Intervention de Myriam El Khomri

Réunion du 20 mai 2015 à 14h00
Moratoire sur l'utilisation des armes de quatrième catégorie — Discussion d'une proposition de loi

Myriam El Khomri :

Madame la présidente, madame la vice-présidente de la commission des lois, monsieur le rapporteur, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d’abord de bien vouloir excuser l’absence de M. le ministre de l’intérieur.

La proposition de loi relative à l’usage et à la commercialisation des armes de catégorie B, présentée par la présidente Éliane Assassi et les membres du groupe CRC, porte sur un sujet sensible, qui mérite donc d’être traité avec une grande rigueur.

Ces dernières années, quelques polémiques médiatiques ont pu naître à la suite d’accidents impliquant l’usage de telles armes. Or le rôle des dirigeants politiques, au Gouvernement comme au Parlement, n’est point de céder à l’esprit de polémique, mais bien de faire preuve de responsabilité.

La proposition de loi présentée par les élus du groupe CRC vise, d’une part, à instituer un moratoire sur la commercialisation et l’utilisation des armes de catégorie B, autrement dit des armes intermédiaires telles que les lanceurs de balles de défense, dont les Flash-Ball font partie, ou les pistolets à impulsion électrique, souvent appelés Taser, du nom de leur principal fabricant.

D’autre part, cette proposition vise à compléter l’avant-dernier alinéa de l’article L. 211-9 du code de la sécurité intérieure en précisant que lesdites armes de catégorie B ne peuvent être utilisées par les forces de l’ordre « que dans les circonstances exceptionnelles où sont commises des violences ou des voies de fait d’une particulière gravité et constituant une menace directe contre leur intégrité physique ».

Je tiens d’abord à vous dire, mesdames, messieurs les membres du groupe CRC, que le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, partage naturellement votre souci d’encadrer avec la plus grande rigueur l’usage des armes auxquelles ont recours les forces de l’ordre dans l’exercice de leurs missions.

Chaque jour, policiers et gendarmes risquent leur vie pour protéger nos concitoyens et faire respecter les lois de la République. Nous connaissons tous le prix que, trop souvent, ils paient dans l’accomplissement de leurs missions.

Ainsi, l’année dernière, quatre policiers ont été tués en opération, et près de 9 000 ont été blessés. Depuis le début de l’année 2015, la police nationale déplore la perte de deux agents en mission, tandis que plus de 850 ont été blessés.

La gendarmerie nationale, quant à elle, a perdu en 2014 trois des siens en opération ; cette même année, plus de 1 750 gendarmes ont par ailleurs été blessés au cours d’interventions, et déjà plus de 360 l’ont été depuis le début de cette année.

Depuis plusieurs mois, de nombreux faits de percussions volontaires des policiers et gendarmes sont constatés sur la voie publique, leur causant des blessures graves, parfois même leur décès comme ce fut le cas, voilà quelques semaines, d’un policier de Decazeville. Je peux évoquer aussi les nombreuses embuscades tendues aux forces de l’ordre ou encore les agressions dont les patrouilles font l’objet.

Nous devons tous avoir cette réalité à l’esprit lorsque nous posons la question de l’armement des forces de l’ordre, confrontées à plusieurs formes de délinquance et de criminalité, de plus en plus violentes d’ailleurs. Il nous faut être prudents chaque fois qu’il est question de modifier le cadre juridique qui leur permet d’en faire usage, qu’il s’agisse des armes à feu ou bien, comme c’est le cas aujourd’hui, des armes intermédiaires.

Le Gouvernement, le ministre de l’intérieur au premier chef, comprend la préoccupation qui est celle des auteurs de cette proposition de loi. Comme je l’ai dit, l’utilisation de certaines armes de force intermédiaires a pu, par le passé, provoquer des accidents. Il ne nous semble donc pas anormal que nous posions la question de leur usage.

Pour autant, le Gouvernement ne peut soutenir une telle proposition de loi, qui pose plusieurs problèmes de fond.

Je voudrais dire quelques mots de l’actuelle réglementation en la matière.

Celle-ci encadre déjà très strictement la commercialisation, la distribution et l’utilisation des armes de catégorie B, qui comprend aussi bien des armes à feu de poing et des armes d’épaule – à l’exception des fusils de chasse – que des lanceurs de balles de défense, des armes à impulsion électrique et des aérosols lacrymogènes.

En effet, l’article L. 2332-1 du code de la défense dispose que les entreprises de fabrication et de distribution de telles armes sont soumises à l’autorisation de l’État et placées sous son contrôle.

De même, l’article L. 311-1 du code de sécurité intérieure indique que l’acquisition et la détention des armes de catégorie B sont soumises à autorisation.

Les articles L. 312-3 et L. 312-4 du même code précisent les conditions dans lesquelles peuvent être délivrées les autorisations d’acquisition et de détention de ces armes. Outre les forces de l’ordre, seuls les tireurs sportifs, les entreprises du secteur des activités privées de sécurité et toute personne qui, en raison de ses activités professionnelles, voit sa vie exposée à des risques sérieux, peuvent être autorisés à recourir à ces armes de catégorie B.

Vous le constatez, l’État exerce un contrôle très rigoureux et très poussé sur ces armes, et cela de leur production à leur utilisation. De ce fait, aucune autorisation de détention de pistolets à impulsion électrique, ou Tasers, ou de lanceurs de balles de défense de type Flash-Ball n’a jamais été délivrée à des particuliers.

En conséquence, en vertu de la réglementation actuellement en vigueur, n’importe qui ne peut vendre, acheter, fabriquer ou détenir des armes de catégorie B.

Pourtant, via cette proposition de loi, les sénateurs du groupe CRC entendent interdire la commercialisation et l’utilisation de ces armes « par toute personne », ce qui est déjà le cas ! J’ajoute que, en aucune circonstance, les particuliers ne peuvent détenir des armes de type Taser ou Flash-Ball. À cet égard, le présent texte apparaît donc, en réalité, superfétatoire.

J’en viens à l’usage spécifique que font les forces de l’ordre de ces armes intermédiaires. Sur ce point également, la réglementation en vigueur est très claire.

Je rappelle que les articles D. 211-19 et suivants du code de la sécurité intérieure indiquent notamment que les forces de l’ordre peuvent utiliser, lors d’une opération de maintien de l’ordre public, des lanceurs de balles de défense de type Flash-Ball.

Les forces de l’ordre peuvent également avoir recours à des pistolets à impulsion électrique agissant à distance pour neutraliser des personnes violentes et menaçantes.

Au demeurant, l’usage des pistolets de type Taser est interdit dans le cadre d’opérations de maintien de l’ordre public, par instruction commune des directions générales de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

Certes, les forces de l’ordre sont autorisées à employer le Flash-Ball en vue du maintien de l’ordre. Toutefois, les compagnies républicaines de sécurité, les CRS, et les unités de gendarmerie mobile ne sont pas pourvues de tels équipements.

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