Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, questionner l’usage des armes dans notre société résonne de manière particulière dans les temps que nous connaissons.
Aujourd’hui, des conflits armés, dont certains se déroulent sur notre continent, sévissent dans de nombreux pays. Ensuite, le terrorisme menace directement les pays occidentaux, notre pays en ayant profondément souffert en ce début d’année. Enfin, la commercialisation des armes est réglementée dans notre pays, alors qu’elle est libre dans certains autres, ce que l’actualité vient d’illustrer tragiquement outre-Atlantique.
Ces problématiques qui concernent le législateur, bien qu’à des échelons très distincts, me semblent néanmoins les préalables indispensables à la mise en perspective de notre débat. De quoi discutons-nous en réalité dans la proposition de loi examinée aujourd’hui ?
Nous débattons de l’usage par nos forces de l’ordre d’armes de dissuasion, qui a été généralisé par la loi en 2002 et dont la classification ne correspond plus désormais à celle qui figure dans le présent texte.
Les armes évoquées, qu’il s’agisse de lanceurs à balles de défense ou de pistolets à impulsion électrique, sont aujourd’hui regroupées sous les catégories B et D, en fonction de leur composition – mécanique ou plastique, par exemple, pour les Flash-Ball.
Qu’en est-il, aujourd’hui, de l’utilisation de ces armes de dissuasion par les forces de l’ordre ? En France, tous les policiers ne sont pas armés. En 2013, sur près de 20 000 policiers municipaux que compte notre pays, quelque 82 % sont armés et seuls 39 % sont équipés d’une arme à feu.
N’oublions pas, par ailleurs, que l’ensemble des équipements est attribué nominativement, à la demande de chaque maire, et après validation des services de la préfecture. Les critères d’attribution d’armes sont stricts et définis par le code de la sécurité intérieure. Toute arme détenue par un policier est donc soumise à autorisation.
Mes chers collègues, s’il nous prenait l’envie de vouloir acheter une arme de catégorie D en vente libre, rien ne nous en empêcherait et nous pourrions quitter l’armurerie avec, par exemple, une bombe lacrymogène en poche ! Rien de tel pour un policier, qui, pour la détention du même type d’armes, sera soumis – il le faut, dans l’intérêt de tous ! – à une autorisation en préfecture, accompagnée d’un certificat médical d’aptitude de moins de deux semaines.
Croyons-nous, enfin, que l’usage de ces armes par les forces de l’ordre soit hasardeux ?
Malgré, d’une part, les conditions de formation spécifiques aux armes utilisées – seuls ceux ayant obtenu la formation ad hoc sont ainsi autorisés à faire usage d’un Flash-Ball par exemple –, et, d’autre part, les conditions de formation continue obligatoire annuelle pour les armes des catégories B et D, il semblerait que les auteurs de la proposition de loi aient oublié que les policiers sont strictement limités dans l’usage de leurs armes aux cas de légitime défense.
En employant ces mots, je ne peux m’empêcher de saluer la mémoire des policiers lâchement assassinés lors des attentats de janvier dernier. Aurait-il pu en être autrement s’ils avaient eu les moyens de se protéger et d’assurer leur défense ? J’évoque ainsi la question de la protection que nous accordons à nos forces de l’ordre, absente du texte dont nous discutons, et pourtant fondamentale. Selon les secteurs, et à la discrétion du maire, il conviendrait, à mon sens, d’armer notre police pour qu’elle assure tant notre protection que la sienne.
Les responsables publics doivent donc s’interroger en conscience sur les moyens qu’ils décident de consacrer à la protection de leurs agents, alors que le coût d’un gilet pare-balles oscille entre 700 euros et 1 000 euros.
Si la « protection de la liberté de manifestation et d’expression des mouvements sociaux », telle qu’elle est rappelée dans l’exposé des motifs de la proposition de loi dont nous débattons, me semble primordiale, elle est néanmoins garantie en l’état actuel de la législation. En revanche, c’est peut-être moins le cas pour la protection effective de nos forces de l’ordre !
Je souhaiterais évoquer le cas de la ville d’Évreux, dont je suis élue. La protection de la population, qui avoisine 50 000 habitants, y est assurée par une police municipale, composée seulement de vingt-deux policiers municipaux, de sept agents de surveillance de la voie publique, de deux agents affectés à la vidéosurveillance et de quatre agents administratifs.
Pour l’ensemble de ces agents, la police municipale d’Évreux dispose de six Flash-Ball de catégorie B, ainsi que de diverses armes de catégorie D, en particulier des aérosols lacrymogènes et des bâtons de défense. Aucune de ces armes n’a été utilisée depuis le début de l’année.
Mes chers collègues, vous ne serez pas surpris que, au terme de ce propos, je me prononce en défaveur de tout moratoire qui reviendrait à interdire aux forces de l’ordre de faire usage des armes que la loi leur permet d’utiliser, y compris contre des attroupements ou manifestations. À mes yeux, c’est la protection qui prime : celle de la population, mais également celle des hommes et des femmes chargés de veiller sur elle, lorsqu’eux-mêmes se sentent en danger.
S’il est une question dont la Haute Assemblée devrait se saisir, me semble-t-il, c’est celle du contrôle de la commercialisation, de la détention et de la circulation des armes dans notre pays !