Intervention de Claude Malhuret

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 13 mai 2015 à 9h30
Renseignement — Examen du rapport pour avis

Photo de Claude MalhuretClaude Malhuret :

Cette loi pose des problèmes de principe et des problèmes opérationnels. Dans la première catégorie se situe la question de l'équilibre entre liberté et sécurité. L'ensemble des justifications données par les deux ministres se rapporte à la menace terroriste. Mais ce texte s'applique à tous les aspects de notre vie en société, bien au-delà de la seule question du terrorisme ! Par ailleurs, on a tendance en France à légiférer plutôt qu'à prévoir les moyens nécessaires. Ainsi, dans les attentats terroristes que nous avons subis ou dans ceux que nous avons évités de justesse, ce n'est pas une absence d'identification du suspect qui était en cause, mais plutôt un relâchement de la surveillance exercée sur lui. En ce qui concerne l'aspect opérationnel, il ne s'agit pas seulement du fait que c'est au juge administratif, et non au juge judiciaire, que la protection des libertés est confiée par le texte. Le point important est que ce contrôle juridictionnel ne sera exercé désormais qu'a posteriori, dans un domaine qui touche pourtant à la surveillance des citoyens. En outre, le recours que ceux-ci pourront exercer sera filtré par une autorité administrative indépendante.

Par ailleurs, le projet de loi offre aux services de renseignement des outils actuellement autorisés dans le seul cadre d'une enquête judiciaire menée par un juge. Une chose me choque particulièrement : l'insuffisance des dispositions relatives à la protection des professions protégées. Le Premier ministre pourra décider lui-même de placer sous surveillance un parlementaire. C'est un vrai problème du point de vue de la séparation des pouvoirs !

Le ministre de l'intérieur affirme que ce texte est très différent du Patriot Act. Pourtant, il comporte - et il y a des aspects techniques que nous ne sommes pas en mesure de comprendre totalement - la possibilité de mettre en place des « boites noires » qui vont faire de la « pêche au chalut » et recueillir des données sur des personnes qui n'auront qu'une proximité géographique avec les véritables cibles des services. Quant aux algorithmes, nous sommes dans l'incapacité de les comprendre et par conséquent de savoir précisément ce qui sera considéré comme un comportement suspect : un parlementaire qui effectue de nombreux déplacements sera-t-il concerné ?

Pour conclure, je pense que ce projet de loi est nécessaire pour rendre légal ce qui est aujourd'hui « a-légal », mais qu'il doit être examiné avec la plus grande vigilance.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion