Séance en hémicycle du 26 mai 2015 à 14h30

Résumé de la séance

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  • d’asile
  • intercommunalité

La séance

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La séance, suspendue à onze heures quarante-cinq, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Gérard Larcher.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi relatif à la réforme de l’asile (projet n° 193, texte de la commission n° 426, rapport n° 425, avis n° 394).

Avant de passer au vote, je vais donner la parole à ceux de nos collègues qui ont été inscrits pour expliquer leur vote.

J’indique au Sénat que la conférence des présidents a fixé, à raison d’un orateur par groupe, à sept minutes le temps attribué à chaque groupe politique, les sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe disposant de trois minutes.

Je vous inviterai ensuite, mes chers collègues, à vous rendre en salle des conférences pour voter et je suspendrai la séance pendant la durée du scrutin, prévue pour une demi-heure.

Je proclamerai enfin le résultat à l’issue du dépouillement, aux alentours de quinze heures quarante-cinq, puis je donnerai la parole au Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Claude Requier, pour le groupe du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’asile et ses malheureux damnés sont au cœur de bien des discussions et débats, ici comme ailleurs. En Asie, 8 000 personnes se trouvaient encore récemment à la dérive sur la mer, abandonnées de leurs passeurs ; elles se sont vues repousser hors des eaux territoriales par les autorités indonésiennes. Le problème est insoluble, la nationalité étant un facteur d’exclusion dirimant – mais non totalement opérant – entre ceux qui peuvent avoir des droits et les autres.

La question de l’afflux massif de réfugiés sur nos rivages se pose à l’échelon européen, comme en témoigne la proposition de la Commission européenne d’instaurer des quotas de réfugiés par État membre. Nous ne nous attarderons ni sur ce qui est déjà connu ni sur la réalité vécue à Lampedusa ou à Calais.

Le plan d’action pour l’immigration et l’asile de la Commission européenne prévoit notamment des quotas obligatoires par État membre, pour assurer une distribution équitable des réfugiés, et un transfert des demandeurs d’asile entre États de l’Union européenne en cas de crise, donc d’afflux massif inhabituel et temporaire de migrants. En 2014, plus de 360 000 demandes d’asile ont été traitées ; la moitié seulement ont été acceptées et six pays, les plus attractifs, ont assumé l’essentiel de l’effort : l’Allemagne, la Suède, la France, l’Italie, le Royaume-Uni et les Pays-Bas. Néanmoins, les États ne participant pas à la politique migratoire commune – comme le Royaume-Uni, l’Irlande ou le Danemark – ne seraient pas concernés par l’obligation découlant de ce plan.

À l’instar du Président de la République, le groupe du RDSE a fait connaître son opposition de principe à l’instauration de tels quotas en matière d’asile. Vous nous avez rassurés à ce sujet ici même jeudi dernier, monsieur le ministre, en précisant avec clarté la position de la France sur ce plan d’action.

À l’échelon national, nous considérons comme souhaitable la rationalisation visée par le projet de loi initial et nous soutenons l’esprit de la réforme engagée. En matière d’asile, comme en d’autres matières, la France n’a cessé d’osciller entre l’amour des grandes idées et la réalité, très empirique, des petits arrangements, dont témoigne clairement la sous-budgétisation constante de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Ce projet de loi se fixe deux objectifs difficilement conciliables : l’inconditionnalité de l’accueil et le bon traitement des demandeurs d’asile, la France traitant près de 65 000 demandes par an, soit 15 % de l’ensemble des demandes à l’échelon européen.

Ainsi, nous saluons tout d’abord certaines avancées particulièrement significatives en matière de garanties octroyées aux demandeurs d’asile, conformément aux directives européennes : le réexamen des demandes formulées auprès de l’Office français de protection des réfugiés et des apatrides, l’OFPRA, et de la Cour nationale du droit d’asile, la CNDA, l’établissement d’une liste de pays sûrs, le droit au maintien sur le territoire de tous les demandeurs d’asile, l’instauration d’un entretien personnel et en présence d’un avocat, la prise en compte systématique de la vulnérabilité des demandeurs, la possibilité du huis clos pour les audiences devant la CNDA, la possibilité d’utiliser la vidéoconférence pour les entretiens conduits par l’OFPRA, mesure ajoutée par le Sénat lors de ses travaux en séance publique.

Nous saluons ensuite les avancées destinées à réformer un système d’asile à bout de souffle, notamment en matière de réduction des délais d’instruction. Ceux-ci sont désormais inscrits dans la loi : trois mois pour la procédure normale et quatre-vingt-seize heures lorsque le demandeur est placé en rétention. En 2014, l’OFPRA a recruté soixante-dix nouveaux agents, ce qui a déjà permis de réduire les délais. Nous examinerons en outre les résultats de l’expérimentation, votée par le Sénat, de la déconcentration de l’OFPRA par la création d’antennes locales dans certains départements. Nous le savons, les difficultés liées à la centralisation de l’Office sont réelles et nombreuses.

Toutefois, comme l’a souligné Pierre-Yves Collombat lors de la discussion générale, certaines des solutions élaborées en commission ou en séance publique ne nous paraissent pas conformes aux engagements internationaux de la France.

Bien que ce projet de loi soit un texte procédural traitant de la gestion administrative du droit d’asile, il n’en élude pas moins les questions politiques de fond : la gestion des flux migratoires à l’échelon européen ou l’impossibilité de faire exécuter les obligations de quitter le territoire français, par exemple. En effet, que faire une fois le demandeur d’asile définitivement débouté ? Celui-ci vient grossir les rangs des sans-papiers, tout comme sa famille, alors même que le texte permet au demandeur d’asile d’accéder au marché du travail lorsqu’aucune décision n’a été prononcée dans un délai de neuf mois. Le texte ne contient donc pas de solutions à ce problème, même s’il est vrai que celles-ci seraient avant tout politiques et administratives.

Le Sénat a en outre voté le principe selon lequel la décision définitive de rejet de la demande vaut obligation de quitter le territoire français, ce qui n’est pas sans poser des questions de conformité au principe international du droit à une vie familiale. En effet, l’étranger débouté ne pourra bénéficier d’un titre de séjour pour réunification familiale ou pour état de santé.

Et que dire des difficultés administratives très concrètes qu’a mises en lumière le « non-rapport » de la Cour des comptes, à commencer par les procédures parallèles ? Cette disposition pose un réel problème, soulevé par le directeur général de l’OFPRA, tant sur le plan juridique qu’en raison du changement de nature de la mission des officiers de protection que cela entraînerait.

Ainsi, si les constats sont évidents, il n’en est pas de même pour les solutions, qui ont malheureusement tendance à être le plus souvent purement incantatoires.

Pour toutes ces raisons, bien que le Sénat ait accepté à l’unanimité de modifier l’intitulé de ce texte – il s’agit désormais…

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. De la loi Requier !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Claude Requier

… du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile et non plus du projet de loi relatif à la réforme de l’asile, qui évoquait trop les asiles d’aliénés –, le groupe du RDSE s’abstiendra de façon unanime.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Stéphane Ravier, pour la réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, beaucoup a déjà été dit sur ce texte et je crois avoir moi-même exprimé avec clarté ma position dans cet hémicycle. Mon vote ne sera donc pas une surprise.

C’est pourquoi je me contenterai de revenir sur le principal changement introduit par le Sénat à ce projet de loi, à savoir que la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, après un appel éventuel devant la Cour nationale du droit d’asile, vaudra désormais obligation de quitter le territoire français, mesure introduite par amendement à l’article 14.

Cet amendement reflète bien l’incapacité de l’UMP à proposer une politique véritablement différente de celle du Gouvernement.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Il est clair que l’on aime à jouer les braves quand on est dans l’opposition, pour tenter de donner le change à ses électeurs en particulier et aux Français en général, tant de fois trahis...

Au-delà des arguties juridiques demeure la question principale, celle de l’exécution effective de cette fameuse obligation de quitter le territoire français. Tant que 90 % à 95 % des demandeurs déboutés pourront de facto se maintenir en France, la belle notion d’asile continuera d’être dénaturée pour rester un appel d’air permanent pour l’immigration clandestine.

Monsieur le ministre, vous vous êtes dit attaché à ce que les déboutés du droit d’asile quittent effectivement le pays. Reste que le maintien de tant de clandestins sur notre sol, ce scandaleux état de fait sur lequel prospèrent toutes sortes de profiteurs de la misère, tout cela doit beaucoup aux consignes que vous-même donnez aux préfets.

Cet amendement a également mis en lumière la profonde incohérence qui mine la crédibilité politique de ce qu’il est convenu d’appeler la « droite plurielle », qu’il s’agisse d’asile, d’immigration et de tous les grands sujets de société. En effet, comme l’a montré la position de notre collègue Mme Létard – qui a critiqué cet amendement, aussi timide soit-il –, cet attelage, à droite, comprend une aile centriste qui est essentiellement alignée sur la gauche.

Je pourrais tout autant mentionner, en dehors de la Haute Assemblée, M. Juppé ou Mme Kosciusko-Morizet...

Sourires narquois.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Ce n’est donc pas l’UMP qui changera quoi que ce soit, car je rappelle une fois encore que nous ne faisons que transposer des textes européens que vos partis respectifs ont déjà adoptés à l’échelon communautaire ! Si seulement les obligations de quitter le territoire français étaient aussi bien exécutées que ne le sont ici les injonctions de Bruxelles, mes chers collègues !

Exclamations.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Pour que la situation en France change vraiment, il faut rompre avec certaines logiques, avec certaines postures et avec certains faux-semblants d’opposition ! Cessons de nous soumettre à ceux qui nous imposent l’accueil de toujours plus de réfugiés et nous imposeront bientôt des quotas d’immigrants, plus ou moins légaux, par pays ! Réveillons-nous avant qu’il ne soit trop tard et faisons enfin des lois pour ceux qui nous confient leurs suffrages, c’est-à-dire pour les Français d’abord !

Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Ravier

Vous êtes libre de quitter l’hémicycle si cela vous est insupportable !

Debut de section - Permalien
Une sénatrice du groupe socialiste

Démagogie !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Valérie Létard, pour le groupe UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, maintenant que les donneurs de leçons se sont exprimés, tâchons de parler avec justesse d’un texte dont l’objectif est de servir l’intérêt général par des mesures applicables, et non de défendre des postures politiques. Mes propos visent M. Ravier.

Vifs applaudissements. – Très bien ! sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Monsieur Ravier, vous qui nous accusez de postures, balayez devant votre porte ! Qu’avez-vous de concret à proposer, sinon des solutions inapplicables ?

Nouveaux applaudissements. – M. Stéphane Ravier proteste.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Nous voilà donc parvenus au terme de l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.

Permettez-moi de saluer d'abord la qualité de notre débat. Malgré la pression de l’actualité liée aux drames humanitaires en Méditerranée, nous avons gardé présent à l’esprit notre objectif : rendre au droit d’asile son unique vocation, qui est d’accueillir dans de bonnes conditions les personnes ayant besoin de la protection de la France, de le faire au mieux et de traiter en même temps, humainement mais fermement, tous ceux qui ont tenté le tout pour le tout en déposant une demande d’asile, alors même, quelquefois, que leur démarche d’immigration ne relevait pas de ce droit.

Monsieur le rapporteur, permettez-moi de saluer de nouveau la qualité de votre travail. Même si, sur un point, nos positions sont restées fortement divergentes, je me félicite des nombreuses clarifications et des avancées très utiles qu’aura permises l’examen de ce projet de loi par le Sénat : elles ont sensiblement amélioré le texte qui nous a été transmis par l’Assemblée nationale.

Monsieur le ministre, je veux également saluer la qualité d’écoute et d’ouverture dont vous avez fait preuve. Vous êtes allé jusqu’à reprendre mon amendement « mort-né » sur la territorialisation de l’Office français de protection des réfugiés et apatrides, l’OFPRA, comme je l’avais suggéré au cours de la discussion générale.

Je pense que nous avons fait œuvre utile et j’espère vivement que la commission mixte paritaire, qui se réunira prochainement, permettra de déboucher sur un texte commun. Comme nous l’avons souligné de manière unanime, cette réforme est une première étape, essentielle dans la construction d’une politique d’ensemble cohérente de l’accueil des étrangers dans notre pays.

Je me réjouis également que le travail de concertation que mon collègue Jean-Louis Touraine et moi-même avons entrepris en 2013 et qui a débouché sur un rapport sur la réforme de l’asile, présenté au ministre de l’intérieur au mois de novembre de la même année, ait largement nourri les différentes mesures de ce projet de loi. Il me semble que l’objectif de raccourcissement des délais a été tenu.

Comme j’ai eu l’occasion de le rappeler au cours de nos débats, cet objectif doit d’abord être interprété positivement : notre réforme aura atteint son but lorsque la procédure accélérée permettra d’accorder très rapidement l’asile à ceux qui en ont besoin. À cet égard, l’absence de condition préalable de domiciliation, inscrite dans le texte grâce à l’amendement que nous avons déposé, l’obtention d’une carte de séjour « sans délai » une fois la protection accordée, votée également sur notre initiative, la possibilité d’entamer immédiatement une procédure de réunification familiale, adoptée par la commission des lois, sont autant de signes de notre volonté d’intégrer mieux et très vite les réfugiés et les bénéficiaires d’une protection.

Je me félicite également que nos débats aient permis d’introduire des propositions du rapport de Jean-Louis-Touraine et moi-même, qui nous semblaient essentielles pour assurer un traitement équilibré des demandes d’asile.

Je veux tout d’abord parler de la question des déboutés, qu’il me paraissait difficile de passer sous silence ou de renvoyer à un texte sur l’immigration irrégulière. Une personne déboutée du droit d’asile n’est pas dans la même situation qu’un étranger en situation irrégulière :…

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

… nous la connaissons, puisque nous avons traité sa demande, et nous savons bien que la renvoyer à la clandestinité ne réglera rien.

C’est la raison pour laquelle je me félicite que la commission des lois ait émis un avis favorable sur un amendement visant à mettre en place des centres dédiés aux déboutés et ajoutant au texte un article 14 bis. Selon moi, il s’agit d’une avancée considérable et j’espère que sa mise en œuvre, à titre expérimental dans un premier temps, qui devrait être lancée très rapidement, nous donnera l’occasion de mieux accompagner le retour des personnes déboutées du droit d’asile vers leur pays d’origine, chaque fois que cela se justifiera.

D’autres propositions importantes issues de ce rapport sur la réforme de l’asile ont trouvé leur place au Sénat. Je pense en particulier, comme je l’ai rappelé tout à l’heure, à l’expérimentation de la territorialisation de l’OFPRA. L’adoption d’un schéma d’orientation directif des demandeurs d’asile, associé à la création de futures grandes régions, conduit logiquement à se poser la question d’une organisation déconcentrée de l’OFPRA. Celle-ci devra se faire progressivement, afin de tenir compte des efforts importants demandés par la mise en place de la réforme en cours. Le corollaire de cette déconcentration à venir, c’est bien évidemment la possibilité pour la Cour nationale du droit d’asile de se rendre elle aussi dans les territoires, ce que permet l’adoption de notre amendement sur les missions foraines à l’article 10 du projet de loi.

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi également de me réjouir que la discussion en séance publique ait permis de réintroduire dans le texte les critères d’évaluation de la vulnérabilité. Sur ce sujet, je n’ignore pas la position de la commission des lois, qui estime que le rappel de l’article de la directive est suffisant. Pour ce qui me concerne, j’ai le sentiment que, parfois, une piqûre de rappel n’est pas inutile, d’autant que, au quotidien, tout le monde n’aura pas forcément le texte de la directive sous les yeux.

Enfin, sur notre initiative également, le Sénat a réintroduit, d’une manière plus opérationnelle que par le biais de la conférence territoriale de l’action publique – la CTAP –, la consultation des collectivités compétentes en matière d’habitat dans l’élaboration des schémas régionaux qui viendront décliner le schéma national d’accueil des demandeurs d’asile. Ce point n’est pas négligeable si nous voulons assurer une meilleure répartition de l’accueil entre les territoires et permettre une meilleure acceptabilité sociale des centres d’hébergement par la population d’une commune.

Si je considère que le bilan de nos débats est largement positif, il me reste néanmoins un regret. Vous l’aurez compris – nous en avons longuement débattu –, il s’agit de l’introduction, à l’article 14 du texte, de l’alinéa 17, lequel dispose qu’une décision de l’OFPRA et de la CNDA pourrait valoir obligation de quitter le territoire français. Je reste convaincue que cette mesure, si elle devait être adoptée définitivement, serait dommageable, en termes tant d’efficacité que de délais. Ce n’est pas une posture ! J’estime tout simplement qu’un tel dispositif ne serait pas fonctionnel.

J’ai cependant accepté de retirer l’amendement de suppression de cet alinéa déposé par mon groupe, contre votre engagement, monsieur le président de la commission des lois, de revoir ce dispositif, en tenant compte des propositions de M. le ministre sur les obligations de quitter le territoire français et des positions de l’Assemblée nationale. Je compte sur votre volonté de parvenir à une solution acceptable par tous !

C’est dans ces conditions et avec cette réserve que le groupe de l’UDI-UC adoptera le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile, ainsi qu’il a été amendé par la Haute Assemblée.

En effet, je veux le répéter en conclusion de mon propos, l’urgence est bien de sauver notre droit d’asile. Il s’agit de faire en sorte que, ainsi rénovée et tout évitant qu’elle ne soit détournée de son objet, la procédure nous permette d’accueillir plus rapidement les personnes recevant la protection de la France. Rendre notre dispositif plus souple, plus proche des territoires, plus opérant, tout en réduisant les délais excessifs qui nuisent à sa lisibilité, c’est certainement la meilleure manière de réussir la réforme de l’asile.

Au reste, cela ne constitue qu’une partie d’une politique plus globale de l’accueil des migrants qui frappent aux portes de l’Europe.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

Mme Valérie Létard. L’instauration de quotas, les navires mobilisés en Méditerranée, le renforcement du régime FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures des États membres de l’Union européenne, de la politique de codéveloppement avec les pays d’origine

M. le président de la commission des lois acquiesce.

Debut de section - PermalienPhoto de Valérie Létard

et de départ des centaines de milliers de migrants massés sur les côtes libyennes sont autant de questions que nous devons traiter à l’échelon européen. À côté d’une nécessaire politique européenne de l’asile, le défi qui est posé est bien celui de la prise en compte, de manière solidaire entre nos pays, de l’immigration de la pauvreté, laquelle ne doit pas être l’affaire que de quelques-uns et demande des réponses urgentes et équitables.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le président. La parole est à Mme Catherine Troendlé, pour le groupe UMP.

Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je commencerai par rappeler à M. Ravier que nous sommes tous des législateurs responsables et éclairés.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mme Catherine Troendlé. De ce point de vue, nous avons bien compris que le traitement de l’asile, qui est un sujet d’une grande gravité, ne pouvait s’accommoder de postures politiques. Je ne suis pas sûre qu’il en soit de même pour vous !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Mes chers collègues, alors que, jour après jour, l’actualité nous montre, de manière bien triste, le désarroi de ces milliers de migrants qui tentent de franchir les frontières européennes pour chercher refuge, notre pays, la France, a le devoir, avec ses partenaires européens, de trouver des solutions humanitaires.

Parmi ces solutions se trouve bien évidemment la politique d’asile.

Cette démarche s’inscrit dans un processus historique qui remonte au Moyen-Âge, lorsqu’un persécuté pouvait se réfugier dans un monastère ou un couvent, en vertu de la tradition des « impunités ». §Il faudra attendre la Révolution française pour que la France offre l’asile aux personnes persécutées au nom de leur combat pour la liberté.

Héritage de la protection des persécutés, le droit d’asile est inscrit dans le préambule de la Constitution de 1946. Depuis lors, la France a toujours su offrir sa protection aux opprimés et aux victimes des régimes bafouant les droits de l’homme.

Force est de constater que la procédure d’asile est aujourd’hui à bout de souffle et ne répond plus à ses véritables enjeux. Sa vocation a été dévoyée et elle a été transformée en véritable machine à légaliser des clandestins. C’est pourquoi il est nécessaire et urgent d’entreprendre une réforme de l’asile, afin de donner du sens au droit d’asile, pour mettre fin aux détournements et aux dérives des procédures.

Notre attention doit se porter de manière prioritaire sur les personnes venant de pays à haut risque, comme c’est le cas aujourd’hui. Nous devons préserver la dignité de ces personnes, qui sont en souffrance et dans une grande détresse, et répondre rapidement aux autres demandeurs par une reconduite hors des frontières.

Pour bénéficier de l’asile en France, il faut apporter les preuves des persécutions subies, démontrer que les conditions de vie sont inhumaines dans le pays d’origine.

En effet, mes chers collègues, il ne faut pas confondre immigration politique et immigration économique. Ce fut, d’ailleurs, le préalable de l’excellent travail réalisé par le rapporteur, M. François-Noël Buffet, et le rapporteur pour avis, M. Roger Karoutchi.

Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

C’est pourquoi nos exigences doivent être maximales et optimales. L’objectif est de pouvoir accorder rapidement l’asile à ceux qui en ont besoin.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

La difficulté que posent aujourd'hui notre droit et la situation de fait à laquelle nous sommes confrontés tient à la procédure, qui a été dévoyée.

Si le projet de loi vise, sans véritable efficacité, à accélérer les procédures, il n’apporte aucune solution tendant à un meilleur contrôle des entrées sur le territoire et ne contient ni mesures ni moyens pour procéder rapidement à la reconduite rapide à la frontière de tous les déboutés. C’est ce que la Cour des comptes a récemment mis en lumière, chiffres à l’appui. Ces chiffres, nous les connaissons tous : chaque année, dans notre pays, environ 40 000 personnes sont déboutées et 75 % des demandes d’asile en moyenne sont rejetées. Or ces déboutés ne sont quasiment pas renvoyés dans leur pays d’origine.

Forts de ce constat, nous devons tous convenir que notre système présente un caractère attractif. Le simple fait de solliciter l’asile équivaut, pour les demandeurs, à l’obtention, à moyen terme, d’un titre de séjour. Voilà pourquoi le nombre de demandeurs ne cesse d’augmenter.

Par conséquent, notre groupe se satisfait des travaux du Sénat, qui ont permis d’améliorer ce texte par l’introduction de deux principes importants à nos yeux : l’insertion des bénéficiaires d’une protection et l’éloignement des personnes déboutées de leur demande d’asile.

Pour ce faire, nous avons réduit les délais de traitement des dossiers et les avons inscrits dans la loi. Ainsi, les décisions de l’OFPRA devront être rendues dans les trois mois, au lieu de six mois actuellement, pour les procédures normales, dans les quinze jours en cas de procédure accélérée et dans un délai de quatre-vingt-seize heures pour les demandes d’asile en rétention.

(Exclamations amusées sur les travées de l'UMP.) Mes chers collègues, voilà une belle occasion de rappeler que l’enseignement du latin et du grec est primordial !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous avons appliqué, en matière d’asile et de droit de séjour, l’adage « fraus omnia corrumpit », toute fraude entraîne le rejet systématique de la demande d’asile. §

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Troendle

Nous avons permis de rendre immédiates les obligations de quitter le territoire français pour les déboutés, le rejet de la demande d’asile valant obligation de quitter le territoire français.

