Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, s’agit-il d’un paradoxe ou d’un hasard du calendrier ? Comme l’a relevé le réseau d’alerte et d’intervention pour les droits de l’homme, le RAIDH, le président des États-Unis, Barack Obama, conscient de l’effet délétère, vis-à-vis de la population, du surarmement des forces de police, vient d’interdire la dotation des forces de l’ordre américaines en équipements militaires. C’est là une première leçon tirée des récentes émeutes de Ferguson.
Quand elle porte ses regards de l’autre côté de l’Atlantique, la France préfère-t-elle s’inspirer des erreurs commises ou des corrections qui leur sont apportées ?
Bien sûr, notre pays n’a pas connu de drames comparables à celui de Ferguson, ni d’actes racistes commis par les forces de l’ordre assimilables à ceux qui ont, il y a peu de temps encore, frappé les États-Unis. Toutefois, de telles situations ne peuvent manquer de nous interpeller.
Les armes dont nous débattons aujourd’hui ont officiellement pour fonction de tenir à distance un attroupement devenu source de violence ou de neutraliser une personne dangereuse pour elle-même ou pour autrui, en minimisant les risques et en évitant le recours, incomparablement plus dangereux, aux armes à feu.
À condition d’être convenablement utilisées, ces armes seraient conçues pour que la cible visée ne soit ni tuée ni blessée grièvement, mais « impressionnée » – c’est là le terme employé par le ministère de l’intérieur, qui, en 2002, a généralisé l’usage de ces dispositifs. Pourtant, la multiplication des incidents met au jour la dangerosité de ces armes. Ma collègue Éliane Assassi a exposé en détail ce risque sanitaire, et je n’y reviendrai pas.
Ces armes servent de plus en plus souvent comme moyens offensifs, pour la dispersion des attroupements et des manifestations.
En principe, la police ne peut les employer qu’en cas de légitime défense ou en « état de nécessité », à une distance définie selon leur type. Or force est de constater que, dans l’écrasante majorité des cas, les forces de l’ordre n’emploient ces armes ni en position de légitime défense ni dans cet état de nécessité que considèrent prioritairement les procédures internes.
Depuis plusieurs années, l’armée, la police et la gendarmerie nationales disposent de ces équipements. Depuis 2008, les polices municipales sont également habilitées à employer ces armes, au rang desquelles figurent le lanceur de balles de défense et les pistolets à impulsion électrique. Ces armes sont devenues une source permanente de dérapages, voire de bavures.
Il nous semble donc absolument nécessaire d’encadrer strictement toutes les formes d’utilisation de ces armes non létales, afin de prévenir les dérives et les risques sanitaires auxquels leur utilisation donne lieu. Il s’agit notamment de retisser et de renforcer le contrat de confiance, indispensable en République, entre la population et la police, la seconde étant présente avant tout pour protéger la première. Un autre texte de loi nous donnera bientôt l’occasion de revenir sur ce sujet.
Cet impératif est d’autant plus fort qu’il faut protéger le droit imprescriptible de manifester et le droit d’expression des mouvements sociaux, qui ne sauraient être soumis à une pression policière tendant à les marginaliser, voire à les criminaliser. On a pu constater cette tentation en diverses circonstances. En tant que sénatrice de la Loire, j’ai bien entendu à l’esprit la bataille des « cinq » de Roanne.