Intervention de Bernard Cazeneuve

Réunion du 21 mai 2015 à 9h45
Réouverture exceptionnelle des délais d'inscription sur les listes électorales — Adoption en procédure accélérée d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Bernard Cazeneuve :

Je serai très bref, monsieur le président.

Tout d’abord, il faut raisonner en fonction des étapes d’élaboration de ce texte, qui n’est pas un texte gouvernemental. Il s’agit d’une proposition de loi émanant de l’Assemblée nationale, résultat d’un travail transpartisan de deux parlementaires appartenant, pour l’une, à la majorité, pour l’autre, à l’opposition.

Il ne faut pas attribuer au Gouvernement la rédaction d’un texte qui est le résultat du travail approfondi et non partisan de vos collègues de l’Assemblée nationale ! J’y insiste, parce que les présentations qui ont été faites, notamment par M. le rapporteur, pourraient laisser accroire que le Gouvernement, dans la plus grande précipitation et pour corriger les effets collatéraux du projet de loi relatif au nouveau découpage des régions, présente un second texte modifiant les conditions d’inscription sur les listes électorales. Or ce n’est pas ce qui s’est passé.

Voilà les faits : le Gouvernement a fait délibérer le Parlement sur un texte relatif aux régions, dont l’examen a donné lieu à des débats nombreux, riches et denses. Avant même la fin de cette discussion, le Parlement a engagé une réflexion sur l’inscription sur les listes électorales afin de lutter contre l’abstention.

Il ne doit pas y avoir d’ambiguïté : nous ne discutons pas d’un texte dont l’initiative revient au Gouvernement, mais d’une proposition de loi qui émane de vos collègues de l’Assemblée nationale. Il n’est donc pas le résultat de la réflexion d’un groupe contre un autre, mais d’une réflexion commune de la majorité et de l’opposition concernant les modalités d’inscription sur les listes électorales en vue de lutter contre l’abstention.

Néanmoins, cela n’empêche pas le Gouvernement d’exprimer sa position sur cette proposition de loi, laquelle est la suivante : Si nous voulons faciliter l’inscription sur les listes électorales et lutter contre l’abstention, nous devons « faire simple ». Si nous rendons impossible la mise en application de cette proposition de loi à travers des délais et des conditions de mise en œuvre difficiles, nous n’obtiendrons aucun résultat.

Je comprends la philosophie des amendements présentés par la commission des lois, ainsi que la position de M. le rapporteur ; je dirai même que je les partage. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement présentera, à la suite de l’examen du présent texte, un projet de loi visant à garantir la généralisation des conditions proposées par la commission des lois du Sénat.

Je veux attirer votre attention sur un autre point. Si vous adoptez cette proposition de loi telle que modifiée par les amendements de la commission des lois, ce texte ne pourra pas être mis en œuvre avant les élections régionales. En effet, du fait de la navette parlementaire, le risque existe que nous n’ayons pas le temps de prendre les décrets d’application dans les délais adéquats.

L’opinion et le tohu-bohu médiatique ne feront pas la part des responsabilités et retiendront uniquement que la classe politique dans la pluralité de ses composantes, Gouvernement et Parlement confondu, n’a pas mis en œuvre les conditions nécessaires pour faciliter l’inscription sur les listes électorales des personnes désireuses d’aller voter. Dans le contexte actuel, cela me semble être un bien mauvais signal.

Même si je comprends et partage vos préoccupations, nous devons prendre en compte les éléments que je viens d’évoquer. Je vous propose donc de revenir au texte issu de l’Assemblée nationale, de façon à avoir un vote conforme. J’avais d’ailleurs fait part au président de la commission des lois, avant même que celle-ci ne se réunisse, des préoccupations du Gouvernement sur cette proposition de loi.

Si un vote conforme avait lieu, nous pourrions prendre immédiatement les décrets, et ceux de nos concitoyens qui ne peuvent pas voter actuellement pourraient le faire. Une telle mesure n’irait absolument pas à l’encontre des préoccupations du rapporteur, bien au contraire. Je m’engage en effet, au nom du Gouvernement – le compte rendu en fournira la preuve écrite –, à répondre au travers d’un projet de loi ultérieur à l’ensemble des points qu’il a évoqués.

Le même compte rendu témoignera de nos positions respectives, car il faudra ensuite s’expliquer sur les raisons qui auront conduit à faire capoter ce texte !

En conclusion, je demande donc que l’on en revienne à la rédaction de l’Assemblée nationale, sans guère d’illusion d’y parvenir, et que l’on permette, par un vote conforme, aux électeurs de s’inscrire sur les listes électorales avant la fin de l’année. Nous généraliserons ensuite ce dispositif dans un second texte qui tiendra compte des préoccupations du rapporteur. On ne peut pas faire plus consensuel !

Moi aussi, j’ai lu Tocqueville, monsieur le rapporteur, et j’aime particulièrement l’esprit d’équilibre qui préside à ses écrits. Je suis convaincu que nous pouvons, nous aussi, trouver le bon équilibre sur ce texte.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion