Les directives en matière de droit du travail constituent systématiquement un recul pour les droits sociaux des salariés français. L'harmonisation qui est proposée organise en réalité le dumping social.
Alors que l'Union européenne devrait être le moteur du progrès social partagé entre les peuples, c'est en réalité une spirale du déclin. C'est aussi pour cette raison que, le 29 mai dernier - souvenez-vous -, les citoyens français ont rejeté le traité de Constitution européenne qui gravait dans le marbre ces politiques libérales.
Ce projet de loi ratifiant l'ordonnance du 12 novembre 2004 portant transposition de directives communautaires et le décret qui en découle concoctent un droit du travail sur mesure pour le patronat du secteur des transports, dont on connaît l'avant-gardisme...
Je le répète : en relevant le seuil de la durée maximale hebdomadaire de travail des conducteurs, en supprimant la notion de durée maximale annuelle de travail, en instituant le droit de décompte de la durée du travail sur trois mois - ce qui supprime en moyenne trente-deux jours de repos compensateur - et en maintenant les équivalences, le décret va en outre faire disparaître un nombre important d'infractions qui, jusqu'à présent, étaient relevées et sanctionnées, alors même que les abus sont manifestes et les moyens mis à disposition des contrôleurs bien insuffisants.
Je rappelle qu'une entreprise est contrôlée en moyenne tous les huit ans et que plus de 20 % des infractions relevées le sont pour entrave au respect de la durée légale du travail.
Pour assurer l'ensemble des contrôles, ce sont cinquante postes supplémentaires de contrôleur du travail qu'il faudrait créer. Le Gouvernement n'en a prévu que trois pour l'année 2005 !
Dans ces conditions, il va sans dire que le contrôle du respect par les employeurs des dispositions sur les rémunérations, la durée du travail et les normes de sécurité ne sera pas efficace.
Tout le monde aurait-il déjà oublié les accidents mortels qui sont survenus ces derniers mois et qui ont impliqué des conducteurs âgés de plus de soixante-dix ans, certains n'étant même pas titulaires du permis de conduire, d'autres - parfois les mêmes - n'ayant pas de contrat de travail ?
Bref, le discours généreux sur la sécurité routière ne pèse pas bien lourd et reste hélas pour l'ensemble des conducteurs concernés et pour les autres usagers de la route, ces usagers que vous sacrifiez facilement aux intérêts du patronat des transports, une préoccupation de façade.
Les conducteurs sont soucieux de la sécurité routière. Ils désireraient être des piliers dans la prévention et dans la lutte contre ce fléau. Il suffit pourtant de les écouter vous expliquer leurs conditions de travail, la pénibilité de leur profession et les rythmes imposés par l'employeur pour être vite convaincu des dégâts que causeront ces mesures !
La lutte contre l'insécurité routière suppose un préalable : que ne soit pas ignorée la question de la durée de travail.
J'ajoute que ces modifications de la législation sur le travail laissent aux employeurs la possibilité de dégrader irrémédiablement les conditions de travail des conducteurs de messagerie et de transport de fonds. Ces secteurs ne sont nullement concernés par la concurrence et ne doivent pas faire partie du champ d'application des mesures concernées !
En définitive, l'ordonnance qu'il nous est proposé de ratifier va au-delà d'une simple transposition des directives européennes en droit interne. Elle bouleverse la réglementation de la durée du travail, dans le sens - bien sûr - du moins-disant social.
En conséquence, elle ne peut être considérée comme une transposition légale des directives, et elle est même non conforme à leurs prescriptions. C'est d'ailleurs le sens du recours intenté devant le Conseil d'Etat par une organisation syndicale de salariés.
La ratification de cette ordonnance, ainsi que la modification du décret n° 83-40 qui est intervenue, entraînera un retour en arrière de quinze ans s'agissant des conditions de travail des conducteurs. La sécurité des transporteurs, ainsi que, par ricochet, celle des usagers de la route, est aussi mise à mal.
C'est cette construction européenne ultralibérale qui a été rejetée par 55 % de nos concitoyens le 29 mai dernier. Le temps passe, et le Gouvernement n'a rien entendu !
Le dogme de la rentabilité immédiate conduit à considérer le coût du travail comme un handicap structurel à la compétitivité des entreprises, les deux rapporteurs viennent de nous le rappeler. A l'inverse, pour nous, le travail n'est pas un coût, c'est la richesse même des entreprises. Ainsi, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, seule une législation sociale qui offre de réelles garanties aux salariés peut permettre un développement économique harmonieux et durable.
C'est pourquoi nous voterons résolument contre ce projet de loi de ratification.