Nous avons appliqué strictement la directive européenne Retour, en réduisant de trente jours à sept jours le délai de départ volontaire fixé à l’étranger à l’égard duquel une obligation de quitter le territoire a été prononcée. Parallèlement, nous n’avons pas autorisé un débouté à engager une autre procédure pour bénéficier d’un titre de séjour.

Nous avons également borné le concept d’« inconditionnalité de l’accueil » dans les hébergements d’urgence à la jurisprudence du Conseil d’État : tout débouté ne peut plus bénéficier de l’hébergement auquel il avait droit durant la procédure.

Enfin, nous avons décidé l’expérimentation d’une déconcentration de l’OFPRA, par la création d’antennes permanentes dans les départements confrontés à un fort afflux de demandeurs d’asile, ainsi que la mise en place d’audiences foraines pour la CNDA.

Notre préoccupation, qui est celle de beaucoup de Français, est d’arriver à donner une situation humainement acceptable à des migrants fuyant leur pays à cause de guerres, de crimes arbitraires et de discriminations violentes.

Je remercie vivement, au nom de mon groupe, le rapporteur, M. François-Noël Buffet, et le rapporteur pour avis, M. Roger Karoutchi, de leur excellent travail, de leur écoute et de leur détermination à rendre ce texte efficace et respectueux de la dignité humaine.

Le groupe UMP votera ce projet de loi.

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à M. Jean-Yves Leconte, pour le groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à exprimer ma fierté d’avoir été le chef de file du groupe socialiste dans ce débat. Ce texte, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, fait progresser notre droit d’asile.

Réduction des délais d’instruction, renforcement des droits du demandeur d’asile à travers la présence d’un tiers à l’entretien, recours suspensifs, organisation de l’accueil des réfugiés sur l’ensemble de notre territoire : voilà autant d’avancées que la Haute Assemblée a conservées et je m’en félicite.

Comme l’ont souligné plusieurs de mes collègues, un certain nombre d’autres avancées ont vu le jour au cours de nos débats grâce au rapporteur, à Valérie Létard et au travail de l’ensemble des groupes. La modification de la composition du conseil d’administration de l’OFPRA, la possibilité de déconcentration des services de cet organisme et les missions foraines de la CNDA sont autant d’améliorations des garanties que nous nous devons de saluer.

Je songe également à l’amélioration de l’articulation, sur l’initiative du rapporteur, entre l’exigence du secret des sources dans des cas sensibles et le principe du contradictoire au cours des audiences de la CNDA.

Enfin, il faut souligner la recherche d’une plus grande rapidité en matière de réunification familiale.

Toutefois, ces avancées ne doivent pas cacher l’inquiétude qui est la nôtre au moment de nous prononcer sur ce texte. Je pense en particulier à la position de la majorité sénatoriale sur l’obligation de quitter le territoire français automatique.

Selon le rapporteur, il faut envoyer un « message » aux demandeurs d’asile. Or la loi n’est ni un message ni un communiqué de presse : la loi doit être efficace et opérationnelle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Il nous est impossible d’être favorables à ce que vous proposez, pas seulement pour des raisons de droit et d’efficacité. En effet, vous laissez supposer que, sur cette question, nous faisons preuve de laxisme.

Je vous invite à comparer le nombre de déboutés du droit d’asile en France et en Allemagne, ainsi que celui des reconduites à la frontière, et à nous dire lequel de ces deux pays rencontre le plus de difficultés.

La meilleure façon de répondre à la question sensible des déboutés du droit d’asile est de garantir à ces derniers des délais d’examen rapides. Nous ne pouvons plus accepter les délais de plus de deux ans, qui étaient la norme jusqu’en 2012. §Grâce à ce texte, nous les ramènerons à huit mois au maximum et à trois mois dans le meilleur des cas. Si les demandes sont légitimes, elles seront reconnues au bout de trois mois.

Il est en effet plus facile d’organiser le retour de personnes installées sur notre territoire depuis trois mois ou huit mois que depuis deux ans. C’est là le cœur du problème : rien ne sert de créer des obligations de quitter le territoire français automatiques si celles-ci sont inopérantes et ajoutent des procédures aux procédures.

Un autre recul porte sur le droit du travail. Dans ce domaine d’ailleurs, le texte issu des travaux du Sénat n’est pas conforme au droit européen.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

La directive exige en effet que les demandeurs du droit d’asile puissent accéder au marché du travail après neuf mois.

La meilleure chose que puisse offrir au pays qui l’accueille celui qui quitte son lieu de vie parce que sa sécurité n’est plus assurée et qu’il ne lui reste que sa tête, ses bras et ses pieds, c’est sa force de travail. Refuser ce droit à un demandeur qui a été présent neuf mois sur notre territoire, c’est ne pas être tout à fait prêt à l’accueillir.

Aux avocats qui plaident auprès de la CNDA et qui manifestent en ce moment même devant le Sénat, je tiens à témoigner que nous avons entendu leurs préoccupations sur la question du juge unique. Cependant, c’est bien ce qui se passe dans de nombreux pays et les ordonnances rendues par la CNDA s’apparentent déjà à une décision d’un juge unique, sans contradictoire. Désormais, le principe du contradictoire sera garanti.

Nous avons également entendu leurs inquiétudes quant aux procédures accélérées. Un certain nombre de mesures inscrites dans ce texte permettront à la CNDA de revenir aux procédures normales, si elle l’estime nécessaire. Nous serons vigilants sur toutes ces questions, mais nous considérons que l’amélioration des délais que permet le texte répond aux exigences du droit.

Je remercie non seulement les agents de l’État, ceux de l’OFPRA et les rapporteurs de la CNDA, mais également tous les avocats, les juges de l’asile, la CIMADE, les associations d’accueil de terrain, ceux qui assurent des permanences juridiques, le Service jésuite des réfugiés, le JRS, et la Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale, la FNARS. Tous ont été mobilisés sur ce texte. Bien plus, tous se mobilisent jour après jour pour l’accueil des demandeurs d’asile.

Leur engagement atteste que la question de l’asile ne se limite pas à un rapport entre l’État et le demandeur. C’est bien la France, dans son ensemble, qui est mobilisée sur le terrain, à travers ces associations, pour marquer son attachement au droit d’asile et le faire vivre au quotidien sur l’ensemble du territoire.

Au regard des réserves que j’ai émises sur le droit du travail et sur l’obligation de quitter le territoire français automatique, le groupe socialiste ne pourra apporter ses voix à la majorité sénatoriale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Toutefois, compte tenu des avancées qui figuraient dans le texte initial et que le Sénat a conservées et de celles que la Haute Assemblée a apportées, le groupe socialiste s’abstiendra.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Nous espérons que la commission mixte paritaire sera l’occasion de faire entendre la voix du Sénat, celle-là même qui s’est exprimée à l’occasion de l’examen de ce texte et que nous avons tous signalée, dans un esprit constructif.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous nous abstiendrons, parce que certaines des dispositions de ce texte sont inacceptables !

Nouvelles protestations sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Nous nous opposons à de tels reculs ! Nous voulons un texte conforme au droit européen, mais nous voulons aussi que les avancées positives réalisées au Sénat soient prises en compte dans le texte final. Nous voulons faire en sorte que la commission mixte paritaire aboutisse.

Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Ce texte permettra à la France d’être en accord avec le droit européen, de se tenir debout face aux enjeux que nous rencontrons aujourd’hui au sud et à l’est de notre continent : 60 % des demandes d’asile ont été enregistrées dans quatre pays, mais seulement 14 % dans des pays ayant une frontière avec le sud de la Méditerranée. Cela montre que Dublin ne fonctionne pas. Encore faut-il, pour le réformer, que la législation française soit en accord avec les textes communautaires. Ce sera le cas une fois ce projet de loi adopté.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

M. Jean-Yves Leconte. Il nous semble donc utile de voter ce texte le plus rapidement possible, une fois que les errements et autres communiqués de presse que vous avez voulu y inscrire auront été corrigés en commission mixte paritaire.

Protestations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Yves Leconte

Selon Hannah Arendt, c’est l’humanité elle-même qui devrait garantir « le droit d’avoir des droits, ou le droit de tout individu d’appartenir à l’humanité ». Or le droit d’asile, c’est le droit d’avoir des droits.

Si, par cette abstention, nous parvenons à un vote favorable en commission mixte paritaire, j’ai la conviction que nous aurons fait œuvre utile en permettant à la France de revendiquer cette part d’humanité.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Esther Benbassa, pour le groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Esther Benbassa

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mes chers collègues, je commencerai cette explication de vote par une courte digression. Ce n’en est d’ailleurs une qu’en apparence.

Après plus de dix ans de présence, la France a retiré ses troupes d’Afghanistan. La question du sort réservé aux « personnels civils de recrutement local » – interprètes, cuisiniers, jardiniers… –, qui ont travaillé aux côtés de nos forces, s’est inévitablement posée. §Ces personnes sont menacées de représailles pour avoir « collaboré » avec l’ennemi. Elles sont encore au nombre de 800 à espérer, avec leurs familles, que la France ne leur tournera pas le dos. M. le ministre des affaires étrangères s’est récemment engagé à ce que les demandes de visa soient examinées avant l’été et que les refus puissent être réexaminés. L’été, c’est dans moins d’un mois…

Cet appel lancé, je reviens au texte dont nous débattons.

Le 11 mai dernier, lors de la discussion générale, j’affirmais que, « si les modifications suggérées par la majorité sénatoriale venaient à être adoptées, le projet de loi, loin de mieux garantir les droits et libertés fondamentaux des demandeurs d’asile, tournerait au bouclier sécuritaire, sacrifiant les plus fragiles à une obsession anti-immigration ». Je concluais en précisant que, nous, écologistes, « n’apporter[ions] nos voix, mes chers collègues, qu’à un texte humaniste, ambitieux, fidèle aux valeurs de la France ».

Malheureusement, après quinze heures de débats et l’examen de plus de 250 amendements, ce projet de loi, qui contenait au départ certaines dispositions susceptibles d’améliorer la situation des demandeurs d’asile, a clairement changé de visée et répond encore moins aux réajustements demandés par la législation européenne en la matière.

La teneur de nos débats m’a souvent surprise. Rares ont été les moments où les parlementaires présents ont paru capables de tenir à distance chiffres, pourcentages, sigles barbares, pour se souvenir que nous parlions d’êtres humains en souffrance, d’hommes, de femmes, d’enfants. Rares ont été les moments où nous avons su les gratifier d’un autre regard que celui – évoqué autrefois par l’écrivain Jorge Semprun – des estivants de Bayonne voyant débarquer les réfugiés « rouges espagnols » derrière des barrages de gendarmes.

François Sureau l’a exprimé mieux que moi dans le Monde : « Ceux qui jugent les réfugiés, comme ceux qui les défendent, n’ont aucune expérience personnelle de la guerre, de la révolution, de l’engagement au péril de sa vie, de l’exil forcé. [...] Les réfugiés et ceux qui traitent leurs demandes sont sur deux planètes différentes. » J’ose encore espérer que ce n’est pas tout à fait vrai.

Le groupe écologiste avait espéré que les débats se focaliseraient sur l’asile, qu’ils ne seraient pas détournés pour servir de basses fins politiciennes et parler politique migratoire, clandestins et flux de migrants. Il n’est guère étonnant, à cet égard, que les articles relatifs à l’éloignement des personnes s’étant vues définitivement refuser l’asile aient suscité les discussions les plus longues et les plus âpres.

Le texte soumis à notre vote comporte des dispositions inacceptables, adoptées par voie d’amendements, en ces temps où des milliers de personnes à la recherche d’un asile périssent en mer : décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, le cas échéant après que la CNDA a statué dans le même sens, valant obligation de quitter le territoire français ; interdiction à l’étranger débouté de sa demande d’asile de solliciter un titre de séjour pour un autre motif ; possibilité pour l’administration d’assigner à résidence les déboutés dans des centres dédiés en vue de préparer leur éloignement. Si elles devaient être adoptées, de telles mesures n’honoreraient pas la France.

Quant à moi, je n’oublie pas les dizaines de milliers de réfugiés républicains espagnols regroupés en 1939 dans des camps, notamment à Argelès-sur-Mer. Je n’oublie pas non plus que le gouvernement français osa leur proposer de retourner dans l’Espagne franquiste, ni qu’ils furent déportés à Mauthausen, dès 1940, par la Wehrmacht. Vous me répondrez que le contexte n’était pas le même. Certes, mais qui nous dit que notre contexte ne changera pas demain ?

Par conséquent, les membres du groupe écologiste ne pourront, en conscience, apporter leurs voix à ce texte.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

La parole est à Mme Éliane Assassi, pour le groupe CRC

Debut de section - PermalienPhoto de Éliane Assassi

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 1 770 : c’est le nombre de personnes mortes ou disparues en mer Méditerranée depuis le début de l’année, selon l’Organisation internationale pour les migrations, soit un mort toutes les deux heures en moyenne.

Qui sont ces migrants ? Pourquoi ont-ils quitté leur pays ? Voilà les questions que chacun devrait se poser, avant de s’interroger sur leur arrivée. Pourquoi partent-ils de leur pays ? Pour fuir la guerre, la misère et, bientôt peut-être, le dérèglement climatique.

Avant même d’examiner des textes comme le projet de loi qui nous a été soumis, monsieur le ministre, nous devrions tous nous poser les questions de fond. Quel nouvel ordre international, dans le cadre d’une ONU refondée, avons-nous à proposer ? Quelle politique de développement économique digne de ce nom pouvons-nous adopter ?

Le but de la Commission européenne est d’abord de stopper les flux migratoires en direction de l’Europe, et non d’en éteindre les causes. Avec l’opération Triton confiée à l’agence FRONTEX, la priorité est non pas de sauver les migrants, mais bien de surveiller les frontières de l’Union européenne.

Si François Hollande a fait un distinguo très net entre migrants économiques et demandeurs d’asile, il a aussi précisé qu’il était favorable à une « meilleure répartition » de ces derniers entre pays européens. Comment « mieux répartir » des migrants sans établir de quotas ou fixer des seuils concernant les dossiers des demandeurs d’asile ?

C’est avec cette contradiction – car c’en est une – que se débat le Gouvernement depuis une semaine. À Matignon, on évoque désormais non pas des « quotas », mais une « quote-part ». De votre côté, monsieur le ministre, vous avez plaidé pour un « mécanisme de répartition solidaire de ce qui relève du statut du demandeur d’asile » tenant compte « des efforts déjà faits » par les pays « en matière d’accueil ». On joue sur les mots, mais, dans les faits, qu’en est-il ?

Bruxelles propose de répartir le traitement des demandes d’asile entre les pays européens. Ce mécanisme d’urgence, qui devrait être finalisé demain, ne s’appliquera qu’aux étrangers qui « ont manifestement besoin d’une protection internationale ». Ces personnes seront réparties entre les vingt-huit, selon une clé fondée notamment sur la démographie, la richesse et les efforts menés précédemment. Ainsi, l’Allemagne devra en accueillir 18, 42 % et la France, 14, 17 %, soit, en se fondant sur les chiffres de 2014, un « surplus » – j’insiste sur les guillemets –, dans l’Hexagone, de 26 000 demandeurs d’asile et de 7 000 personnes régularisées.

Est-ce donc ce « surplus » de 7 000 personnes régularisées qui fait sourciller l’exécutif ? À en croire le Gouvernement en effet, la France assumerait déjà plus que sa part dans la prise en charge des migrants, notamment ceux qui relèvent de l’asile.

Pour leur part, les élus du groupe CRC s’opposent fermement aux quotas, pour une seule et unique raison : le droit d’asile est un principe à valeur constitutionnelle, qui ne saurait être soumis aux vicissitudes de nos politiques d’immigration. Je le rappelle, l’asile est un droit. Aussi déplorons-nous que l’examen du texte ait été en quelque sorte pollué par le débat sur l’immigration, qu’a relancé la proposition européenne d’instaurer des quotas de migrants au sein de l’Union européenne. Dans ce contexte, les termes du débat sont les suivants : l’asile est une charge.

Quand ce projet de loi nous a été soumis, nous ne pouvions que nous réjouir qu’une réforme ait lieu pour améliorer le droit d’asile dans notre pays. C’est pourquoi nous avons soumis plusieurs amendements visant à aménager le texte. Je pense à la suppression des mesures tendant à élargir la procédure accélérée, dont le champ d’application est bien trop vaste par rapport à la procédure prioritaire existante et qui permettra à l’OFPRA de traiter de manière expéditive l’essentiel des demandes. Je pense aussi à l’établissement d’un véritable rôle pour le conseil lors de l’entretien, à l’évaluation de la vulnérabilité par des professionnels sociaux et des professionnels du soin. Je pense encore à la possibilité pour les demandeurs de bénéficier de l’allocation financière, sans être contraints d’accepter l’offre d’hébergement de l’Office français de l’immigration et de l’intégration, l’OFII.

Force est de le constater, aucune de ces propositions n’a retenu l’attention de la commission des lois ou du Gouvernement, pas même celle qui visait à revenir sur les dispositions restrictives du droit d’asile introduites par la commission des lois.

Bien loin de porter la moindre attention aux mesures que nous proposions, la droite sénatoriale s’est acharnée à rendre ce projet de loi encore plus dur, en y accumulant des dispositifs qui ne sont pas acceptables.

Les délais de traitement des dossiers ont ainsi été réduits à trois mois, contre neuf mois dans le texte initial. « On va, par l’effet d’une procédure qui rend impossible de déposer et préparer les dossiers dans le délai requis, rendre impossible le droit d’asile en France », s’insurge à cet égard Stéphane Campana, le bâtonnier du barreau de Seine-Saint-Denis.

L’accès au marché du travail a également été supprimé pour ceux dont l’affaire est en cours d’examen depuis plus de neuf mois. Les entretiens ont été vidés de leur sens, en maintenant le droit pour le tiers accompagnant de se taire et en instaurant la vidéoconférence pour les entretiens conduits par l’OFPRA, afin de déshumaniser davantage la procédure.

Pis encore, les mesures les plus dures visent les personnes déboutées de leur demande d’asile.

Ainsi a été introduite dans ce projet de loi l’accélération de la procédure d’éloignement, puisque la décision définitive de rejet prononcée par l’OFPRA, le cas échéant par la CNDA, vaudra obligation de quitter le territoire français et interdiction de solliciter un titre de séjour sur un autre fondement, telle la situation familiale ou médicale. Il s’agit, pour le président de la commission des lois, M. Bas, de lutter contre « le détournement massif des procédures de droit d’asile » à des fins d’immigration illégale.

En outre, l’assignation à résidence des déboutés dans des centres dédiés en vue de préparer leur éloignement confine, selon nous, à un véritable enfermement administratif.

Par ailleurs, l’accès à l’hébergement d’urgence est restreint pour ces personnes.

Enfin, le contentieux des décisions de refus d’entrée sur le territoire au titre de l’asile prises sur avis conforme de l’OFPRA est transféré à la CNDA, plutôt qu’au juge administratif de droit commun.

Toutes ces mesures vont dans le sens d’une surenchère sécuritaire et démagogique.

Tel est l’un des leitmotivs de la droite et de l’extrême droite : puisqu’un quart seulement des demandeurs d’asile voient leurs demandes aboutir, c’est que les trois quarts seraient des « fraudeurs ». Rhétorique trompeuse et infondée ! Dans la plupart des cas, les déboutés sont avant tout des personnes n’ayant pas eu la chance d’être pleinement entendues.

Nous le disons avec force, ces dispositifs ne doivent pas trouver leur place dans notre législation. Le droit d’asile mérite mieux que cela. Nous ne devons pas en rabattre s’agissant des moyens destinés à défendre une composante intrinsèque des valeurs de notre République.

Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cette version du projet de loi, telle qu’elle est issue des débats sénatoriaux.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Monsieur le ministre, mes chers collègues, il va être procédé dans les conditions prévues par l’article 56 du règlement au scrutin public sur l’ensemble du projet de loi dont l’intitulé a été ainsi modifié : « projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile ».

Ce scrutin sera ouvert dans quelques instants.

Je vous rappelle qu’il aura lieu en salle des conférences, conformément aux dispositions du chapitre 15 bis de l’Instruction générale du bureau.

Une seule délégation de vote est admise par sénateur.

Je déclare le scrutin ouvert pour une demi-heure et je vais suspendre la séance jusqu’à quinze heures quarante-cinq environ, heure à laquelle je proclamerai le résultat.

Je compte sur votre présence à la reprise.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à quinze heures vingt-cinq, est reprise à quinze heures cinquante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 190 :

Nombre de votants344Nombre de suffrages exprimés218Pour l’adoption187Contre 31Le Sénat a adopté le projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile.

Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

Je tiens à remercier Mme et MM. les secrétaires du Sénat, Valérie Létard, Serge Larcher et Jackie Pierre, d’avoir assuré le dépouillement du scrutin.

La parole est à M. le ministre.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d’abord à remercier tous ceux qui, sur l’ensemble des travées, se sont mobilisés pour l’examen du projet de loi relatif à la réforme du droit d’asile. Ils ont contribué à amender le texte, à en rendre les discussions les plus denses et les plus riches possible. J’adresse également mes remerciements à M. le rapporteur, François-Noël Buffet, ainsi qu’au président de la commission des lois, Philippe Bas, pour leurs contributions à ce débat.

Il convient de rappeler le cadre dans lequel le Gouvernement a présenté ce texte.

Le Gouvernement désire qu’une réponse conforme aux valeurs de la République et à la tradition prévalant dans notre pays de façon presque séculaire soit apportée à ceux qui relèvent du statut de l’asile en France et en Europe. Ces réfugiés demandent l’asile, car ils sont persécutés dans leur pays en raison de leur conviction politique, de leurs croyances ou de leur appartenance sexuelle ; ils méritent que la France soit à la hauteur de la tradition qu’elle défend, à la hauteur de des discours qu’elle prône, que les peuples du monde ont appris à aimer, à la hauteur de sa réputation.

Si telle a été la volonté qui a animé le Gouvernement au moment de présenter ce texte, c’est parce que ce n’est pas le cas aujourd’hui.

En effet, en France, les délais de traitement des dossiers des demandeurs d’asile sont de vingt-quatre mois, alors qu’ils sont en moyenne de douze mois dans le reste de l’Union européenne.

En outre, la France ne remplit pas ses obligations en matière d’accueil des demandeurs d’asile. Le nombre de places en centres d’accueil pour demandeurs d’asile est très nettement inférieur à ce qu’il devrait être au regard non seulement du nombre de demandeurs d’asile, mais aussi des obligations issues de la directive européenne en la matière.

Qui plus est, les droits des demandeurs d’asile sont insuffisamment reconnus devant les instances qui ont à connaître de leur dossier et à se prononcer sur chaque cas. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement a souhaité améliorer leur reconnaissance.

Ce texte est donc une nécessité pour des raisons qui tiennent à la fois à l’histoire et à la tradition de notre pays. Il l’est aussi du fait de la situation internationale et du contexte particulier que connaissent les réfugiés à travers le monde.

Mesdames, messieurs les sénateurs, beaucoup d’entre vous ont insisté sur la dimension humanitaire dramatique du problème, qui conduit des réfugiés victimes de réseaux de passeurs à trouver la mort. Ces passeurs, qui appartiennent à de véritables filières de traite des êtres humains, mènent ainsi leur œuvre cynique, alors qu’une autre organisation de l’accueil de ces migrants permettrait à ceux qui relèvent de l’asile en Europe de sortir de leurs mains et d’être accueillis dignement.

Je tiens à évoquer la dimension européenne de ce combat. Tout au long des débats qui se sont tenus dans cet hémicycle, j’ai entendu des propos qui ne correspondaient pas à la réalité du problème auquel nous sommes confrontés.

Il faut le savoir, 70 % de ceux qui sont arrivés en Italie depuis le début de l’année 2015 relèvent non pas du statut des réfugiés en Europe, mais de l’immigration irrégulière. Il faut avoir la lucidité de reconnaître que nous ne pourrons pas traiter ceux qui relèvent de l’immigration irrégulière comme nous devons traiter ceux qui relèvent de l’asile en France et en Europe, si nous voulons assurer la soutenabilité humanitaire et politique de l’accueil de ces derniers.

De plus, nous n’avons aucune chance de régler le problème de l’asile en Europe et en France si nous n’engageons pas, pour ce qui concerne l’immigration économique irrégulière, un dialogue approfondi avec les pays de provenance.

Si nous ne parvenons pas à établir un dialogue entre ces pays, l’Union européenne, notamment par l’entremise de la Commission européenne, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, le HCR, et l’Organisation internationale pour les migrations, l’OIM, pour sortir au plus tôt, dès les pays de provenance, les migrants des mains des passeurs, qui leur font franchir la Méditerranée et les conduisent à la mort, et pour organiser au plus tôt l’attribution du statut de réfugié à ceux qui relèvent de l’asile en Europe, si nous ne parvenons pas à mener avec ces pays de véritables actions de codéveloppement, qui permettent un accompagnement individuel global des demandeurs d’asile et grâce auxquelles ces mêmes pays ne seront pas privés de la richesse que constitue cette main-d’œuvre, alors la politique de l’asile en Europe ne sera pas soutenable.

Je me suis rendu la semaine dernière au Cameroun et au Niger. Dans ce dernier pays, j’ai constaté que, contrairement à ce qui était avancé, il n’existait aucun centre visant à maintenir les migrants sur le territoire national. Il faut donc que l’Union européenne s’implique fortement pour y parvenir.

Je dois aussi mettre l’accent sur la nature de FRONTEX, l’agence européenne pour la gestion des frontières extérieures, ce qui me permettra de répondre aux sénateurs qui se sont exprimés à ce sujet, notamment Éliane Assassi. Le fait qu’une opération de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne soit menée par cette agence ne signifie en aucun cas que cette dernière ne doive pas respecter les règles du sauvetage en mer.

Une opération de contrôle extérieur des frontières de l’Union européenne et une opération de sauvetage en mer ne sont en rien antinomiques. FRONTEX, quel que soit son mandat confié en matière de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, a le devoir d’assurer le sauvetage de toute personne qui se trouverait en danger au moment de la traversée de la Méditerranée. Le droit de la mer lui est applicable.

Considérer qu’il faudrait seulement une opération de sauvetage, sans aucun contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne, serait adresser un signal extrêmement négatif aux passeurs, dont nous voulons combattre l’activité. Cela reviendrait à les encourager à organiser les passages, en donnant le sentiment de leur fournir les moyens de continuer. Je le dis clairement, il est hors de question que la France soutienne une telle position en Europe !

Pour autant, le fait que FRONTEX ait une mission de contrôle des frontières extérieures de l’Union européenne ne l’empêche en rien de sauver des vies ! Sans ce contrôle pour lutter contre les passeurs, pour combattre les filières organisées du crime et pour assurer le sauvetage de ceux qui doivent être sauvés et, plus généralement, de tous ceux qui sont en situation dramatique en mer, indépendamment de leur statut et de leur provenance, nous ne pourrons pas assurer efficacement la soutenabilité des politiques migratoires !

À propos de la dimension européenne de notre politique toujours, je souhaite insister sur la répartition équitable de ceux qui relèvent du statut de réfugié.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la position du Gouvernement est sans ambiguïté aucune ! J’entends rappeler certains éléments que j’ai soulignés au cours du débat, quitte à les répéter à l’envi, car il y va de la réussite de notre action avec l’Union européenne.

C’est la France qui a inspiré une grande partie des propositions que Jean-Claude Juncker a formulées voilà quelques jours au nom de la Commission européenne. Pour le Gouvernement, il n’y a aucune raison pour que cinq pays accueillent à eux seuls 75 % des demandeurs d’asile de l’Union européenne !

Mme Catherine Troendlé acquiesce.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le concept de « quotas » de migrants, utilisé par certains acteurs de la Commission européenne, est une mauvaise expression, qui gâche une bonne disposition mise en œuvre par l’Union européenne.

En effet, et je m’adresse plus particulièrement à Mme Assassi, qui est de nouveau intervenue sur le sujet tout à l’heure, il n’est pas question d’établir des quotas pour ceux qui relèvent du statut de réfugié en Europe ! Ce statut est déterminé selon des critères. Instaurer des quotas reviendrait à dire que l’on n’accueille plus de réfugiés au-delà d’un certain seuil. Ce ne serait pas tenable. Ce ne serait conforme ni à la tradition de l’Union européenne, ni à celle de la France, ni à la volonté du Gouvernement. Ceux qui relèvent du statut de réfugié en Europe le sont parce qu’ils répondent à des critères et ils doivent être répartis au sein de l’Union européenne en fonction des efforts déjà réalisés par les différents pays.

Le concept de quotas a encore moins de sens pour les migrants irréguliers, qui ont vocation à être non pas accueillis au sein de l’Union européenne, mais reconduits à la frontière, afin de rester dans leur pays d’origine, dans le cadre des politiques de codéveloppement que nous proposons de mettre en place.

L’idée de « quotas » est donc doublement absurde. D’une part, le statut de réfugié relève de critères, et non de quotas ; d’autre part, l’instauration de quotas pour l’immigration irrégulière aurait moins de sens encore. Nous combattons résolument les filières. Pour nous, les migrants irréguliers ont vocation à être reconduits à la frontière. À défaut, la politique de l’asile en Europe ne serait pas soutenable.

La politique du Gouvernement est claire, sans ambiguïté. C’est celle que je viens d’exprimer et que nous répéterons inlassablement. C’est la seule politique soutenable. Les principes de générosité et d’humanité, qui guident notre action, doivent être adossés à l’esprit de responsabilité. Pas d’humanité sans responsabilité ! C’est une nécessité budgétaire et politique. D’ailleurs, les pays de provenance souhaitent également que nous mettions fin aux trafics, qui rendent impossibles la maîtrise de leurs propres frontières et le travail de leurs services de sécurité.

Je terminerai en évoquant le travail qui a été accompli au Sénat.

Vous l’avez remarqué, mesdames, messieurs les sénateurs, tout au long de notre débat, j’ai cherché à faire en sorte que, sur une question aussi importante – l’asile renvoie à des principes essentiels –, nous essayions collectivement de descendre à l’arrêt « République » !

Sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

D’ailleurs, j’ai relevé beaucoup d’avancées positives au cours de la discussion. Nombre de dispositions adoptées par la commission des lois dont je contestais le contenu – les mesures envisagées ne me semblaient conformes ni à la tradition de la France ni à des principes constitutionnels ou conventionnels – ont fait l’objet de débats nourris. Cependant, la commission n’a pas souhaité revenir sur ces propositions, ce que je regrette.

Je trouve ainsi problématique de considérer que le rejet de la demande d’asile vaut nécessairement obligation de quitter le territoire français. Un demandeur d’asile à qui l’on a refusé l’asile peut demander à bénéficier du séjour en France à un autre titre. D’ailleurs, par souci de réalisme, j’ai proposé que ce soit le préfet qui puisse prononcer lui-même l’obligation de quitter le territoire français au terme du rejet de la demande d’asile. Peut-être ceux qui n’ont pas obtenu l’asile seront-ils, à un moment donné, reconduits à la frontière, mais il faut garantir que cela se produira bien dans le respect des droits du demandeur d’asile. Rien ne justifie qu’un étranger ait moins de droits qu’un autre sous prétexte qu’il a été demandeur d’asile !

De même, je n’ai pas souhaité que l’on mélange le texte sur l’asile et celui sur le séjour, qui sera examiné ultérieurement. Je le répète, il est faux de prétendre que le Gouvernement n’a pas pris en compte la question des déboutés du droit d’asile ! Le sujet sera traité dans le texte sur le séjour, qui sera examiné dans la foulée du présent projet de loi. Il y a un souci d’équilibre, mais aussi une séparation des deux textes, ce qui correspond totalement à la tradition française.

Le Sénat a voulu introduire des dispositions relatives au séjour dans le texte sur l’asile. Je m’y suis opposé, car cela n’est pas conforme à notre tradition. Aucun gouvernement, de droite comme de gauche, ne l’a fait jusqu’à présent. Je souhaite que nous préservions cette distinction. Je salue d’ailleurs la contribution extrêmement forte de Mme Létard à cet égard. C’est la preuve que nous avons été capables de dépasser certains clivages sur le sujet.

(Marques d’approbation sur les travées du groupe socialiste.) Le texte qui sort du Sénat n’est pas celui que j’y ai vu entrer.

Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre de l’intérieur

Le Sénat ne s’étant pas laissé convaincre par mon argumentation de bonne foi, qui, sur un sujet aussi important, était destinée à créer les conditions d’un consensus, et non d’un dissensus, je comprends que les groupes de l’opposition sénatoriale ne votent pas ce projet de loi, que j’ai moi-même présenté. §Les dispositions qui ont été introduites ne me paraissent pas correspondre à ce qui est souhaitable et posent, selon moi, des problèmes de constitutionnalité et de conventionnalité. En outre, elles tournent le dos à une tradition à laquelle, j’en suis convaincu, nous sommes tous très attachés.

Toutefois, bien que n’ayant pas réussi à convaincre le Sénat, j’ai senti que les questions que je formulais n’étaient pas sans susciter des réflexions utiles chez tous les parlementaires. Je forme donc le vœu que la commission mixte paritaire permette d’aboutir à un accord. Nous avons besoin de ce texte pour être efficaces dans la lutte contre l’immigration irrégulière et dans l’accueil dans des conditions dignes de ceux qui relèvent du statut de réfugié en Europe.

Je salue, pour conclure, la grande qualité du travail accompli par le Sénat.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Bien entendu, monsieur le sénateur ! Je l’ai déjà souligné. Cela étant, je ne tenais pas à le répéter, afin de ne pas compromettre MM. Philippe Bas et François-Noël Buffet et nuire à leur crédibilité auprès de leurs amis.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Bas

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Elle n’est pas menacée !

Nouveaux sourires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Ayant déjà fait un compliment, je ne souhaitais pas en faire un second ; les intéressés me reprocheraient d’être trop aimable ! En plus, je ne suis pas sûr qu’ils méritent deux compliments ; le premier était justifié, mais un second serait plus discutable !

Rires.

Debut de section - Permalien
Bernard Cazeneuve, ministre

Je forme encore une fois le vœu que les avancées positives que nous avons obtenues ensemble permettent de cheminer vers un bon accord, afin que nous puissions agir avec humanité et responsabilité. Nous le savons, le sort des réfugiés est terrible. Faisons en sorte que l’asile soit de nouveau conforme à la grande tradition, désormais séculaire, de notre pays !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE. – Plusieurs sénateurs de l'UDI-UC applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Larcher

M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein du conseil d’administration de France Télévisions.

La commission de la culture, de l'éducation et de la communication a été invitée à présenter une candidature.

La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, conformément à l’article 9 du règlement.

Mes chers collègues, avant d’aborder le point suivant de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

L’ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale, portant nouvelle organisation territoriale de la République (projet n° 336, texte de la commission n° 451, rapport n° 450, tomes I et II, avis n° 438).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu

Monsieur le président, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, nous entamons cet après-midi un débat important pour la vie de nos concitoyens. Avec la nouvelle organisation territoriale de la République, il s’agit de répondre aux injonctions contradictoires des citoyens, qui demandent de manière paradoxale, ainsi que l’a souligné le Président de la République voilà une semaine à Carcassonne, moins de dépenses publiques, mais davantage d’action publique et de services publics.

Ce qu’attendent aujourd’hui les Français, ce sont des services publics efficaces qui les accompagnent tous et à tous les âges de la vie, qui soient présents aux côtés de tous les acteurs de notre économie – TPE émergentes, coopératives agricoles anciennes ou entreprises momentanément en difficulté –, qui permettent toutes les créativités, toutes les solidarités et tous les progrès communs.

Pour répondre à ces attentes, nous le disons souvent, la puissance publique a besoin des collectivités territoriales, car aucune des politiques publiques de l’État ne s’exerce sans leur intervention. Ce sont nos collectivités qui portent l’organisation des territoires et la vie quotidienne des Français.

Bien sûr, en cette période difficile, toute action de l’État et des collectivités s’inscrit dans une trajectoire budgétaire contrainte, dont vous ne manquerez pas de parler au cours de nos débats.

Cependant, très majoritairement, malgré les efforts que cela nous impose et que cela impose à nos concitoyens, je constate que nous nous accordons pour réduire la dette de notre pays, afin non de répondre aux sommations de Bruxelles, mais d’éviter d’avoir à faire un choix impossible, entre les quelque 44 milliards d’euros de remboursement de la dette de l’État et nos engagements d’avenir.

Cela concerne nos discussions à venir, car les collectivités ne peuvent plus, dans ce contexte, demander des compétences générales fortes et dire leurs difficultés à faire face à leurs dépenses obligatoires.

Ensemble, nous allons essayer, à partir de cet après-midi, de répondre à cette double injonction, en nous écoutant, en avançant à partir de constats partagés et en construisant des réponses équilibrées. J’ai bon espoir – c’est ma nature – que nous y parviendrons, même si, je dois le dire, certains signes, certaines déclarations un peu excessives pourraient parfois me faire douter. Nous devons trouver un accord et il me semble que nous n’en sommes pas tellement éloignés.

Ces réponses équilibrées, le Gouvernement a déjà contribué à les élaborer au cours de la première lecture de ce projet de loi. Il a souhaité, pour ce faire, vous écouter.

Ainsi, concernant les régions, dont vous avez dit qu’il était primordial de renforcer le rôle – je cite M. Delebarre –, le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont donné suite à plusieurs de vos propositions.

C’est le cas, notamment, pour les politiques d’accompagnement à l’emploi. Dans ce domaine, nous savons tous ici les difficultés résultant de la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, qui confie à Pôle emploi, sans distinction des personnels, la gestion des indemnisations décidées paritairement au niveau national et l’accompagnement de ceux qui veulent trouver un emploi, se former ou se reconvertir.

Nous savons tous que ces difficultés empêchent aujourd’hui le débat sur une éventuelle régionalisation de l’accompagnement vers l’emploi des demandeurs d’emploi.

Néanmoins, à la suite de nos discussions, nous avons souhaité confier aux régions davantage de responsabilités en la matière. Nous avons souhaité qu’elles puissent disposer de moyens supplémentaires lorsqu’elles présentent un projet ambitieux pour mettre en cohérence cette politique.

Concernant ensuite les départements, j’ai suivi vos débats en commission des lois. Je ne crois donc pas me tromper, monsieur Hyest, en disant que vous êtes satisfait en partie de ce qui a été fait. Vous avez souligné que, comme vous le souhaitiez, des compétences auxquelles les départements tiennent beaucoup – notamment les collèges et les routes – ont pu être maintenues à leur échelon.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mais j’ai noté aussi que vous partagiez l’idée de mettre en place des péréquations et des stratégies se déployant à des échelles plus larges.

Afin de pouvoir accompagner la montée en puissance du bloc communal, l’échelon départemental voit également confirmé son rôle en matière d’ingénierie et de solidarité territoriale. Cette compétence que nous créons est très fortement attendue. Je pense qu’elle est de nature à rassurer les communes rurales et celles disposant de faibles ressources.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Le rôle que jouent aujourd’hui certains départements en milieu rural a été reconnu par vos collègues de l’Assemblée nationale. C’est le cas, par exemple, pour le soutien à certaines filières agricoles importantes sur le plan local.

Concernant les établissements publics de coopération intercommunale, je sais que vous estimez que nous n’avons pas encore fait assez. Je sais que certains d’entre vous estiment que nous ne leur donnons pas assez de temps et de souplesse pour opérer leur rationalisation et leur montée en compétence.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je trouve, pour ma part, que beaucoup a été fait, justement, par le Gouvernement et par les députés afin de dessiner, avec vous, ce que j’espère être un bon compromis.

Comme vous le souhaitiez, monsieur Bas, nous avons fait en sorte de ne pas déstabiliser les intercommunalités récemment fusionnées. Ainsi que le demandait la Haute Assemblée, de nombreuses nouvelles adaptations ont été introduites.

Alors oui, j’entends comme vous la crainte exprimée par les maires sur la disparition des communes, dont quelque 25 000 ont moins de 1 000 habitants.

Toutefois, je constate aussi – et nous devons avoir le courage de le dire dans cette enceinte – que le véritable risque, pour ces communes, est de ne pas pouvoir répondre aux demandes de leurs habitants. Ces derniers aspirent à des services publics qui sont souvent lourds à assumer pour les plus petites collectivités : je pense, par exemple, à la prise en compte de la petite enfance.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Pour l’instant, elles font face sans problème !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Je sais également le besoin de solidarité et de coopération, qui ne pourra être satisfait qu’à l’échelle de l’intercommunalité ; ayons, là aussi, le courage de le dire.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

L’ennemi de la commune, ce n’est pas la loi NOTRe ; c’est la diminution du nombre d’élus qui souhaitent s’engager, souvent bénévolement, et je ne remercierai jamais assez ici ceux qui ont permis une amélioration, si longtemps attendue, du statut de l’élu.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

L’ennemi, c’est la difficulté à mettre en place des services suffisants, attendus par les habitants.

Il n’est pas possible, au regard des constats que je viens de dresser, de remettre encore et toujours à plus tard des avancées indispensables à la qualité des services publics et à la mutualisation. D’ailleurs, plus je me déplace sur les territoires de France, plus j’en suis persuadée. Le Sénat lui-même est parfois en avance sur ces sujets relatifs à la mutualisation, s’agissant notamment des centres intercommunaux d’action sociale. Ce n’est pas à vous que je l’apprendrai, madame Gourault.

Enfin, concernant les métropoles, autre sujet dont nous avons longuement débattu, l’Assemblée nationale a voté de manière conforme, pour l’essentiel, les articles portant sur celle d’Aix-Marseille-Provence, et elle a accepté les grandes lignes du compromis trouvé entre le Sénat et le Gouvernement sur la métropole du Grand Paris.

Les choses évoluent donc. Nous avons déjà réalisé des avancées importantes vers ces solutions partagées que j’évoquais précédemment. Je ne parle pas de la métropole de Lyon, au sujet de laquelle nous examinerons quelques amendements destinés à peaufiner le dispositif.

Il nous faut maintenant continuer, pour atteindre nos ambitions communes : améliorer le quotidien des citoyens, en réduisant les inégalités entre les territoires et en renouant avec la solidarité ; aider nos territoires, en remettant la coopération au cœur de notre action publique ; redresser la France, en prenant en compte l’ensemble des territoires qui la composent.

Ce redressement, chaque territoire peut et doit y participer. En effet, vous le savez, même si elles sont indispensables à notre pays, nous ne pouvons nous contenter des seules métropoles pour tirer la croissance. Elles le feront et elles le font déjà, mais elles ne peuvent le faire sans les autres territoires, sous peine de produire des disparités trop fortes, génératrices d’un grand manque à gagner collectif. C’est ce que nous n’avez pas manqué de souligner de nouveau. Ces disparités trop fortes entre territoires existent déjà aujourd’hui. Elles sont loin de ne concerner que le milieu rural, qui lui-même n’est en rien homogène.

La seule étude des dotations aux collectivités nous montre, sur ce sujet, deux choses : nous avons inscrit les injustices dans l’histoire des dotations et l’hyper-richesse continue de côtoyer l’hyper-pauvreté, sans que la régulation vienne y remédier.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Or cette régulation doit naître aussi de notre organisation territoriale et de l’organisation de nos finances locales. Permettez-moi, à ce titre, de saluer la mémoire de Jean Germain, qui nous a laissé un remarquable tableau de bord pour réussir cette réforme. Nous le lui devons, ainsi qu’à nos collectivités.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Pour réussir, justement, je vous propose de tracer, avec ce texte, une voie : une voie vers un développement plus équilibré, plus durable, mieux réparti entre les territoires et les citoyens, que ce soit pour la préservation de notre indépendance énergétique, celle de notre indépendance alimentaire ou la créativité et l’emploi ; une voie vers des services publics présents partout où ils sont nécessaires, mieux adaptés à la réalité quotidienne des usagers et davantage individualisés, pour l’accès de tous à la culture, aux loisirs, à l’éducation, au logement et pour l’émancipation de chacun ; une voie vers une démocratie locale vivace car transparente, ouverte aux débats et acceptant la contradiction, pour refaire société, pour vivre ensemble, pour que chaque citoyen se sente partie prenante à notre République, à la construction de son avenir et de celui de son pays ; une voie vers une République qui reconnaît sa diversité pour mieux se rassembler.

Tracer cette voie n’est pas facile, mais la Haute Assemblée aime le courage et rejette l’immobilisme. C’est pourquoi nous pouvons y parvenir.

Pour ce faire, il nous faut prolonger la clarification des compétences. Vous l’avez souligné, monsieur Vandierendonck, et c’est bien le sens du texte que je vous propose. C’est le sens du transfert de compétences portuaires à l’échelon régional que le Gouvernement souhaite défendre de nouveau devant vous. Ce ne sera pas facile, je le sais.

Il nous faut dire clairement qui fait quoi. C’est le cas, notamment, en matière de tourisme, un domaine dans lequel la France a, vous le savez, un potentiel immense, mais peut encore, il faut l’avouer, faire des progrès. En la matière, le Gouvernement vous propose de mettre fin à la schématologie.

Marques d’approbation sur les travées de l'UMP et au banc des commissions.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Il nous faut donner aux régions les moyens de leur action, en arrêtant de se comparer aux Länder allemands, qui gèrent, entre autres domaines, l’éducation dans son ensemble et n’ont aucune autonomie fiscale.

Il nous faut favoriser l’adaptation de notre organisation territoriale à la diversité des territoires, surtout lorsque les acteurs locaux nous en montrent le chemin.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est ce qui se passe aujourd’hui en Corse, avec la collectivité unique, fruit d’un long de travail de concertation entre le Gouvernement et l’ensemble des élus corses. Le débat sur ce sujet a été transpartisan : les élus – de droite comme de gauche – ont souhaité cette collectivité unique. L’Assemblée de Corse l’a approuvée à une très large majorité, par plus de 80 % des voix.

Ce vote ayant eu lieu le 12 décembre 2014, nous n’avons pas disposé du temps nécessaire au débat lors de la première lecture du projet de loi. C’est ce qui explique que les dispositions portant sur la collectivité unique de Corse aient été introduites à l’Assemblée nationale. Nous avons maintenant l’occasion d’en discuter. Gardons, pour ce faire, bien en tête qu’il s’agit d’une démarche républicaine et concertée. Souvenons-nous que c’est le choix des élus corses de voir le travail sur la collectivité unique se poursuivre dans le cadre législatif, au travers de l’examen du projet de loi NOTRe. Ils nous l’ont confirmé le 13 avril dernier, lorsque nous les avons reçus, avec Bernard Cazeneuve. L’organisation d’un référendum reporterait trop loin cette réalisation et, républicains et attachés à la démocratie participative, les élus sont les représentants de leur territoire.

Pour réussir, il nous faut aussi construire de véritables espaces de solidarité, que ce soit dans notre région capitale, qui devrait montrer l’exemple et entraîner la France, dans l’ensemble de nos grandes villes, dans les villes moyennes et les bourgs-centres ou encore dans les milieux ruraux.

Cette question de la coopération intercommunale est fondamentale pour l’avenir de notre pays et de nos territoires. Je l’ai dit déjà, mais je veux le répéter, car j’entends beaucoup trop, à ce sujet, de discours parfois infondés, qui visent à alimenter la peur et la détresse dans certains territoires. J’ai le sentiment que, malheureusement, les slogans se répandent bien plus vite que la recherche de solutions responsables et efficaces.

Mesdames, messieurs les sénateurs, faut-il que je le redise lors de chacune de mes interventions devant le Parlement : ce projet de loi reconnaît et consacre la commune comme échelon de base de notre organisation territoriale.

Protestations sur les travées de l'UMP et du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l’UDI -UC.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Ce projet de loi n’entérine pas, contrairement à ce que j’ai pu entendre, au Sénat ou ailleurs, la fin programmée de nos communes.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Au contraire, elle libère les plus petites communes de leur carcan, de leur sujétion à l’égard de divers financeurs qui ne leur donnent pas voix au chapitre.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Laissez-les choisir, c’est à elles de décider !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Elle leur permet de mieux assumer leurs missions pour répondre aux attentes de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

L’intercommunalité, c’est un moyen pour étendre, y compris en milieu rural, des services dont, jusque-là, ne bénéficiaient que les habitants des communes-centres ou des communes riches.

C’est ce que j’ai dit aux maires des petites communes qui ont manifesté le 18 avril dernier et à la rencontre desquels je suis allée. C’est ce que je leur redirai à l’occasion du débat que je souhaite organiser très rapidement avec les maires ruraux, ces maires qui sont le relais principal des millions d’habitants vivant hors de nos villes.

Debut de section - PermalienPhoto de Sophie Primas

Vous n’allez pas être déçue du résultat !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Les difficultés de ces maires, je les connais, et je comprends leurs inquiétudes ; mais c’est précisément pour eux qu’il nous faut réussir cette nouvelle étape de la construction intercommunale, car ce sont eux et leurs communes qui ont le plus besoin de grandes intercommunalités. M. Bertrand en a dressé un très juste constat dans son rapport consacré à l’hyper-ruralité, qui fera date.

Alors oui, c’est un pas substantiel que je vous propose de franchir ensemble avec ce texte, mais c’est un pas qu’il est nécessaire de faire pour ne pas voir nos territoires se déliter, pour que nos concitoyens cessent de voir les services publics s’éloigner d’eux, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Nous savons tous le danger des concurrences, des intercommunalités de défense qui assèchent en grande partie le développement de territoires qui sont pourtant les bassins de vie de nos concitoyens.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est donc un pas nécessaire, car le statu quo ne peut plus perdurer. C’est ce que nous disent tous les élus : la situation aujourd’hui n’est pas bonne, et le sentiment d’abandon est réel. Nous le savons.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

La loi n’est pas votée, que je sache !

Ce constat est lourd, inquiétant pour nous qui espérons redresser tous les territoires de France.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Nous ne pouvons donc en rester au diagnostic : ce ne serait pas responsable.

Le Gouvernement a proposé un panel de solutions, mais rien ne se fera sans coopération. Je vous demande donc à vous aussi, mesdames, messieurs les sénateurs, de faire un pas substantiel. Comme je vous l’ai dit, chacun doit faire des pas si nous souhaitons pouvoir nous rencontrer et dessiner des réponses équilibrées.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la nouvelle organisation territoriale de la République repose sur des principes simples : cohérence, clarté, courage et coopération.

Exclamations sur plusieurs travées.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Avec ce texte, nous voulons rapprocher le citoyen des services publics dont il a besoin ; pour cela, nous comptons sur les intercommunalités.

Nous voulons rapprocher les demandeurs d’emploi des entreprises et aider les entreprises à tout moment de leur existence ; pour cela, nous comptons sur les régions.

Nous souhaitons faire émerger des territoires moteurs du développement international de la France et dessiner les technologies de demain ; pour cela, nous comptons sur les métropoles.

Nous souhaitons garantir la proximité ; pour cela, nous ferons en sorte que la commune reste le socle de base de notre organisation territoriale.

M. Alain Gournac s’exclame.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Ce que je vous propose, c’est de faire vôtres les principes sous-tendant ce texte, de renoncer ensemble, ici comme à l’extérieur de votre assemblée, aux formules, aux mots d’ordre, aux lieux communs – c’est là, je crois, la force du Sénat –, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

… pour construire les véritables conditions de notre dialogue. Ayons le courage, collectivement, de trouver de bons compromis, là où nous les savons nécessaires.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Sachons surmonter nos peurs, nos égoïsmes, nos tentations de repli, bien humaines, certes, mais souvent stériles, pour que nos citoyens et l’ensemble de nos territoires puissent également le faire, pour refonder l’envie de faire société ensemble avec les élus locaux et nos concitoyens – ces derniers sont trop nombreux à ne plus voter, et donc à ne plus croire au progrès, ni pour eux-mêmes ni pour le territoire auquel ils s’identifient, ce qui est sans doute le signe le plus grave –, pour retrouver la fierté commune et réciproque des territoires de France, ces territoires qui, ensemble, font notre République.

Nous sommes tous ici, au sein de cet hémicycle, des républicains convaincus que la décentralisation fonde l’organisation territoriale de notre République, et nous sommes tous convaincus que nous avons, par conséquent, des responsabilités à assumer : faire en sorte que les valeurs de notre République soient au cœur de notre organisation territoriale, souder une société française souvent décontenancée par les enjeux lourds du XXIe siècle, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mme Marylise Lebranchu, ministre. … redonner confiance à ceux, trop nombreux, de nos concitoyens pour qui ce siècle a mal commencé. À nous, donc, de donner sa chance à un bel espoir qui soit à la fois partagé et réaliste ! Je vous remercie de l’enthousiasme que vous manifestez.

Rires sur les travées de l’UMP. – Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l’UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La parole est à M. René Vandierendonck, corapporteur.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, monsieur le corapporteur, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, comme le disait le Premier ministre, le mardi 28 octobre dernier, la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République offre aujourd’hui au Sénat la possibilité de jouer pleinement son rôle de législateur.

Comme cela a été le cas pour les autres textes ayant trait à la réforme territoriale que le Parlement a examinés ces dernières années, le projet de loi présenté par le Gouvernement s’est considérablement enrichi au fil de la navette.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Initialement composé de trente-sept articles, il en comporte à ce jour cent soixante-six, dont soixante-deux résultant des travaux du Sénat et soixante-cinq des délibérations de l’Assemblée nationale.

Globalement, l’Assemblée nationale a amélioré le texte tout en respectant le travail et les apports du Sénat en première lecture, ce qui peut laisser espérer une convergence, tout au moins sur un grand nombre de dispositions. Je pense notamment à la suppression de la clause de compétence générale des régions et des départements, au renforcement de la compétence stratégique des régions en matière de développement économique, à la création de deux schémas régionaux stratégiques en matière d’économie et d’aménagement du territoire, ou encore au maintien aux départements de la gestion des collèges et des routes.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Toutefois, d’importantes divergences subsistent avec l’Assemblée nationale, …

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

… car nos collègues députés ont inséré des dispositions qui avaient été précédemment rejetées par la Haute Assemblée dans le cadre de l’examen d’autres projets de loi. Je souhaite revenir sur trois d’entre elles.

Concernant tout d’abord le Haut Conseil des territoires

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

… le 19 décembre 2014, lors de l’examen des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi MAPTAM de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, j’avais achevé mon intervention en tant que rapporteur du texte en abordant cette question.

La création de ce nouvel organe consultatif avait alors été ajoutée à l’Assemblée nationale, en réponse à une attente exprimée par certains élus locaux et associations d’élus qui souhaitaient la mise en place d’une instance de dialogue entre l’État et les collectivités.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Puis, à la suite des échanges entre députés et sénateurs, la commission mixte paritaire s’était finalement ralliée à la position du Sénat et avait supprimé cette disposition du projet de loi.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Deux arguments présentés à l’époque sont toujours recevables aujourd’hui : d’une part, cette instance ne doit pas se substituer au Sénat, qui, aux termes de l’article 24 de la Constitution, assure la représentation des collectivités territoriales de la République ; d’autre part, la création d’une telle instance de concertation ne nécessite pas le recours à une loi.

À ma grande surprise, l’Assemblée nationale a réintroduit la création du Haut Conseil des territoires. L’article 1er bis a été adopté, il faut le souligner, contre l’avis du Gouvernement, ce dernier ayant mis en place, par voie réglementaire, une instance de dialogue national des territoires.

La commission des lois a par conséquent supprimé cet article 1er bis.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

La deuxième disposition a trait à l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires de l’ensemble des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, à fiscalité propre.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

L’article 22 octies élargit à l’ensemble des EPCI à fiscalité propre le principe de la fixation par la loi avant le 1er janvier 2017 de modalités particulières pour l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires.

Ce nouvel article généralise à l’ensemble des intercommunalités l’objet de l’article 54 de la loi MAPTAM, qui, sans même poser la question constitutionnelle, limitait le champ de cette innovation aux conseils des métropoles, en l’assortissant d'ailleurs de la remise d’un rapport préalable du Gouvernement au Parlement pour éclairer le législateur.

Comme nous le disions au moment de la discussion de la loi MAPTAM, il faut le rappeler avec force, le Sénat est favorable au suffrage universel direct communal et hostile à la supracommunalité !

Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI-UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

La troisième disposition traite des conditions du transfert aux intercommunalités de la compétence en matière de plan local d’urbanisme.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

L’Assemblée nationale est revenue sur une disposition qui avait fait l’objet d’un consensus lors de la commission mixte paritaire sur le projet de loi ALUR pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, sur l’initiative de M. Claude Bérit-Débat. Nous avions alors expliqué qu’il s’agissait d’envoyer un signal fort aux communes en leur donnant l’assurance, à travers l’instauration d’une minorité de blocage, que la recherche d’un accord primerait sur la contrainte.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Excepté ces trois « marqueurs idéologiques » inutiles, il me semble que les deux chambres peuvent trouver des points de consensus sur des thématiques majeures introduites par le texte visant une répartition équilibrée des compétences entre région, département et bloc communal, dans la logique du projet de loi, qui est bien la clarification des compétences entre les échelons territoriaux.

J’évoquerai maintenant le maintien d’un certain nombre de compétences de proximité des départements et l’intégration dans la loi d’une véritable compétence de ces derniers en matière de solidarités territoriales et humaines.

Le Premier ministre, ici même, avait rappelé l’importance du rôle des départements « pour assurer les solidarités sociales et territoriales, entre de grandes régions stratèges et le couple communes-intercommunalités ». Je donne acte au Gouvernement de la clarification de l’intervention des départements dans ce domaine, grâce à l’inscription d’une compétence en matière de solidarités territoriales et humaines, à l’article 24 du projet de loi.

Se félicitant de la philosophie globale de cet article, la commission des lois a précisé les missions de solidarité territoriale du département, en particulier en rétablissant, sur proposition de Jean-Jacques Hyest, la voirie parmi les compétences pour lesquelles il pourrait apporter une ingénierie aux communes et aux groupements qui le souhaiteraient.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Réaffirmant ainsi sa position de première lecture, la commission des lois a également adopté, sans modification, le schéma d’amélioration de l’accessibilité des services publics et, avec modifications, l’article 26 relatif aux maisons de services au public.

La commission des lois salue en outre le dialogue fructueux sur les compétences de proximité du département, qui a abouti au maintien en première lecture au Sénat comme à l’Assemblée nationale, avec le soutien du Gouvernement, des compétences en matière de collèges et de voirie aux départements, respectivement aux articles 12 et 9.

À l’article 9, un amendement prévoyant que les régions pourront « participer au financement des voies et des axes routiers qui, par leurs caractéristiques, constituent des itinéraires d’intérêt régional et sont identifiés par le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires » a ainsi été adopté sur l’initiative du Gouvernement.

La commission a adopté les articles 12 et 9, sous réserve de modifications rédactionnelles.

Il reste à souligner, mais nous y reviendrons abondamment, qu’il subsiste une divergence d’appréciation sur la compétence de proximité en matière de transports scolaires et de transports à la demande, que le débat doit permettre d’éclairer.

La commission a également supprimé ce matin l’article 8 ter, prévoyant l’évolution des périmètres de transports urbains, dans l’attente des éléments complémentaires qui seront certainement présentés par le Gouvernement au cours de nos débats.

Le maintien d’importantes compétences aux départements s’est accompagné, pour le Sénat, d’une volonté de renforcer les compétences stratégiques de la région en matière de développement économique, d’aménagement du territoire, ainsi que d’emploi et de formation.

Sur ces points, deux principes ont guidé les travaux de la commission des lois du Sénat en deuxième lecture.

D’une part, nous avons cherché à respecter tous les équilibres qui avaient été établis dans la loi MAPTAM, notamment la répartition des rôles au sein du couple région-métropole dans le champ du développement économique. Les soixante-dix heures de débat que M. Hyest a courageusement…

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

… assumées seul en attestent.

D’autre part, nous avons insisté pour que le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité du territoire, le SRADDET, et le schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation, le SRDEII, soient bien le résultat d’une procédure de co-élaboration.

À l’article 3, sur la compétence relative aux aides aux entreprises, les deux chambres convergent globalement vers la mise en place d’un dispositif qui vise utilement à donner une responsabilité prépondérante à la région en la matière, comme l’appellent de leurs vœux MM. Queyranne, Jurgensen et Demaël dans leur rapport.

Sur la question de l’emploi, le Sénat avait, en première lecture, attribué aux régions une compétence en matière de service public de l’emploi.

La commission salue les évolutions opérées par l’Assemblée nationale, sur la proposition de Mme la rapporteur pour avis Monique Iborra. Néanmoins, elle a rétabli l’ambition décentralisatrice retenue par le Sénat en première lecture en matière d’emploi.

Elle a également adopté, sous réserve d’amendements de précision, le dispositif introduit par l’Assemblée nationale à l’article 3 ter, visant à confier à la région une compétence de coordination, sur son territoire, des acteurs du service public de l’emploi.

Enfin, tout en conservant la suppression de la clause de compétence générale des régions, la commission des lois a supprimé les ajouts de l’Assemblée nationale en matière de pouvoir réglementaire des régions, en raison des difficultés constitutionnelles et juridiques fortes qu’ils soulevaient.

Cher Jean-Jacques Hyest, en latin, tandem veut dire « enfin ». J’ai été heureux et fier que vous teniez le guidon, car, comme pour la loi MAPTAM, nous étions d’accord sur la destination !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

Il s’agissait de redonner au Sénat le « premier mot » en matière de représentation constitutionnelle des collectivités territoriales, …

Debut de section - PermalienPhoto de René Vandierendonck

M. René Vandierendonck, corapporteur. … de clarifier les compétences des régions et des départements, de renforcer l’intercommunalité en privilégiant l’incitation contractuelle plutôt que la norme unilatérale et rigide, et de regretter la désynchronisation entre le débat sur la poursuite de la décentralisation et celui sur la déconcentration.

Applaudissementssur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, il faut reconnaître que les collectivités locales sont mises à rude épreuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Elles sont touchées par une baisse sévère de leurs dotations, alors que, depuis vingt ans, on a quasiment fait disparaître leur autonomie fiscale, aujourd'hui réduite à pas grand-chose pour les régions et les départements, et à guère plus pour les communes. La situation était bien différente dans les années quatre-vingt.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… puis la part « salaires » de la taxe professionnelle, pour créer finalement un « truc », la fameuse CVAE, ou cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, dont les collectivités ne savent pas ce qu’elle leur rapportera chaque année…

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Les collectivités locales doivent maintenant subir un projet de réforme institutionnelle que l’on veut mettre en place au pas de charge, sans tenir compte de la réalité des territoires ni du sentiment d’abandon des territoires ruraux et péri-urbains. On veut instaurer de nouvelles intercommunalité, vastes, parce que cela « fait bien ».

Si ce quatrième projet de loi depuis 2012 a cependant une utilité, c'est, comme René Vandierendonck l’a dit, celle de clarifier les compétences de chacun des niveaux de collectivités. Enfin ! Jean-Pierre Raffarin avait essayé de le faire, …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… mais cela n’avait pas donné de bons résultats, chaque niveau de collectivités ayant voulu garder toutes ses compétences.

Aujourd’hui, les moyens ayant diminué, on peut espérer que les compétences soient véritablement clarifiées. C’est, à mon avis, plus important que de vouloir, à tout prix, supprimer des collectivités, en faisant fi de l’histoire de notre pays et de la volonté évidente des élus locaux de mieux mutualiser les politiques publiques.

Avec mon excellent corapporteur René Vandierendonck, qui a davantage travaillé que moi

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… nous partageons la même conception du rôle des collectivités locales. L’un comme l’autre, nous avons une longue expérience de la vie et des réalités quotidiennes de celles-ci. Vous êtes nombreux à être dans le même cas, mes chers collègues, et il est bon que nous puissions tous donner notre avis et faire part de notre vécu.

René Vandierendonck a évoqué les compétences essentielles des régions et des départements. J’insisterai, à mon tour, sur une étape essentielle de la décentralisation en matière d’accompagnement vers l’emploi.

Ce n’est pas rendre service aux demandeurs d’emploi que de déconnecter le développement économique, la formation professionnelle et l’emploi ou l’enseignement supérieur. Ce n’est pas possible, ce n’est pas tenable !

On ne peut donc que regretter la timidité de l’Assemblée nationale sur ce sujet, mais il existe certainement des marges de progression. Ce volet relève d’une troisième étape de la décentralisation, le reste ressortissant simplement à l’organisation des territoires.

J’en viens au volet communal et intercommunal. Nous devons réaffirmer, comme vous l’avez fait, madame la ministre, que la commune doit demeurer la cellule de base de la démocratie locale et qu’elle est plus que jamais indispensable, si l’on ne veut pas distendre encore un peu plus le lien social et sacrifier d’immenses pans de notre territoire.

On peut toujours faire de loin l’éloge des élus locaux, mais ce sont eux qui font vivre la démocratie locale ! S’ils n’étaient pas là, les choses seraient encore plus compliquées !

Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI -UC et du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Ainsi que le Sénat l’a exprimé à plusieurs reprises, nous rejetons comme funeste l’idée de « supra-communalité » et tous ses avatars en matière de représentation, tels qu’envisagés par l’Assemblée nationale. Je vous renvoie volontiers au rapport Raffarin-Krattinger, mais aussi au rapport Belot, que vous citez souvent d’ailleurs souvent, madame la ministre, sans peut-être les avoir entièrement lus…

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Ah si ! Je les ai lus en entier !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Alors, vous n’avez pas tout retenu !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

La loi sur les communes nouvelles votée par le Parlement – je rappelle l’échec de la loi dite Marcellin, qui avait été une première tentative – devait permettre des regroupements volontaires de communes. Toutefois, cela ne sera jamais la panacée. Nous ferons d’ailleurs bientôt le bilan, et nous verrons alors combien de communes nouvelles ont été créées. Cela étant, il ne faut pas se précipiter pour dresser des bilans, ni changer la loi avant qu’elle ait été votée, comme cela arrive parfois…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Quoi qu’il en soit, le texte proposé par la commission des lois sur ce sujet, qui a fait l’objet de tant de réformes menées généralement sur des durées assez longues, réaffirme le principe de l’intercommunalité, regroupement de communes indispensable pour exercer certaines compétences. Ces communes ont conscience de la nécessité de regrouper leurs forces pour assurer une meilleure efficacité de leur action, tout en espérant faire quelques économies, ce qui ne s’est pas encore vérifié jusqu’à présent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’ai relu les débats sur la loi de 2010. Elle fut très critiquée par certains, notamment en ce qui concerne les seuils des intercommunalités, mais aussi le rôle des préfets, les compétences obligatoires. Il faut avouer que, rétrospectivement, cette loi paraît presque timide, et équilibrée.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Elle a permis, après d’autres, une avancée considérable en matière d’intercommunalité.

Le seuil de 5 000 habitants alors retenu a permis que tout le territoire soit couvert par 2 134 intercommunalités. À peine deux ans après la création des plus récentes d’entre elles, voilà qu’on entend en diviser le nombre par deux, sans aucune justification, sans aucune étude d’impact sérieuse.

Si l’idée était, à l’origine, de confier aux intercommunalités certaines attributions des départements en « délestant » ceux-ci des collèges et des routes au profit de la région, il faut oublier cet épisode. Sinon, il aurait fallu, au moins, rétablir les conseils d’arrondissement.

Nous voyons que la proximité doit demeurer le maître mot de cette architecture territoriale. Mes collègues du groupe socialiste l’ont bien compris, qui ont déposé un amendement visant à abaisser le seuil des intercommunalités. L’Assemblée nationale a dû établir des dérogations multiples qui, certes, peuvent convenir à quelques départements « hyper-ruraux », …

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

… pour reprendre l’expression de notre collègue Alain Bertrand, mais certainement pas aux secteurs ruraux des départements comptant une métropole ou une partie fortement urbanisée.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C'est le contraire !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Non, cela ne fonctionne pas ! Je vous l’expliquerai le moment venu, ma chère collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. C’est pourquoi la commission, comme en première lecture, vous propose de maintenir en l’état le seuil de 5 000 habitants, en tenant compte des communes de montagne

Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l’UDI-UC.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C'est déjà le cas !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

Il ne faut pas oublier l’île d’Yeu pour M. Retailleau !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Cessons de charger les communautés de compétences obligatoires, même si nous proposons de progresser dans ce domaine. Je pense notamment à la question du traitement des déchets, qui ne peut aujourd'hui être réglée dans un cadre communal.

Vous le savez bien, madame la ministre, de nombreux problèmes vont se poser en matière d’eau ou d’assainissement. Si la volonté existe, les choses pourront se faire dans le cadre des compétences optionnelles actuelles, mais, je le redis, cessons de multiplier les compétences obligatoires !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Nous avons eu de nombreux contacts avec les élus locaux, et pas seulement ceux qui s’expriment en leur nom, si vous voyez ce que je veux dire…

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacqueline Gourault

M. le rapporteur est contre le monde associatif !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

M. Jean-Jacques Hyest, corapporteur. Je vise non pas l’association qui regroupe toutes les communes de France, mais plutôt ses sous-filiales !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Nous avons ressenti une profonde inquiétude des élus face à une réforme dont ils ne comprennent ni la pertinence, ni surtout le tempo infernal. Chacun sait que la réussite d’une politique, surtout quand il s’agit des élus locaux, passe plus par la persuasion que par l’autorité imposée. On l’a bien vu en 2010. Les mariages forcés ne sont jamais une bonne solution.

