Monsieur le ministre, je voudrais aussi me situer sur le plan des principes.
En premier lieu, quand on est confronté à un problème comme celui de l’abstention, on essaie de le traiter au fond et pas simplement à la marge. On ne me fera pas croire que les rigidités des modalités d’inscription sur les listes électorales, même si elles peuvent jouer, représentent la difficulté essentielle. Ce n’est pas vrai ! Nous sommes préoccupés parce que les résultats électoraux montrent une désaffection de notre peuple, qui va plus loin que l’abstention.
Aujourd’hui, quand on vote – si on vote ! –, on le fait majoritairement contre ! Voilà le fond du débat et il est temps de se poser cette question, même si nous n’allons pas la régler avec une loi. Cette situation est constante, d’ailleurs. Dans un passage de L’Ancien régime et la Révolution, Tocqueville montre bien comment, à force de vouloir tout centraliser, les gens ne se déplaçaient même plus quand on leur demandait de voter. Posons-nous donc la question !
Ensuite, je vous l’avoue, je suis fatigué d’avoir à examiner des lois qui ont pour but de corriger les effets collatéraux négatifs des lois précédentes. On adopte une loi, on s’aperçoit ensuite que son application pose des problèmes et on présente une nouvelle loi ! C’est vraiment dénaturer notre fonction. Quand la loi modifiant la date du scrutin régional a été votée, on aurait pu se rendre compte du problème et décider de rouvrir les inscriptions sur les listes électorales.
Enfin, monsieur le ministre, comme mon collègue Philippe Kaltenbach, vous avez évoqué la nécessité d’un vote conforme du Sénat. Je suis toujours surpris que l’on nous présente de telles demandes, puisque la raison d’être du bicamérisme est bien que chaque assemblée puisse apporter sa contribution.
Ma position s’appuie donc sur des considérations de principe, et je remercie la commission de m’avoir suivi. Je veux bien admettre la nécessité de faire preuve de pragmatisme – après tout, c’est la base de la politique –, mais un pragmatisme qui n’est pas encadré par des principes devient un pur opportunisme !
Quelle est la raison qui justifie cette proposition de loi ? J’avoue que je n’en sais rien. Comme vous l’avez dit, monsieur le ministre, ce n’est pas en rouvrant la possibilité de s’inscrire sur les listes que l’on va modifier les résultats des scrutins, j’en suis intimement persuadé. Alors, pourquoi nous soumettre cette proposition de loi ? Vous nous dites qu’il faut améliorer le taux de participation aux élections et que c’est un impératif absolu. Il est un peu tard pour s’en rendre compte ! Franchement, je ne crois pas que cette proposition de loi soit conforme aux principes que vous avez évoqués.
Quant à vos objections techniques, je ne peux pas non plus les accepter. L’article L. 30 du code électoral fonctionne déjà actuellement. Vous nous dites que les électeurs vont se précipiter dans les dix derniers jours. Pour quelle raison ? Nous n’en savons rien ! Je vous ai d’ailleurs proposé d’amender le texte sur ce point, si nécessaire.
Ensuite, vous nous avez dit que les électeurs allaient se précipiter en masse pour s’inscrire. Ce sera au mieux une demi-masse, puisque la moitié n’ira pas voter ensuite !