Intervention de Joël Guerriau

Réunion du 20 mai 2015 à 21h30
Protection des installations civiles abritant des matières nucléaires — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Joël GuerriauJoël Guerriau :

Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’industrie nucléaire française est le résultat de choix courageux réalisés par l’État dans les années cinquante dans le domaine militaire, puis dans les années soixante dans le domaine civil. Notre réseau de centrales nucléaires nous permet d’équilibrer nos besoins énergétiques en alimentant la demande continue d’énergie sur l’ensemble de notre territoire. Depuis soixante ans, le nucléaire fait partie de notre quotidien. C’est un héritage à entretenir et à transmettre, faute d’alternatives équivalentes, pour garantir à terme une véritable transition énergétique.

Toutefois, si cette technologie, assurant une part de l’indépendance énergétique de notre pays, est une réponse adaptée aux besoins des Français, elle présente des risques.

Depuis les événements de Fukushima, nous savons à quel point nos sociétés sont exposées au risque naturel, dont les conséquences, nous le savons également, peuvent être extrêmement graves sur un site nucléaire. Le risque n’est plus seulement lié à des défaillances techniques et humaines, comme ce fut le cas lors de la catastrophe de Tchernobyl ; il peut se présenter sous d’autres formes, que nous devons également prendre en considération.

À la suite des orientations historiques de sa politique énergétique, la France est devenue le pays le plus équipé. Elle est par conséquent particulièrement exposée.

À cet égard, l’Autorité de sûreté nucléaire applique de nouvelles normes afin de renforcer la sécurité de nos centrales. Toutefois, les questions sécuritaires demeurent face à de nouvelles menaces. Ainsi, nous devons rester en alerte au regard de l’activisme et du terrorisme, véritables défis. Nous savons à quel point notre pays est exposé à des attaques de natures diverses. Nous ne pouvons pas exclure le risque d’intrusion au cœur d’une centrale nucléaire, dont les conséquences pourraient provoquer des dommages à la fois irrémédiables et d’une ampleur sans précédent pour notre territoire.

Le risque nucléaire est imprévisible. Il peut prendre d’innombrables formes : la volonté de nuire, l’erreur humaine, la défaillance technique, une catastrophe géologique ou climatique. Il suffit qu’il se réalise une fois pour créer des dommages irréparables. Dès lors, tout doit être mis en œuvre pour faire face à cette menace et éviter le pire.

La proposition de loi relative au renforcement de la protection des installations civiles abritant des matières nucléaires vise à sanctionner les auteurs d’actes présentant des risques identifiés, connus, prévisibles, en l’occurrence de malveillances intentionnelles, d’intrusions indésirables et d’infractions.

Il en va ainsi des survols de drones, phénomène nouveau. Près de soixante-sept survols, aux origines et intentions inconnues, nous conduisent à nous interroger. Personne ne peut dire qui sont les auteurs de ces actes : plaisantins en mal d’adrénaline, militants écologistes, industriels testant leur matériel, espions ou terroristes potentiels ? De même, la recrudescence d’intrusions de militants antinucléaires force à faire évoluer les dispositions applicables à la sécurité des sites.

Vous l’avez rappelé, monsieur le secrétaire d’État, il est urgent de résoudre le problème des incursions dans les centrales et du survol de celles-ci par des drones. En effet, si de tels agissements avaient des motivations plus dangereuses que celles qui sont constatées actuellement, la situation deviendrait critique. Protéger les centrales nucléaires est un enjeu de sécurité nationale.

Du côté des pouvoirs publics, le Livre blanc a bien mis en évidence que le nucléaire était un secteur vital pour notre pays, mais sensible au regard de l’impérieuse nécessité d’assurer la sécurité et l’approvisionnement énergétique. Notre droit positif, notamment le droit pénal, restait cependant désarmé face à cette nouvelle génération de risques.

Nous devons lever cette incertitude, en apportant à nos concitoyens des éléments de réponse aux craintes d’un attentat nucléaire sur notre sol. Il est nécessaire de préparer l’avenir et de parer les carences de notre système répressif en la matière. Face à cette nouvelle menace, l’inadaptation du droit pénal – cela a été rappelé – conduit le juge à retenir des qualifications sous-dimensionnées et inadaptées ; je pense notamment à la violation de domicile, prévue par l’article 226-4 du code pénal et punie d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende. Notre droit doit évoluer.

Par ailleurs, la sanction est d’autant moins dissuasive qu’elle ne s’applique que si l’effraction est constatée. Elle est répressive, mais elle ne dissuade ni le terroriste ni le militant antinucléaire.

Dans le prolongement des recommandations de l’Agence internationale de l’énergie atomique, la présente proposition de loi vise à instituer une infraction et des sanctions afin de protéger du risque d’intrusion les installations civiles abritant des matières nucléaires.

Le texte initialement déposé prévoyait de renforcer les conditions d’accès aux installations nucléaires civiles en classant celles-ci parmi les « zones de défense hautement sensibles ». Ce classement permet de dégager des militaires des pelotons spécialisés de protection de ces sites de toute responsabilité pénale et de les autoriser à faire usage de la force armée, si nécessaire, après avoir suivi un protocole bien établi.

Ce dispositif a profondément évolué lors de l’examen de la présente proposition de loi par l’Assemblée nationale. L’article 1er crée désormais un dispositif pénal spécifique au délit d’intrusion dans les installations civiles abritant des matières nucléaires. Il permet ainsi de graduer la gravité de l’effraction ; il prévoit un système de peines complémentaires et trois niveaux de circonstances aggravantes, pouvant porter les condamnations à plus de sept ans d’emprisonnement et à 100 000 euros d’amende.

Cette orientation nous paraît plus adaptée à une logique de dissuasion des incursions sauvages par le droit. L’Assemblée nationale nous a fourni un texte respectueux des libertés publiques et qui apporte des garanties à notre État de droit. Chacun demeure libre d’exprimer ses opinions et ses engagements politiques, mais dans la stricte voie de la légalité et dans le respect de la sécurité de tous. Les militants antinucléaires ne sont donc pas lésés.

Personne ne gagne à répandre la peur au sein de notre société. La peur elle-même n’est pas propice au débat démocratique. La question de la sûreté nucléaire est trop lourde de conséquences pour être traitée sous le coup de la panique et de l’angoisse des incursions militantes.

Cela étant, un équilibre normatif ressort du texte. C’est pourquoi, fort de ces avancées, le rapporteur et la commission ont fait le choix de ne pas modifier la présente proposition de loi et de se prononcer en faveur d’un vote conforme, afin d’en accélérer la promulgation.

Je tiens à saluer tout particulièrement la grande qualité du travail de Xavier Pintat, spécialiste reconnu de ces questions. En tant que rapporteur, il a sagement complété l’information mise à disposition par l’Assemblée nationale, tout en respectant la qualité du texte.

Aussi, compte tenu de l’urgence à prendre des mesures efficaces, les sénateurs du groupe UDI-UC voteront en faveur du renforcement de la sécurité des sites nucléaires, tel que prévu dans la présente proposition de loi.

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