposer sur une analyse de la situation personnelle du demandeur d’asile ».
C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’automaticité du placement en procédure accélérée des demandes d’asile de ressortissants d’un pays d’origine sûr.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l’amendement n° 167.
Cet amendement vise à limiter les conséquences dommageables du maintien de la notion de pays d’origine sûr que nous proposions de supprimer de la législation française.
Un demandeur d’asile ayant été « étiqueté » originaire d’un pays sûr ne doit pas faire les frais d’une procédure accélérée, car une telle situation présente un caractère discriminatoire.
Comme le disait notre collègue Esther Benbassa, l’automaticité du placement en procédure accélérée de ce demandeur d’asile est en parfaite contradiction avec le principe du nécessaire examen individuel de la demande. De même, la notion de pays d’origine sûr est trop aléatoire et l’expérience montre qu’elle a été « dévoyée à des fins de gestion des flux migratoires », comme l’indique le rapport sénatorial sur le droit d’asile précité.
Les auteurs dudit rapport écrivent « noir sur blanc » que l’inscription d’un pays sur la liste des pays d’origine sûrs est « davantage motivée par le souci de faire pression à la baisse sur les flux de demandes d'asile que par le caractère objectivement sûr de la situation politique et sociale d’un pays donné ». Ils ajoutent que, dans les faits, « l’inscription ou le retrait d’un pays de la liste a des conséquences rapides et importantes sur le flux des demandes » et que « les représentants de la préfecture de Seine-Saint-Denis ont ainsi confirmé que le nombre de demandes d’asile émanant de ressortissants bangladais avait diminué de façon spectaculaire à la suite de l’inscription du Bangladesh sur la liste des pays d’origine sûrs en décembre 2011 ».
En outre, comme l’a déjà expliqué Mme Benbassa, le commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe reprend dans son récent rapport des arguments identiques, en indiquant que « la seule nationalité d’un demandeur d’asile ne devrait pas être un motif suffisant de classement d’une demande d’asile en procédure accélérée, lequel devrait reposer sur une analyse de la situation personnelle du demandeur d’asile ».
Pour toutes ces raisons, nous vous invitons à rendre aux demandeurs d’asile qui sont ressortissants des pays d’origine dits « sûrs » les mêmes droits en matière de procédure qu’à n’importe quel autre ressortissant.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L’amendement n° 90 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 169 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 10
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 90.
L’amendement n° 90 est également un amendement de repli.
Le placement automatique des demandes de réexamen en procédure accélérée ne repose sur aucun fondement et ne peut aboutir qu’à une double pénalisation de l’échec. De surcroît, il risque d’entraîner une hausse du nombre de contentieux devant la CNDA, car les demandeurs manqueront de temps, à la fois, pour constituer un dossier suffisamment étayé pour convaincre l’OFPRA et pour rassembler les preuves matérielles que l’on exigera d’eux afin de justifier l’existence d’un élément nouveau.
Dès lors, exercer un recours devant la CNDA restera la seule option permettant aux demandeurs de développer des arguments qui, faute de temps, n’auront pu être exposés initialement. Le contentieux risque ainsi de glisser massivement vers cette juridiction, ce qui est contre-productif au regard des enjeux de la réforme.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons de supprimer l’automaticité du placement en procédure accélérée des demandes de réexamen.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 169.
Si notre amendement n° 166 tendait à supprimer l’ensemble de l’article 7, cet amendement de repli ne vise que son alinéa 10, qui, comme Mme Esther Benbassa vient de l’expliquer, détermine l’un des cas dans lesquels s’appliquera la procédure accélérée que le projet de loi substitue à l’actuelle procédure prioritaire.
Par rapport au champ d’application de cette dernière, qui couvre trois cas, celui de la nouvelle procédure accélérée nous semble bien trop large ; il permettra à l’OFPRA de traiter de manière expéditive l’essentiel des demandes d’asile et de faire juger par un juge unique, dans un délai tout aussi expéditif, la plupart des demandes d’asile que l’Office aura rejetées.
Ainsi donc, si l’article 7 était adopté dans sa rédaction actuelle, toutes les demandes d’asile habituellement rejetées par l’OFPRA pourraient être examinées en procédure accélérée et jugées dans un délai « express » et par un juge unique, alors même que la France a fait l’objet de près de dix condamnations européennes fondées sur l’absence de corrélation entre les critères prévus par les textes et le caractère infondé d’une demande d’asile.
L’amendement n° 56, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéas 11 à 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Les quatre alinéas que le présent amendement tend à supprimer déterminent trois cas dans lesquels l’OFPRA pourrait statuer en procédure accélérée de sa propre initiative, c’est-à-dire en vertu d’une décision subjective.
Mes chers collègues, voilà quelques instants, j’ai finalement défendu le principe de cette procédure accélérée applicable dans un certain nombre de cas. Seulement, dans la mesure où cette procédure modifie la manière dont le demandeur d’asile peut contester la décision de l’OFPRA devant la CNDA, il paraît préférable que l’Office ne puisse pas la mettre en œuvre de sa propre initiative, sans quoi il déciderait lui-même de la façon dont ses décisions seraient jugées.
De surcroît, les cas prévus aux alinéas 13 et 14 nous semblent trop subjectifs. Je vous rappelle que l’alinéa 13 détermine le cas où « le demandeur n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu’il formule », et l’alinéa 14 celui où « le demandeur a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires, manifestement fausses ou peu plausibles qui contredisent des informations vérifiées relatives au pays d’origine ».
Il peut sans doute paraître fondé à des personnes tranquilles et rationnelles que la procédure accélérée soit mise en œuvre dans de pareilles hypothèses ; mais n’oubliez pas, mes chers collègues, que les demandeurs d’asile sont des personnes vulnérables, qui ont subi de multiples traumatismes, en tout cas pour celles qui méritent notre protection. Dès lors, considérer qu’elles pourraient faire l’objet d’une procédure accélérée si leurs déclarations sont « contradictoires » ou « peu plausibles » me paraît laisser une trop grande place à la subjectivité.
Quant à l’alinéa 12, il prévoit la possibilité pour l’autorité administrative de mettre en œuvre la procédure accélérée dans plusieurs cas où le demandeur n’a pas régulièrement présenté ses documents d’identité. À cet égard, je vous rappelle que la Cour européenne des droits de l’homme a récemment condamné la France, au motif que l’usage par un demandeur d’asile de faux papiers d’identité ne saurait discréditer par principe l’ensemble de ses déclarations.
L’amendement n° 91, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 11
Après le mot :
peut
insérer les mots :
, sur décision motivée, après avoir invité le demandeur à produire des observations,
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Compte tenu des lourdes conséquences que la décision de l’OFPRA de statuer en procédure accélérée emporte pour le demandeur, nous estimons que celui-ci doit, a minima, être invité à produire des observations et se voir notifier une décision motivée.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 92 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 170 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 12
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 92.
Le présent amendement a pour objet de supprimer l’alinéa 12, qui dénote une certaine méconnaissance de la spécificité de la demande d’asile.
De fait, une personne contrainte de fuir pour échapper à des persécutions quitte le plus souvent son pays de façon précipitée. Par ailleurs, lorsque les persécutions sont le fait de son État ou sont tolérées par lui, une sortie légale du territoire est souvent impossible. Dès lors, c’est la règle générale qu’un demandeur d’asile arrive sur le territoire français de façon irrégulière, muni d’un passeport d’emprunt ou de faux documents.
De surcroît, on ne saurait présumer que la dissimulation d’informations par un demandeur d’asile a pour but d’induire en erreur les autorités : elle s’explique souvent par la difficulté pour le demandeur de livrer tout son parcours d’exil dès son arrivée en France, et la parole se libère souvent bien plus tard dans la procédure. Ce phénomène est inhérent à la spécificité du demandeur d’asile et au parcours d’exil. La Cour européenne des droits de l’homme l’a bien compris, qui a admis l’argument d’un requérant selon lequel « son recours devant la CNDA lui a permis de préciser son récit et, notamment, de rapporter certains éléments omis devant l’OFPRA ».
Quant à la présentation de demandes d’asile sous des identités différentes, la Cour européenne des droits de l’homme a jugé, dans une récente décision condamnant la France, qu’elle ne discréditait pas l’ensemble des déclarations du demandeur d’asile.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 170.
L’amendement n° 93, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 12
Après les mots :
le demandeur a présenté
insérer les mots :
à l'office
II. – Alinéa 13
Après le mot :
demande
insérer les mots :
à l’office
III. – Alinéa 14
Après le mot :
fait
insérer les mots :
à l’office
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement de repli vise à préciser que seules les fausses déclarations ou les fausses présentations faites devant l’OFPRA peuvent justifier le recours à la procédure accélérée. En effet, les demandeurs d’asile ne sauraient être pénalisés s’ils ont utilisé de faux papiers pour quitter leur pays d’origine.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L’amendement n° 94 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L’amendement n° 171 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 13 et 14
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 94.
Les alinéas 13 et 14 de l’article 7 rendent possible le recours à la procédure accélérée lorsque le demandeur « n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu’il formule » ou qu’il « a fait des déclarations manifestement incohérentes et contradictoires ». Nous considérons que ces formulations manquent cruellement de précision et sont susceptibles de recouvrir l’intégralité des demandes d’asile. La procédure accélérée et le recours au juge unique pourraient alors devenir la règle, et non l’exception. Il est donc indispensable de supprimer ces alinéas !
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l’amendement n° 171.
Les alinéas 12 et 13 définissent deux motifs de placement en procédure accélérée dont il résulterait, selon nous, que la quasi-totalité du contentieux de l’asile serait instruit à juge unique et dans un délai de cinq semaines. En d’autres termes, ces dispositions consacrent dangereusement une méthode purement subjective d’évaluation des demandes d’asile, en contradiction avec la jurisprudence abondante élaborée ces dernières années par la Cour européenne des droits de l’homme.
