Intervention de Claude Domeizel

Réunion du 11 juillet 2005 à 21h30
Ratification d'une ordonnance relative à l'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports — Adoption définitive d'un projet de loi

Photo de Claude DomeizelClaude Domeizel :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en ces temps de dessaisissement des prérogatives législatives du Parlement, ce projet de loi apparaît, somme toute, plutôt commun, puisqu'il renvoie lui-même à une ordonnance prise le 12 novembre dernier transposant les directives communautaires de 2000 et 2002, qui devaient faire l'objet d'une transposition en droit interne avant le 23 mars 2005.

Il est donc question de modifier le code du travail en matière d'aménagement du temps de travail dans le secteur des transports. Néanmoins, il faut noter que cette ordonnance renvoie elle-même au décret du 31 mars 2005, qui en constitue le signifiant.

Permettez-moi de m'attarder quelque peu sur le secteur du transport en France, plus particulièrement sur le secteur routier, le plus important, puisque l'article unique de l'ordonnance exclut les personnels sous statut.

Le transport routier compte 42 000 entreprises qui emploient directement 330 000 salariés, auxquels s'ajoutent 100 000 autres qui en dépendent organiquement ; 32 000 entreprises comptent moins de cinq salariés, alors qu'elles ne sont que 546 a en avoir plus d'une centaine. Essentiel à notre économie, ce secteur réalise un chiffre d'affaires annuel de 30 milliards d'euros.

Sur la forme, cette ordonnance est le fruit d'un intense travail de collaboration entre une partie du patronat de ce secteur et le Gouvernement. Malheureusement, les syndicats n'ont eu droit, quant à eux, qu'à une simple information.

Initialement, cette ordonnance aurait dû ne concerner que les 20 000 à 30 000 routiers « longue distance » qui sont effectivement soumis à rude concurrence. Toutefois, monsieur le ministre, fidèle au credo ultralibéral et thatchérien de votre gouvernement, vous ne vous en êtes pas tenu là. Non seulement vous avez étendu le champ d'application de cet aménagement du temps de travail aux 300 000 chauffeurs, mais, en outre, vous vous êtes employé à poursuivre l'oeuvre de régression sociale, de précarisation et de remise en cause des acquis sociaux.

Cette politique est d'autant plus scandaleuse que vous instrumentalisez le droit européen pour diminuer la protection des salariés. Il est pourtant très clair que le droit européen n'impose pas de remettre en cause la législation française applicable aux chauffeurs routiers.

Mais revenons dans le détail aux dispositions contenues dans cette ordonnance et dans ce décret, véritable fondement du recul social organisé par le Gouvernement.

Ainsi, la durée hebdomadaire du travail passe de quarante-huit heures à cinquante-deux heures pour les chauffeurs « courte distance », et de cinquante heures à cinquante-trois heures pour les chauffeurs « longue distance ».

Non content de ce recul, le Gouvernement a modifié la réglementation du travail de nuit. Il sera compris non plus entre vingt et une heures et six heures, mais entre vingt-deux heures et cinq heures du matin. Cette redéfinition aura automatiquement un impact sur les compensations horaires.

Ajoutons qu'en faisant passer la période de référence de un à trois mois, et même à quatre mois, les employeurs vont pouvoir non seulement procéder à des lissages permettant de reporter les repos compensateurs, mais aussi soumettre les chauffeurs à des semaines de conduite plus denses. Ces modifications de l'enveloppe trimestrielle de temps de service librement utilisable, dans la limite du respect de plafonds hebdomadaires, entraîneront mécaniquement, bien évidemment, le relèvement du seuil de déclenchement des heures supplémentaires.

Soyons concrets, un employeur pourra faire travailler consécutivement un chauffeur « longue distance » cinquante-six heures par semaine pendant deux mois et demi. Au regard des nouveaux seuils de déclenchement d'heures supplémentaires, mais également de repos compensateur, le chauffeur perdra de l'argent. Dans le coût global d'exploitation, compte tenu que le poste de dépense de chauffeur correspond à 29 % pour le transport « longue distance » et à 42 % pour le transport de « courte distance », on comprend mieux ce qui a incité le Gouvernement à élargir le champ d'application de la directive !

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