Intervention de François Fortassin

Réunion du 20 mai 2015 à 14h00
Débat sur le rétablissement de l'allocation équivalent retraite

Photo de François FortassinFrançois Fortassin :

Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, la suppression de l’allocation équivalent retraite, ou AER, survenue le 1er janvier 2011 a engendré une grande précarité pour de nombreux seniors, épargnant seulement ceux dont les droits à cette allocation avaient été ouverts avant cette date.

Revenons aux racines de l’histoire : pourquoi l’AER a-t-elle été créée ? Mise en œuvre en 2002, elle visait initialement à rétablir davantage de justice sociale pour les seniors ayant cotisé suffisamment de trimestres pour toucher leur pension de retraite mais n’ayant pas acquis l’âge minimum pour y avoir droit, se trouvant ainsi dans une situation de grande précarité.

Cette allocation permettait de pallier les injustices en matière d’emploi des seniors, souvent considérés à tort comme des « poids » et non comme de réels atouts par les entreprises, les rendant ainsi davantage exposés aux licenciements économiques et aux ruptures conventionnelles.

Souhaitant supprimer l’AER dès 2009, Nicolas Sarkozy avait été contraint de la reconduire exceptionnellement en 2009 et en 2010 en raison de la « détérioration du contexte économique ». En 2011, il l’a en quelque sorte rétablie de façon partielle et pour un nombre très limité de bénéficiaires en créant l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS.

En 2011, l’AER concernait près de 800 000 seniors. Selon un rapport fait au nom de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale par le député Jean-Patrick Gille, en 2012, le coût annuel de l’AER pour l’État était d’environ 229 millions d’euros, somme qui aurait fortement augmenté si le dispositif était resté ouvert.

On ne peut nier qu’il s’agit d’une charge importante pour l’État. En comparaison, l’ATS représentait en 2012 environ 10 millions d’euros. L’État a donc réalisé une économie importante.

Cependant, cette économie n’a pas été sans incidence pour de nombreux seniors, comme je le rappelais au début de mon intervention, qui se sont trouvés dans une grande précarité. Pour la seule année 2010, on estime qu’environ 45 000 anciens salariés supplémentaires auraient pu bénéficier de l’AER si le dispositif n’avait pas été supprimé. Nous ne pouvons pas laisser ces personnes dans la précarité. Dans ces conditions, le rétablissement de l’AER se pose.

Dès novembre 2012, le Gouvernement, par la voix notamment de Michel Sapin, s’y était opposé, considérant ce dispositif comme une mesure « passive » très coûteuse, ne favorisant pas un réel retour à l’emploi pour les seniors. L’objectif du Gouvernement est ainsi de restaurer l’employabilité des personnes, notamment des seniors, via la formation, l’accompagnement des projets et la sécurisation des parcours professionnels.

Un certain nombre de mesures concrètes ont d’ailleurs été prises, parmi lesquelles on peut citer la création de contrats aidés dans le secteur marchand pour ce type de salariés, la création de 100 000 formations prioritaires de Pôle emploi destinées aux seniors, le doublement en 2015 de la prime de contrat de génération en cas d’embauche d’un senior et d’un jeune, incitant au maintien et à l’embauche des seniors.

La politique du gouvernement actuel en matière de précarité des seniors est donc davantage tournée vers la lutte contre le chômage de longue durée et vers un réel retour à l’emploi, « qui reste le meilleur rempart contre les difficultés financières et la précarité ». Je partage bien évidemment cet objectif.

Toujours d’après le rapport de Jean-Patrick Gille, le rétablissement de l’AER serait estimé à 500 millions d’euros par an. Il est clair que nous ne pouvons pas prévoir de telles dépenses en période de restrictions budgétaires, à moins qu’elles ne soient directement tournées vers la création d’emplois. Néanmoins, nous devons agir pour nos seniors au chômage, le temps que les dispositifs mis en place par le Gouvernement fassent leurs preuves et qu’ils provoquent un réel regain d’employabilité.

Le 11 mars dernier, l’allocation transitoire de solidarité a été étendue aux demandeurs d’emplois nés en 1954, en 1955 et en 1956 n’ayant pas atteint l’âge légal de départ à la retraite mais justifiant des trimestres requis ; concrètement, cela signifie que les personnes âgées de 58 ans ou plus susceptibles de bénéficier d’une retraite à taux plein peuvent percevoir cette aide.

Cette situation me semble loin d’être inacceptable. Bien entendu, on peut encore assouplir les critères, afin qu’un nombre plus important de citoyens de plus de 55 ans puissent bénéficier de ces mesures.

Si je suis contre le fait de prévoir structurellement une allocation pour pallier le défaut d’employabilité des seniors, il m’apparaît indispensable de la maintenir en période de conjoncture économique difficile ; aussi l’ATS est-elle à mon sens un outil en adéquation avec la situation et doit être renouvelée tant que la situation du marché de l’emploi ne sera pas meilleure.

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