D’ailleurs, on peut se demander si la meilleure formule passe obligatoirement par des fusions de communautés, pour correspondre le mieux possible à des bassins de vie.

Dans certains cas, faute d’autre solution, des territoires ruraux pertinents seront absorbés par une communauté d’agglomération ou une communauté urbaine, ce qui ne correspond pas à un bon aménagement du territoire.

M. Éric Doligé opine.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

Prenons garde, en réduisant drastiquement le nombre de communautés, à ne pas commettre des bévues ou à ne pas choisir de mauvaises solutions.

À ce stade de la discussion, je n’évoquerai pas le statut de la Corse. Vous avez certes expliqué, madame le ministre, pourquoi le Sénat n’avait pu être saisi de ce bouleversement institutionnel. Notre assemblée représente pourtant les collectivités locales, n’en déplaise à certains, pour qui le Sénat ne représente plus rien !

Je ne parlerai pas non plus de la gestation difficile de la métropole du Grand Paris

M. Roger Karoutchi rit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Hyest

J’espère que le texte qui sortira de nos travaux confortera la décentralisation, l’équilibre de nos territoires, la commune, institution à laquelle nos concitoyens demeurent attachés malgré les coups de boutoir que lui portent des experts autoproclamés et des comités Théodule qui ne connaissent pas la réalité du terrain, et l’approche non pas conservatrice, mais pragmatique, qui a toujours été celle du Sénat, en sa qualité de vrai représentant des collectivités locales de la République !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI -UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – MM. Gérard Collomb et Michel Delebarre applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, ce projet de loi aurait pu constituer une nouvelle étape de la décentralisation, pour plus de rationalité et de coordination de l’action publique, mais aussi plus d’équité entre les territoires : autant de thèmes auxquels nous sommes très attachés au Sénat, parce que nous les vivons au quotidien dans nos départements.

Nous regrettons que ce texte ne soit pas allé plus loin, au moins en matière de culture et de sport, et qu’il n’ait que très partiellement répondu aux ambitions affichées ; je sais exprimer là un sentiment très répandu dans cet hémicycle.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’était saisie en première lecture de l’article 12, pour argumenter contre le transfert des collèges aux régions. Sur ce point, le texte n’a heureusement pas été modifié à l’Assemblée nationale. Nous étions très nombreux à souhaiter le maintien des collèges dans le giron des départements.

Il n’en a pas été de même pour les transports scolaires ; aussi notre commission s’est-elle à nouveau saisie d’une partie du titre Ier, qui vise au « développement équilibré des territoires ». Nous avons examiné l’article 8, relatif aux compétences régionales en matière de transports scolaires. La commission des lois a bien voulu nous suivre dans le refus du transfert de la gestion des transports scolaires aux régions ; j’en remercie ses rapporteurs.

En revanche, concernant le titre III, qui vise à « garantir la solidarité et l’égalité des territoires », je veux vous alerter, une fois encore, sur l’importance d’adopter une position volontariste sur les compétences dans les domaines de la culture et du sport.

En effet, la version initiale du projet de loi, à l’article 28, rangeait la culture et le sport parmi les compétences partagées entre l’État et les collectivités locales.

Le Gouvernement nous a présenté cette disposition comme une « avancée », sinon une garantie, alors que c’est tout simplement une évidence, le simple constat de ce qui existe aujourd’hui : la culture et le sport sont, de facto, des compétences partagées, et personne n’imagine sérieusement qu’il en aille autrement. Tous les échelons institutionnels de notre pays y ont leur part, tout simplement parce que faire du sport, organiser des compétitions, lire, dessiner, visiter un site patrimonial, travailler dans une commune qui valorise ses monuments, aller au cinéma ou encore acheter un jeu vidéo concerne peu ou prou tout le monde, à toutes les échelles géographiques. Il n’y a donc, à ce titre, aucune raison que les compétences en matière de culture ou de sport relèvent d’un seul échelon institutionnel.

Sortons néanmoins un peu de notre « cuisine institutionnelle », où l’on en arrive parfois à regarder comme une avancée ce qui n’est que le constat de l’évidence. Que se passe-t-il en matière de culture et de sport ? Partout, aujourd’hui, les institutions sont en repli ; des centres d’art, des conservatoires de musique ferment ; des festivals sont annulés faute de moyens.

Le Gouvernement se félicite de maintenir les crédits de la culture pendant trois ans. Nous lui en savons gré, mais nous savons aussi que le passage du « rabot » de l’État sur les dotations aux collectivités locales entraînera une diminution souvent brutale des crédits alloués aux projets, à l’activité culturelle : c’est d’abord cela que l’on constate dans les territoires, qu’il s’agisse des bibliothèques, des théâtres, des musées.

Je ne voudrais pour rien au monde, cependant, que l’on voie en moi une donneuse de leçons : la crise concerne toutes les institutions, et nous comprenons fort bien la nécessité des économies budgétaires. Mais c’est justement quand la ressource est rare qu’il faut l’utiliser à meilleur escient, qu’il faut renforcer la concertation et l’organisation stratégique des moyens.

Nous touchons là au cœur du travail législatif que nous avons accompli au Sénat en première lecture. La loi ne doit pas se contenter d’affirmer que la compétence est partagée en matière de culture, de sport et de tourisme ; il faut encore qu’elle en organise l’exercice conjoint et qu’elle donne un peu de contenu à ces compétences.

Tel est le sens des conférences territoriales thématiques de l’action publique, les CTAP, « sport » et « culture », dont nous avons proposé la mise en place et que vous avez accepté de maintenir dans le texte, messieurs les rapporteurs de la commission des lois, ce dont je vous remercie encore une fois vivement. Nos collègues députés de la commission des affaires culturelles nous avaient d’ailleurs suivis, mais pas ceux de la commission des lois, non plus que le Gouvernement.

On nous dit que rien n’empêchera les CTAP de constituer des commissions thématiques et qu’il faut leur laisser toute liberté à cet égard. Mais que se passera-t-il quand elles ne le feront pas ? Au lieu d’un exercice conjoint de la compétence partagée, on aura plutôt une mise en œuvre disjointe et dispendieuse des politiques culturelles, fondée sur un partage des compétences « à la carte », où chacun fera comme il l’entend, sans concertation et avec force doublons. Les dossiers « culture » et « sport » seront examinés en dernier dans les CTAP, il n’y aura pas de coopération ni d’économies d’échelle, et encore moins de solidarité et d’égalité des territoires, pour reprendre l’intitulé crâne du titre III de ce projet de loi.

De même, quand nous avons proposé d’écrire dans la loi que la CTAP doit veiller à la continuité des politiques publiques en matière de culture, de sport et de tourisme, on nous a répondu que ce sera de toute façon le cas, puisque la CTAP aura un rôle de coordination, et qu’il n’est donc nul besoin de l’écrire…

Madame la ministre, mes chers collègues, un tel argument sera trop faible pour être opposé à tous ceux qui ne verront dans cette CTAP qu’une coquille vide, qu’une instance aux contours imprécis et aux missions si floues qu’elle pourra exister sur le papier sans jamais se saisir des sujets importants.

Ne gaspillons donc pas nos moyens, organisons davantage les compétences, qui, si elles relèvent de différents échelons institutionnels, participent directement à la construction de notre vie sociale, collective ! Des initiatives existent depuis quelques années pour construire des politiques culturelles concertées : je pense en particulier à la conférence régionale consultative pour la culture, créée en 2009 en Pays de Loire, ainsi qu’à d’autres chartes régionales. En tant que législateur, nous devons encourager les collectivités à aller dans ce sens, en systématisant la mise en place d’un cadre qui leur permette de débattre plus précisément des questions de culture et de sport.

J’y reviendrai lors de l’examen du titre III, en vous présentant à nouveau des amendements tenant compte de la position de la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Je tenais cependant à le dire dès la discussion générale : la culture et le sport ont besoin non pas seulement de bonne volonté, mais de volontarisme.

Debut de section - PermalienPhoto de Catherine Morin-Desailly

Mme Catherine Morin-Desailly, rapporteur pour avis. La crise est aiguë, engageons-nous davantage en faveur de ce qui consolide la vie en société : c’est une défenseur ardente de la décentralisation qui vous le dit !

Applaudissementssur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP, ainsi que sur les travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, chers collègues, je voulais vous faire partager le fol espoir que j’ai un instant caressé en préparant cette deuxième lecture, celui que le Sénat adopte conforme le magnifique article 22 octies, dont je rappelle les termes :

« Les métropoles, les communautés urbaines, les communautés d’agglomération et les communautés de communes sont administrées par un organe délibérant élu au suffrage universel direct, suivant des modalités particulières fixées par la loi avant le 1er janvier 2017. »

Malheureusement, ce fol espoir, tel le bateau d’un roman de Jules Verne récemment adapté au théâtre, s’est fracassé une fois de plus sur les récifs de la commission des lois, dont les membres ont rayé d’un trait de plume un article qu’ils avaient l’habitude de railler dans l’hémicycle en l’accusant de tous les maux, notamment celui d’entraîner la disparition des communes, excusez du peu !

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

J’en suis, je le reconnais, quelque peu désespéré.

Debut de section - PermalienPhoto de Ronan Dantec

En effet, le Sénat ne cesse de détricoter des avancées législatives allant pourtant de toute évidence dans le sens de la reconnaissance des réalités des territoires vécus, des véritables bassins de vie et de l’égalité démocratique entre les citoyens.

Je ne parviens vraiment pas à comprendre comment nos vécus peuvent être si différents, alors que nous sommes ou avons été, pour la plupart d’entre nous, élus locaux.

À Nantes, on a pu constater, à l’occasion des élections municipales de l’année dernière, que les habitants des petites communes n’ont pas le même accès au débat d’agglomération que ceux de la ville-centre. Il n’y a donc pas égalité des citoyens dans l’organisation de la gouvernance démocratique de nos territoires. Cela peut nourrir un sentiment d’injustice, voire de relégation. La réponse logique à ce problème, c’est l’élection au suffrage direct. Ce serait si simple !

On pourrait évidemment discuter du fonctionnement global de cette gouvernance, chercher à établir des mécanismes garantissant la représentation de toutes les communes, mais on préfère jouer à retarder les échéances : c’est tellement plus facile, et cela permet d’éluder le débat. Permettez-moi de penser que n’est pas ce que l’on attend du Sénat, qui devrait être le moteur des réformes territoriales, plutôt que de se complaire dans le rôle du frein à main !

C’est donc un projet a minima qui nous est soumis, où la volonté de clarification et de mise en cohérence a cédé le pas au maintien des situations existantes, au refus du changement. Nous sommes bien loin de la volonté initiale du Gouvernement d’instaurer plus de cohérence dans l’exercice des compétences par les différents niveaux de collectivités, en confiant l’économie aux régions, la solidarité aux départements et les services publics de proximité au bloc communal. Nous aurions pu et dû trouver un consensus sur cette démarche simple et lisible.

J’ai déjà eu l’occasion de le dire : puisque la disparition des départements n’est plus d’actualité, notamment en raison du fait qu’aucun échelon – hormis peut-être quelques très grandes villes – n’est prêt à reprendre leurs compétences en matière d’action sociale, le groupe écologiste, dont les positions ont elles aussi évolué sur ce point, ne s’oppose pas au maintien du département et de ses compétences sociales.

Pour ce qui est des autres compétences que le Sénat entend absolument maintenir dans le giron des départements, nous ne comprenons toujours pas quelle est la logique de la démarche.

Les départements ont un budget très contraint, lié à l’exercice de leurs compétences sociales. Pourtant, une majorité se dégage au sein de notre assemblée pour leur conserver l’ensemble de leurs actions, que ce soit en matière d’environnement, de tourisme, de transports ou de collèges, tout en demandant, dans le même mouvement, une clarification des compétences. Où est la logique ? Pourquoi vouloir conserver au département les petites lignes ferroviaires qu’il n’a nullement les moyens de rouvrir ? Le principe est-il : « c’est à moi, donc je le garde » ? C’est aller, en définitive, contre l’efficacité de l’action publique. Je le redis, il n’y a aucune raison aujourd’hui de ne pas transférer aux régions les compétences des départements autres que celles relevant du champ social.

Nous avons compris qu’il apparaissait rassurant de maintenir des compétences départementales en matière d’égalité des territoires dans le cadre de la création de ces « méga-régions », qui a, de fait, un peu chamboulé le débat, ce que l’on peut d’ailleurs regretter. Cela étant, j’y insiste, le maintien de telles compétences pour les départements est à double tranchant, puisque ce sont bien les régions qui seront chargées de l’aménagement durable et de l’égalité des territoires dans le cadre des schémas régionaux prescriptifs. Ce partage des compétences en matière d’égalité territoriale peut ainsi permettre à certaines méga-régions de se défausser de celles-ci, en renvoyant la responsabilité d’assurer la solidarité et l’égalité des territoires aux départements, dont les moyens financiers sont pourtant faibles et qui n’ont pas, contrairement aux régions, la main sur la coordination de l’action des autres niveaux de collectivités.

Ce qui apparaît à certains comme une « garantie » peut être un piège, alors que le débat entre nous aurait davantage dû porter sur un renforcement de la péréquation, de la répartition des richesses produites, notamment dans les métropoles, au bénéfice de l’ensemble des territoires. Je crois que le Sénat fait fausse route en adoptant une attitude défensive, en mettant en scène la méfiance entre territoires, y compris très proches.

Un point en lien avec l’aménagement du territoire concerne justement les transports et les routes : les régions seront chargées, demain, de mettre en œuvre un schéma de développement économique et un schéma d’aménagement du territoire, englobant lui-même un schéma de mobilité. Or maintenir la voirie, les ports ou les lignes ferroviaires dans le champ des compétences des départements ne permet pas de donner la cohérence nécessaire aux politiques de mobilité. Il s’agit là de traiter des enjeux majeurs d’accessibilité, d’environnement et de lutte contre le changement climatique. Cette mise en cohérence à travers les schémas régionaux est partiellement remise en cause, au détriment de l’efficacité de l’action publique et, en définitive, des territoires les plus fragiles.

Autre exemple d’incohérence du texte tel qu’il a été remanié : le refus d’inclure dans le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires, le SRADDET, la thématique de l’environnement et de la protection de la biodiversité.

La protection de la biodiversité a pourtant vocation à être intégrée pleinement dans la stratégie régionale d’aménagement du territoire, au même titre que les transports, la maîtrise de l’énergie ou la prévention des déchets. Le refus que j’évoquais est également contradictoire avec le fait que les régions élaborent déjà des schémas régionaux de cohérence écologique alors que le SRADDET a vocation à intégrer tous les schémas sectoriels. Nous sommes, une fois encore, restés au milieu du gué.

Dans le même domaine, la suppression de la consultation du Comité national « trames verte et bleue » pour l’élaboration du schéma régional d’aménagement du territoire est une incohérence supplémentaire. Comment peut-on vouloir créer et maintenir des continuités écologiques et, en même temps, ne pas s’assurer que les régions élaborent des schémas cohérents avec une trame nationale ? Tout cela m’interpelle, et c’est un euphémisme !

Pour ce qui concerne le renforcement des intercommunalités, le relèvement du seuil à 20 000 habitants vient également d’être supprimé en commission. Quel est l’intérêt d’une telle décision ? Les députés avaient déjà créé des dérogations qui répondaient aux difficultés concrètes d’application existant dans un certain nombre de territoires, et il faut des intercommunalités d’une taille suffisante pour renforcer la cohérence et l’efficacité de l’action publique.

En revanche, en matière de mutualisations de services, quelques avancées sont à saluer. Elles seront plus faciles à mettre en œuvre, ce qui répond à une demande très forte des élus locaux.

Le renforcement par les députés des droits de l’opposition dans le cadre du scrutin municipal et l’abaissement à 1 000 habitants du seuil de population pour l’application de ces droits sont un autre point positif à souligner. Je défendrai des amendements tendant à compléter cette évolution importante pour la vie démocratique dans les petites communes. Nous devrions pouvoir trouver quelques points de consensus. Je ne perds donc pas totalement espoir !

Nous reviendrons également plus en détail, au fil de l’examen du texte, sur d’autres avancées démocratiques dont le groupe écologiste souhaite le rétablissement, relatives notamment au droit d’adaptation législative des régions, au rôle des conseils de développement et des conseils économiques, sociaux et environnementaux, les CESER : autant de dispositions introduites par nos collègues députés, mais supprimées, hélas, par la commission des lois du Sénat.

Nos concitoyens nous regardent, chers collègues, et ce n’est pas en revenant sur des progrès démocratiques que nous répondrons à la grave crise de défiance à l’encontre de la classe politique que nous observons actuellement !

Aussi, malgré les réelles avancées que comportait initialement ce texte, s’agissant de la création des schémas prescriptifs régionaux et du renforcement des intercommunalités, c’est avec le sentiment d’un travail inachevé et d’une occasion manquée que le groupe écologiste aborde cette deuxième lecture.

Applaudissements sur les travées du groupe écologiste. – MM. René Vandierendonck, corapporteur, et Michel Delebarre applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Favier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, au moment d’entamer la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, chacun de nous peut témoigner combien la population, les élus locaux et les agents territoriaux sont, pour le moins, interrogatifs devant un tel bouleversement de nos institutions locales et inquiets du sort qui leur sera réservé.

Avec la concentration des pouvoirs, conséquence des premières réformes mises en place en 2010 et en 2014, avec la création des nouvelles intercommunalités et des métropoles, avec les répercussions des baisses drastiques des dotations de l’État, nos concitoyens ont de plus en plus de mal à savoir où l’on va et si les réformes en cours répondront bien à leurs besoins.

La réponse à la fameuse question : « qui fait quoi ? » devient de plus en plus opaque. Les services publics locaux sont partout fragilisés. Les finances locales sont exsangues. Le pire est que nous ne sommes qu’au début de la mise en œuvre de cette action locale low cost qui aboutira, si rien ne change, à réduire encore la voilure au cours des prochaines années.

L’opacité tient au fait que les changements de cap incessants rendent illisible le rôle de chacune des collectivités locales de la République.

La fragilisation des services publics locaux et de l’action locale est liée notamment à la suppression de la clause de compétence générale pour les départements et les régions. C’est une atteinte très grave portée au principe décentralisateur de libre administration des collectivités locales.

Enfin, la situation très préoccupante des finances locales s’explique par les coupes claires opérées dans les dotations de l’État aux collectivités locales : 28 milliards d’euros en moins sur quatre ans !

Cette politique d’austérité constitue une absurdité totale. Elle permet de financer les cadeaux fiscaux offerts aux grandes entreprises, mais à quel coût pour le pays !

Ce coût s’exprime en termes de recul de l’emploi, dans le bâtiment et les travaux publics en conséquence de la baisse de l’investissement public local, et au sein des collectivités territoriales avec les partants non remplacés et les menaces qui pèsent sur les personnels contractuels.

Il s’exprime en termes de perte de pouvoir d’achat, avec les hausses d’impôts locaux et de tarifs des prestations que les collectivités locales sont contraintes de décider.

Il s’exprime en termes de délitement de la cohésion sociale, du fait de la diminution des subventions aux associations, à la culture, au sport.

Il s’exprime en termes de restriction du périmètre des services publics locaux, celle-ci prenant une ampleur très préoccupante.

Il se traduit sur le plan démocratique, enfin, par l’éloignement des citoyens des centres de décision et la diminution du pouvoir d’intervention des élus locaux.

Tout cela constitue le produit de l’austérité imposée par le Gouvernement à l’action locale d’aujourd’hui et de demain. Le résultat de ces réformes se situe ainsi à l’exact opposé des objectifs annoncés et va à l’encontre des attentes des uns et des autres. Au final, cette démarche recentralisatrice et technocratique engendre inquiétude et incompréhension, et alimente, hélas, les formes les plus préoccupantes de populisme.

Le projet de loi que nous examinons poursuit dans la même voie et renforce même les aspects les plus négatifs de la situation actuelle. Cette réforme de nos institutions locales mêle, dans un même mouvement, diminution de la dépense publique locale et affaiblissement de la démocratie locale.

Le projet de loi NOTRe, tel qu’adopté par l’Assemblée nationale avec votre soutien, madame la ministre, amplifie les dérives actuelles et conduit tout droit à la disparition des collectivités territoriales de proximité que sont les départements et les communes.

Ce texte, je suis au regret de le dire, est à la décentralisation ce que la Restauration fut à la Révolution française : un retour en arrière très inquiétant.

Dans le même temps, il bouleverse la hiérarchie des normes institutionnelles, faisant de la région la collectivité « responsable », pilotant l’action des autres collectivités, dorénavant placées de fait sous sa tutelle. Il octroie à la région un pouvoir réglementaire élargi, en lieu et place de l’État. Ainsi, un processus de changement de République est en cours, sans que les objectifs soient clairement affichés et sans que le peuple soit en mesure de se prononcer.

Nous ne cessons de dénoncer ce processus qui transforme, doucement mais sûrement, notre pays en une République fédérale intégrée à une Europe supranationale, avec un État recentré sur ses seules missions régaliennes, des communes qui disparaissent au profit des intercommunalités, des départements écartelés entre les métropoles et les régions, avant que ne soit prononcé leur acte de décès.

Si nous étions bien seuls, au début, à dénoncer ces dérives institutionnelles, une certaine prise de conscience gagne aujourd’hui du terrain, jusqu’au sein de l’Association des maires de France, qui craint une disparition programmée des communes.

À de nombreuses occasions, nous avons débattu de ces questions dans cet hémicycle. Sur toutes les travées, des paroles fortes de soutien à nos communes ont été prononcées, mais, dans les textes et dans vos votes, mes chers collègues, il en va tout autrement.

Le regroupement autoritaire de communes au sein d’EPCI à fiscalité propre a été décidé et est appelé à se poursuivre encore, avec des intercommunalités de plus en plus grandes.

Les transferts de compétences obligatoires des communes vers les intercommunalités ont été renforcés, et ce mouvement continue.

Le regroupement au sein de communes nouvelles a été encouragé par un relèvement des dotations. En cette période de restriction budgétaire, c’est plus qu’une incitation.

La rationalisation des services se fera toujours au détriment des services municipaux, sur la base du plus petit dénominateur commun.

La mise en place de maisons de services au public – et non de maisons de services publics ! – dans tous nos territoires se fera sans aucune concertation avec les communes.

Avec ce texte, les communes seront incitées, demain, à ne plus décider seules du taux d’imposition locale, perdant ainsi tout pouvoir fiscal au profit, encore et toujours, des intercommunalités.

Au travers de la réforme de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, il est envisagé de transférer le versement de cette dernière de la commune à l’intercommunalité.

Enfin – cerise sur le gâteau ! –, vous soutenez, madame la ministre, l’introduction par l’Assemblée nationale de l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel direct.

Ainsi, les intercommunalités, initialement conçues comme des instruments entre les mains des communes, au service de leurs projets, deviendront en fait des collectivités de plein exercice qui feront de nos communes des arrondissements administratifs de seconde zone, sans aucun pouvoir.

En outre, ces intercommunalités élargies, dont la population sera dorénavant nécessairement supérieure à 20 000 habitants, se transforment en chevaux de Troie dirigés contre nos départements. Ce qui commence par des transferts autoritaires de compétences vers les métropoles risque de se poursuivre par la transformation des départements en simples assemblées des intercommunalités. Certains envisagent même de transférer les compétences sociales des départements aux nouvelles intercommunalités.

Ainsi, une nouvelle fois, en dehors de tout débat démocratique, se mettent en place les structures locales de demain, à savoir les régions et les intercommunalités, en lieu et place de nos communes et de nos départements.

Dans le même esprit, votre texte traduit la volonté de limiter la démocratie locale, en supprimant des possibilités d’expression de notre peuple. Ainsi, la modification du périmètre de nos régions a été décidée sans que l’on demande l’avis des citoyens.

Quant à l’obligation d’organiser un référendum dans certains cas de modification des institutions locales, elle a été retirée, et vous voulez imposer par la loi, madame la ministre, la constitution d’une assemblée unique de Corse, alors que les citoyens de cette région l’ont refusée par référendum il y a quelques années.

Mes chers collègues, l’ensemble des dispositions de ce projet de loi reflète des choix politiques que nous contestons. Il ne s’agit pas de simples mesures d’adaptation pragmatiques, visant à prendre en compte les évolutions de notre société : elles sont l’expression d’orientations profondément libérales faisant de la mise en concurrence l’alpha et l’oméga de toutes les évolutions, en tous domaines.

Vous accroissez la taille de toutes nos institutions locales afin d’en faire des éléments de cette mise en concurrence, au risque d’engendrer des monstres technocratiques, à l’image de la métropole du Grand Paris et de ses 7 millions d’habitants, qui, au travers des propositions que vous formulez, devient une « usine à gaz » incompréhensible.

Vous réduisez la place et le rôle des élus en renforçant le pouvoir des exécutifs. Vous créez les conditions de l’instauration d’un partenariat public-privé au service des actionnaires et au détriment des services publics, qui sont la seule richesse de ceux qui n’en ont pas.

Vous allez donc « caporaliser » nos collectivités locales en faisant disparaître celles qui sont le plus proches des citoyens, interviennent au plus près de leurs besoins et favorisent leur participation à la chose publique.

En définitive, les dispositions de ce texte restent bien éloignées des préoccupations de nos concitoyens, de leur volonté d’exprimer des choix en faveur de la mise en œuvre, au plus près de leur quotidien et de leurs préoccupations, de politiques publiques qui leur soient utiles et répondent à leurs besoins. En fait, de cela, nous ne parlons que très rarement dans cet hémicycle, alors qu’il s’agit pourtant de l’essentiel. C’est bien dommage !

Certes, la France des territoires a besoin d’être revivifiée au travers d’un renforcement de la démocratie locale, d’une décentralisation repensée et d’une coopération plus étendue, mais nos 36 000 communes sont une richesse, et nos 500 000 élus l’expression de la diversité démocratique qui fait la France.

Ce n’est pas de moins de démocratie et de moins de proximité que notre pays a besoin. Au contraire, nos concitoyens et nos élus locaux attendent davantage d’écoute, d’accompagnement et de soutien.

D’ailleurs, les premiers reculs auxquels le Gouvernement a été contraint – je pense à l’abandon, lors de la première lecture, du transfert des collèges et des routes des départements aux régions – traduisent bien la fébrilité et l’impréparation qui ont présidé à l’élaboration de ce projet de loi.

Le bon sens, le principe de réalité commandent de ne pas éloigner des citoyens la gestion publique et d’éviter de la concentrer à l’échelon de territoires trop étendus.

La commission des lois du Sénat a de nouveau rejeté le transfert aux régions des transports scolaires et des ports. C’est là une bonne chose. Cette décision va dans le bon sens, celui de l’avènement, que nous appelons de nos vœux, d’une République démocratique et décentralisée, à l’écoute des besoins des territoires et de leurs habitants, soucieuse d’utilité sociale et de développement des services publics, d’une République où l’action publique locale disposerait des moyens de mener à bien ses missions, au service de l’intérêt général.

Telle est notre vision de ce que pourrait être une nouvelle étape de la décentralisation. C’est pourquoi, madame la ministre, à l’entame de cette deuxième lecture, je conserve l’espoir que d’autres choix puissent être faits, inspirés par les conclusions des états généraux de la démocratie territoriale organisés par le Sénat en 2011. En tout cas, le groupe CRC ne pourra évidemment pas voter ce texte en l’état.

Applaudissements sur les travées du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, est-ce la conclusion de la réforme territoriale ? Je ne le crois pas, tant l’exécutif a oublié que le meilleur chemin pour aller d’un point à un autre est la ligne droite ! Or, madame la ministre, ce texte est plutôt l’œuvre de gauchers contrariés.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Vous avez eu l’idée, madame la ministre, d’appeler ce projet de loi « NOTRe ». À mes yeux, il s’agit plutôt du projet de loi « LEURRE »

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

, parce que c’est le vôtre et, surtout, parce qu’il ne répond pas vraiment aux attentes des élus locaux, qui finissent par y perdre le latin que, pour nombre d’entre eux, ils avaient eu la chance d’apprendre !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Certes, dans ce cycle de réformes territoriales, nombre de dispositions importantes ont été votées par notre groupe, à commencer par la loi MAPTAM, et une majorité d’entre nous a toujours voté les propositions de clarification des compétences, avec la restriction de la clause de compétence générale.

Cependant, que désirions-nous en réalité ?

Premièrement, nous aurions souhaité un texte unique, global, et non une succession de textes sans articulation et parfois contradictoires, des régions et des métropoles régionales en nombre restreint, de taille européenne – comme le préconisait le rapport Raffarin-Krattinger –, qui soient de nature à devenir des locomotives pour l’ensemble des territoires, et non des machines à absorber la substance vitale des territoires interstitiels. En effet, ce sont les villes moyennes et les territoires ruraux qui sont victimes de ces réformes !

M. Daniel Dubois applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Deuxièmement, nous aurions souhaité un texte élaboré en cohérence avec la réforme des ressources financières des collectivités, qu’il s’agisse de la fiscalité ou de la baisse générale des dotations de l’État. Il n’y a, à ce jour, aucune réelle adéquation entre la réforme des structures des collectivités et leur financement. Vous modifiez les périmètres des territoires et l’articulation de leurs compétences sans synchronisation avec la nécessaire réforme des ressources : c’est stupéfiant, et inexplicable à nos élus locaux.

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI -UC et sur quelques travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Troisièmement, nous aurions voulu une simplification et de la liberté pour les collectivités locales. Or, sur bien des points, vous nous proposez une complexification, par l’accumulation des conférences, des comités, des hauts et des bas conseils, sous couvert de coopération alors qu’en fait s’instaurera, au mépris de la Constitution, une tutelle des nouvelles régions, aux mains de grands féodaux, sur les autres collectivités.

Madame la ministre, vous avez eu l’amabilité, lors de la première lecture, de rappeler que j’avais préconisé la suppression de nombre de syndicats mixtes, d’agences, d’associations parapubliques : je maintiens cette proposition !

Le défaut fondamental de notre architecture territoriale tient non pas à l’existence des trois étages constitués par les communes, les départements et les régions, mais à la prolifération des métastases que constituent ces syndicats mixtes, ces sociétés d’économie mixtes, ces agences, ces associations parapubliques… Si certains sont indispensables, nombre d’entre eux peuvent être réintégrés sans difficulté au sein de chacun des niveaux de collectivités. Force est de constater que certaines dispositions législatives entraînent de facto la création de nouvelles structures. Par exemple, comment réaliser un schéma de cohérence territoriale ou un pôle d’équilibre territorial sans créer un syndicat mixte ?

Quant aux fameux pays, votre opiniâtreté à les maintenir n’a d’égale que celle du Sénat à les supprimer !

S’agissant des normes, devenues une hantise pour la plupart des exécutifs locaux, nous saluons les déclarations unanimes visant à en diminuer le nombre, mais tant que les administrations centrales seront les véritables rédacteurs de tous les textes législatifs et réglementaires, cela restera un vœu pieux.

Très bien ! sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La France vue de Bercy, de la Direction générale des collectivités locales, de l’École nationale d’administration ou du Conseil d’État n’est manifestement pas celle dans laquelle vivent les élus locaux et les citoyens…

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI -UC et sur quelques travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Laissez-nous respirer, redonnez une réalité au contrôle de légalité, et de la liberté aux collectivités !

MM. Daniel Gremillet et Jackie Pierre applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Pourquoi tant de contradictions, voire d’incohérences, dans l’élaboration de vos textes ? Je crois qu’une partie de l’exécutif et de son parti dominant rêvent d’une France sans Sénat, sans départements et sans communes, d’une France avec une seule chambre – l’Assemblée nationale –, de grandes régions et, à la place des départements, de grandes intercommunalités. Cela peut se concevoir, c’est respectable, mais alors il faut l’assumer !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Au lieu de cela, nous avons eu droit à un salmigondis de textes et de déclarations parfois peu cohérents.

Cela a commencé avec la loi MAPTAM, que nous avons soutenue et votée ici après un long débat. Elle a introduit le rétablissement de la clause de compétence générale, que nous n’avons pas voté, avant que vous ne supprimiez de nouveau celle-ci.

Nous avons voté contre la loi relative à l’élection des conseillers départementaux créant les fameux binômes. Le ministre de l’intérieur de l’époque, puis le Président de la République, à Tulle, en janvier 2014, avaient rappelé que « le département est un échelon de proximité essentiel, un échelon républicain par excellence ». Et puis, patatras ! Quelques mois plus tard, le 19 juin 2014, ce fut l’examen en conseil des ministres du projet de loi relatif à la fusion des régions et du projet de loi NOTRe, dont l’exposé des motifs, encore aujourd’hui, vise expressément la suppression des conseils départementaux à l'horizon 2021.

Il est évident que créer arbitrairement treize grandes régions tout en supprimant les conseils départementaux bouleverserait tous les équilibres territoriaux. Je vous recommande au passage la lecture de l’étude de France Stratégie, organisme dépendant de Matignon, sur la réforme territoriale et la cohérence économique. Elle met en évidence le fait que certains départements, en premier lieu celui, massacré par cette réforme, que j’ai l’honneur de représenter, n’ont strictement rien à faire dans leur nouvelle région.

Avec le groupe du RDSE et le président du parti radical de gauche, Jean-Michel Baylet, nous avons mené une action forte pour préserver l’existence des départements, en en faisant une condition de la participation de représentants de notre sensibilité au Gouvernement.

Le Premier ministre nous a entendus, ainsi que vous, madame la ministre. Nous vous en savons gré. C’était la sagesse, car on ne réalise pas un tel bouleversement sans un large consensus, à l’exemple de celui qui a prévalu lors du vote de la loi Chevènement.

Reste la question de la répartition des compétences entre régions et départements. Comment voulez-vous que des compétences de proximité puissent être exercées par des exécutifs régionaux distants de plusieurs centaines de kilomètres ? Regrouper la gestion des collèges et des lycées pourrait avoir un sens, mais confier aux régions les compétences en matière de voirie départementale et de transports scolaires nous a paru aberrant. Manifestement, votre position sur la voirie a en partie évolué. C’est une bonne chose. Permettre aux régions de participer financièrement pour des itinéraires d’intérêt régional serait aussi un progrès.

Reste également la question des transports scolaires, sur laquelle nous vous demandons instamment de revoir votre position. Nous vous demandons aussi de bien vouloir considérer, à propos d’autres sujets, comme le tourisme, qu’éloignement et proximité sont antagonistes…

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Concernant les conférences territoriales, que vous promouvez au nom de la coopération, nous n’y sommes pas favorables. Organisées autour des présidents de conseil régional, ces instances ne peuvent être qu’un instrument de pouvoir aux mains de ces derniers ou un lieu de bavardage, ou encore les deux !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Quant aux fameux schémas, madame la ministre, cessez d’obliger les élus locaux à en fabriquer une foultitude !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Il en existait trente, il n’y en aura plus que deux !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Si vous voulez de la simplification, vous ferez œuvre utile en en limitant le nombre et en évitant qu’ils ne soient prescriptifs. En effet, à nos yeux, des schémas prescriptifs imposés par la région sont contraires à l’article 72 de la Constitution, qui dispose qu’« aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre » !

Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI -UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

J’en viens à la question des intercommunalités : quelle mouche vous a donc piquée, madame la ministre, pour que vous vouliez imposer arbitrairement un seuil de 20 000 habitants ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Dans vos déclarations, vous évoquiez la diversité des territoires ; dans la pratique, vous fixez un seuil, le même pour tous les départements, qu’ils comptent 1 million d’habitants ou 70 000.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Heureusement que le texte prévoit désormais des dérogations !

Pourquoi 20 000 habitants plutôt que 40 000 ? En réalité, cette mesure découle de l’idée de créer de « grandes régions » et de supprimer les départements. Ce chiffre de 20 000 habitants n’a pas été fixé à la suite d’une concertation avec les élus nationaux et locaux ; il s’agit d’une décision totalement arbitraire de l’exécutif, que vous avez tenté de conforter en commandant, le 24 juin 2014, un rapport à Mme la commissaire générale à l’égalité des territoires, laquelle vous a évidemment appuyée en fixant pour objectif de ramener à moins de 1 000 le nombre d’intercommunalités et en proposant de transférer les clauses de compétence générale des communes aux intercommunalités, dont les exécutifs « seraient élus au suffrage universel direct ». En bons petits soldats, les députés ont immédiatement recopié les conclusions de cette étude !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Soyons clairs : faire confiance à l’intelligence territoriale, faciliter les fusions d’intercommunalités au-dessus de 5 000 habitants, oui ; favoriser la création de communes nouvelles, oui, mais dans la liberté. Quant à l’élection des conseillers communautaires au suffrage universel, disons-le nettement, c’est la fin des communes !

Applaudissements sur les travées du RDSE et de l’UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UDI -UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la ministre, vous ne comprendriez pas que je quitte la tribune sans avoir parlé du Haut Conseil des territoires, pour réaffirmer l’opposition unanime des membres de mon groupe à la création de ce nouveau « machin » ou d’un quelconque succédané.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Parlez-en à l’Association des maires de France !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La création du Haut Conseil des territoires serait un acte de défiance à l’égard du Sénat de la République, qui, en vertu de la Constitution, représente les collectivités territoriales. Les associations d’élus, dans leur diversité et leurs contradictions, ont leur utilité, mais elles n’ont pas vocation à se substituer au Sénat !

Vous aviez pris ici l’engagement de renoncer à la création de cette instance, rejetée presque unanimement par le Sénat, mais vous avez finalement appliqué la maxime selon laquelle les promesses n’engagent que ceux qui les reçoivent.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mais non !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

La manœuvre exécutée à l’Assemblée nationale n’honore pas ses auteurs ni ses complices. De fait, le rétablissement du Haut Conseil des territoires par la voie de l’adoption d’un amendement dont le dépôt a été suscité par le rapporteur, M. Dussopt, avec la complicité d’un député de l’UMP et d’une députée socialiste, était manifestement orchestré !

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Adressez-vous à l’AMF !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Madame la ministre, le 18 février dernier, devant l’Assemblée nationale, vous avez tenu les propos suivants : « J’avais quant à moi beaucoup appuyé l’excellente idée du rapporteur. Or les sénateurs […] refusent l’existence d’un Haut Conseil des territoires. Ils estiment en effet que c’est leur travail. […] Pour répondre à cette malheureuse position du Sénat, le Premier ministre a donc proposé, pour l’application de la loi MAPTAM, la création d’une instance, le Dialogue national des territoires. »

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

J’assume !

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

M. Jacques Mézard. Interrogée ensuite sur l’avis du Gouvernement, vous avez répondu ceci : « Il ne peut qu’être favorable à l’idée, mais il est défavorable à l’appellation choisie par les auteurs de ces amendements, puisqu’il en a inventé une nouvelle ! »

M. Pierre-Yves Collombat s’esclaffe.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

C’est, tout bonnement, se moquer de nous… Madame la ministre, nous voulons obtenir l’engagement que cela ne se produira plus, et qu’il soit définitivement renoncé à la création du Haut Conseil des territoires, sous une forme ou sous une autre !

Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI -UC et de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Le groupe RDSE arrêtera sa position définitive en fonction de l’attention que vous porterez aux différents points que j’ai évoqués.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, la position des sénatrices et des sénateurs centristes n’est pas plus facile à exposer au Sénat que celle des membres des autres groupes, d’autant que, loin de vouloir simplement nous opposer, nous sommes soucieux d’adopter une attitude constructive.

Élus locaux comme la plupart des membres de cette assemblée, les sénatrices et les sénateurs centristes vivent la diversité de nos territoires au quotidien.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous aimerions que cette loi soit la dernière en matière d’organisation des territoires.

M. Philippe Dallier s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Que l’on attende un peu avant de revenir sur le sujet des métropoles d’Aix-Marseille-Provence ou du Grand Paris ! Que l’on marque une pause ! Les élus locaux sont saturés de réformes, ils n’en peuvent plus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Tâchons donc d’aboutir à un résultat qui leur permette de souffler !

Pour cela, que nous le voulions ou non, nous devons trouver un accord avec nos collègues de l’Assemblée nationale. Ce que je dis là peut paraître une abomination, j’en ai bien conscience, mais nous devons considérer la situation avec pragmatisme.

Notre rôle n’est pas de bâtir un conservatoire des collectivités territoriales : il s’agit au contraire de les adapter à la réalité vécue par nos concitoyens, à leurs besoins et à leurs formes de vie actuelles, qui ne sont pas les mêmes qu’il y a dix, vingt ou trente ans. Nos concitoyens attendent que nous fassions évoluer les collectivités territoriales pour qu’elles leur rendent les meilleurs services, suivant le principe d’adaptation qui est au fondement même de l’idée française de service public.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Telle était la conception de Léon Duguit. La vraie fidélité est non pas dans la perpétuation de l’existant, mais dans son adaptation en vue d’une plus grande utilité. C’est dans cet esprit que nous devons nous efforcer de bâtir les structures territoriales de demain, en fonction de la réalité vécue, sans vouloir changer pour changer, mais sans parti pris d’immobilité.

J’aime la notion de « territoire vécu », qui ne coïncide pas avec celle de bassin de vie. On habite à un endroit, on envoie ses enfants au collège ou au lycée dans un autre, on travaille ailleurs encore, au sein de ce qui constitue le territoire vécu. Regroupe-t-il 20 000 habitants, 15 000 ou moins encore ? La réponse varie d’un territoire à l’autre, mais nous devons prendre en compte la réalité telle qu’elle est pour aider nos concitoyens à être un peu plus heureux, ce qui est tout de même la finalité de toute politique !

Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC. – Mme Annie Guillemot et M. Ronan Dantec applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Notre groupe porte sur ce projet de loi un regard pragmatique. Certains de ses aspects ne nous conviennent pas. À vrai dire, je crois que les députés se sont un peu amusés, et que c’est surtout pour nous exciter qu’ils ont réintroduit le Haut Conseil des territoires…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Raison de plus pour cesser d’en parler, car nous leur donnons raison en revenant sur le sujet ! Contentons-nous de dire, calmement mais fermement, que nous n’en voulons pas. Disons-le aussi à l’adresse de l’AMF, qui promeut également l’idée de la création d’un Haut Conseil des territoires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je le dis, en particulier, à mon ami Jacques Pélissard, qui est un vieux copain de faculté !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je le sais bien, madame le maire de Bron, mais M. Pélissard n’en est pas moins l’inspirateur du projet de création d’un Haut Conseil des territoires !

De même, affirmons sereinement et calmement notre opposition à l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires, sans y revenir encore et encore : passons aux choses concrètes, consacrons-nous à élaborer un texte qui permette à nos territoires de bien vivre.

Je tiens à féliciter les membres de la commission des lois, en particulier nos deux corapporteurs, qui n’ont pas ménagé leurs efforts pour rechercher – tâche difficile ! – un équilibre entre les points de vue des uns et des autres.

Il y a un point sur lequel je me démarque un peu de leur position : les délégations m’inspirent des réserves. En effet, attribuer une compétence à un niveau de collectivités territoriales tout en laissant à celui-ci la possibilité d’en déléguer l’exercice à un autre ne me paraît pas de très bonne méthode, dans la mesure où nos concitoyens veulent savoir précisément qui fait quoi en pratique, et ne s’intéressent pas à la répartition théorique des compétences. Celui qui a reçu une compétence doit se débrouiller pour l’exercer, après quoi les électeurs jugeront !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

On le voit, le groupe centriste aborde la deuxième lecture de ce projet de loi avec le souci de tenir compte des réalités.

Certaines questions, tout en étant techniques, sont hautement politiques. Il en est ainsi de celle du seuil de population des intercommunalités, qui est assurément une affaire compliquée. Pourquoi instaurer un seuil, étant donné que, dès qu’on en a fixé un, on voit bien qu’il faut prévoir des exceptions ?

M. Pierre-Yves Collombat applaudit.

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Il faut laisser aux communes la liberté de s’organiser !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

La commission des lois a adopté une position claire et parfaitement logique : elle propose d’en rester au seuil de 5 000 habitants instauré, sauf pour les zones de montagne, par la loi du 16 décembre 2010. Je suis assez favorable à cette solution, mais il va falloir trouver un accord. Je pense que l’on y arrivera si sénateurs et députés font preuve d’esprit de responsabilité et s’attachent à répondre aux attentes des élus locaux, qui éprouvent une profonde lassitude.

Un seuil de 20 000 habitants me semble trop élevé. On peut sans doute trouver un accord sur un chiffre inférieur, en prévoyant là encore des adaptations aux réalités des territoires. À cet égard, il faut redonner du pouvoir aux élus locaux, en particulier aux commissions départementales de la coopération intercommunale, pour qu’ils puissent participer à la fixation du seuil.

Pour conclure, je voudrais dire qu’il ne faut pas réformer en fonction des dotations de l’État.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

Je suis souvent invité, dans toute la France, pour parler des communes nouvelles. Il existe actuellement 234 projets, dont certains seulement aboutiront. Je dis toujours aux maires intéressés par cette formule de ne pas la choisir en raison des dotations octroyées par l’État, car demain il n’y en aura plus !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Mercier

M. Michel Mercier. Vraiment, je crois qu’il faut se garder de prendre des décisions en fonction des bonifications de DGF. L’Assemblée nationale en a adopté une pour inciter à faire des économies en matière d’éclairage public. Il faut prendre des mesures adaptées aux réalités des territoires, sans mélanger aspects structurels et aspects financiers.

Applaudissements sur les travées de l’UDI -UC, ainsi que sur plusieurs travées du RDSE et du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

Applaudissements sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, je commencerai par féliciter la commission des lois, en particulier son président et ses corapporteurs, pour l’excellent travail accompli de nouveau sur un texte difficile.

