Vous disiez : « travailler plus pour gagner plus » ; la réalité, c'est : « travailler plus pour gagner moins » ! Car votre seul souci est de faire de la masse salariale la seule et unique variable d'ajustement. Il ne s'agit, ni plus ni moins, que d'un scandaleux marché de dupes !
La majorité des organisations syndicales de salariés a introduit devant le Conseil d'Etat un recours en annulation contre l'ordonnance du 12 novembre 2004. Vous nous demandez, en quelque sorte, de légaliser un texte qui fait l'unanimité contre lui parmi les chauffeurs routiers. Nous ne pouvons vous suivre.
Par cette action en justice, les syndicats veulent tenter de démonter que l'ordonnance constitue un « moins-disant social ». La dégradation des conditions de travail que vous organisez sciemment me semble d'autant plus grave que, selon de toutes récentes enquêtes de la Caisse nationale d'assurance maladie, le secteur du transport est le secteur qui, avec celui du BTP, enregistre la plus importante hausse des accidents de travail. En procédant de la sorte, vous ne pourrez qu'accentuer ce mouvement.
Qui plus est, comment ne pas penser que cet allongement du temps de travail aura irrémédiablement des conséquences négatives sur la sécurité routière ?
Monsieur le ministre, ce projet de loi est dangereux à plus d'un titre.
Il est dangereux socialement, car il constitue une dégradation des conditions de travail qui nous fait revenir quinze ans en arrière et qui réduit à néant les espérances et les améliorations nées de la signature du « contrat de progrès ». De plus, il accentue l'antagonisme qui existe entre vie familiale et conditions d'exercice de la parentalité, d'une part, et vie professionnelle, d'autre part. A quelques heures près, cet aspect est d'autant plus choquant que ce thème constitue l'un des axes forts du texte sur « l'égalité salariale », que votre gouvernement soumettra au Sénat demain matin.
Ce projet de loi est également dangereux économiquement. Si le transport routier sous pavillon français connaît d'incontestables difficultés, n'eut-il pas été plus efficace, par exemple, d'oeuvrer en faveur d'une harmonisation européenne des taxes sur le gazole ? Ce poste de dépense correspond, en effet, à près du cinquième des coûts d'exploitation globaux. N'eut-il pas été essentiel, aussi, de réglementer les délais de paiement anormalement longs qui asphyxient nombre d'entreprises, les privent de leur capacité d'investissement et, à terme, nuisent à leur compétitivité ? De même, ne faudrait-il pas entreprendre une refonte de la politique tarifaire, afin que les transporteurs puissent être rémunérés au juste prix ?
Plus globalement, monsieur le ministre, le Gouvernement n'aurait-il pas pu s'engager fermement pour que l'harmonisation sociale se concrétise non pas sur un « moins-disant social », mais plutôt sur le contraire ? A cet égard, pourquoi n'a-t-il pas profité du fait que Bruxelles procède actuellement à la réécriture de la directive de 1993, qui fixe les limites extrêmes du temps de travail, pour défendre cette position ?
En fait, votre choix est clair. Depuis trois ans, malgré les échecs économiques que confirme le nombre de chômeurs, malgré l'état plus que préoccupant des finances publiques, malgré les revers électoraux, malgré les manifestations d'opposition et de colère de millions de nos concitoyens, vous n'avez cessé de faire de la régression sociale l'alpha et l'oméga de votre politique économique et sociale. Mais, cette fois, vous ne pourrez pas faire porter la responsabilité à l'Europe, car elle n'y est pour rien. Cet immense gâchis sera de votre seule responsabilité !
Par conséquent, nous nous opposerons résolument à ce texte inique.