L’amendement n° 95, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Avec votre permission, madame la présidente, je défendrai conjointement les trois amendements n° 95, 97 et 96, qui sont tous trois de repli.
L’amendement n° 95 tend à supprimer l’alinéa 13, qui permet le recours à la procédure accélérée lorsque le demandeur « n’a soulevé à l’appui de sa demande que des questions sans pertinence au regard de la demande d’asile qu’il formule ».
L’amendement n° 97 a pour objet de préciser la définition du cas prévu à l’alinéa 13, en faisant expressément référence à la Convention de Genève et aux règles d’octroi de la protection subsidiaire.
Quant à l’amendement n° 96, il vise à supprimer l’alinéa 14, dont la formulation nous paraît recouvrir l’ensemble du contentieux de l’asile.
Mes chers collègues, je le réaffirme : nous refusons que le recours à la procédure accélérée et au juge unique devienne la règle !
L’amendement n° 97, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 13
Remplacer les mots :
de la demande d'asile qu’il formule
par les mots :
de la Convention de Genève et des règles d’octroi de la protection subsidiaire
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 96, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer cet alinéa.
Cet amendement a déjà été défendu.
L’amendement n° 22, présenté par MM. Mézard, Collombat, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 14
Supprimer les mots :
et contradictoires, manifestement
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Il s’agit d’un amendement rédactionnel, qui vise à resserrer la définition des conditions pouvant justifier le recours à la procédure accélérée.
Ces dix-huit amendements visent à supprimer la procédure accélérée automatique, ou à remettre en cause tout ou partie des critères justifiant le placement en procédure accélérée sur l’initiative de l’OFPRA.
La commission des lois maintient sa position : elle considère que, pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés, en particulier la réduction des délais, il faut que les demandes d’asile puissent être traitées de manière différenciée selon leurs chances d’aboutir. Dès lors, elle est défavorable à l’ensemble des amendements de cette série, dont l’adoption romprait l’équilibre sur lequel le projet de loi repose à cet égard, au risque d’en affaiblir l’efficacité.
Plus précisément, les amendements n° 87, 88, 89, 167, 90 et 169 visent à supprimer le caractère automatique du placement en procédure accélérée ou l’un des deux motifs prévus par le projet de loi pour ce placement automatique.
S’agissant du premier motif, la définition d’une liste de pays d’origine sûrs conforme à la directive « Procédures » nous permet de disposer d’un instrument efficace pour prévenir les demandes d’asile abusives, émanant de ressortissants de pays pour lesquels il n’existe pas, a priori, de motif d’accorder une protection au titre de l’asile.
S’agissant du second, je rappelle qu’une demande de réexamen est, aux termes de l’article 7 du projet de loi, une demande d’asile présentée après qu’une première demande a été définitivement rejetée par l’OFPRA et, le cas échéant, par la CNDA. Le placement en procédure accélérée des demandes de réexamen qui ne sont pas irrecevables est prévu par la directive Procédures et justifié par la faiblesse du taux d’accord constaté pour les demandes de réexamen, lequel est de l’ordre de 3, 6 %.
De manière générale, je tiens à souligner que le placement en procédure accélérée ne préjuge pas de la décision de l’OFPRA, ce dont témoignent de nombreux exemples, dans la mesure où l’examen individuel de la demande est garanti.
Par ailleurs, que le placement en procédure accélérée soit automatique ou non, l’OFPRA dispose de la faculté de revenir à la procédure normale, s’il l’estime nécessaire pour telle ou telle demande.
Les amendements n° 56, 92, 170, 94, 171, 95 et 96 visent à supprimer la faculté pour l’OFPRA de statuer en procédure accélérée de sa propre initiative, en raison des difficultés soulevées par chacun des trois critères prévus.
En ce qui concerne le premier de ces critères, qui est la présentation de faux documents d’identité ou de voyage, de fausses indications, ou la dissimulation d’informations, le texte de la commission précise que l’OFPRA ne pourra le faire jouer que lorsque le demandeur aura tenté d’induire en erreur l’Office lui-même, et non les autres autorités de l’État. Si l’article 31 de la Convention de Genève fixe le principe de l’immunité pénale du demandeur d’asile à l’égard de sa situation irrégulière, il est indispensable à la bonne instruction de son dossier que le demandeur coopère avec l’OFPRA.
Les deux autres critères ont pour but d’objectiver les notions de demande abusives ou dilatoires en s’appuyant sur les termes mêmes de la directive « Procédures ».
L’amendement n° 93, qui tend à préciser que la tentative de fraude a été faite à l’égard de l’OFPRA, est satisfait par le texte de la commission des lois à la suite de l’adoption d’un amendement que j’ai déposé. Pour le reste, et il n’y a aucune ambiguïté sur ce point, seul l’OFPRA est à habilité à recueillir le récit du demandeur d’asile.
L’amendement n° 78 vise à supprimer le délai de quinze jours dont dispose l’OFPRA pour examiner une demande d’asile en procédure accélérée. La commission des lois a estimé nécessaire d’inscrire ce délai dans la loi, de façon à afficher clairement la volonté du législateur de contenir les délais d’instruction et à signifier clairement aux filières d’immigration clandestine que la demande d’asile n’est pas une voie d’accès d’immigration économique.
L’amendement n° 91 tend à prévoir la notification et la motivation par le demandeur de la décision de l’OFPRA de statuer en procédure accélérée. Conformément au VI de l’article 7, tel qu’il est issu des travaux de la commission, la décision de ne pas statuer en procédure accélérée ne peut pas faire l’objet d’un recours devant les juridictions administratives qui serait distinct du recours qui, le cas échéant, peut être formé devant la CNDA à l’encontre de la décision de rejet ou d’irrecevabilité de l’OFPRA, laquelle sera elle-même motivée.
En effet, à ce stade, une contestation de cette décision conduirait non seulement à un allongement des délais, mais aussi à une décision prématurée, dans la mesure où le placement en procédure accélérée ne présume pas de la décision finale de l’OFPRA. Il sera d’ailleurs toujours possible pour le requérant de contester la demande de placement en procédure accélérée par une demande de renvoi à la Cour devant une formation collégiale.
L’amendement n° 97 est un amendement de repli. Il vise à remplacer l’expression « de la demande d’asile qu’il formule » par les mots : « de la Convention de Genève et des règles d’octroi de la protection subsidiaire ». Je rappelle qu’il n’est pas requis du demandeur de préciser sur quels motifs il entend formuler sa demande d’asile, mais qu’il appartient à l’OFPRA d’examiner successivement si sa demande répond aux critères de la Convention de Genève et, si tel n’est pas le cas, à ceux de la protection subsidiaire.
Enfin, l’amendement n° 22 tend à simplifier la rédaction retenue par le projet de loi qui reprend, à cet égard, la rédaction de la directive. La rédaction proposée ne paraît pas opportune, dans la mesure où elle mêle deux éléments distincts : d’une part, le défaut de cohérence interne du récit qui se contredit lui-même et, d’autre part, le caractère faux ou peu plausible du récit qui entre en contradiction avec les informations dont dispose l’OFPRA sur les pays d’origine.
Je partage en grande partie l’avis de la commission, que j’ai trouvé très complet. En effet, le Gouvernement souhaite le maintien de la procédure accélérée dans le cadre fixé par la commission des lois.
Les cas de procédure accélérée sont totalement conformes à la directive « Procédures » et sont nécessaires si nous voulons accélérer les délais de traitement dans l’intérêt des demandeurs d’asile. Par conséquent, la position du Gouvernement est claire, et c’est à cette aune que nous nous prononçons sur l’ensemble de ces amendements.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements n° ° 87, 88, 89, 167, 90, 169, 56, 91, 92, 170, 94, 171, 95, 97 et 96.
En revanche, l’avis est favorable sur l’amendement n° 78 défendu par M. Leconte, qui tend à supprimer le délai de quinze jours pour l’examen en procédure accélérée, ce délai devant être fixé par voie réglementaire.
Par ailleurs, je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 22.
Enfin, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 93, lequel est satisfait.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, adopte l'amendement.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de dix-sept amendements faisant l’objet d’une discussion commune.
L’amendement n° 98, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 15 à 20
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Dans leur rédaction actuelle, les alinéas 15 à 20 permettent à la préfecture, d’une part, de porter une appréciation sur le fond d’une demande d’asile, ce qui ne relève pas de sa compétence, et, d’autre part, de faire passer un maximum de dossiers en procédure accélérée sans aucun contrôle possible.
Or la préfecture n’est pas compétente pour apprécier la pertinence d’une demande d’asile. Si l’autorité préfectorale pouvait placer un demandeur d’asile en procédure prioritaire dans l’ancien système, cela se justifiait uniquement au regard des conséquences de ce placement sur le droit au séjour du demandeur.
En revanche, dans le présent projet de loi, le placement en procédure accélérée n’a plus de conséquence sur le droit au séjour du demandeur. Dès lors, nous estimons que la préfecture n’est plus légitime à intervenir dans le placement des demandeurs en procédure accélérée.
L’amendement n° 172, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 15 et 23
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Christine Prunaud.
La disposition prévue à l’alinéa 15 permet à la préfecture de faire passer un maximum de dossiers en procédure accélérée sans aucun contrôle possible, le recours au tribunal administratif pour contester le placement en procédure accélérée étant explicitement proscrit dans le projet de loi.
Par ailleurs, elle permet aussi à la préfecture de porter une appréciation sur le fond d’une demande d’asile, ce qui ne relève pas de sa compétence. En effet, si l’autorité préfectorale pouvait, dans l’ancien système, placer un demandeur d’asile en procédure prioritaire, cela se justifiait uniquement au regard des conséquences de ce placement sur le droit au séjour du demandeur. Toutefois, dans le cadre du présent projet de loi, le placement en procédure accélérée n’a plus de conséquence sur le droit au séjour du demandeur. Dès lors, la préfecture n’est plus légitime à intervenir dans le placement des demandeurs en procédure accélérée.
En outre, l’article 4 de la directive ne parle que « d’une autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes ». Actuellement, l’OFPRA dispose uniquement de la possibilité de sortir un dossier de la procédure accélérée, alors qu’elle devrait en être à l’initiative et rester le seul juge du recours à la procédure accélérée.
Laisser à une seule autorité le soin de déterminer les personnes relevant de la procédure accélérée apparaît comme une mesure de simplification à laquelle nous nous opposons.
L’amendement n° 99, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 15
Rédiger ainsi cet alinéa :
« III. – L’office peut, après avoir mis le demandeur en mesure de fournir une justification, décider de statuer en procédure accélérée si l’autorité administrative en charge de l’enregistrement de la demande d’asile constate, par un document écrit, motivé et contradictoirement notifié au demandeur, que :
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement vise à ne pas rendre automatique le recours à la procédure accélérée en cas de demande de l’autorité administrative. L’OFPRA doit pouvoir rester seul juge de la nécessité du recours à la procédure accélérée.
Actuellement l’OFPRA peut seulement sortir un dossier de la procédure accélérée, alors qu’elle devrait être à l’initiative de cette procédure. Cela paraît plus conforme à l’article 4 de la directive, qui ne parle que d’une « autorité responsable de la détermination qui sera chargée de procéder à un examen approprié des demandes ».
Laisser à une seule autorité le soin de déterminer les personnes relevant de la procédure accélérée semble être une mesure de simplification.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 100 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 173 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 16
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 100.
Cet autre amendement de repli vise à limiter le recours à la procédure accélérée.
Des empreintes inexploitables, illisibles sont assimilées par l’administration à un refus du demandeur d’asile de donner ses empreintes digitales. Or cet élément ne doit pas être un critère essentiel pour apprécier le bien-fondé d’une demande d’asile, comme l’a rappelé le Conseil d’État.
Par ailleurs, statistiquement, les demandeurs d’asile concernés au premier chef par ce problème d’empreintes sont originaires de Somalie, d’Érythrée et du Soudan. Ils bénéficient massivement d’une protection lorsque leur nationalité est établie, compte tenu des risques sécuritaires ou de persécutions en cas de retour dans leur pays. Il n’y a donc pas de raison valable, compte tenu du sérieux présumé de leur demande d’asile eu égard à leur nationalité, de soumettre l’examen de leur dossier à la procédure accélérée.
D’ailleurs, le rapport d’information n° 130 du Sénat du 14 novembre 2012 intitulé « Droit d’asile : conjuguer efficacité et respect des droits » faisait déjà le constat de l’usage abusif de la procédure prioritaire pour les demandeurs d’asile dont les empreintes digitales étaient inexploitables : je vous renvoie à ses pages 35 et 36.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 173.
Notre groupe, se faisant le relais de la Coordination française pour le droit d’asile, entend redonner la priorité à la parole du demandeur d’asile, de façon qu’il puisse déposer sa demande dans le cas où ses empreintes ne seraient pas exploitables.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 101 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 17
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 101.
Cet amendement de repli vise également à limiter le recours à la procédure accélérée.
Une personne contrainte de fuir pour échapper à des persécutions quitte le plus souvent son pays de façon précipitée. Lorsque les persécutions émanent de son État ou sont tolérées par celui-ci, les possibilités de sortie légale du territoire sont souvent inexistantes. Le principe est donc que, dans un tel cas, un demandeur d’asile arrive sur le territoire français de façon irrégulière.
De surcroît, il ne saurait être présumé que la « dissimulation » d'informations par un demandeur d'asile aurait pour but d'induire en erreur les autorités. Elle s'explique souvent par la difficulté, pour le demandeur, d’exposer tout son parcours d'exil dès son arrivée en France. La parole se libère souvent bien plus tard au cours de la procédure.
Nous considérons par conséquent qu’il est parfaitement inadapté de placer le dossier de ces personnes en procédure accélérée.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 174.
Il apparaît évident qu’un demandeur d’asile en difficulté dans son pays d’origine arrive sur le territoire français de façon irrégulière.
J’ajoute qu’il convient d’interpréter cette disposition à la lumière de la convention de 1951 relative au statut des réfugiés qui, tout comme l’article L. 741-3 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, pose le principe qu’il ne peut être reproché un demandeur d’asile de pénétrer irrégulièrement sur le territoire de l’État auprès duquel il demande une protection.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 102 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 175 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 18
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 102.
Cet amendement de repli vise à ne pas permettre le recours à la procédure accélérée pour les personnes ayant présenté une demande d’asile tardive.
D’une part, le délai de quatre-vingt-dix jours est trop restreint : le barrage de la langue, le défaut d’information et d’orientation, l’accès peu rapide à l’administration sont autant d’obstacles à la connaissance de la procédure. La demande d’asile en tant que telle doit ensuite être mise en place, puis déposée, ce qui reste souvent difficile en raison de freins mis par les services de la préfecture.
D’autre part, des craintes de persécutions peuvent naître après plusieurs mois pour des motifs divers : changement politique ou sécuritaire dans le pays d’origine, publication d’un ouvrage censuré dans celui-ci, naissance d’une fille risquant l’excision, possibilité de vivre librement son orientation sexuelle, militantisme politique ou engagement associatif en France, etc.
L’accumulation de ces facteurs implique que beaucoup de demandeurs d’asile ne parviennent pas à faire enregistrer leur demande dans le délai de quatre-vingt-dix jours suivant leur arrivée en France. Surtout, cette disposition est contraire à la notion de réfugié sur place, pourtant consacrée par la jurisprudence.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l'amendement n° 175.
L'amendement n° 57 rectifié, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« 3° Il est possible d’établir que, sans raison valable, le demandeur... (le reste sans changement)
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cette série d’amendements a trait au placement en procédure accélérée sur l’initiative de l’autorité administrative. Dans la plupart des cas, il s’agit ici de situations tout à fait objectives, non directement liées à la demande d’asile. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas proposé de modifications de cette partie du texte.
J’attire l’attention sur le fait que l’OFPRA est toujours en mesure de revenir à la procédure normale pour traiter une demande d’asile qui lui semble finalement difficile à instruire.
En ce qui concerne l’amendement n° 57 rectifié, l’alinéa 18 prévoit que l’OFPRA statue selon la procédure accélérée lorsque l’autorité administrative chargée de l’enregistrement de la demande constate que le demandeur d’asile entré irrégulièrement en France ou s’y étant maintenu irrégulièrement n’a pas présenté sa demande dans un délai de quatre-vingt-dix jours. Or, si un demandeur d’asile est entré irrégulièrement sur le territoire ou s’y est maintenu irrégulièrement, il n’est par définition pas toujours possible d’établir un décompte du temps écoulé depuis son entrée.
En conséquence, sans revenir sur le cas visé par l’alinéa, à savoir celui d’une entrée ou d’un maintien irrégulier sur le territoire national, nous proposons d’en clarifier la rédaction en indiquant que celui-ci ne peut s’appliquer que s’il est possible de déterminer le délai entre le moment où le demandeur est entré irrégulièrement sur le territoire et celui où il présente sa demande.
Par ailleurs, au travers de l’amendement n° 58, nous proposons d’en revenir à la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, qui fixait le délai à cent vingt jours. En effet, certains ressortissants étrangers, du fait de leur manque d’information, des traumatismes psychologiques subis, de la barrière de la langue, de la crainte des autorités, tardent à déposer leur demande d’asile. Un délai de quatre-vingt-dix jours paraît donc trop bref, comme l’ont souligné plusieurs associations accompagnant les demandeurs d’asile.
Enfin, je souhaiterais savoir comment le Gouvernement entend apprécier le refus de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales. Si ce refus est un fait objectif et clairement établi, je ne conteste pas le recours à la procédure accélérée. Toutefois, en 2009 et en 2010, il est arrivé que l’OFPRA recoure d’office à la procédure accélérée quand les empreintes étaient illisibles. À mon sens, le fait que des empreintes digitales soient illisibles ne découle pas automatiquement d’un refus de se conformer à l’obligation de donner ses empreintes digitales.
L'amendement n° 58, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 18
Remplacer le mot :
quatre-vingt-dix
par les mots :
cent vingt
Cet amendement a déjà été défendu.
Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 103 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 176 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 19
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 103.
L’alinéa 19 prévoit le recours à la procédure accélérée lorsqu’une personne ne présente une demande d’asile qu’en vue de faire échec à une mesure d’éloignement.
Cette disposition relève d’un procès d’intention, car la réalité d’une telle motivation n’est pas vérifiable. Le placement en procédure accélérée sur la base du seul passé administratif du demandeur, parce qu’il aurait fait l’objet d’une mesure d’éloignement, constituerait une pénalisation excessive d’un échec précédent, alors que celui-ci n’est pas nécessairement imputable au demandeur d’asile lui-même.
Ici encore, il convient de prévenir toute confusion entre asile et immigration. Or il est impossible de présumer l’intention d’une personne. Les demandeurs d’asile ne comprennent pas bien les procédures administratives. Le caractère « imminent » de la mesure d’éloignement que l’administration s’apprête à prendre n’est pas quantifiable et sa prise en compte crée une grande insécurité juridique. D’autres dispositions du texte prévoient déjà le traitement accéléré, au terme d’une procédure spécifique, des demandes d’asile formées alors que le demandeur se trouve placé en rétention administrative ou en zone d’attente. La mise en œuvre du dispositif de l’alinéa 19 n’est, dès lors, ni souhaitable ni nécessaire.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 176.