En vous écoutant, madame la ministre, je me suis demandé si vous parliez bien du projet de loi qui nous est soumis, tant votre propos m’a paru irénique, en décalage avec la réalité.

Dans la plupart de nos départements, depuis plusieurs mois, nous voyons les préfets presser le pas, exercer des pressions sur les élus, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… en faisant comme si rien ne se passait au Parlement, comme si le seuil de 20 000 habitants pour la constitution des intercommunalités était gravé dans le marbre et comme si le calendrier initialement inscrit dans le projet de loi pour la révision des schémas intercommunaux n’avait pas été modifié. Madame la ministre, considérez-vous que le travail de l’Assemblée nationale et celui du Sénat servent à quelque chose ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Des consignes ont-elles été données aux préfets ?

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Dans ce cas, donnez-leur-en vite pour les ramener au bon sens républicain !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

À la vérité, l’attitude des préfets illustre à merveille la méthode qui a été suivie depuis le début de l’élaboration de ce texte, dont il faut se souvenir qu’il a été écrit sur un coin de la table par le Président de la République, …

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

… après quelques coups de téléphone à des amis éléphants.

Aujourd’hui, le projet de loi revient au Sénat en deuxième lecture. Nous allons y travailler et j’espère que nous pourrons ensemble le modifier afin de remédier à ses trois défauts majeurs.

Premier défaut : cette réforme ne présente, pour le moment, aucune audace décentralisatrice. Comme Jean-Jacques Hyest l’a indiqué tout à l'heure, il s’agit de la première réforme territoriale dénuée de toute ambition décentralisatrice, notamment en matière de politique de l’emploi, thème sur lequel, au Sénat, nous avions formulé des propositions.

L’erreur, ici, est double.

Tout d’abord, il aurait été logique que les régions, dès lors qu’elles détiennent la compétence économique et qu’elles sont chargées de la formation et de l’apprentissage, puissent, dans un souci de cohérence, coordonner territorialement la politique de l’emploi, ce qui n’aurait pas manqué de conférer à celle-ci davantage d’efficacité.

Ensuite, la France étant devenue championne du monde des dépenses publiques, il est nécessaire, madame la ministre, de revoir le périmètre d’intervention de l’État, sans quoi aucune économie ne pourra être faite. Et il aurait été pertinent de procéder à cette révision à l’occasion de l’examen de ce projet de loi. Vous auriez ainsi pu, dans un même mouvement, réfléchir à la fois au périmètre d’intervention de l’État et à la réorganisation des collectivités. Malheureusement, ce n’est pas la démarche que vous avez adoptée.

Deuxième défaut de ce texte : il ne répond toujours pas aux deux grandes crises qui déchirent notre territoire, à savoir la crise territoriale et la crise civique.

Concernant la crise territoriale, peut-on croire un seul instant que c’est en fixant arbitrairement et de façon totalement uniforme un seuil de 20 000 habitants pour l’intercommunalité que l’on prendra en compte la réalité de nos territoires ruraux ? Bien sûr que non ! La preuve en est que les députés ont dû créer un régime de multiples dérogations !

De même, les schémas régionaux au caractère prescriptif qui vont tomber de loin et de haut sur ces territoires ruraux, qui sont déjà des territoires périphériques, très en marge des grandes métropoles régionales, ne seront-ils pas ressentis comme des contraintes insupportables par les élus ?

J’en viens à la crise civique, qui est peut-être encore pire. Nous sentons bien que, partout, les élus sont de plus en plus découragés, particulièrement quand ils voient que l’État réduit aussi bien ses financements que son assistance technique aux collectivités.

J’ai cité le comportement des préfets, mais de nombreux autres exemples montrent un risque progressif de découragement chez les élus.

Cela a été dit et répété, en cinq ans, nous aurons connu quatre réformes ! Une entropie institutionnelle quasiment permanente !

Que ferons-nous lorsque l’ensemble des 500 000 élus locaux du territoire seront totalement découragés ? Qui se chargera de recoudre le tissu social déchiré par tant de crises sur l’ensemble du territoire français, qu’il s’agisse de quartiers ou de villages ?

Enfin, troisième défaut de ce projet de loi : il ne répond en rien aux objectifs fixés.

Ainsi, alors qu’il est censé apporter de la simplification, il institue de grandes régions, des mastodontes, des « gros machins », presque aussi grands que certains États européens, dans un pays qui n’a évidemment pas de tradition fédérale.

Comme Jacques Mézard l’a souligné, l’exposé des motifs porte toujours la trace de cette volonté d’anéantissement du département, qui porte atteinte à notre réalité territoriale. Heureusement, grâce au travail des uns et des autres, et surtout grâce au travail de la commission des lois du Sénat, les départements resteront bien vivants.

De même, la création d’un Haut conseil des territoires n’est pas seulement une atteinte au Sénat, c’est une provocation

Quant à la répartition des compétences, on en cherche encore la logique. Expliquez-moi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, quelle est la valeur ajoutée du transfert des transports scolaires aux régions ? Il n’y en a aucune ! Une telle répartition des compétences est absolument incohérente.

Si vous voulez élargir les périmètres, alors, relevez les horizons, pour que les régions soient des échelons non de gestion, mais de préparation de l’avenir, des échelons stratégiques.

Le projet de loi ne répond donc en rien aux objectifs de simplification, d’économie et d’efficacité. Pourquoi ? Parce qu’il ne respecte pas cette grande loi, qui est une loi simplement humaine, selon laquelle plus la décision est lointaine, plus il est nécessaire d’administrer les territoires pour compenser cet éloignement, ce manque de proximité.

Vous le savez parfaitement, ce projet de loi ne permettra pas de dégager un seul centime d’économie dans le budget de l’État ou dans ceux des collectivités ; pis, il engendrera des dépenses supplémentaires !

En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite que le Sénat puisse être entendu et que nous travaillions ensemble, dans la mesure où le Sénat est, lui, le Grand Conseil des territoires. Sur quelque travée que nous siégions, nous partageons tous une même conviction profonde : il faut arrêter de compliquer la vie des élus !

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

La vie est déjà suffisamment compliquée, les textes de loi sont déjà suffisamment complexes, et les exigences de nos concitoyens sont déjà tellement contradictoires !

Rappelons-nous surtout que nous avons besoin d’une démocratie vivante. Au moment où l’on parle tant de citoyenneté, de civisme, souvenons-nous qu’il ne peut y avoir ni citoyenneté ni civisme sans Cité. La Cité, ce n’est pas seulement un périmètre administratif ou une structure de gestion, c’est avant tout un ensemble humain. Puissions-nous avoir cela à l’esprit lorsque nous serons finalement amenés à nous prononcer sur ce texte ! En tout cas, le groupe UMP ne manquera pas de proposer ou de soutenir des amendements pour faire en sorte qu’il soit amélioré à l’issue de nos travaux.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC. – MM. Jacques Mézard et Pierre-Yves Collombat applaudissent également.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

(Sourires.) Madame la ministre, quel plaisir de vous revoir !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, c’est reparti pour un tour ! §

Le Gouvernement a eu l’audace et le courage de présenter un projet de loi relatif à la délimitation des régions, un autre relatif aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, ainsi qu’un autre encore portant nouvelle organisation territoriale de la République. C’est pourquoi nous nous retrouvons régulièrement depuis quelque temps…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Mais nous avons toujours un peu, lorsque nous entamons l’examen d’un texte, le même sentiment : nous ne savons pas très bien où nous allons…

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

On avance à tâtons.

Bien sûr, le travail des commissions nous aide beaucoup. En l’occurrence, nous avons même deux corapporteurs – et de quelle qualité ! – pour nous aider à trouver la piste.

Alors que nous pensions avoir effectué l’essentiel du travail en première lecture de ce projet de loi NOTRe, nous nous rendons compte que le texte qui nous vient de l’Assemblée nationale nous oblige à nous y « recoller »… Plus de 700 amendements ! En seconde lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Allons, mes chers collègues, vous auriez pu faire un petit effort !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Attendez la troisième lecture !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Il est bien évident qu’il va y avoir des redites ! Et nous, en plus, nous avons déjà vu tout cela passer en commission des lois ! Si je vous disais combien de fois nos corapporteurs ont dit : « Défavorable ! » sur les amendements… C’est impressionnant ! Du reste, je pense que les amendements qui ont reçu un avis défavorable en commission ne devraient pas être examinés en séance plénière : cela permettrait de gagner du temps et donnerait du relief à la position des corapporteurs et de la commission des lois.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le droit d’amendement est tout de même inscrit dans la Constitution !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Au groupe socialiste, nous essayons de rester fidèles aux positions que nous avons défendues en première lecture. Nos propositions n’ont pas toujours été suivies, que ce soit en commission ou dans l’hémicycle. L’intérêt de la séance plénière tient peut-être justement au fait que l’on peut toujours espérer un éclair soudain, qui fera qu’un des amendements rejetés en commission sera finalement retenu.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Vous avez donc besoin d’une deuxième lecture !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Oh non, une seule lecture me suffirait ! C’est parce que vous n’écoutez pas suffisamment !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. Si, j’écoute même trop !

Nouveaux sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Comme en première lecture, le groupe socialiste propose l’abaissement du seuil de création des intercommunalités à fiscalité propre de 20 000 à 15 000 habitants.

Vous voyez, si vous aviez été plus attentifs en première lecture, je n’aurais pas besoin de répéter ce qui a déjà été dit !

Exclamations amusées sur les travées de l’UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Le groupe socialiste propose donc d’abaisser le seuil de 20 000 à 15 000 habitants, tout en intégrant – c’est là qu’il y a une avancée – les conditions d’adaptation retenues par l’Assemblée nationale. L’adaptation de ce seuil en fonction de critères de densité permettra d’avoir, dans les zones les moins peuplées, des intercommunalités à fiscalité propre d’une superficie qui garantisse la proximité des services au public. Un autre amendement porte plus spécifiquement sur les EPCI en zone de montagne.

Avec le dispositif que nous proposons, sur les 2 134 intercommunalités existantes, 719 devraient fusionner, soit un tiers d’entre elles. Ce serait, à mes yeux, un progrès significatif.

À ce sujet, je regrette que notre commission, dans ses propositions d’amendements, reste figée sur l’existant puisqu’elle veut revenir au seuil de 5 000 habitants, fixé par la réforme de 2010. Peut-être nos débats pourront-ils vous faire évoluer sur ce point…

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Monsieur Hyest, je ne peux signaler systématiquement toutes vos avancées intellectuelles à la Haute Assemblée !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Vous êtes un intellectuel qui progresse !

L’intérêt du Sénat réside peut-être justement dans le fait qu’on peut y voir les positions évoluer.

Ce matin, dans les couloirs du Sénat, j’ai rencontré le président Michel Mercier. Une journée qui commence par une rencontre avec le président Mercier se présente déjà sous les meilleurs auspices !

E xclamations amusées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Mais j’ai aussi, un peu plus tard, croisé Mme la présidente Jacqueline Gourault.

Eh bien, M. Mercier comme Mme Gourault m’ont affirmé que cette affaire de seuil de 15 000 habitants pour le regroupement des intercommunalités, ça leur allait bien, que ça leur paraissait intelligent – venant de leur part, le compliment ne pouvait que me flatter ! –, dès lors que sont pris en considération des éléments qui permettent de tenir compte de la spécificité des territoires.

Nous sommes donc, si nous le voulons, en train de préparer la base d’un possible accord entre la position du Sénat et la position de l’Assemblée nationale sur ce point.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Si nous veillons effectivement à faire en sorte que le seuil soit modulé et entendre les propositions du rapporteur de l’Assemblée nationale, nos réunions auront été utiles et pourront conduire à la construction du consensus qui nous paraît indispensable.

N’applaudissez pas !

Sourires.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

M. Michel Delebarre. Je vous connais : vous vous obligez à vous retenir !

Rires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

M. Philippe Dallier. Il nous faudra plus de temps !

Mêmes mouvements.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Bien sûr, certains ont besoin de plus de temps !

Une fois que vous aurez intégré cette donnée, dans quelques jours, nos discussions pourront déboucher et nous pourrons nous retrouver.

Voilà ce qui me plaît dans ces débats : l’incertitude du démarrage…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Et l’incertitude de l’arrivée !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

… et le fait que nous parvenions, le moment donné, à un compromis.

Je pourrais illustrer mon propos par d’autres exemples, mais je m’aperçois que le temps passe et que j’ai déjà dépassé mon temps de parole…

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président. Allez à l’essentiel, mon cher collègue !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Delebarre

Je pourrais vous dire également que, en matière de construction des logements sociaux, les souhaits respectifs de l’Assemblée nationale et du Sénat se sont rapprochés. Nous, socialistes, avons déposé des amendements qui montrent la voie d’un accord.

Je pourrais encore montrer que la réflexion qu’a menée la commission des lois sur les travaux de l’Assemblée nationale peut conduire le Sénat à jouer parfaitement son rôle, à savoir jeter les bases d’un accord entre les deux assemblées, ce qui permettrait de reconnaître l’utilité de ce projet de loi.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Mes chers collègues, afin que certains ne soient pas contraints de s’exprimer dans la discussion générale après la pause du dîner, j’appelle les prochains orateurs à respecter le temps qui leur est imparti.

La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Jacques Lasserre

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, il est nécessaire d’aborder ce débat en le replaçant pleinement dans son contexte.

Combien de fois avons-nous indiqué que l’approche fractionnée de cette réforme privait celle-ci de toute la cohérence qui était souhaitable !

Comment ne pas évoquer le véritable saccage qu’a constitué le découpage des cantons, totalement déconnecté des principes évoqués dans le projet de loi : respect des bassins de vie et des découpages intercommunaux ?

Comment ne pas évoquer le découpage administratif des régions, alors que son aspect primordial – les ressources et la fiscalité – n’est même pas abordé ?

Au moment de discuter en deuxième lecture de ce projet de loi NOTRe, fondamental pour l’avenir de nos institutions, je pense qu’il est utile d’en revenir à quelques idées basiques, de bons sens, trop souvent occultées, et de tordre le cou à certains poncifs.

D’abord, le « millefeuille » serait à l’origine de toutes les dérives financières et la France serait en retard dans le concert européen. C’est faux : les dérives financières, mes chers collègues, sont aussi imputables à l’insuffisance de rigueur, aux erreurs de ceux qui ont en charge la gestion des collectivités.

Autre poncif : l’idée que les regroupements tentaculaires et la recherche d’une taille critique sont les seules solutions. Je viens, dans mon département, comme vous tous, je l’imagine, de me livrer à une analyse extrêmement fine de la situation des collectivités locales. Les preuves affluent de partout démontrant que la taille ne rime pas du tout avec économies et efficacité.

Autre poncif : l’idée que, même d’une façon déguisée, la diminution du nombre de communes ou leur disparition est une nécessité, voire un gage de modernité.

La France, de par sa culture politique, a su protéger et faire vivre ses territoires. Donner aujourd’hui des signes d’abandon du réseau communal, c’est porter atteinte à l’engagement au service des autres, de milliers de citoyens, élus ou acteurs, constructeurs de l’équilibre sociétal français.

Autre poncif : l’idée que le découpage administratif, normé et imposé, peut supplanter la volonté des hommes et des femmes de se rassembler sur leurs propres points communs et sur leurs projets.

Enfin, s’agissant des méthodes employées, il faut dénoncer l’attitude consistant à systématiquement passer outre les points de vue et la volonté des acteurs locaux, totalement mis hors-jeu lors des découpages cantonaux.

Il s’agit aujourd’hui de redonner un rôle à ces élus locaux, une responsabilité, notamment au travers du fonctionnement de la commission départementale de la coopération intercommunale – CDCI.

Les décisions que nous prendrons sur la taille des intercommunalités sont extrêmement importantes. Il est maintenant acquis qu’une règle unique et générale, valable pour chacun de nos territoires, est inadaptée. Il est évident que la règle doit pouvoir s’adapter aux réalités locales, que la notion de projet partagé et de volonté des acteurs locaux doit s’inscrire dans la loi.

Pour ces raisons, nous approuvons certains principes évoqués : utilisation de dérogations dans certaines conditions, notamment de densité démographique ; fixation d’un seuil à un niveau acceptable, à condition toutefois que les CDCI puissent, dans des limites précises et dans certains cas, aménager ce seuil, lorsque les contours géographiques des futures communautés l’exigent. Il s’agit là de répondre à un principe de réalité, lorsque, à l’évidence, la nature des projets communautaires est un bon indicateur des périmètres.

Il s’agit donc de donner aux élus, au travers des CDCI, la possibilité d’exercer leurs responsabilités. Je le dis une nouvelle fois à nos chers préfets : ils ne sont pas investis de la clause de compétence générale.

Je conclurai en évoquant un point que j’avais déjà abordé maintes fois en première lecture : les compétences futures des départements, ainsi que leur rôle.

Au regard du surdimensionnement des régions et de la stagnation ou de la diminution des ressources, le renforcement du couple communes-département s’inscrira dans le paysage. La loi NOTRe doit favoriser ce partenariat, notamment dans le domaine économique – à travers des conventionnements –, dans le domaine touristique – au nom du principe de réalité –, dans le domaine de l’aménagement du territoire, dans la détermination des services au public.

Enfin, la place des départements et des collectivités locales dans l’élaboration des différents schémas régionaux sera fondamentale, et ce sera sans doute le chantier qui nous occupera dans le futur.

Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, madame la rapporteur pour avis, mes chers collègues, en entamant la deuxième lecture du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, nous approchons du terme d’un débat qui a vigoureusement animé la représentation nationale.

Madame la ministre, personne ne conteste sérieusement que les collectivités locales font partie intégrante de l’organisation républicaine de la Nation, que, naturellement, elles doivent s’adapter dans un contexte de globalisation et d’accélération des enjeux, mais aussi en raison des fragilités profondes de notre société.

Nous devons également, bien entendu, redéfinir ensemble les périmètres de manière pertinente et le contenu des politiques publiques.

Si nous nous sommes retrouvés un temps sur l’ambition affichée, ne serait-ce que dans le titre de ce projet de loi, qui a suscité à l’origine une grande espérance et même beaucoup d’attente parmi les élus locaux, au final, il suscite énormément de déception, de confusion, de frustration, car on a inversé l’ordre d’arrivée des thèmes sur lesquels nous devions travailler.

Il existe un lien très fort entre l’État et les élus locaux. Chacun comprendra dans cette assemblée que je me fasse le porte-parole, modestement, mais avec beaucoup de détermination, des maires de France, en tant que président de leur association, laquelle sera d’ailleurs reçue jeudi prochain par le Premier ministre pour parler des dotations.

Il aurait d’abord fallu que l’État nous dise précisément ce qu’il voulait, pour que, ensuite, nous engagions ensemble un dialogue vertueux sur ce que nous pouvions faire et sur ce que nous ne devions pas faire.

Je prendrai l’exemple de la compétence en matière d’assainissement.

Il aurait été pertinent de débattre d’abord du rôle de l’État et de l’articulation globale de son action avec celle des collectivités. Il aurait également été opportun, me semble-t-il, de ne pas empiler les dispositions les unes sur les autres, de telle sorte que, au terme de cette discussion, qui aura finalement duré de nombreux mois, plus personne ne saura précisément qui fait quoi.

Ce qui subsistera, c’est seulement une vision de la France organisée autour de douze métropoles, quelques grandes régions, un département rétabli après avoir été supprimé, un conseil général remplacé par un conseil départemental.

Je vous le dis tout de go, madame la ministre : la France, en raison de son histoire, de la manière dont elle s’est construite, de la géographie de ses territoires, ne peut pas se résumer à douze métropoles et à treize régions. Notre pays compte 36 000 communes, 33 000 d’entre elles comptant moins de 3 500 habitants et regroupant 36 % de la population française. C’est bien autour de ces bassins de vie, de ces territoires et de cette population – que l’on ne va pas, dans un exode généralisé s’apparentant à une transhumance inhumaine, transférer vers les grandes zones métropolitaines –, qu’il conviendra d’imaginer l’issue de ce grand découpage territorial.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Il nous faut des points forts, mais il nous faut également des points d’appui et c’est bien en nous appuyant sur l’ensemble de nos territoires et de nos communes que nous devrons trouver l’énergie nécessaire pour les faire sortir de la confusion dans laquelle ce nouveau texte malheureusement va les faire entrer.

Les textes se sont succédé de manière totalement contradictoire : la clause générale de compétence a été rétablie avant d’être de nouveau supprimée ; le conseil général, je l’ai dit, a été supprimé avant que ne soit rétabli le conseil départemental ; de grandes régions ont été artificiellement créées.

On voit bien la difficulté, le mal qu’ont, dans nos régions, les préfets « orienteurs » et configurateurs à imaginer ce que pourrait être simplement une piste d’atterrissage exempte non pas de nids-de-poule, mais de nids d’autruche, pour permettre aux régions, après les élections régionales de la fin de l’année, d’exercer véritablement les compétences que le législateur leur aura confiées.

Cette confusion altère la clarté, s’il en était besoin, de notre organisation locale et, là où les élus locaux étaient en attente d’une simplification, ils sont victimes – ou cobayes ! – d’un mouvement législatif incessant.

Notre position est également relayée très largement par l’Assemblée des départements de France, tant à présent, depuis l’élection à sa tête de Dominique Bussereau, élu local enraciné, que je félicite, que précédemment, du temps de Claudy Lebreton, avec qui nous partagions la même vision.

De même, nous sommes en phase avec l’Association des régions de France, même si, la vérité m’oblige à le reconnaître, nous avons avec elle des débats sérieux sur la clé de répartition de l’effort de réduction des dotations de l’État aux collectivités locales : l’effort porté par le bloc communal n’est pas tenable, sachant qu’il représente 58 % de l’ensemble quand celui qui est demandé aux départements et aux régions est respectivement d’un peu moins de 30 % et d’un peu plus de 12 %. Sur ce point aussi, il faudra engager une discussion sérieuse avec le Gouvernement, et nous commencerons dès jeudi en rencontrant le Premier ministre.

Je voudrais également rappeler, avec regret et même une pointe de nostalgie, puisque nous sommes presque au terme de l’examen de ce texte, que celui-ci aurait dû faciliter l’action des élus en charge de la proximité, c’est-à-dire les maires et les acteurs du bloc communal. Je pense notamment à l’action que nous avons menée en commun, madame la ministre, voilà quelques semaines, sur la question de la mutualisation, qui sera la priorité numéro un de ce mandat.

Aucun maire en France, quelle que soit la taille de la commune dont il a la responsabilité, ne conteste sérieusement la nécessité d’offrir le meilleur rapport qualité-prix aux contribuables et aux usagers du service public dans le cadre d’une meilleure coopération avec les structures intercommunales.

Aucun élu responsable, qu’il soit conseiller municipal ou conseiller communautaire, ne rejette la mutualisation si celle-ci permet d’assurer des services de meilleure qualité, plus adaptés et plus en phase avec le périmètre nouveau des compétences que vous aurez déléguées à ces structures.

En revanche, pourquoi avoir alourdi l’ensemble du dispositif ? Pourquoi avoir créé la confusion avec le seuil des 20 000 habitants, avant de revenir en arrière en manifestant une telle défiance à l’encontre des élus locaux ? Ce climat qui se développe donne le sentiment que ces grands coups de ciseaux résultent d’un enfermement dans le discours très doctrinaire de spécialistes et de technocrates qui n’ont jamais assumé de véritables responsabilités électives et qui modèlent de grands bassins sans tenir compte de la réalité géographique et physique des territoires.

