Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui la proposition de loi déposée par mon collègue Yves Pozzo di Borgo, ainsi que par MM. Charon et Dominati.
C’est un texte qui est en prise directe sur la vie quotidienne des Parisiens et qui tend à transformer une situation qu’Yves Pozzo Di Borgo qualifie à juste titre d’« archaïque, incompréhensible et anachronique ».
Alors que l’article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales confie au maire l’exercice de la police administrative générale, Paris déroge à ce système de droit commun : il revient au préfet de police, et non au maire, d’y exercer les pouvoirs de police administrative générale. Voilà donc plus de deux siècles que la municipalité de Paris se voit confisquer le pouvoir de police administrative par le préfet !
Cette confiscation, qui répondait à une nécessité en 1800, ne se justifie plus aujourd’hui. Ce statut dérogatoire, né de l’arrêté du 12 messidor an VIII, vient dès lors contredire aujourd’hui sans raison le principe de libre administration des collectivités territoriales, consacré par les articles 1er et 72 de notre Constitution.
Cette particularité dans notre système décentralisé se heurte à un certain nombre de limites.
La première est la question du budget. Que Paris n’ait pas de police municipale à gérer est une dérogation de fait qui est contestable, mais que, chaque année, la Ville de Paris verse 300 millions d’euros à la préfecture de police, soit 42 % de ses ressources financières, est franchement discutable ! L’ordonnateur de ce budget, je le rappelle, est le préfet de police.
Un problème de responsabilité politique se pose aussi. Comment la police municipale de Paris peut-elle répondre à l’exigence de proximité que nos concitoyens expriment chaque jour davantage quand elle est gérée par le représentant de l’État, qui n’est pas élu et n’est donc pas directement responsable devant les citoyens ? On peut comprendre qu’il soit moins sensible à la gestion des problématiques quotidiennes des Parisiens.
Que les tâches relevant de la police municipale soient assurées par des services régaliens ne peut que nous surprendre. La préfecture de police n’aurait-elle pas davantage vocation à se concentrer sur des missions régaliennes de sécurité, surtout par les temps qui courent, où nous vivons dans la crainte, justifiée, d’actes de terrorisme ?
Peut-on se satisfaire du fait que les policiers nationaux exécutent des missions habituellement confiées à des policiers municipaux, comme le « barriérage » des voies à l’occasion du marathon de Paris ? On peut aussi difficilement considérer comme régaliennes les missions confiées à la brigade d’assistance aux personnes sans abri de Paris, qui mobilise 70 policiers nationaux ! La répartition des rôles, convenez-en, pourrait être améliorée.
On peut dresser le même constat en ce qui concerne le contrôle du stationnement et de la circulation qu’assurent les agents de surveillance de Paris, rémunérés par la mairie de Paris, mais échappant à son contrôle ! Ce mode de gestion est discutable et la chambre régionale des comptes d’Île-de-France a elle-même émis plusieurs réserves à cet égard. Selon ses chiffres, les verbalisations pour non-paiement du stationnement ont diminué de 10 % entre 2007 et 2009 et celles concernant la salubrité ont baissé de 74 %. Il a aussi été confirmé qu’environ 85 % des Parisiens ne payaient pas leur stationnement parce qu’ils savent que le risque de se voir infliger une amende est extrêmement faible.
Le manque d’incitations financières pour le contrôle du stationnement et de la circulation n’encourage pas la préfecture de police à agir. Si ces missions étaient gérées par la Ville de Paris, on pourrait penser qu’elles le seraient avec davantage de pertinence, dans le propre intérêt financier de la Ville, étant donné qu’elle perçoit une partie des recettes des procès-verbaux établis pour les infractions aux règles du stationnement et de la circulation constatées sur son territoire.
Permettre à la municipalité d’assumer ses nouveaux pouvoirs de police reviendrait aussi à lui permettre de déterminer la doctrine d’emploi des agents de surveillance de Paris. Elle pourrait choisir de les affecter soit à la police du stationnement, soit à la circulation, ou encore à la prévention et à la répression des petites incivilités ou des nuisances commises sur la voie publique, en fonction de son évaluation des besoins.
L’ancrage des agents de la police municipale dans chaque arrondissement favoriserait l’efficacité de leur action. Leur connaissance du quartier, de ses habitants et de ses particularités pourrait stimuler les synergies avec les services municipaux, sociaux et les milieux associatifs locaux. Dans ma commune, la police municipale effectue de nombreux signalements auprès des services sociaux et cette pratique présente une véritable utilité au quotidien.
À l’heure où les grandes villes françaises prennent leur envol métropolitain, où des capitales européennes comme Madrid, Berlin ou Bruxelles ne présentent aucun particularisme en matière de police, il est temps que Paris se modernise, entre dans ce mouvement et cesse d’être une ville qui finance une police qu’elle ne contrôle même pas !
Cette proposition de loi a été rédigée en ce sens. Elle vise à attribuer un pouvoir de police générale au maire de Paris. Outre la salubrité publique et les troubles de voisinage, pour lesquels le maire est déjà compétent, la sûreté, l’ordre et la sécurité publique lui sont aussi attribués.
La commission a fait le choix, que nous soutenons, d’aligner le régime de police de la capitale sur celui des communes à police d’État, tout en souhaitant la poursuite de la démarche engagée depuis la loi du 27 février 2002 visant à accorder au maire une compétence globale en matière de stationnement et de circulation.
Le texte initial prévoyait aussi de transférer au maire de Paris certaines polices spéciales, telles que la police du ramonage des cheminées ou l’ensemble de la police des funérailles et des cimetières. En commission, le champ de la proposition de loi a été limité à la police générale et à la police spéciale du stationnement et de la circulation, excluant les autres polices spéciales.
Nous nous rangeons à la position de la commission, qui a jugé plus réaliste d’adopter une démarche progressive, quitte à aller plus loin, le moment venu, en se fondant sur une analyse détaillée de la plus-value d’un transfert de ces compétences.
Pour autant, Paris doit composer avec des contraintes spécifiques, que la proposition de loi initiale n’ignorait d’ailleurs pas.
Les raisons d’intérêt national telles que la protection des institutions de la République, les représentations diplomatiques, ainsi que les manifestations de voie publique, nécessitent des mesures de protection qui doivent être du ressort d’une autorité représentant exclusivement l’État et qui relèvent, par conséquent, de la préfecture de police.
Les travaux de la commission ont permis de clarifier ce texte et nous estimons qu’ils vont dans le bon sens. C’est la raison pour laquelle le groupe UDI-UC votera en faveur de cette proposition de loi.