Intervention de Guillaume Arnell

Réunion du 21 mai 2015 à 9h45
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Guillaume ArnellGuillaume Arnell :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, les auteurs de cette proposition de loi souhaitent revenir de façon exceptionnelle sur le principe de révision annuelle des listes électorales pour permettre la réouverture des délais d’inscription pour l’année 2015.

Il serait, selon l’exposé des motifs, « de la responsabilité du législateur, dans une période qui voit émerger les nécessités de reconstruire les fondamentaux de la citoyenneté, de l’appartenance à la nation et des valeurs républicaines de notre société, de prendre une telle mesure, qui est de nature à rapprocher les citoyens de leurs instances démocratiques ».

Même si l’inscription sur les listes électorales est une obligation posée par l’article L. 9 du code électoral, force est de constater que plusieurs millions d’électeurs ne sont pas inscrits sur les listes, et que la France – j’y inclus volontiers les outre-mer – est devenue une démocratie de l’abstention. La participation électorale, considérée comme l’une des caractéristiques de la bonne santé d’un régime démocratique, ne cesse de s’affaiblir depuis une vingtaine d’années.

Plusieurs raisons expliquent ce phénomène. Certes, notre pays souffre d’une profonde crise du politique et bon nombre de nos concitoyens éprouvent un sentiment de défiance à l’égard de leurs représentants, mais ce n’est pas la seule raison.

Plusieurs rapports et études montrent en effet que les modalités d’inscription sur les listes électorales peuvent également constituer un frein à la participation électorale, la France disposant d’une procédure parmi les plus complexes au monde.

Ce sont ainsi près de 3 millions de Français qui ne sont pas inscrits sur les listes électorales, auxquels il faut ajouter 6, 5 millions de personnes « mal inscrites », c’est-à-dire qui ne sont pas inscrites sur la liste électorale du bureau de vote rattaché à leur domicile. Ce phénomène touche pratiquement tout le monde à un moment donné et fait de ces « mal inscrits » des abstentionnistes malgré eux. Parmi les Français qui ont déménagé en 2014, seul un électeur sur cinq s’est réinscrit dans sa nouvelle commune, contre un sur deux en 2013.

C’est la raison pour laquelle le Président de la République a annoncé, le 30 octobre dernier, dans le cadre du choc de simplification, son intention de permettre l’inscription sur les listes électorales jusqu’à un mois avant un scrutin pour qu’ « aucun Français ne soit privé de son droit de vote à cause de la rigidité des règles ».

L’objectif de cette proposition de loi, qui est de lutter contre l’absentéisme électoral, est louable, et nous ne pouvons qu’y souscrire. Pour autant, et le rapporteur l’a bien rappelé, une mesure ponctuelle, exceptionnelle, n’est certainement pas le meilleur moyen de remédier à ce problème, d’autant qu’il est récurrent. Je ne pense pas que procéder à une réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes en vue des élections régionales de décembre prochain soit satisfaisant.

Comme l’a très bien dit, avec d’autres mots, notre collègue rapporteur, on ne peut pas en permanence faire des lois pour régler les dégâts collatéraux des lois antérieures.

Aussi, je tiens à saluer le travail de la commission des lois, et plus particulièrement celui de son rapporteur. L’approche retenue me semble particulièrement intéressante, puisqu’elle propose une solution pérenne et beaucoup plus simple : permettre aux électeurs qui emménagent dans une nouvelle commune après la clôture des inscriptions de s’inscrire sur la liste électorale, quel que soit le motif du changement de domicile.

Finalement, la seule différence avec la proposition de loi initiale réside dans le fait que les personnes qui habitent déjà dans leur commune, mais qui n’ont entrepris aucune démarche, ne pourront pas aller voter. Comme l’a dit Pierre-Yves Collombat, s’ils ne l’ont pas fait avant, ils ne le feront probablement pas après, même si nous leur en donnons les moyens. Les propositions du rapporteur ont également reçu un avis favorable en commission et l’appui de tous ses membres, y compris celui de l’opposition sénatoriale. Nous sommes donc quelque peu surpris de constater que le groupe socialiste a déposé des amendements, identiques à ceux du Gouvernement, pour revenir à la rédaction de l’Assemblée nationale.

Surtout, les arguments avancés ne me semblent pas fondés. Vous proposez de revenir à la procédure actuelle de révision des listes électorales avec la mise en place d’un délai supplémentaire pour s’inscrire jusqu’au 30 septembre 2015. Je lis dans l’objet de l’amendement du Gouvernement que « ce délai permettra à l’ensemble des citoyens déménageant pendant la période estivale d’effectuer les démarches d’inscription ».

Monsieur le ministre, le texte adopté par la commission des lois le permettra également, puisque, selon l’article L. 30 du code électoral, les inscriptions dites « hors période » peuvent avoir lieu jusqu’à dix jours avant le scrutin. Il n’y a donc aucun « risque de générer un profond mécontentement et un décalage de la démocratie avec les réalités de notre société », comme le craignent les auteurs de la proposition de loi.

Monsieur le ministre, vous écrivez également que le texte de la commission « aggrave les risques de double inscription et la possibilité de vote de personnes en situation d’incapacité électorale ». Dans ce cas, monsieur le ministre, c’est l’article L. 30 qu’il faut supprimer !

Je le répète, la possibilité de s’inscrire sur les listes électorales jusqu’à dix jours avant le scrutin existe déjà pour un certain nombre de personnes. Enfin, si le texte proposé par la commission des lois est adopté par la Haute Assemblée, puis en commission mixte paritaire, il n’y a aucune raison pour que la loi ne puisse pas s’appliquer aux élections régionales de décembre prochain, la procédure accélérée ayant été engagée.

Aussi, pour toutes ces raisons, le RDSE apportera son soutien au texte de la commission et de son rapporteur, notre excellent collègue Pierre-Yves Collombat.

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