Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 21 mai 2015 à 9h45
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Bernard Cazeneuve :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présente proposition de loi vise à permettre la réouverture des délais d’inscription sur les listes électorales pour l’année 2015 en revenant, de façon exceptionnelle, sur le principe de révision annuelle des listes électorales prévu par l’article L.16 du code électoral.

Mesdames, messieurs les sénateurs, cette proposition de loi s’inscrit naturellement dans le prolongement des travaux récents du Parlement : d’abord, le vote de la loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, qui a reporté les élections régionales au mois de décembre prochain ; ensuite, les travaux de la mission d’information menée par les députés Mme Élisabeth Pochon et M. Jean-Luc Warsmann, que je veux remercier chaleureusement devant vous pour la qualité du travail accompli ensemble, de façon transpartisane.

Leur rapport conjoint, remis à la mi-décembre, formulait vingt-trois préconisations. Il est remarquable à plus d’un titre et je voudrais en souligner particulièrement deux.

Premièrement, il analyse avec justesse la complexité et les contraintes pesant sur le calendrier d’inscription sur les listes électorales.

Deuxièmement, il met en exergue l’impact massif de l’éloignement de certains électeurs potentiels de l’institution électorale. On estime aujourd'hui, en effet, à 3 millions le nombre de personnes non inscrites et à 6, 5 millions le nombre de personnes mal inscrites.

Toutes les élections récentes, y compris les élections départementales de mars dernier, ont démontré combien il y avait urgence à faire face au fléau de l’abstention. Cette dernière est d’autant plus inquiétante qu’elle frappe davantage les jeunes : au premier tour des élections départementales, le dimanche 22 mars dernier, le taux d’abstention, de 49 % pour l’ensemble du corps électoral, atteignait 64 % chez nos concitoyens âgés de moins de trente-cinq ans. Et cette abstention – c’est l’avis du Gouvernement, et vous êtes nombreux à le penser aussi ici– mine totalement la démocratie.

Dans la perspective des élections régionales de la fin de l’année, il y a urgence à agir, et c’est pourquoi le Gouvernement souhaite accompagner la proposition de loi. Et il y a d’autant plus urgence à agir que c’est la première fois depuis 1965 qu’un scrutin aura lieu à la fin de l’année. Ce n’est ni le lieu ni le jour de refaire la réforme territoriale qui a, depuis, été adoptée. Je me contenterai de rappeler que la date de ce scrutin permettra aux nouveaux conseils régionaux fusionnés de se mettre en place au 1er janvier, seule date susceptible d’intégrer les contraintes budgétaires et fiscales qui pèsent sur les collectivités.

Afin de tenir compte du caractère exceptionnel de la date de ce scrutin, il fallait donc une mesure qui fût aussi exceptionnelle. On ne peut pas s’indigner, le soir de chaque élection, de la faiblesse du taux de participation et ne rien faire pour lutter contre ce fléau !

La députée Mme Élisabeth Pochon a pris l’initiative d’agir, et je l’en remercie. Sans l’adoption de cette proposition de loi, les élections de décembre 2015 se feraient sur la base des demandes d’inscription déposées près d’un an avant, au 31 décembre 2014, soit avec un décalage flagrant et préjudiciable. Nous devons donc y remédier !

Le code électoral prévoit déjà, à l'article L. 30, des dérogations permettant une inscription en dehors des périodes de révision annuelle des listes, notamment pour les électeurs déménageant pour motif professionnel.

Les Français qui auront déménagé entre le 31 décembre 2014 et l’été 2015 pour des motifs qui ne sont pas professionnels sont toutefois très nombreux. Ne pas leur permettre de s’inscrire sur les listes électorales risquerait de provoquer un profond mécontentement et un décalage de la démocratie avec les réalités de notre société, de plus en plus marquée par la mobilité.

Ainsi, le rapprochement entre la date butoir d’inscription sur les listes électorales et le moment où se déroule le scrutin permettra d’obtenir un corps électoral plus sincère, basé sur des listes électorales plus représentatives.

Dès lors, non seulement le Gouvernement soutient cette proposition de loi, mais il appelle à la vigilance quant à la nécessité d’adopter cette initiative dans les meilleurs délais pour en permettre l’application.

Les communes attendent en effet les instructions des préfectures sur les mesures à mettre en œuvre pour préparer cette révision exceptionnelle. Or ces instructions nécessitent le vote d’une loi, la publication d’un décret d’application, ainsi qu’un travail étroit avec l’Association des maires de France et l’INSEE.

En revanche, le Gouvernement ne peut soutenir les amendements qui ont été adoptés par la commission des lois du Sénat et souhaite un retour au texte initial.

En effet, le dispositif proposé aujourd’hui consiste à généraliser l'article L. 30 du code électoral, qui permet d’ores et déjà à certains électeurs de s’inscrire jusqu’à dix jours avant le scrutin. Dix jours, c’est bien moins que l’engagement présidentiel de trente jours, me direz-vous. Cependant, si le Président de la République n’a pas pris un tel engagement, c’est tout simplement qu’il n’était pas tenable. Dans les conditions actuelles, contrairement à ce que propose la commission, le dispositif ne peut être généralisé, et ce pour des raisons purement techniques et nullement politiques.

En effet, un tel délai ne permet pas de procéder à une vérification de la capacité électorale et de prévenir les doubles inscriptions. Contrairement à la révision annuelle, l'article L. 30 ne permet pas aux mairies de saisir l’INSEE, qui n’est pas mobilisée dans ce dispositif d’urgence. Les mairies n’ont en réalité que cinq jours pour inscrire les électeurs sur les listes ainsi que sur le tableau de rectification, dit « tableau des cinq jours », publié cinq jours avant le scrutin. Il en résulte en conséquence des inscriptions soit doubles, soit indues, dont l’existence n’est soutenable que si elle est limitée.

Par ailleurs, le dispositif de l'article L. 30 ne fonctionne que si les flux sont limités. Si les demandes sont nombreuses, ce qui est potentiellement le cas, et que les dispositions prévues à l'article L. 30 sont généralisées, les mairies auront des difficultés à y faire face, et les demandes d’inscriptions ne seront donc pas correctement traitées.

Par conséquent, si nous voulons apporter une réponse exceptionnelle au scrutin du mois de décembre 2015, il faut préserver le nécessaire échange d’informations entre les communes et l’INSEE, qui permet de fiabiliser les inscriptions et les radiations.

C’est pourquoi le Gouvernement soutient la réforme initialement présentée dans la proposition de loi. Ces deux mois, préservés entre le début du mois d’octobre et la fin du mois de novembre, constituent un minimum incompressible. Ce délai exigera déjà beaucoup de l’INSEE et des communes. Or je connais l’attention que la Haute Assemblée porte aux communes et son souci de ne pas voir leur charge inutilement alourdie.

Si nous voulons réduire ce délai, nous devons changer le système. Telle est d’ailleurs bien la volonté du Gouvernement. Je le redis ici sans ambiguïté, notamment à M. le rapporteur dont je salue l’engagement et la sincérité avec lesquels il a accompli son travail :...

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