Pour savoir si le demandeur d’asile veut faire échec à une mesure d’éloignement, il ne suffit pas de constater que cette dernière est antérieure à la demande d’asile : il convient d’apprécier s’il fait valoir utilement l’application de la convention de Genève ou celle de la protection subsidiaire.
En pratique, actuellement, le seul constat de la prise d’une mesure d’éloignement antérieurement à la demande d’asile a pour conséquence immédiate le placement en procédure prioritaire. Or cela ne peut être un critère déterminant pour juger de la pertinence d’une demande d’asile. Les condamnations récentes de la France par la Cour européenne des droits de l’homme en matière de procédures prioritaires illustrent bien ce fait.
L'amendement n° 104, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
La notion de menace à l’ordre public est extrêmement large et ne peut être laissée à l’appréciation de l’administration sans cadre légal précis.
La jurisprudence pénale et administrative est constante sur le fait que cette menace doit être appréciée in concreto et de manière actuelle. La seule soustraction à une mesure d’éloignement antérieure ou la présence du nom du demandeur sur un fichier des personnes recherchées, non plus que des antécédents pénaux anciens ou fondés sur des infractions à la législation sur les étrangers – punissables d’emprisonnement et depuis lors censurées par la Cour de justice de l’Union européenne –, ne sauraient caractériser la menace à l’ordre public.
L'amendement n° 105, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 20
Après les mots :
menace grave
insérer les mots :
actuelle et caractérisée
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Cet amendement de repli a pour objet de préciser que la menace grave constituée par la présence en France du demandeur doit être actuelle et caractérisée.
L'amendement n° 107, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Dans sa rédaction issue des travaux de la commission des lois du Sénat, l’alinéa 23 précise que les décisions de l’OFPRA et de la préfecture qui entraînent le placement en procédure accélérée ne peuvent faire l’objet d’un recours distinct de celui qui peut être formé devant la Cour nationale du droit d'asile contre la décision de l'OFPRA rejetant la demande.
Le recours à la procédure accélérée ayant de nombreuses conséquences sur l’exercice du droit d’asile, il convient, a minima, qu’il puisse être contesté par le demandeur et contrôlé par la juridiction administrative.
C’est pourquoi nous proposons de supprimer cet alinéa.
L'amendement n° 108, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 23
Rédiger ainsi cet alinéa :
« VI. – Le placement en procédure accélérée fait l’objet d’une décision motivée notifiée au demandeur dans une langue qu’il comprend. Le demandeur d’asile placé en procédure accélérée peut, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision de placement en procédure accélérée demander à l’office qu’il statue en procédure normale. »
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Par cet amendement de repli, nous proposons, afin que les droits du demandeur d’asile soient effectivement garantis, que le placement en procédure accélérée fasse l’objet d’une décision écrite et motivée, transmise au demandeur dans une langue qu’il comprend. Ce dernier pourrait alors, dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision, demander à l’OFPRA de statuer selon la procédure normale.
Ces dix-sept amendements ont trait au placement en procédure accélérée sur l’initiative de la préfecture ou à la remise en cause des critères justifiant ce placement.
Aux termes du texte, la préfecture ne peut décider du placement en procédure accélérée que dans des cas tenant à des circonstances étrangères au fond de la demande. En outre, ces dispositions visent à préciser et à objectiver les critères de demande frauduleuse, abusive ou dilatoire qui figurent actuellement dans le CESEDA, en reprenant les termes mêmes de la directive Procédures.
Dans ces conditions, la commission a émis un avis défavorable sur tous les amendements de suppression de l’un ou l’autre de ces critères, c’est-à-dire les amendements n° 98, 172, 100, 173, 101, 174, 102, 175, 103, 176 et 104.
Par ailleurs, l’amendement n° 99 vise à transformer l’obligation pour l’OFPRA d’examiner une demande en procédure accélérée sur l’initiative de la préfecture en une simple faculté. L’argument mis en avant est qu’il serait plus simple de confier à une seule autorité le soin de décider de la procédure d’examen à suivre.
La question s’est effectivement posée de savoir s’il était conforme à la directive Procédures de prévoir que deux autorités distinctes, l’OFPRA et la préfecture, puissent décider de la mise en œuvre de la procédure accélérée.
Le projet de loi apporte une réponse à cette question en prévoyant que la préfecture ne se détermine que sur des critères extérieurs à la demande d’asile, laissant à l’OFPRA le soin de décider sur la base de critères tenant à la demande elle-même. Il convient de rappeler que, dans tous les cas, l’OFPRA dispose toujours de la faculté de revenir à la procédure normale.
Pour ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 99.
L’amendement n° 57 rectifié vise à préciser que le critère de demande tardive permettant le placement en procédure accélérée sur l’initiative de la préfecture n’est applicable que s’il est possible de l’établir. Cette précision semblant tautologique, la commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
L’amendement n° 58 vise à revenir sur une disposition adoptée par la commission des lois tendant à rétablir le projet de loi dans sa version initiale et prévoyant qu’une demande est considérée comme tardive à l’expiration d’un délai de quatre-vingt-dix jours après l’arrivée sur le territoire français. Cette durée était d’ailleurs préconisée par le rapport de l’Inspection générale de l’administration, de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances d’avril 2013. La commission est défavorable à cet amendement.
L’amendement n° 105 tend à préciser la notion de « menace grave ». Or cela n’est pas nécessaire, car cette notion existe déjà en droit positif, en vertu de l’article L. 313-3 du CESEDA, et fait l’objet d’une application au cas par cas par les préfectures, sous le contrôle du juge. L’avis de la commission est donc défavorable.
Les amendements n° 172 et 107 ont pour objet de supprimer l’alinéa 23, prévoyant que la décision de placement en procédure accélérée ne peut faire l’objet d’un recours devant la juridiction administrative distinct du recours qui sera, le cas échéant, introduit devant la CNDA contre la décision de rejet ou d’irrecevabilité prise par l’OFPRA. La commission est défavorable à ces amendements.
L’amendement n° 108 vise à obliger l’OFPRA à motiver sa décision de placement en procédure accélérée. Il crée en outre un recours gracieux contre cette décision devant l’OFPRA, qui pourrait s’exercer dans un délai d’un mois.
Or une contestation de la décision de placement en procédure accélérée à ce stade, outre qu’elle conduirait à allonger les délais, serait évidemment prématurée dans la mesure où, je le répète, le placement en procédure accélérée ne présume pas de la décision finale de l’OFPRA.
Par ailleurs, le requérant peut toujours contester devant la Cour nationale du droit d’asile le placement en procédure accélérée par la demande de renvoi à la formation collégiale. La commission a également émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le rapporteur s’étant longuement exprimé sur l’ensemble de ces amendements, je me contenterai de formuler quelques remarques complémentaires, en m’efforçant d’aller à l’essentiel.
Ces amendements visent encore à réduire les cas dans lesquels il peut être recouru à la procédure accélérée. Or, comme je l’ai déjà dit à plusieurs reprises depuis le début de nos débats, pour raccourcir les délais, nous avons besoin d’une procédure accélérée. Nous la mettons en œuvre dans un cadre conforme à la directive et en garantissant au demandeur un recours suspensif.
L’équilibre du projet de loi résulte de cette possibilité, pour l’autorité administrative, de placer en procédure accélérée les demandes dont les éléments extérieurs permettent de faire présumer de leur caractère infondé. Je pense par exemple à l’existence d’une fraude ou de menaces à l’ordre public.
Cette présomption n’est bien entendu pas irréfragable : l’OFPRA pourra à tout moment estimer que la demande mérite un examen plus approfondi.
Le Gouvernement est donc opposé à tous les amendements qui visent à remettre en cause la procédure accélérée, à l’exception de deux d’entre eux.
Sur l’amendement n° 57 rectifié, tout d’abord, qui est plus favorable au demandeur au regard de la charge de la preuve, nous nous en remettons à la sagesse de la Haute Assemblée.
Par ailleurs, le texte issu de l’Assemblée nationale prévoit que, si le demandeur d’asile n’a pas présenté sa demande après cent vingt jours de présence sur le territoire, celle-ci peut être placée par le préfet en procédure accélérée. La commission des lois du Sénat propose de ramener ce délai à quatre-vingt-dix jours, comme le prévoyait d’ailleurs la rédaction initiale du projet de loi. Néanmoins, en fixant le délai à cent vingt jours, il me semble que nous sommes arrivés à un bon compromis avec l’Assemblée nationale. Le Gouvernement émet donc un avis favorable sur l’amendement n° 58.
Monsieur Leconte, dans le cas où des empreintes sont illisibles, la pratique de l’administration consiste à laisser au demandeur la possibilité de revenir plus tard déposer ses empreintes, sans procéder au placement en procédure accélérée. Ce n’est que si cette deuxième tentative démontre que le demandeur a rendu volontairement illisibles ses empreintes que sa demande sera placée en procédure accélérée.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Il nous semble abusif d’affirmer ou de donner à entendre que des personnes dont les empreintes sont difficilement exploitables ont a priori volontairement altéré celles-ci.
Notre argumentation se fonde sur une étude de l’aspect clinique des dermatoglyphes chez les personnes suspectées d’avoir « volontairement » altéré leurs empreintes, réalisée à l’hôpital Bicêtre par le Comité médical pour les exilés.
Cette étude porte sur vingt et un demandeurs reçus entre octobre 2000 et janvier 2012, dont dix étaient issus de la corne de l’Afrique. Plus de la moitié de ces personnes ont saisi le tribunal administratif, qui a dans plusieurs cas jugé que la demande devait être réexaminée.
