Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui pourrait a priori nous permettre de faire l'économie d'une discussion, tant est large le consensus dont il fait l'objet. Toutefois, je souhaite apporter la contribution de mon groupe au débat en insistant sur deux ou trois points qui me semblent importants.
Afin de répondre aux exigences de la Commission européenne, nous sommes conduits à modifier le code de l'urbanisme en prévoyant une obligation minimale de transparence, de publicité et de mise en concurrence pour les conventions publiques d'aménagement.
En effet, depuis le vote de la loi SRU du 13 décembre 2000, une distinction est opérée entre les conventions d'aménagement dites « ordinaires » et les conventions publiques, ces dernières n'étant pas soumises à des contraintes de publicité.
Cet état du droit, justifié par le particularisme de nos conventions d'aménagement, avait fait l'objet de critiques de la part de la Commission européenne, celle-ci considérant que les conventions d'aménagement ne peuvent être exemptées d'obligation de mise en concurrence.
Le point d'orgue fut l'invalidation d'une procédure d'aménagement par la cour administrative d'appel de Bordeaux, en novembre dernier.
En l'état, la situation est juridiquement instable et un grand nombre de conventions risquent d'être annulées, ce qui porterait un coup d'arrêt à de nombreuses opérations d'aménagement. Réformer le droit des contrats d'aménagement est aujourd'hui une urgence.
C'est donc, dans un premier temps, le souci de sécuriser l'environnement juridique des concessions d'aménagement qui justifie ce projet de loi, et nous ne pouvons qu'y souscrire.
Nous y sommes d'autant plus favorables que, depuis que le Gouvernement a fait part de son projet de réformer les conventions publiques d'aménagement, la Commission a suspendu sa plainte auprès de la Cour de justice des Communautés européennes.
Sur le fond, la question de l'obligation de publicité et de mise en concurrence des concessions d'aménagement mérite que l'on s'y attarde un peu plus.
Bien entendu, nous soutenons l'idée selon laquelle il faut placer tous les aménageurs sur un pied d'égalité et nous attachons une importance particulière au respect du principe de l'égal accès à la commande publique. Nous ne pouvons toutefois occulter la spécificité de ce type de contrat.
C'est pourquoi il nous semble indispensable que la mise en concurrence conduise les adjudicateurs à faire un choix guidé par des considérations qualitatives, et non pas seulement par la recherche du meilleur prix, sur lequel ils doivent d'ailleurs quelquefois se justifier.
En effet, le recours à ces conventions est généralement motivé par la réalisation d'opérations importantes, qui touchent au logement et à la construction de zones de commerce, mais qui s'accompagnent également de la mise en place de services publics.
Apparemment, monsieur le ministre, nous pouvons être rassurés. En effet, si la procédure établie par décret, en application de la présente proposition de loi, ressemble à celle qu'a fixée la loi Sapin, les critères retenus devraient s'apparenter aux critères qualitatifs et à la confiance que des élus accordent aux entreprises avec lesquelles ils traitent plus qu'aux critères liés au prix.
Pourrez-vous nous en dire plus, monsieur le ministre, sur le contenu de ce décret ?
Notre souci est ici, bien sûr, de trouver un juste équilibre entre le principe de l'égal accès à la commande publique et la spécificité des contrats d'aménagement, mais également de garantir la sauvegarde des sociétés d'économie mixte. Le risque est en effet pour celles-ci de perdre des contrats, une fois les aménageurs privés installés dans le jeu de la concurrence.
Or les SEM ont des atouts à défendre. Il s'agit d'un instrument que les collectivités ont su utiliser et qu'il est important de préserver. Nous le savons, avec ce texte, il n'est pas question de bouleverser le fonctionnement des SEM, mais il ne faudrait pas que, par ricochet, la mise en oeuvre de cette réforme remette en cause leur existence.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur un autre élément du contenu du futur décret d'application.
Il sera possible pour les collectivités de constituer des commissions chargées des concessions d'aménagement. Nous souhaitons - le groupe UC-UDF attache beaucoup d'importance à cette question - que ne soient pas oubliés, dans la composition de ces commissions, les agents territoriaux en charge du dossier.
Grâce à notre collègue Christian Gaudin, auteur d'un amendement tendant à insérer un article additionnel dans le projet de loi sur l'eau et les milieux aquatiques, une erreur du code général des collectivités territoriales quant à la composition des commissions compétentes en matière de délégation de service public a été corrigée.
S'agissant des commissions chargées des concessions d'aménagement, la présence des agents territoriaux n'est pas prévue, contrairement à ce qu'il en est pour les commissions d'appels d'offres.
Or, du fait de cette lacune, des procédures ont été annulées à plusieurs reprises par la juridiction administrative en raison de la présence d'agents dans les commissions de délégation de service public.
Pourtant, il s'agit bien souvent, si ce n'est toujours, de personnes qui apportent un soutien technique majeur aux élus.
Monsieur le ministre, nous sommes réunis ici précisément pour rompre avec la situation actuelle d'insécurité juridique. C'est pourquoi je vous encourage à ne pas faire la même erreur que pour les délégations de service public, au risque de fragiliser la procédure de passation de concession d'aménagement.
Enfin, monsieur le ministre, alors que nous sommes réunis ici pour adapter notre code de l'urbanisme aux exigences européennes, une récente jurisprudence de la Cour européenne de justice m'inquiète.
En effet, selon les termes du projet de loi, sont exemptées des obligations de publicité et de mise en concurrence les prestations « in house », selon l'expression empruntée à la jurisprudence communautaire.
Deux conditions doivent préalablement être remplies : il faut, d'une part, que l'entité adjudicatrice « exerce sur la personne en cause un contrôle analogue à celui qu'elle exerce sur ses propres services » et, d'autre part, que la personne morale prestataire « réalise l'essentiel de son activité avec la ou les collectivités qui la détiennent ».
En outre, la Cour européenne a rendu en janvier dernier un arrêt en vertu duquel les SEM comprenant un actionnaire privé ne peuvent bénéficier de l'exemption de la mise en concurrence prévue pour les contrats « in bouse ». Or, selon le code général des collectivités territoriales, « la participation des actionnaires [des SEM] autres que les collectivités territoriales et leurs groupements ne peut être inférieure à 15% du capital social. »
Comment donc concilier cette exigence avec la nouvelle jurisprudence communautaire qui interdit l'exception « in house » pour les SEM qui comprennent un actionnaire privé ? Cette situation ne risque-t-elle pas de créer une nouvelle situation d'insécurité juridique?
Je voudrais, avant de conclure, saluer l'initiative du rapporteur de l'Assemblée nationale sur ce texte, qui a proposé un amendement validant l'ensemble des conventions en cours et permettant ainsi de mettre fin à une incertitude quant à leur poursuite.
Par ailleurs, s'agissant de l'importante question des sociétés publiques locales, nous sommes favorables à la création d'un groupe de travail annoncé par M. le ministre à l'Assemblée nationale. Je souhaite seulement, comme M. le rapporteur, que le Sénat soit associé à cette démarche.
Il est important de faire participer le plus grand nombre à cette réflexion pour trouver de nouveaux modes de gouvernance des collectivités territoriales et offrir plus de souplesse aux SEM pour leur permettre de s'adapter aux nouvelles exigences, notamment à celles du présent projet de loi.
En outre, la possibilité de transformer les SEM en sociétés publiques locales détenues entièrement par les collectivités territoriales permettrait peut-être de se conformer à la jurisprudence récente de la Cour européenne que j'ai évoquée à l'instant.
Ces quelques remarques sur des points auxquels les membres du groupe UC-UDF sont particulièrement attachés étant faites, je vous assure de notre soutien, monsieur le ministre.