Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier tous ceux qui, sur l’ensemble des travées, se sont mobilisés pour l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile. Ils ont contribué à amender le texte, à en rendre les discussions les plus denses et les plus riches possible. J’adresse également mes remerciements à M. le rapporteur, François-Noël Buffet, ainsi qu’au président de la commission des lois, Philippe Bas, pour leurs contributions à ce débat.
Il convient de rappeler le cadre dans lequel le Gouvernement a présenté ce texte.
Le Gouvernement désire qu’une réponse conforme aux valeurs de la République et à la tradition prévalant dans notre pays de façon presque séculaire soit apportée à ceux qui relèvent du statut de l’asile en France et en Europe. Ces réfugiés demandent l’asile, car ils sont persécutés dans leur pays en raison de leur conviction politique, de leurs croyances ou de leur appartenance sexuelle ; ils méritent que la France soit à la hauteur de la tradition qu’elle défend, à la hauteur de des discours qu’elle prône, que les peuples du monde ont appris à aimer, à la hauteur de sa réputation.
Si telle a été la volonté qui a animé le Gouvernement au moment de présenter ce texte, c’est parce que ce n’est pas le cas aujourd’hui.
En effet, en France, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d’asile sont de vingt-quatre mois, alors qu’ils sont en moyenne de douze mois dans le reste de l’Union européenne.
En outre, la France ne remplit pas ses obligations en matière d’accueil des demandeurs d’asile. Le nombre de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile est très nettement inférieur à ce qu’il devrait être au regard non seulement du nombre de demandeurs d’asile, mais aussi des obligations issues de la directive européenne en la matière.
Qui plus est, les droits des demandeurs d’asile sont insuffisamment reconnus devant les instances qui ont à connaître de leur dossier et à se prononcer sur chaque cas. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité améliorer leur reconnaissance.
Ce texte est donc une nécessité pour des raisons qui tiennent à la fois à l’histoire et à la tradition de notre pays. Il l’est aussi du fait de la situation internationale et du contexte particulier que connaissent les réfugiés à travers le monde.
Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d’entre vous ont insisté sur la dimension humanitaire dramatique du problème, qui conduit des réfugiés victimes de réseaux de passeurs à trouver la mort. Ces passeurs, qui appartiennent à de véritables filières de traite des êtres humains, mènent ainsi leur œuvre cynique, alors qu’une autre organisation de l’accueil de ces migrants permettrait à ceux qui relèvent de l’asile en Europe de sortir de leurs mains et d’être accueillis dignement.
Je tiens à évoquer la dimension européenne de ce combat. Tout au long des débats qui se sont tenus dans cet hémicycle, j’ai entendu des propos qui ne correspondaient pas à la réalité du problème auquel nous sommes confrontés.
Il faut le savoir, 70 % de ceux qui sont arrivés en Italie depuis le début de l’année 2015 relèvent non pas du statut des réfugiés en Europe, mais de l’immigration irrégulière. Il faut avoir la lucidité de reconnaître que nous ne pourrons pas traiter ceux qui relèvent de l’immigration irrégulière comme nous devons traiter ceux qui relèvent de l’asile en France et en Europe, si nous voulons assurer la soutenabilité humanitaire et politique de l’accueil de ces derniers.
De plus, nous n’avons aucune chance de régler le problème de l’asile en Europe et en France si nous n’engageons pas, pour ce qui concerne l’immigration économique irrégulière, un dialogue approfondi avec les pays de provenance.
Si nous ne parvenons pas à établir un dialogue entre ces pays, l’Union européenne, notamment par l’entremise de la Commission européenne, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, et l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, pour sortir au plus tôt, dès les pays de provenance, les migrants des mains des passeurs, qui leur font franchir la Méditerranée et les conduisent à la mort, et pour organiser au plus tôt l’attribution du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l’asile en Europe, si nous ne parvenons pas à mener avec ces pays de véritables actions de codéveloppement, qui permettent un accompagnement individuel global des demandeurs d’asile et grâce auxquelles ces mêmes pays ne seront pas privés de la richesse que constitue cette main-d’œuvre, alors la politique de l’asile en Europe ne sera pas soutenable.
Je me suis rendu la semaine dernière au Cameroun et au Niger. Dans ce dernier pays, j’ai constaté que, contrairement à ce qui était avancé, il n’existait aucun centre visant à maintenir les migrants sur le territoire national. Il faut donc que l’Union européenne s’implique fortement pour y parvenir.
Je dois aussi mettre l’accent sur la nature de FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion des frontières extérieures, ce qui me permettra de répondre aux sénateurs qui se sont exprimés à ce sujet, notamment Éliane Assassi. Le fait qu’une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne soit menée par cette agence ne signifie en aucun cas que cette dernière ne doive pas respecter les règles du sauvetage en mer.
Une opération de contrôle extérieur des frontières de l’Union européenne et une opération de sauvetage en mer ne sont en rien antinomiques. FRONTEX, quel que soit son mandat confié en matière de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, a le devoir d’assurer le sauvetage de toute personne qui se trouverait en danger au moment de la traversée de la Méditerranée. Le droit de la mer lui est applicable.
Considérer qu’il faudrait seulement une opération de sauvetage, sans aucun contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, serait adresser un signal extrêmement négatif aux passeurs, dont nous voulons combattre l’activité. Cela reviendrait à les encourager à organiser les passages, en donnant le sentiment de leur fournir les moyens de continuer. Je le dis clairement, il est hors de question que la France soutienne une telle position en Europe !
Pour autant, le fait que FRONTEX ait une mission de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne ne l’empêche en rien de sauver des vies ! Sans ce contrôle pour lutter contre les passeurs, pour combattre les filières organisées du crime et pour assurer le sauvetage de ceux qui doivent être sauvés et, plus généralement, de tous ceux qui sont en situation dramatique en mer, indépendamment de leur statut et de leur provenance, nous ne pourrons pas assurer efficacement la soutenabilité des politiques migratoires !
À propos de la dimension européenne de notre politique toujours, je souhaite insister sur la répartition équitable de ceux qui relèvent du statut de réfugié.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la position du Gouvernement est sans ambiguïté aucune ! J’entends rappeler certains éléments que j’ai soulignés au cours du débat, quitte à les répéter à l’envi, car il y va de la réussite de notre action avec l’Union européenne.
C’est la France qui a inspiré une grande partie des propositions que Jean-Claude Juncker a formulées voilà quelques jours au nom de la Commission européenne. Pour le Gouvernement, il n’y a aucune raison pour que cinq pays accueillent à eux seuls 75 % des demandeurs d’asile de l’Union européenne !