Sur ces vingt et une personnes, onze ont fait état de la manipulation de produits ou de l’exercice d’une activité susceptible de rendre difficile la lecture de leurs empreintes, six présentaient une pulpite, c’est-à-dire une inflammation de la pulpe des doigts, deux des brûlures superficielles occasionnées par l’exécution de tâches ménagères ou la préparation des aliments. Aucun argument ne plaide en faveur de lésions volontaires. Les causes suivantes, dont la liste n’est pas limitative et qui peuvent se conjuguer, peuvent expliquer la difficulté à prendre les empreintes : exercice d’une activité professionnelle, existence d’un terrain allergique, eczéma, présence de champignons, etc.
Madame la sénatrice, je n’ai jamais tenu les propos que vous me prêtez.
Comme je l’ai indiqué, l’illisibilité des empreintes digitales n’emportera pas l’engagement de la procédure accélérée. C’est seulement si la deuxième ou la troisième prise d’empreintes échoue, en dehors des situations particulières que vous avez évoquées, qu’il y aura placement en procédure accélérée. J’y insiste, celui-ci n’interviendra jamais dès la première prise des empreintes digitales.
Je remercie M. le ministre de ces précisions sur la manière dont l’administration traitera les cas particuliers évoqués par Mme Assassi. Voilà deux ans, j’y avais déjà été sensibilisé. Cela étant, l’identification des demandeurs d’asile passe par le fichier Eurodac, qui est un outil indispensable. C’est pourquoi je ne pourrai voter ces amendements.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
Je mets aux voix l'amendement n° 58.
J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que l’avis du Gouvernement est favorable.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
Le scrutin est ouvert.
Le scrutin a lieu.
Personne ne demande plus à voter ?…
Le scrutin est clos.
J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.
Il est procédé au dépouillement du scrutin.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 106 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 177 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 21
Remplacer les mots :
qui est un mineur non accompagné
par les mots :
identifié comme vulnérable en application de l’article L. 744-6
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l'amendement n° 106.
Le projet de loi précise que seuls les mineurs non accompagnés ne peuvent voir leur demande d’asile traitée selon la procédure accélérée.
Or, le Comité directeur pour les droits de l’homme rappelle que la recommandation 1471 de 2005 de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe concernant les procédures d’asile accélérées dans les États membres stipule explicitement que « certaines catégories de personnes en raison de leur vulnérabilité et de la complexité de leur cas, notamment les enfants séparés ou mineurs non accompagnés, les victimes de torture, de violences sexuelles ou de la traite, ainsi que les cas qui posent des problèmes en vertu des clauses d’exclusion de la convention de 1951 sur les réfugiés, sont exemptées des procédures d’asile accélérées ».
Nous considérons donc que ces catégories de personnes doivent toutes échapper à la procédure accélérée.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour défendre l'amendement n° 177.
Pour les raisons qui viennent d’être exposées, il nous semble à nous aussi restrictif de préciser que seuls les mineurs non accompagnés ne pourront voir leur demande d’asile traitée en procédure accélérée. Il convient d’exempter également de cette dernière les personnes en situation de handicap, les personnes âgées, les femmes enceintes, les parents isolés accompagnés d’enfants mineurs, les victimes de la traite des êtres humains, les personnes atteintes de maladie grave ou souffrant de troubles mentaux, etc.
La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques visant à prohiber le recours à la procédure accélérée pour l’examen des demandes émanant de toutes les personnes vulnérables.
Ces amendements opèrent un renvoi à l’article L. 744-6 du CESEDA, ce qui signifie que la vulnérabilité prise en compte relève de la seule vulnérabilité objective constatée par l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII. Cela est contraire à l’esprit même du texte, qui tend à distinguer vulnérabilité objective et vulnérabilité subjective, celle-ci relevant de l’OFPRA. Ce dernier peut s’appuyer sur l’ensemble des données dont il dispose, y compris celles qui sont fournies par l’OFII, pour décider de modalités particulières d’examen des demandes des personnes vulnérables.
Par ailleurs, le projet de loi prévoit d’ores et déjà, aux termes de l’alinéa 25 de l’article 7, que l’OFPRA peut décider, en raison de la vulnérabilité du demandeur, de recourir à la procédure prioritaire. Cela permet un examen très attentif et assez rapide du dossier.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n° 28 rectifié bis, présenté par Mme Létard, MM. Guerriau et Bonnecarrère, Mme Loisier, MM. Delahaye, Médevielle, Longeot, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 24
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Pour l’application du premier alinéa, l’office tient compte des informations sur la vulnérabilité qui lui sont transmises en application de l’article L. 744-6 et des éléments de vulnérabilité dont il peut seul avoir connaissance au vu de la demande ou des déclarations de l’intéressé.
La parole est à Mme Valérie Létard.
La commission des lois a supprimé cette disposition relative aux conditions d’examen de la vulnérabilité du demandeur, estimant que cette question relève du pouvoir réglementaire.
Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, la prise en compte de la vulnérabilité, inspirée par la nécessité de transposer la directive Procédures, constitue l’une des avancées les plus notables du projet de loi. Ainsi, l’OFPRA pourra, à quelque stade que ce soit de la procédure, définir les modalités particulières d’examen pour l’exercice des droits d’un demandeur en raison de sa vulnérabilité.
Cette approche différenciée permettra aussi de statuer prioritairement sur certaines demandes a priori appelées à recevoir une réponse favorable. Cela démontre que le recours à une procédure accélérée, loin d’être nécessairement négatif, peut intervenir dans l’intérêt même des demandeurs. Cette démarche permettra de consacrer une pratique de l’OFPRA consistant à assurer un traitement adapté des demandes en fonction de leur contenu.
Le présent amendement vise à permettre à l’OFPRA de pouvoir tenir compte des informations qui lui auront été transmises par l’OFII, tout en continuant à s’appuyer également sur ses propres informations.
Néanmoins, la prise en compte de la vulnérabilité d’un demandeur est un élément essentiel, qui déterminera l’ensemble de l’examen de son dossier. Sachant qu’il a été choisi, en particulier en inscrivant des délais précis dans le projet de loi, d’introduire au niveau législatif des éléments pouvant relever du niveau réglementaire, il me semble important, la propreté du texte dût-elle en souffrir, d’insérer cet alinéa, qui précise les conditions dans lesquelles l’OFPRA appréciera les éléments permettant d’évaluer la situation de vulnérabilité d’une personne. S’il est vrai que cet élément peut paraître relever du domaine réglementaire, il sera déterminant pour l’appréciation de chaque situation individuelle.
La commission des lois tient à une certaine rigueur ! Il n’est point de réunion de commission où l’on n’invoque la nécessité de légiférer moins, de s’en tenir strictement à notre « cœur de métier », à savoir la rédaction de la loi, en évitant d’introduire dans celle-ci des dispositions d’ordre réglementaire.
En tant que rapporteur, j’ai essayé de me conformer à ce principe dans l’examen du présent texte. Sur le fond, il n’y a pas de divergence entre nous, mais la commission des lois a considéré que cette disposition relève du domaine réglementaire et a émis un avis défavorable sur l’amendement.
J’aimerais donner satisfaction à Mme Létard, mais nous devons respecter les règles que nous nous sommes fixées…
À titre personnel, je suis assez sensible aux propos de Mme Létard.
De fait, gardienne de la frontière entre le domaine de la loi et le champ du pouvoir réglementaire, la commission des lois ne pouvait qu’émettre un avis défavorable sur cet amendement. Cela étant, pour ma part, je le voterai, en espérant que mes collègues de la commission ne m’en feront pas reproche…
Je salue la prise de position du président de la commission des lois. Je suis moi aussi très favorable à cet amendement visant à réintroduire, au bénéfice des publics les plus vulnérables, une disposition qui figurait dans le texte issu de l’Assemblée nationale. La commission des lois l’a supprimée pour des raisons de droit, non pour des raisons de fond, et encore moins pour des raisons politiques ! Je souhaite que cet amendement puisse être adopté à la plus large majorité.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 12, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Alinéa 31, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
L’inscription dans la loi des éléments qui pourront être fournis par le demandeur –documents concernant son âge, son histoire personnelle, y compris celle de sa famille, son identité, sa ou ses nationalités, ses titres de voyage, les pays et les lieux où il a résidé auparavant, ses demandes d’asile antérieures, son itinéraire, ainsi que les raisons justifiant sa demande – semble contre-productive, d’autant qu’il est précisé à l’alinéa suivant qu’« il appartient à l’office d’évaluer, en coopération avec le demandeur, les éléments pertinents de la demande ».
Ces dispositions, outre qu’elles sont d’ordre réglementaire, nous paraissent superflues.
Cet amendement vise à supprimer une disposition au motif qu’elle serait d’ordre réglementaire. Intellectuellement, un tel argument me convient ! Il semblerait cependant que cette disposition soit nécessaire pour assurer la transposition de la directive.
Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement.
Le Gouvernement demande également le retrait de cet amendement, dont l’adoption altérerait la portée de la transposition de la directive ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
M. Jean-Claude Requier. Devant le peu de soutien que reçoit cet amendement, je le retire, madame la présidente !
Sourires.
L'amendement n° 12 est retiré.
L'amendement n° 251, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 33
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
« À titre expérimental, peut être créé par décret en Conseil d’État un service déconcentré de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides compétent pour statuer dans les conditions prévues aux titres Ier et II du livre VII du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile sur les demandes d’asile introduites par les personnes domiciliées dans le ressort géographique de ce service.
« Le décret mentionné à l’alinéa précédent définit les modalités de mise en œuvre de cette expérimentation. Il précise, après avis du directeur général de l’office, le lieu d’implantation et le ressort géographique du service déconcentré de l’office ainsi que les conditions dans lesquelles cette expérimentation est évaluée. L’expérimentation est d’une durée de deux ans à compter de la date fixée par ce décret.
