Vous observez que l’usage des armes de catégorie B par les forces de l’ordre est, lui aussi, rigoureusement encadré. Or ces forces, si la présente proposition de loi était adoptée par le Parlement, se trouveraient privées du recours à ces armes intermédiaires, qui, je le répète, sont non létales. De ce fait, toute gradation dans l’usage qu’elles font de la force deviendrait impossible.
L’article 1er du présent texte priverait ainsi, de droit, l’ensemble des forces de sécurité intérieure de toute arme de ce type, quel que soit le cadre juridique de leur utilisation. C’est donc tout un éventail de réponses graduées et proportionnées que les forces de l’ordre n’auraient plus à leur disposition. Or celles-ci peuvent être placées dans des situations impliquant qu’elles fassent usage de la force : l’emploi de cette dernière peut être légitime et nécessaire pour dissuader ou neutraliser une personne violente et dangereuse, tout en évitant de recourir à une arme à feu.
En conséquence, une telle disposition législative laisserait les agents des forces de l’ordre, dans des situations de violence où leur vie même serait menacée, face à l’alternative suivante : ou bien recourir à une arme à feu, c’est-à-dire à une arme létale ; ou bien être dans l’impossibilité de riposter, de se protéger ou de protéger les tiers. Une telle alternative n’est pas acceptable.
De surcroît, s’il était adopté, ce texte remettrait en cause la doctrine française de maintien de l’ordre, laquelle repose sur le refus du contact entre les forces de l’ordre et les personnes menaçant l’ordre public.
Je rappelle que, dans le cadre de cette doctrine, l’usage des armes intermédiaires permet de lutter avec efficacité contre les débordements violents qui accompagnent certains rassemblements organisés ou spontanés sur la voie publique.
Dès lors, adopter cette proposition de loi conduirait à priver les forces de l’ordre des moyens adaptés aux missions de maintien de l’ordre qu’elles doivent assumer. Ce faisant, nous les contraindrions à employer des moyens moins discriminants. Une telle situation ne manquerait pas de nuire à leur capacité de neutraliser et d’interpeller les fauteurs de troubles. J’ajoute que la sécurité d’autres manifestants ou du public s’en trouverait menacée.
Non seulement nous exposerions les forces de l’ordre à des situations de violence pouvant menacer leur intégrité physique, mais nous les placerions dans une position impossible, les contraignant, là encore, à faire usage d’armes létales pour se défendre.
En réalité, au regard du but visé, cette proposition de loi paraît contreproductive. En effet, interdire les armes intermédiaires revient à autoriser l’usage des armes à feu, donc des armes létales.
Depuis une quinzaine d’années, on constate que l’utilisation par les forces de l’ordre des armes non létales a entraîné une nette diminution, un recul continu de l’usage des armes létales. Et l’on prendrait le risque d’inverser une telle tendance, de revenir sur un tel progrès ? Je ne peux l’imaginer. En tout cas, ce n’est pas la volonté du Gouvernement.
Le risque serait d’autant plus élevé que l’on constate parallèlement – je l’ai dit au début de mon intervention – une augmentation des agressions dirigées contre les forces de l’ordre au cours des dernières années. Dans un tel contexte, il n’est pas opportun de réduire les moyens dont celles-ci disposent pour y faire face.
Nous devons donc faire confiance aux femmes et aux hommes qui composent nos forces de l’ordre, ces femmes et ces hommes qui nous protègent au quotidien contre toutes les menaces et toutes les violences susceptibles de miner la société. Confrontés à des situations de plus en plus difficiles, ils font preuve d’un grand sang-froid dans l’exercice de leurs missions.
En effet, les conditions juridiques de l’usage des armes, qu’il s’agisse d’ailleurs des armes à feu ou des armes intermédiaires, ont été parfaitement intériorisées par les agents des forces de l’ordre, selon trois principes cardinaux. Premièrement, le danger doit être réel et actuel. Deuxièmement, la riposte doit relever d’une absolue nécessité. Troisièmement, elle doit être proportionnée à la menace.
Je ne puis manquer d’évoquer les accidents provoqués par les armes intermédiaires, notamment les Flash-Balls et les pistolets de type Taser, lesquels sont à l’origine de cette proposition de loi.
Il est inutile de le nier, il y a eu des accidents, mais, en réalité, ils sont rares : leur nombre est très faible. En 2013, l’Inspection générale de la police nationale, l’IGPN, a ainsi été saisie de neuf faits, trois concernant l’usage d’un Taser et les six autres concernant des lanceurs de balles de défense.
En outre, l’année dernière, dix-sept procédures judiciaires ont été diligentées par l’IGPN. Parmi elles, dix concernent l’usage d’un lanceur de balles de défense et les sept autres l’usage d’un pistolet de type Taser. Enfin, depuis le début de l’année 2015, trois procédures judiciaires ont été ouvertes par l’IGPN. Toutes ont pour objet l’usage du pistolet de type Taser. Le nombre d’accidents reste donc faible. Toutefois, si les armes intermédiaires sont non létales, c’est-à-dire non destinées à tuer, elles n’en sont pas moins des armes. Leurs effets ne doivent pas être sous-estimés.
Madame Assassi, je le répète, le Gouvernement comprend l’esprit dans lequel vous avez déposé votre proposition de loi.
C’est ce même esprit qui a conduit le ministre de l’intérieur à engager une réforme de l’armement intermédiaire dont disposent les forces de l’ordre. Vous l’avez souligné vous-même, les lanceurs de 44 millimètres de type Flash-Ball manquent de précision, ce qui a parfois pu provoquer des accidents. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement procède à leur remplacement progressif par des lanceurs de 40 millimètres à visée laser, qui permettent à nos agents de gagner en précision lorsqu’ils procèdent à un tir de balle de défense.
La réforme est donc en cours : dans des délais réduits, le Flash-Ball ne sera plus du tout utilisé. Pour autant, dans l’intervalle, un moratoire sur les armes intermédiaires serait contre-productif et pourrait avoir des conséquences extrêmement dangereuses : nous ne pouvons pas nous permettre de désarmer nos forces de l’ordre.
Enfin, je tiens à vous apporter quelques précisions quant au dossier du rapprochement entre la police et la population. En tant que secrétaire d’État chargée de la politique de la ville, je me consacre à ce travail depuis plusieurs mois, ainsi que Bernard Cazeneuve.
À ce titre, MM. Cazeneuve et Kanner et moi-même avons cosigné une circulaire le 25 mars dernier et lancé un appel à projets de plus d’un million d’euros en direction des territoires, pour faire remonter des propositions de rapprochement entre la police et la population, notamment de la part du tissu associatif.
Parallèlement, nous avons décidé la création d’une cellule nationale. Cette structure, inédite, permettra de réunir des représentants des associations et des forces de l’ordre, afin d’étudier toutes les problématiques émergeant des territoires et de valoriser au mieux les initiatives qui portent leurs fruits – je songe notamment aux délégués police-population, que nous avons déployés dans plusieurs commissariats. Ces personnels viendront en appui des fonctionnaires de police, dons nous renforçons actuellement les effectifs par la voie de nouveaux recrutements.