Intervention de Esther Benbassa

Réunion du 21 mai 2015 à 9h45
Parrainage civil — Adoption d'une proposition de loi dans le texte de la commission.

Photo de Esther BenbassaEsther Benbassa :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le parrainage civil, aussi appelé baptême républicain, remonterait au décret du 20 prairial de l’an II, c’est-à-dire du 8 juin 1794, portant sur la compétence des municipalités pour établir les actes d’état civil.

En pleine période post-révolutionnaire, l’idée se développe de trouver des équivalents civils aux principales célébrations religieuses. Rien de neutre, donc, dans ce nouveau « baptême », ce rite qui vise à faire entrer un enfant dans la communauté nationale et républicaine. S’il est quelque peu tombé en désuétude au cours du XIXe siècle, le fait qu’il ait retrouvé une certaine popularité lors des commémorations du bicentenaire de la Révolution française de 1989 contribue à l’inscrire au rang des actes républicains.

Autre élément notable, le parrainage civil relève en France de la coutume et n’est prévu par aucun texte législatif ou réglementaire. Cette pratique a, malgré tout, traversé les siècles, continuant de remplir son rôle de symbole de l’accession à la citoyenneté.

Il n’est, à ce titre, pas anodin que le baptême républicain ait été, ces dernières années, beaucoup utilisé comme un acte militant. Certains parrainages visent ainsi à soutenir des familles se trouvant en situation irrégulière sur le territoire français.

L’absence de base légale de cette pratique a pour principale conséquence que les municipalités ne sont soumises à aucune obligation. Que le maire refuse de le célébrer ou qu’il organise des cérémonies civiles de soutien à ceux que l’on appelle les « sans-papiers », le parrainage républicain devient parfois un acte politique.

Le caractère coutumier de ce rite devant « contribuer à développer en l’esprit de l’enfant les qualités indispensables qui lui permettront de devenir un citoyen dévoué au bien public, animé de sentiments de fraternité, de compréhension, de respect de la liberté et de solidarité à l’égard de ses semblables » reste toutefois empreint d’une inégalité entre nos concitoyens, soumis au bon vouloir de leur municipalité.

L’objectif de la proposition de loi de notre collègue Yves Daudigny et du groupe socialiste est de consacrer dans la loi la pratique des parrainages civils ou républicains, afin d’assurer une égalité de traitement de tous les citoyens sur notre territoire.

L’auteur de la proposition de loi entendait faire de cette simple coutume un acte d’état civil, en introduisant ces dispositions dans le code civil et en imposant que le parrainage républicain soit célébré par un officier d’état civil.

Dans cette hypothèse, le parrainage civil aurait produit des effets juridiques, notamment en cas de disparition des parents de l’enfant.

Le parrain et la marraine se seraient ainsi vu confier deux types de fonctions : d’une part, « prendre soin de leur filleul comme de leur propre enfant dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer » ; d’autre part, remplir un rôle moral en accompagnant l’entrée de l’enfant dans la citoyenneté.

La commission des lois n’a toutefois pas souhaité s’engager sur cette voie et a récrit le texte afin de faire du parrainage républicain un engagement des parrain et marraine d’accompagner l’enfant dans son apprentissage de la citoyenneté et des valeurs républicaines, cet engagement demeurant tout à fait dénué d’effets juridiques.

Le parrainage républicain – appellation opportunément choisie par la commission – sera célébré à la mairie de résidence des parents en présence de l’enfant ; le parrain et la marraine y exprimeront leur consentement à assumer leur mission.

Au sein du groupe écologiste, nous considérons que ce texte, tout symbolique qu’il soit, participe d’une certaine idée de la communauté républicaine, d’une certaine idée de la fraternité et de la solidarité, valeurs si souvent maltraitées ces derniers temps. Nous apportons, bien entendu, notre soutien à cette proposition de loi.

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