La parole est à M. le ministre.
Cet amendement vise à reprendre un amendement très intéressant de Mme Létard, qui semble avoir été déclaré irrecevable au titre des dispositions de l’article 40 de la Constitution.
Il s’agit d’autoriser la création, par décret et à titre expérimental, d’un service déconcentré de l’OFPRA pour une durée de deux ans, à l’issue de laquelle un bilan sera effectué. Les enseignements de cette expérimentation seront incontestablement utiles pour réfléchir plus avant aux meilleures modalités d’organisation de l’examen des demandes d’asile dans notre pays.
Cette expérimentation s’inscrit dans le prolongement des missions temporaires déconcentrées que l’OFPRA conduit depuis maintenant deux ans. Le Gouvernement veillera naturellement à ce que l’expérimentation s’effectue dans des conditions pleinement respectueuses du bon fonctionnement de cet organisme, notamment au regard de son indépendance fonctionnelle et de la situation de ses agents.
Alors que ce projet de loi a pour objet d’établir un hébergement directif et de mieux répartir les demandeurs d’asile sur l’ensemble du territoire de la République, il paraît tout à fait pertinent de chercher à repositionner les institutions chargées de l’asile au plus près des demandeurs d’asile et des territoires.
C’est vrai pour l’OFPRA, ce peut l’être aussi pour la CNDA. C’est également vrai pour les préfectures et les directions territoriales de l’OFII, qui travaillent d’ores et déjà de concert à la création de guichets uniques régionaux. L’asile est une compétence de l’État, mais celle-ci doit être exercée au plus près des territoires.
Si cet amendement a été déclaré irrecevable par la direction de la séance du Sénat, dont je salue la vigilance et l’attachement au bon usage des deniers publics, que j’ai pu apprécier dans des fonctions antérieures, il ne nous semble pas faire peser une charge déraisonnable sur les finances publiques. Dans ce cas, le Gouvernement ne l’aurait pas repris.
Au contraire, la disposition présentée ouvre une possibilité d’expérimentation à laquelle le Gouvernement recourra naturellement en fonction des données budgétaires. Ce mode d’organisation pourrait être de nature à réduire les délais de procédure, à limiter les déplacements des demandeurs d’asile, financés en partie sur deniers publics, et, ainsi, à engendrer des économies. Les missions foraines de l’OFPRA génèrent des frais : il peut être plus économique, dès lors qu’une région connaît une forte demande en matière d’asile, d’y créer un service permanent.
Sur le plan budgétaire, je pense donc que nous avons intérêt à mettre en place cette expérimentation. J’ajoute que cela ouvrirait des possibilités de mobilité territoriale aux agents de l’OFPRA, ce qui ne peut être mauvais. Le bilan de l’expérimentation sera à tous égards très intéressant. D’ailleurs, si cet amendement est adopté, je proposerai que le Parlement soit tenu régulièrement informé des conditions dans lesquelles elle sera mise en œuvre.
Cette expérimentation va dans le sens d’une modernisation de l’action publique et d’une meilleure mise en œuvre du service public de l’asile. Elle permettra en outre des économies budgétaires.
La commission a eu un débat de fond sur cet amendement avant qu’il ne soit déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution.
Personne ne conteste l’idée qu’il faille donner des moyens suffisants à l’OFPRA pour traiter les demandes d’asile. Concernant la mise en place d’une expérimentation de la déconcentration des services de l’OFPRA, certains membres de la commission ont estimé qu’il n’appartenait pas au législateur de décider de l’organisation des services de l’État, qui relève de l’administration, donc d’une décision gouvernementale. D’autres ont souligné qu’il convenait de veiller à l’unité de traitement des demandes d’asile sur l’ensemble du territoire, la priorité étant sans doute, à ce titre, de renforcer l’OFPRA et de mettre en œuvre une politique cohérente. D’autres encore ont expliqué qu’ils étaient d’accord avec cette proposition et que la mise en place de missions complémentaires entre l’OFPRA et l’OFII pouvait être envisagée.
Par ailleurs, il a été observé sur le terrain que, dans des territoires comme la région Rhône-Alpes, l’OFPRA conduisait sur une durée limitée des missions foraines assez efficaces. En outre, on a fait remarquer que la loi permet déjà de recourir à la visioconférence et que l’OFPRA pouvait utiliser ce moyen sur le territoire national.
Enfin, d’aucuns ont souligné le coût d’une telle expérimentation.
C’est sur la base de l’ensemble de ces éléments que la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement déposé par Mme Létard. Il me semble que l’on gagnerait sans doute à privilégier un usage plus large de la visioconférence, technique qui paraît efficace et fonctionne remarquablement bien à la Cour nationale du droit d’asile, ainsi que les membres de la commission ont pu le constater sur place. Pour l’heure, je confirme l’avis défavorable de la commission.
Je remercie M. le ministre d’avoir pris la peine de s’intéresser à un amendement qui n’a pas prospéré, l’article 40 de la Constitution lui ayant été opposé.
Cet amendement était le fruit d’un long travail de concertation avec de nombreux acteurs de la politique de l’asile, mené sur le terrain aux côtés de mon collègue député Jean-Louis Touraine. Cette concertation a rassemblé des services de l’État, des associations, l’OFPRA, en particulier son directeur, des membres de la Cour nationale du droit d’asile ou du Haut-Commissariat aux réfugiés. Cela nous a donné l’occasion de mesurer combien la territorialisation de l’action de l’OFPRA pouvait être d’une remarquable efficacité.
M. le rapporteur a rappelé un certain nombre d’objections avancées en commission. La commission des finances s’est, quant à elle, inquiétée du coût d’une telle expérimentation.
Aujourd’hui, dans les régions où les demandeurs d’asile sont nombreux, l’OFPRA conduit déjà des missions foraines : des personnels parisiens se rendent dans ces territoires pour procéder à des auditions. Cette démarche est d’une réelle efficacité et permet une réduction immédiate des délais d’instruction. Mais ces missions foraines ont elles aussi un coût ! On les met pourtant en œuvre, parce qu’elles permettent de remédier aux situations d’engorgement à l’origine des difficultés qui nous conduisent aujourd’hui à légiférer.
Cela montre que, ne serait-ce que de ce point de vue, la territorialisation de l’action de l’OFPRA peut se révéler intéressante. Il s’agit non pas de supprimer cet organisme, mais seulement d’organiser une expérimentation de sa déconcentration dans les territoires, afin d’étudier sa pertinence, en termes de coût et d’efficacité. Ce n’est qu’ensuite que l’on pourra envisager, le cas échéant, sa généralisation.
Par ailleurs, chaque année, il est demandé à 65 000 demandeurs d’asile de se rendre à Paris pour être entendus par l’OFPRA. Il est recouru à la visioconférence pour l’outre-mer, mais, nous le savons, cette solution n’est pas pleinement satisfaisante et ne peut être que complémentaire. Au travers de ce projet de loi, on opte pour une orientation directive des demandeurs d’asile, avec une territorialisation des demandes. Dans cette perspective, il serait logique et intéressant d’expérimenter la territorialisation de l’action de l’OFPRA. Cela engendrerait une économie significative, car déplacer 65 000 personnes à Paris chaque année est coûteux.
Ce dispositif permettra à la fois de réduire les délais et de conduire l’instruction des dossiers dans de bonnes conditions, au bénéfice des demandeurs d’asile. On aura beau augmenter les moyens octroyés à la Cour nationale du droit d’asile et à l’OFPRA, il restera très difficile de réduire les délais, de gagner en efficacité et de réaliser des économies si les demandeurs d’asile ont du mal à accéder à l’instance chargée d’instruire leur dossier.
Personne n’ayant la science infuse, il paraît intéressant d’autoriser l’expérimentation de la déconcentration de l’action de l’OFPRA dans deux régions. Nous jugerons sur pièces ! Il me semble qu’adopter une telle disposition ne nous engage pas outre mesure, mais peut permettre d’améliorer le service rendu aux demandeurs d’asile et de rendre l’État plus efficace, tout en réalisant des économies.
Je remercie M. le rapporteur d’avoir retracé fidèlement la teneur des débats que nous avons eus en commission. Un certain nombre de réserves avaient en effet été exprimées lors de l’examen de l’amendement de Mme Létard, portant en particulier sur le fait que les compétences géopolitiques ne peuvent guère se diviser. Il serait déjà souhaitable qu’elles soient mieux partagées entre l’OFPRA et la CNDA. J’ai eu l’occasion de formuler une telle observation dans un rapport d’information.
Pour autant, les arguments avancés par Mme Létard sont tout à fait recevables. Dès lors que l’on met en place un hébergement directif des demandeurs d’asile, la déconcentration de l’action de l’OFPRA a du sens en termes d’efficacité, de coût et de délais.
J’attire l’attention sur le fait que si, en Allemagne, l’homologue de l’OFPRA est fortement déconcentré à l’échelon des Länder, les fonctions remplies sont différentes. Il a été choisi de confier à l’OFII la responsabilité de l’accueil des demandeurs d’asile. Or il aurait pu être intéressant, pour se rapprocher du modèle allemand, d’attribuer cette mission à l’OFPRA, ce que ne permettra pas l’expérimentation. Je tenais à souligner ce point, sur lequel nous reviendrons au cours des débats.
Quoi qu’il en soit, le principe de cette expérimentation est intéressant, et nous voterons l’amendement du Gouvernement.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 109, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéa 34, seconde phrase
Supprimer cette phrase.
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Nous considérons que la dernière phrase de l’alinéa 34 est pour le moins vague et sujette à interprétation.
