Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 18 mai 2015 à 21h30
Réforme de l'asile — Article 9, amendements 196 83

Bernard Cazeneuve, ministre :

Les amendements n° 196 et 83 tendent à confier une compétence à la CNDA pour connaître du contentieux de l’asile en rétention. Les auteurs de ces amendements prévoient à la fois un délai de trois jours ouvrés, un délai de jugement soit de trois jours ouvrés, soit de sept jours, et la compétence du juge statuant seul à la CNDA. Ils prévoient également que si le juge unique décide de renvoyer à la formation collégiale, il est alors mis fin à la rétention.

Le Gouvernement n’est absolument pas favorable à un dispositif aussi complexe, dans la mesure où celui-ci ajouterait une charge supplémentaire à la CNDA. J’attire une nouvelle fois l’attention du Sénat sur le fait que confier sans cesse de nouvelles compétences à la Cour nationale du droit d’asile revient à faire un véritable saut dans l’inconnu et à entraver l’efficacité de cette réforme et des dispositifs qu’elle propose.

Il n’est pas envisageable de conférer une telle compétence à la CNDA. Cette juridiction le reconnaît d’ailleurs elle-même, puisqu’elle ne peut juger au fond dans des délais aussi contraints, et ce quelles que soient les modalités que vous prévoyez. Non seulement elle n'a aucune expérience des procédures d'urgence, mais elle est une juridiction nationale, dont le siège est à Montreuil.

Il faudrait, par conséquent, soit organiser les déplacements et les escortes de personnes en rétention vers ce siège, soit prévoir des audiences foraines, soit généraliser à proximité de ces lieux de rétention des visioconférences. De telles contraintes matérielles et financières rendent difficilement envisageables d’attribuer une telle compétence à la CNDA.

En outre, le dispositif que vous envisagez aura un impact sur la durée de la rétention. En effet, allonger les délais de recours et de jugement de six jours à plus de dix jours ouvrés augmenterait d’autant le délai de rétention de la personne concernée. Il nous a semblé beaucoup plus rationnel de laisser un tribunal administratif, juge de l’urgence et de l’évidence, le soin de statuer sur la décision de maintien en rétention. Cela correspond à la fois au cœur de métier de cette juridiction, qui statue déjà sur les décisions de placement en rétention, et à son organisation logistique, dès lors qu’existent dans toutes les juridictions administratives des permanences en juge unique, qui pourraient utilement connaître ce contentieux.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur les amendements n° 196 et 83.

Par ailleurs, la commission des lois a souhaité faire figurer dans la loi un délai d’instruction par l’OFPRA de la demande d’asile en rétention de 96 heures, ce délai étant jusqu’à alors fixé par voie réglementaire. Il s’agit d’un délai techniquement court pour l’Office, comme pour les centres de préfecture et les centres de rétention ; il conduit d’ailleurs, dans certains cas, à recourir à un entretien par visioconférence. Ce délai permet de ne pas prolonger indument la rétention.

Je suis favorable à ce que nous nous en tenions au cadre légal actuel, qui prévoit la fixation par voie réglementaire du délai d’instruction de la demande d’asile en rétention. Cela laisse beaucoup plus de souplesse au pouvoir réglementaire pour adapter le cas échéant les délais applicables à l’OFPRA.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 79, qui vise à revenir aux dispositions approuvées en la matière en commission des lois.

Enfin, l’amendement n° 228 est un amendement de coordination. Compte tenu des modifications apportées par la commission des lois sur le contentieux de l’asile en rétention, le Gouvernement n’est pas favorable au nouveau dispositif propre à ce contentieux, qui est contraire à la directive Procédures.

Par voie de conséquence, j’émets donc un avis défavorable sur cet amendement.

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