Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, à l’heure où le sentiment d’appartenance à la République et la réaffirmation de ses valeurs sont invoqués par tous, le parrainage républicain n’est pas une pratique désuète. C’est un acte laïque et symbolique, hérité de la Révolution française, par lequel deux personnes se constituent parrain et marraine – il peut d’ailleurs n’y avoir qu’un seul parrain ou marraine – d’un enfant pour accompagner son entrée dans la communauté républicaine.
Cette démarche s’inscrit dans la continuité des actions mises en place par les pouvoirs publics pour améliorer l’acquisition des valeurs républicaines et l’apprentissage de la citoyenneté par les jeunes générations.
Dans son rapport rendu le mois dernier au Président de la République et intitulé « La nation française, un héritage en partage », Gérard Larcher affirme que le renforcement de l’engagement républicain et celui du sentiment d’appartenance à la nation sont indéfectiblement liés.
Le parrainage républicain peut être vécu comme relevant d’une volonté de s’inscrire dans un destin collectif, de partager des valeurs communes et un sentiment fort d’appartenance à la nation. Si sa finalité est remarquable, le parrainage républicain est pratiqué de façon inégale sur le territoire, en raison de son absence de fondement juridique. Il m’arrive régulièrement de célébrer des parrainages républicains en lieu et place d’autres maires, qui s’y refusent.
Malgré tout, cette coutume a traversé deux siècles, et nombre de nos concitoyens souhaitent encore faire procéder à cette cérémonie pour leur enfant.
La proposition de loi de notre collègue Yves Daudigny vise à établir une nécessaire égalité de traitement sur le territoire national et à réparer le tort causé à certaines familles auxquelles la cérémonie de parrainage de leur enfant a été refusée.
Si nous partageons cet objectif, conforme au principe d’égalité de traitement des citoyens, les dispositions du texte tendant à faire de cette coutume un acte d’état civil et à élargir le cercle des adultes référents pouvant contribuer à l’éducation et à la protection de l’enfant ne nous ont pas totalement convaincus. À cet égard, je souscris à la réécriture du texte proposée par la commission des lois et son rapporteur, Yves Détraigne.
En transformant la nature du parrainage républicain, la rédaction initiale du texte produisait des obligations matérielles et morales et des conséquences juridiques beaucoup trop lourdes pour le parrain et la marraine. Consacrer leur rôle dans le code civil revenait à s’exposer à un risque de conflit avec certaines dispositions de ce même code en matière de protection des enfants. Que faire, par exemple, en cas d’immixtion des parrain et marraine dans la relation entre parents et enfant, au motif qu’ils estimeraient ce dernier insuffisamment protégé ?
Disposition plus lourde de conséquences encore, la rédaction imprécise de la proposition de loi initiale laissait à penser que, « dans le cas où ses parents viendraient à lui manquer », le parrain et la marraine devraient prendre le relais. À cet égard, il convient de rappeler que le code civil comporte d’ores et déjà des dispositifs juridiques apportant une réponse adaptée à de tels manquements, qu’ils résultent de la défaillance des parents ou de leur disparition.
Au-delà de ces considérations purement juridiques, la commission n’a pas sous-estimé l’effet dissuasif et contreproductif que pourrait avoir l’introduction de ces obligations lourdes de conséquences.
On ne peut exclure, en effet, que le parrain et la marraine puissent voir leur responsabilité civile engagée à l’égard des parents ou de l’enfant lui-même s’ils manquaient à la mission morale à eux confiée. C’est cet engagement moral d’ordre privé qu’il faut privilégier, plutôt que l’établissement d’un acte d’état civil ! Les représentants du ministère de la justice l’ont eux-mêmes souligné lors des auditions réalisées par le rapporteur : faire figurer l’acte de parrainage parmi les éléments de l’état civil d’une personne serait inopportun. Ces informations ne correspondent pas à la notion traditionnelle d’état civil, qui recouvre les attributs essentiels d’une personne, à savoir la filiation, le sexe, le nom, le mariage.
Alors, dans un souci de garantir une égalité de traitement entre les citoyens, tout en limitant les effets juridiques de cette coutume, la commission a fait le choix de consacrer celle-ci dans une loi spécifique. C’est une très bonne solution. Ces dispositions n’avaient pas leur place dans le code civil, a fortiori à la suite du chapitre relatif à l’autorité parentale.