En effet, s’il était adopté, son dispositif conduirait à rejeter ou à écarter les demandes d’asile formées par des personnes dont on suppose qu’elles pourraient solliciter la nationalité d’un pays susceptible de leur fournir une protection.
S’ajoutant aux notions déjà sujettes à caution d’asile interne et de pays d’origine sûrs, ce double degré d’incertitude laisse trop de place à la spéculation, n’offre aucune sécurité juridique et engendre un risque d’atteinte au principe de non-refoulement. Il convient donc de supprimer cet alinéa.
Cet amendement vise à supprimer l’alinéa prévoyant que lorsque l’OFPRA instruit une demande, il prend en compte le fait que le demandeur peut se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il est en droit de revendiquer la nationalité. Il ne s’agit pourtant là que de l’application stricte de l’article 1er de la convention de Genève.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Je voudrais apporter à Mme Benbassa, dont je comprends la préoccupation, quelques garanties sur les objectifs visés par le Gouvernement.
Cet amendement tend à supprimer la mention selon laquelle l’OFPRA, lorsqu’il statue sur une demande d’asile, tient compte de la possibilité, pour le demandeur, de se prévaloir de la protection d’un autre pays dont il peut revendiquer la nationalité.
Cette disposition n’est en réalité que la transposition de l’article 4-3-E de la directive Qualifications. Dans le respect de l’économie générale de la convention de Genève, la protection internationale ne trouve à s’appliquer que lorsque la protection nationale fait défaut. Il va de soi que ce principe est appliqué et continuera de l’être de façon très restrictive. Il ne s’agit aucunement de renvoyer un demandeur vers une nationalité hypothétique. Conformément à l’arrêt Spivak du Conseil d’État de 1997, il concerne des demandeurs pouvant obtenir une citoyenneté sur simple demande, comme c’est le cas par exemple pour la citoyenneté arménienne ou sud-coréenne. Dans de tels cas, le demandeur doit indiquer les raisons pour lesquelles il refuse de se prévaloir de la nationalité qu’il peut obtenir.
J’espère que ces éclaircissements vous auront convaincue, madame la sénatrice. Si c’est le cas, je vous invite à retirer cet amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Nous considérons que la fin de l’alinéa 35 est elle aussi pour le moins vague et sujette à interprétation.
En effet, l’adoption de cette disposition conduirait à instaurer une présomption de crédibilité de la demande d’asile sur le fondement d’indices qui, articulés à une spéculation, pourraient également servir à la rejeter. Cela créerait une trop grande insécurité juridique et constituerait un risque certain d’atteinte au principe de non-refoulement.
La commission considère que l’OFPRA doit pouvoir apprécier, outre la situation dans laquelle se trouve le demandeur en raison de ce qu’il a vécu, les évolutions possibles de celle-ci.
La rédaction actuelle du texte lui paraissant satisfaisante, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 111 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 178 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 36
Supprimer cet alinéa.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 111.
Aux termes de l’alinéa 36, les déclarations du demandeur devraient en principe être étayées par des éléments de preuve. Or l'instauration d'un tel principe modifierait la nature même du contentieux.
Le contentieux de l'asile est un contentieux non pas de l'établissement, mais de la probabilité. Comme le rappelle le HCR dans son Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, « dans la plupart des cas, une personne qui fuit arrive dans le plus grand dénuement et très souvent elle n’a même pas de papiers personnels. […] Si le récit du demandeur paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute. »
La situation de précarité des demandeurs d'asile, les circonstances souvent extrêmes et précipitées de leur départ, l'instabilité régnant dans les pays fuis font que l’on ne saurait exiger d’eux qu'ils étayent leurs déclarations d'éléments de preuve. La nature du contentieux fait que la preuve est le plus souvent en réalité impossible à apporter. Il faudrait parfois se mettre au niveau des demandeurs d’asile, et ne pas se contenter d’élaborer des textes théoriques.
La logique du dispositif de cet alinéa est contraire à celle de la convention de Genève de 1951, qui se fonde sur le principe de la preuve par tous moyens et de l’intime conviction du juge de l’asile.
La parole est à Mme Christine Prunaud, pour présenter l'amendement n° 178.
Nous demandons nous aussi la suppression de l’alinéa 36. Si le récit du demandeur d’asile paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute.
Ces deux amendements visent à supprimer une disposition tendant à instaurer une présomption de crédibilité du demandeur d’asile qui coopère effectivement avec l’OFPRA, dont le récit est convaincant et concorde avec les éléments disponibles par ailleurs.
Cette disposition étant plutôt favorable au demandeur, à qui il n’est pas demandé d’apporter des preuves, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Je fais miens les propos de M. le rapporteur. L’adoption de ces amendements rendrait le texte moins favorable aux demandeurs d’asile. Tel n’est pas l’objectif du Gouvernement, qui est soucieux de voir reconnus et confortés les droits des demandeurs d’asile. L’avis est donc défavorable.
Les amendements ne sont pas adoptés.
Je suis saisie de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les amendements n° 112 et 179 sont identiques.
L'amendement n° 112 est présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 179 est présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéas 37 à 40
Supprimer ces alinéas.
La parole est à Mme Esther Benbassa, pour présenter l’amendement n° 112.
Le projet de loi prévoit que l’OFPRA puisse demander à la personne sollicitant l’asile de se soumettre à un examen médical, son refus ne faisant pas obstacle à ce qu’il soit statué sur sa demande. Un arrêté interministériel, pris après avis du directeur général de l’OFPRA, fixera les modalités d’agrément des médecins et celles d’établissement des certificats médicaux.
Nous considérons que cette volonté d’encadrer la pratique de la production d’un certificat médical devant l’OFPRA relève d’une injonction au demandeur, pouvant entraîner des dérives.
La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour présenter l'amendement n° 179.
Comme notre collègue Esther Benbassa, nous considérons que le demandeur d’asile doit rester acteur de sa démarche. Il ne revient pas à l’OFPRA de lui adresser une injonction qui pourrait, in fine, être source de dérives.
Le « délai raisonnable » pour la détermination de la situation de vulnérabilité, dans le cas d’une mise en œuvre de la procédure accélérée, ne devra pas excéder les tout premiers stades de la procédure. Aussi serait-il particulièrement néfaste d’exiger l’obtention en urgence d’un certificat médical.
De plus, la parole de l’exilé est remplacée par un objet, le certificat médical, dépourvu de ce qui fonde la relation entre êtres humains. Le discours narratif et ses éléments discursifs, le témoignage et le parcours, comme les émotions qui l’accompagnent, la parole donnée sont ainsi mis à l’écart. Ils sont pourtant bien souvent indispensables pour mieux apprécier les situations individuelles.
L'amendement n° 113, présenté par Mme Benbassa et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :
Alinéas 38 à 40
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Art. L. 723-5. – Lorsque le demandeur n’est pas en mesure, pour des raisons médicales et/ou psychologiques, de rapporter les violences subies, de préciser son parcours d’exil, les raisons de sa demande d’asile, il peut fournir un certificat médical réalisé par un professionnel de santé de son choix attestant de son état et des difficultés rencontrées. » ;
La parole est à Mme Esther Benbassa.
Il s’agit d’un amendement de repli visant à préciser l’objet du certificat médical pouvant être demandé par l’OFPRA.
En effet, nous considérons que l’exigence d’un certificat médical ne peut être justifiée que dans quelques hypothèses, notamment lorsque le demandeur n’est pas en mesure, pour des raisons médicales et/ou psychologiques, de rapporter les violences subies, de préciser son parcours d’exil et les raisons de sa demande d’asile. Dans ce cas, il pourrait fournir à l’OFPRA un certificat médical, délivré par le professionnel de santé de son choix, attestant de son état et des difficultés rencontrées.
En outre, il importe que l’ensemble des acteurs du soin, et non pas seulement un petit nombre de médecins agréés qui ne connaîtraient pas forcément la situation du demandeur, puissent apporter leur attestation, l’existence d’une relation de confiance étant un préalable nécessaire.
L'amendement n° 180, présenté par Mmes Assassi et Cukierman, M. Favier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéas 38 à 40
Rédiger ainsi ces alinéas :
« Art. L. 723 -5. – L’Office français de protection des réfugiés et apatrides, sous réserve du consentement du demandeur, peut prendre toute mesure pour permettre l’examen médical du requérant sur des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies dans le passé.
« Cet examen médical est financé sur des fonds publics et dans le respect des droits du patient, selon les règles de l’expertise médicale.
« Le fait de refuser cet examen n’empêche pas l’autorité compétente de prendre une décision sur la demande de protection. » ;
La parole est à Mme Christine Prunaud.
Cet amendement tend à prévoir que le demandeur d’asile devra consentir à subir un examen médical, celui-ci étant financé sur des fonds publics, et qu’un refus de sa part ne fera en aucun cas obstacle à ce que l’autorité statue sur la demande de protection.
Cet amendement vise à transposer l’article 18 de la directive 2013/32/UE et à apporter des garanties en cas de non-coopération du demandeur d’asile.
L'amendement n° 59, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Alinéa 38
Après les mots :
L’office peut
rédiger ainsi la fin de cet alinéa :
, sous réserve du consentement du demandeur, soumettre celui-ci à un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise à introduire deux garanties essentielles concernant l’examen médical, prévues dans l’article 18 de la directive Procédures.
En premier lieu, il s’agit de consacrer explicitement le principe du consentement du demandeur à l’examen médical. M. le rapporteur a indiqué que cette précision n’était pas utile, car le texte prévoit que le demandeur peut refuser cet examen. Toutefois, il y a une différence de nature entre la possibilité pour le demandeur de refuser l’examen et la recherche de son consentement. Le refus éventuel constitue un acte du demandeur, en l’occurrence l’émission d’une réponse négative, tandis que la recherche du consentement requiert une démarche de l’OFPRA. Ce sont bien des actes différents. C’est la raison pour laquelle il nous semble indispensable d’inscrire dans le texte le principe du consentement du demandeur d’asile, préalable indispensable à tout examen médical.
En second lieu, il s’agit de préciser que l’examen médical porte sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies. Nous souhaitons ainsi garantir que l’examen médical sera bien en lien avec la demande de protection et qu’il ne pourra avoir d’autres objectifs.
Je pense notamment aux tests médicaux ou aux tests mesurant la réaction physique du demandeur à des images pornographiques parfois imposés à des demandeurs d’asile se disant persécutés en raison de leur orientation sexuelle. De telles méthodes n’ont heureusement jamais été utilisées en France, mais elles l’ont été aux Pays-Bas. La Cour de justice de l’Union européenne les a condamnées, considérant que le droit à l’intégrité physique et mentale et le droit au respect de la vie privée sont violés lorsque les États membres recourent à des méthodes intrusives et humiliantes.
En prévoyant que l’examen médical portera sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies, cet amendement vise à prévenir ce type de dérives.
Tel est le double objet de cet amendement, qui, je le rappelle, tend à inscrire dans le projet de loi des garanties prévues par les directives européennes.
L'amendement n° 61, présenté par M. Leconte, Mme Tasca, M. Sueur, Mme Jourda et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 38
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Si aucun examen médical n’est réalisé conformément au premier alinéa, l’office informe le demandeur qu’il peut, de sa propre initiative et à ses propres frais, prendre les mesures nécessaires pour se soumettre à un examen médical portant sur des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Cet amendement vise à prévoir le cas où l’OFPRA ne sollicite pas le demandeur pour un examen médical.
Nous souhaitons permettre au demandeur de réaliser, à ses propres frais, un examen médical portant sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’il aurait subies. L’inscription dans la loi de cette garantie supplémentaire pour le demandeur constituera une transposition d’une disposition de la directive Procédures.
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. Mézard, Arnell, Barbier, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin et Hue, Mmes Laborde et Malherbe et M. Requier, est ainsi libellé :
Après l'alinéa 39
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Les résultats des examens médicaux sont pris en compte par l’office parallèlement aux autres éléments de la demande.
La parole est à M. Jean-Claude Requier.
Le présent amendement a pour objet de préciser, s’agissant de l’examen médical, que les résultats de ce dernier ne constituent qu’un élément d’évaluation de la situation du demandeur parmi d’autres, conformément aux directives européennes. Cet examen médical ne doit pas devenir un outil coercitif, attentatoire aux libertés individuelles.
Conformément à la directive Procédures, le texte a introduit la faculté pour l’OFPRA de requérir du demandeur d’asile de se soumettre à un examen médical. La directive précise que, dans ce cas, l’examen est aux frais de l’État. Elle prévoit également que le demandeur peut de lui-même produire un certificat médical, à ses frais.
La commission des lois a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements faisant l’objet de la discussion commune.
Les amendements n° 180 et 59 encadrent le recours à un examen médical à la demande de l’OFPRA, en précisant qu’il est soumis au consentement du demandeur et que cet examen porte uniquement sur les signes de persécutions ou d’atteintes graves que le demandeur aurait subies.
Ces amendements sont en partie satisfaits par l’article 7, qui précise que le refus de se soumettre à un examen médical ne fait pas obstacle à ce que l’OFPRA examine la demande.
De surcroît, en visant seulement le cas où le demandeur aurait subi des persécutions ou des atteintes graves, ces amendements restreignent le champ possible de l’examen médical. Celui-ci doit en effet pouvoir être demandé par l’OFPRA en vue de prévenir des persécutions, comme c’est parfois le cas pour des fillettes encourant un risque d’excision.
Les amendements n° 113 et 61 traitent de l’examen médical effectué sur l’initiative du demandeur : le premier vise à substituer cet examen à l’examen médical à la demande de l’OFPRA ; le second prévoit d’inscrire dans la loi la diffusion d’une information sur cette faculté.
L’amendement n° 61 a déjà fait l’objet d’un avis défavorable en commission. En effet, s’il appartient à la loi d’encadrer le recours par l’OFPRA à l’examen médical, il revient au pouvoir réglementaire de préciser les informations à fournir au demandeur si elles ne concernent pas la mise en œuvre d’un droit constitutionnellement garanti.
Quant à l’amendement n° 113, en supprimant l’examen médical à la demande de l’OFPRA, son adoption priverait le demandeur d’une garantie dans la mesure où, conformément à la directive, cet examen est pris en charge par l’État, contrairement à celui qui est réalisé sur l’initiative personnelle du demandeur.
Enfin, l’amendement n° 9 rectifié vise à préciser que les résultats de l’examen ne sont qu’un élément d’évaluation parmi d’autres. Cela est exact, mais encore faut-il en tenir effectivement compte, comme le Conseil d’État vient de le rappeler dans une décision du 10 avril dernier. Il ne paraît donc pas nécessaire d’introduire cette précision dans la loi.
Les amendements proposés ont trait à l’examen médical sur demande de l’OFPRA.
Les amendements n° 112 et 179 visent à la suppression de cet examen ; le Gouvernement y est défavorable.
Cet examen, qui ne présente pas un caractère obligatoire, peut en effet être très utile pour établir la réalité des sévices subis par le demandeur. Cet examen aura lieu avec l’accord du demandeur d’asile et un refus n’entraînera pas par lui-même le rejet de la demande d’asile.
C’est la raison pour laquelle le Gouvernement n’est pas favorable aux amendements n° 180 et 59, qui visent à préciser des éléments déjà pris en compte par le Gouvernement, mais dont l’inscription dans la loi réduirait le champ de l’examen médical. Or cet examen peut avoir pour objet d’établir l’absence de sévices subis par les fillettes dont la protection est demandée au titre d’une menace d’excision.
Pour la même raison, il me semble que l’amendement n° 61 peut être retiré.
Le Gouvernement n’est pas non plus favorable à l’amendement n° 113. La possibilité pour l’OFPRA de prescrire un examen doit coexister avec le droit du demandeur de soumettre un certificat, indépendamment de toute demande de l’OFPRA.
En revanche, l’amendement de précision n° 9 rectifié est utile et reçoit l’avis favorable du Gouvernement.
Je tiens enfin à préciser les raisons de notre avis défavorable sur l’amendement n° 59, qui tend à mentionner expressément le consentement du demandeur d’asile aux examens médicaux qui peuvent lui être demandés par l’OFPRA. Cette disposition est, aux yeux du Gouvernement, satisfaite, puisque la notion de consentement ressort déjà de l’alinéa 39 de l’article 7. Par ailleurs, l’amendement limite le champ de tels examens à l’identification des signes de persécutions ou d’atteintes graves qu’aurait subies le demandeur d’asile. Une telle disposition me paraît trop réductrice. En effet, l’examen médical visé à l’article L. 723-5 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile pourra être demandé lorsqu’une protection a été sollicitée pour des fillettes exposées à un risque de mutilations sexuelles et pour s’assurer qu’elles n’ont pas déjà subi de telles mutilations. Ce dispositif, qui participe de la protection de ces jeunes filles, est indissociable des dispositions de l’article 19 du projet de loi concourant à prémunir ces dernières contre des atteintes à leur intégrité après l’octroi de la protection.
Ces amendements, dont je ne comprends pas très bien l’objet, m’étonnent quelque peu.
J’ai rédigé plusieurs rapports sur le droit d’asile et l’immigration, et j’ai reçu à ce titre beaucoup de responsables d’associations qui se plaignaient que les visites médicales étaient trop rapides, inconséquentes ou incomplètes. Selon eux, il convenait de mieux rechercher un certain nombre d’éléments, telle l’existence de maladies chroniques, de risques épidémiologiques ou d’autres risques.
Prévoir que des personnes demandant le droit d’asile sur notre territoire devront subir une visite médicale, sachant que des risques peuvent exister, compte tenu de la situation sanitaire de certains pays d’origine, n’a tout de même rien d’exorbitant ! En quoi le fait de demander l’établissement d’un certificat médical serait-il attentatoire à la dignité ou à la liberté du demandeur d’asile ? Si ce dernier est malade ou présente un risque, il faut le soigner !
Tous les responsables d’associations que j’ai pu rencontrer dans le passé dénonçaient le manque de moyens pour effectuer les contrôles médicaux et nous demandaient de nous battre pour en obtenir davantage. Certains demandaient même que les visites médicales soient plus approfondies et portent sur des éléments qui, aujourd’hui, ne font pas l’objet d’investigations. Il ne s’agit bien sûr pas de rendre les résultats de l’examen médical déterminants pour le traitement de la demande d’asile, mais soyons conscients du problème de santé publique que poserait la suppression de toute visite médicale !
M. Jean-Yves Leconte. La préoccupation sanitaire est tout à fait légitime, mais elle n’a rien à faire à l’article 7 !
Mmes Esther Benbassa et Éliane Assassi approuvent.
Pour les Français qui vont travailler dans certains pays étrangers, passer une visite médicale est obligatoire pour obtenir le visa. Je trouve naturel que les personnes qui demandent l’asile en France soient soumises à une telle obligation.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 relative à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises ;
-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire ;
-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-384 du 29 mars 2014 visant à reconquérir l’économie réelle ;
-le rapport sur la mise en application de la loi n° 2014-1 du 2 janvier 2014 habilitant le Gouvernement à simplifier et à sécuriser la vie des entreprises.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils ont été transmis à la commission des finances et à la commission des affaires économiques, ainsi qu’à la commission des affaires sociales pour le deuxième.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Isabelle Debré.