Administrateurs délégués de politiques publiques qu’ils n’ont pas choisies, ils n’exercent aucune fonction élective…

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

… et ne savent pas ce que cela implique.

La partie financière est la grande affaire de ce texte. Lorsque, de manière sincère, nous en avons discuté, madame la ministre, j’ai essayé de faire appel à vos souvenirs d’élue locale, de faire vibrer votre corde sensible et votre mémoire. Je tairai nos conversations individuelles, …

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

M. François Baroin. … car je ne veux pas vous mettre en difficulté au sein de l’équipe gouvernementale.

Mme la ministre invite l’orateur à s’exprimer sans fard.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Nous sommes satisfaits d’avoir obtenu cette rencontre avec le Premier ministre. En revanche, les décisions exclusivement dictées par la logique bruxelloise qui vous conduisent à sacrifier l’investissement public local sur l’autel d’un équilibre global au niveau national nous préoccupent gravement, et c’est un ancien ministre du budget et des finances ayant lui-même négocié avec Bruxelles au cours d’une période très difficile qui vous le dit ! Cela ne fera pas de la France un meilleur élève !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Le modèle économique de notre pays repose sur la consommation, c’est-à-dire sur le pouvoir d’achat des Français, mais aussi sur l’investissement : l’investissement privé est en cale sèche ; l’investissement public étant porté à 70 % par les collectivités locales et à 60 % par le bloc communal, une diminution de 30 % en 2017, c’est entre 0, 6 et 1 point de croissance en moins, ce qui effacera d’emblée le seul maigre trimestre positif que nous ayons enregistré depuis trois ans.

C’est dire la responsabilité qui est portée par cette feuille de route, mais c’est dire aussi la responsabilité qui est celle de l’État dans des discussions au cours desquelles, malheureusement, nous ne sommes pas entendus, à tel point que, dès la fin de l’année 2015, au moins 1 000 communes seront dans le rouge, chiffre qui connaîtra une croissance exponentielle en 2016. Pour 2017, je vous donne rendez-vous : plus d’une commune sur deux en France se trouvera dans la situation d’un autofinancement négatif.

Si l’État veut administrer les collectivités, qu’il le dise tout de suite ! Quoi qu’il en soit, une négociation s’impose pour mettre les choses au point vis-à-vis de l’opinion française.

Mme Françoise Gatel et M. Daniel Dubois applaudissent.

Debut de section - PermalienPhoto de François Baroin

Il restera quelques points à éclaircir, concernant d’abord les établissements publics de coopération intercommunale et la liberté pour ceux-ci d’instituer eux-mêmes un pacte financier fiscal.

Nous aurons rendez-vous – bientôt, je l’espère – sur la compétence « gestion de l’eau, des milieux aquatiques et prévention des inondations », ou GEMAPI. Nous souhaitons, là aussi, que l’État réaffirme son rôle et ses responsabilités.

Enfin, nous préconisons que soient facilités différents types de mutualisation entre les communes et les EPCI, car les règles s’avèrent encore trop rigides.

Puisque nous aurons d’autres occasions d’en reparler, je m’arrêterai là, monsieur le président. Ainsi, je n’empêcherai pas mes amis et collègues d’aller dîner vers vingt heures, comme c’est l’usage dans nos démocraties occidentales !

Sourires et vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes de nouveau réunis pour un débat important, comme l’atteste votre présence nombreuse, mes chers collègues, car il s’agit de l’organisation territoriale de notre République.

J’ai entendu de nombreuses critiques sur ce texte et sur la manière dont se sont déroulées nos discussions. Pour ma part, je n’irai pas dans ce sens, car je constate que, en fin de compte, le débat a porté ses fruits.

Il faut en effet se souvenir d’où nous sommes partis, à savoir le texte adopté en conseil des ministres en juin 2014 et considérer tout le travail qui a été réalisé depuis, et dont je remercie nos corapporteurs : d’un point de vue simplement quantitatif, nous sommes passés de 37 articles dans le projet initial à 166 aujourd’hui ; cela illustre les multiples changements qui ont été apportés.

À l’origine, on parlait de la fin des départements ; ils sont maintenant confortés.

Certains veulent faire le procès de ce projet de loi, qui tendrait à assassiner les communes, alors que rien dans ce texte ne permet de mettre en cause l’avenir de ces dernières. Bien au contraire : en favorisant le regroupement intercommunal, on leur permet de procéder à des mutualisations et de voir l’avenir de façon positive, grâce aux possibilités offertes en vue d’améliorer les services publics, afin qu’ils soient vraiment au service des habitants.

Je suis plutôt fier de tout le travail qui a été accompli ici, au Sénat, mais également à l’Assemblée nationale, même si nous n’avons pas trouvé d’accord sur la totalité des points. Cela apparaît clairement au début de cette deuxième lecture puisque 250 amendements ont été adoptés en commission et que plus de 700 autres doivent être examinés en séance publique.

Le Sénat doit apporter sa pleine contribution à la réforme territoriale, et le groupe socialiste fera tout pour que nous puissions aboutir à un accord.

Depuis le début, le texte a fait l’objet d’un travail de coproduction législative, et le Parlement a été largement entendu : on ne peut pas dire que le Gouvernement – il faut d’ailleurs mettre cela au crédit de Mme la ministre – n’ait pas été à l’écoute des demandes qui émanaient des différents groupes de notre assemblée.

Notre rôle est désormais d’aboutir à un point d’équilibre. Il est en effet dans l’intérêt du Sénat de montrer notre utilité, d’autant que nous parlons des collectivités locales.

Mes chers collègues, et je m’adresse là plus particulièrement à ceux d’entre vous qui siègent à la droite de cet hémicycle, il ne serait pas forcément souhaitable de laisser le dernier mot à l’Assemblée nationale sur quelques sujets essentiels sur lesquels je reviendrai.

De surcroît, comme l’ont dit d’autres orateurs, nos concitoyens comme les élus locaux attendent de la stabilité dans les réformes. Nous ne pouvons nous placer dans une logique selon laquelle, tous les trois ou quatre ans, on vient remettre complètement à plat l’organisation territoriale de la République.

Comme l’ont déjà affirmé des personnes bien plus éminentes que moi, notamment M. le président du Sénat, que je n’ai pas l’habitude de citer, « les élus locaux n’en peuvent plus des changements incessants ; ils ont besoin de stabilité ». Il a d’ailleurs mis en garde – je me demande bien à qui il pensait §ceux qui étaient tentés de « faire des effets de manches », et il souhaitait que les deux assemblées puissent « converger vers un accord » sur cette réforme territoriale. C’est la voie du bon sens. C’est donc en vue de cet objectif que le groupe socialiste entend travailler lors de cette deuxième lecture.

Nous ne partons pas de rien puisque l’Assemblée et le Sénat ont déjà trouvé des points d’entente, notamment sur la clause de compétence générale, sur le maintien au département de la gestion des collèges et des routes, ou encore sur l’affirmation de la compétence régionale en matière de développement économique.

D’autres points d’accord restent à trouver. Je pense notamment au seuil minimum de population pour les regroupements intercommunaux. L’Assemblée semble déterminée à maintenir le seuil de 20 000 habitants, …

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

… alors que la majorité sénatoriale, si j’ai bien compris, est arc-boutée sur le seuil actuel de 5 000 habitants.

Attention, mes chers collègues, si aucun accord ne se dégage, nous savons tous à qui reviendra le dernier mot ! Est-ce cela que nous souhaitons ?

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Dans ce cadre, le groupe socialiste au Sénat formule des propositions constructives et vous invite, mesdames, messieurs de la majorité sénatoriale, à y réfléchir. Peut-être un seuil de 15 000 habitants pourrait constituer un bon point d’atterrissage pour la commission mixte paritaire. Il serait sûrement moins violent que le seuil d’origine…

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Mézard

Cela n’a aucun sens ; c’est totalement ridicule !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

… et permettrait en tout cas des regroupements, donnant ainsi une cohérence nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Certes, on peut laisser les élus s’arranger entre eux.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Mais on sait aussi que, dans un grand pays comme la France, il faut un cadre et des règles pour l’organisation territoriale comme pour le reste. Il est bon de fixer des objectifs, des seuils, en dépit des critiques dont ils seront inévitablement la cible. Sinon, malheureusement, rien n’avance. On sait que certaines intercommunalités sont purement « défensives » : il s’agit de garder la cagnotte, sans mutualiser ni partager les ressources.

Sachons placer le curseur au bon endroit. Pour sa part, le groupe socialiste l’a fixé dès la première lecture à 15 000 habitants, seuil qui nous semble raisonnable et sur lequel nous pourrions tous nous retrouver.

Il est d’autres différences entre l’Assemblée nationale et le Sénat sur lesquelles le groupe socialiste ne veut pas tergiverser, car le vote des députés nous semble complètement inapproprié – j’emploie volontairement un langage diplomatique. Nous serons très fermes pour que ces points ne figurent pas dans le texte qui sera finalement adopté.

Je pense tout d’abord à l’instauration du Haut Conseil des territoires, à laquelle nous sommes farouchement opposés, car nous savons bien qu’elle supposerait que nous votions dans la foulée la suppression du Sénat.

M. le secrétaire d’État lève les yeux au ciel.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

S’agissant du PLU intercommunal, nous étions arrivés à un compromis, mais l’Assemblée nationale est revenue sur cet accord, ce qui ne nous semble pas de bonne politique sachant qu’il a été trouvé voilà à peine quelques mois. Le groupe socialiste souhaite donc le réexamen de cette question afin que la minorité de blocage soit entérinée, comme cela s’était produit lors de l’examen de la loi ALUR.

Enfin, la disposition introduite concernant l’élection au suffrage universel direct des conseillers communautaires à l’ensemble des EPCI à fiscalité propre, règle que nous avons votée pour les métropoles, ne nous semble pas non plus appropriée et ne devrait pas être étendue en la matière.

Le groupe socialiste fera preuve de fermeté sur ces trois points qu’il considère comme non négociables.

Je conclurai par quelques mots sur une métropole qui m’est chère.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

Monsieur Kaltenbach, vous avez épuisé votre temps de parole !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Je vais conclure, monsieur le président, mais les orateurs précédents ont bénéficié de quelques minutes supplémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

La métropole du Grand Paris est un projet essentiel, sur lequel le Sénat a bien travaillé puisque nous étions parvenus en première lecture à un accord qui avait été cautionné sur l’ensemble de nos travées ; c’est assez rare pour être souligné ! L’Assemblée nationale est revenue sur cette décision, notamment en ce qui concerne le PLU. Nous souhaitons, nous, revenir à l’accord passé ici précédemment : le PLU doit être élaboré dans le cadre des conseils de territoire.

S’agissant de la question de la gouvernance, qui revient devant le Sénat, nous sommes favorables à la réduction du nombre de conseillers métropolitains. Alors que les calculs devaient logiquement aboutir à un total de 400 conseillers métropolitains, le Gouvernement a déposé un amendement permettant de réduire ce nombre à 200, conformément à un souhait unanime.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Peut-être, mais c’est un point positif au crédit du Gouvernement et sur lequel nous allons le soutenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Dallier

Il faut aller jusqu’au bout et dire les choses !

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

M. le président. Monsieur Dallier, laissez M. Kaltenbach conclure, je vous en prie !

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

Enfin, j’avais proposé en première lecture des amendements grâce auxquels les oppositions municipales pouvaient être représentées dans les conseils de territoire au sein des établissements publics territoriaux. Je remercie Mme la ministre d’avoir déposé un amendement qui va dans le même sens. L’éviction des oppositions municipales de ces conseils de territoire aurait représenté un recul démocratique.

Vous le voyez, le bon sens est souvent de notre côté. Le débat a permis d’enrichir le texte, de rapprocher les positions des uns et des autres. Notre intérêt commun est de continuer ce travail pour aboutir en commission mixte paritaire à un texte qui satisfera le plus grand nombre.

C’est ce que souhaitent nos concitoyens : une grande réforme territoriale et une amélioration de nos services publics locaux.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, ce projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République aurait pu être, dès l’origine, un texte plus consensuel. Encore aurait-il fallu que le Gouvernement soit un peu plus à l’écoute des élus locaux et des associations qui les représentent.

En effet, le Gouvernement et les élus, toutes sensibilités politiques confondues, pouvaient partager les objectifs de simplification de l’architecture territoriale, de clarification des compétences, de plus grande efficacité de l’action publique et d’économies de fonctionnement.

Toutefois, nos divergences portent sur le concept même sur lequel repose ce texte : la taille serait le critère déterminant de la pertinence et de l’efficacité. Cela est souvent vrai en termes d’investissement et lorsqu’il s’agit de créer et de répartir des équipements structurants sur un territoire, mais cela est souvent inexact lorsqu’il est question de gérer des services de proximité qui s’accommodent mieux du principe, plus subtil, de subsidiarité, un peu abandonné ici.

Un exemple concret : il semble évident que la gestion des transports scolaires coûtera plus cher si elle est assurée au niveau régional que si elle demeure au niveau départemental. Pour contourner cette absurdité, le texte a introduit la possibilité de sous-traiter cette compétence au département, qui l’exerce actuellement. Il y a là une logique de simplification qui m’échappe…

Cette loi aurait pu aussi être décentralisatrice en transférant, par exemple, de l’État aux régions tout ou partie des politiques de l’emploi, en liaison évidente avec la compétence de la formation professionnelle – une initiative dans cette direction a été introduite en première lecture par le Sénat –, et en transférant tout ou partie des politiques du logement, pour lesquelles la gestion nationale semble durablement vouée à l’échec. Tout cela aurait sans doute plus renforcé le rôle des régions que l’affectation des transports scolaires qu’elles ont reçue !

La démarche demeure désespérément centralisatrice puisque tous les transferts de compétences se font du bas vers le haut.

En matière de simplification, au lieu de supprimer des structures inutiles comme les conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux – CESER –, le texte voté par l’Assemblée nationale prévoit la création d’un Haut Conseil des territoires qui regrouperait des organes déjà existants, comme la commission des finances locales, et mordrait en partie sur des missions d’évaluation et de représentation qui pouvaient être naturellement prises en charge par le Sénat, assemblée représentant par nature les collectivités locales.

Je reviens un instant sur les CESER, dont je proposerai la suppression par voie d’amendement. Malgré la qualité de leurs membres, leurs travaux sont certes très enrichissants pour eux-mêmes, mais présentent un intérêt tout à fait marginal pour la gestion des régions, avec un coût de fonctionnement qui n’est pas totalement négligeable. Je sais que cet avis est largement partagé, mais il comporte l’inconvénient d’être politiquement incorrect.

Il ne faut pas avoir peur : je suis allé m’expliquer devant le bureau du CESER de ma région et j’en suis ressorti vivant ! §Je crois même avoir bénéficié d’une certaine compréhension.

Au sujet des départements et de la répartition des compétences entre les conseils régionaux et départementaux, le texte a évolué dans le bon sens. La spécificité des compétences sociales exercées par les départements est reconnue. Le maintien de ces derniers s’impose d’autant plus que les régions viennent d’être agrandies. De ce fait, le rôle d’un échelon intermédiaire d’équilibre du territoire se justifie plus encore qu’auparavant.

Lorsqu’on aborde la répartition des compétences au sein du bloc communal, le sujet devient plus délicat et très controversé.

En ouvrant cette discussion, madame la ministre, vous avez affirmé que la commune demeurait le socle de base de notre organisation territoriale et de l’exercice de la démocratie locale. J’ai très souvent entendu cette phrase, dans la bouche de ministres ou des Présidents de la République, notamment lors du congrès des maires de France. Je veux bien croire en la sincérité de tous ceux qui la prononcent. Toutefois, force est de le constater : aujourd’hui, cette affirmation relève d’un état des lieux dépassé.

Je suis maire ; j’ai créé et présidé une communauté de communes dès 1997, donc avant que l’intercommunalité ne devienne pour ainsi dire obligatoire ; j’ai plaidé contre l’État devant le tribunal administratif – j’ai d’ailleurs perdu !

Rires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

… et ma commune fait aujourd’hui partie d’une communauté d’agglomération.

Cette expérience assez complète me permet d’apprécier les évolutions qui se sont produites au cours des deux dernières décennies. Nous avons progressivement dérivé de la coopération intercommunale, assortie d’une certaine liberté, vers la supracommunalité, que tend encore à renforcer ce projet de loi.

Le transfert obligatoire d’un nombre croissant de compétences des communes vers les intercommunalités consacre cette évolution. Quant à ceux qui se montreraient réticents, ou qui préféreraient ne pas aller plus loin, on leur applique ce pouvoir coercitif de la carotte-bâton que représente la DGF bonifiée. En d’autres termes, on est conduit à choisir les transferts de compétences, non selon leur pertinence, mais pour des raisons financières.

Ce qui me choque, ce qui nous choque – en la matière, j’adhère totalement à l’analyse que François Baroin nous a livrée il y a quelques instants, en écho à ce qu’il a écrit dans l’éditorial du dernier numéro de Maires de France –, c’est le caractère obligatoire et autoritaire de ces dispositifs.

Bien sûr, il faut que les plus petites communes se regroupent pour survivre et offrir un minimum de services publics. Mais laissez donc aux élus la liberté de travailler ensemble, …

Debut de section - PermalienPhoto de Charles Revet

Bravo ! Ce sont les mieux à même de déterminer ce qui est faisable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

… la liberté de se regrouper, la liberté de choisir la taille des intercommunalités et la nature des compétences transférées, adaptées à la diversité des territoires.

Faire confiance aux élus, c’est également faire confiance à leurs électeurs. Aujourd’hui, ces derniers ont particulièrement besoin de cette confiance et, de notre côté, nous avons besoin qu’ils nous l’expriment. Or ils sont profondément attachés à cet échelon de proximité qu’est la commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Marc Gabouty

M. Jean-Marc Gabouty. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, je souhaite bien entendu que nous arrivions à un accord, en prenant en compte les propositions très raisonnables et très réalistes de notre commission des lois. Je vous remercie par avance d’écouter la sagesse du Sénat !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC. – M. Jacques Mézard applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des lois, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, depuis un certain temps déjà, la France doit faire face à deux défis : le défi démocratique et le défi financier.

Or, dans un cas comme dans l’autre, deux attitudes sont possibles : soit on fait confiance aux élus, soit on s’en remet à une tradition centralisatrice et jacobine.

Le Gouvernement a, de fait, opté pour la recentralisation jacobine.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Le résultat d’une telle décision est simple, et tous ses effets se conjuguent.

On propose la création d’un Haut Conseil des territoires, laquelle équivaut à une négation du Sénat. Celui-ci n’aurait-il pas fait son travail ? S’agit-il, à terme, de le faire disparaître ? Ce serait la suite logique de l’institution de ce Haut Conseil.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Le Sénat et l’Association des maires de France ne sont pas d’accord sur ce point !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Faut-il faire confiance aux élus locaux ? À l’évidence, le Gouvernement répond non !

On nous a proposé de créer, dans les zones rurales, de grandes intercommunalités d’au moins 20 000 habitants. Pourquoi ce chiffre ? Pourquoi pas 10 000 ? Pourquoi pas 30 000 ? Désormais, M. Kaltenbach évoque un seuil de 15 000 habitants…

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

On dit 20 000 habitants, on dit 15 000, et l’on affirme qu’on va trouver un arrangement !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

C’est aussi comme cela que se fait la législation !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Il en va ainsi dans tous les domaines. Dans nos départements, les préfets sont entrés en action, ou bien ont été « actionnés », je n’en sais rien. Les nouvelles intercommunalités, quelle que soit leur ampleur, doivent être constituées très vite.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Dans quelles conditions ? Pourquoi ? On ne le sait pas ! Tout est à l’avenant !

À ce titre, madame la ministre, je reprends un certain nombre de propos de M. Favier, et je fais miennes les interrogations contenues dans divers courriers, que vous avez bien entendu reçus. Ces lettres, écrites par les élus d’Île-de-France et, notamment, de la métropole du Grand Paris, traduisent l’étonnement que suscite la manière dont les choses se passent.

Les élus communistes vous ont notamment indiqué, par écrit, qu’ils assistaient à une recentralisation forcée, se plaignant de ne plus être écoutés ! Il n’y a plus de négociations, il n’y a plus de dialogue, il n’y a plus rien !

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

M. Philippe Kaltenbach. M. Karoutchi citant le parti communiste, on aura tout vu !

Mme Éliane Assassi s’exclame.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

À l’origine, moi, je n’étais pas très favorable au projet de métropole. Je pensais que, pour éviter la création d’un échelon supplémentaire, mieux valait étendre les responsabilités de la région, …

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

… ou bien, comme le souhaitait Philippe Dallier, créer une structure regroupant les départements.

En fin de compte, on choisit d’ajouter tous les niveaux les uns aux autres : les intercommunalités, la métropole, les départements, la région. Et on nous explique qu’on ne s’y retrouve plus très bien...

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Ça, c’est vrai.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

En conséquence de quoi le Gouvernement vient de déposer toute une série d’amendements sur l’équilibre financier…

Or, il faut le dire clairement, plus personne ne comprend rien à cet équilibre financier ! §Qu’en sera-t-il des communes, du moins dans un premier temps, des établissements publics territoriaux et de la métropole ? Qui aura le pouvoir, à quel degré, à quel niveau ? Quel sera le partage des compétences en 2016, puis en 2020 ? Nul ne le sait ! Les autorités préfectorales elles-mêmes l’admettent : les calculs produits par leurs services restent approximatifs, voire incertains.

Debut de section - PermalienPhoto de Philippe Kaltenbach

C’est la péréquation qui veut cela, monsieur Karoutchi !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Cher collègue, je vous le dis sincèrement, tôt ou tard il faudra choisir : faire, ou non, confiance aux élus.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

L’ensemble des élus métropolitains réunis se prononcent à 94 % pour un certain type de métropole, pour une certaine répartition des pouvoirs. Que le dispositif plaise ou non, le chiffre est là : 94 % ! Toutefois, depuis un an, on fait tout pour nier, pour effacer ce vote et pour créer une autre structure : pas celle que souhaitent les élus, mais une instance réinventée, recalibrée, totalement technocratique, à laquelle plus personne ne comprend rien.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Mais nous vous écoutons en tout point !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Nous voyons arriver, au stade de cette deuxième lecture, des amendements du Gouvernement ayant pour objet la gouvernance, ou, plus précisément, la manière de représenter la ville de Paris. On pourrait dire, avec un léger sourire, que de telles propositions sont à peine politisées, qu’elles tendent simplement à éviter la présence de quelques personnes au sein du conseil métropolitain…

Exclamations sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

C’est faux ! Il s’agit de l’amendement Devedjian !

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Je n’en dirai pas davantage, mais cela commence à bien faire !

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

Madame la ministre, soit vous faites confiance aux élus locaux et au Sénat : dès lors, vous laissez le conseil des élus de la métropole élaborer un texte et établir des projections. Soit vous refusez de faire confiance aux élus locaux et à la Haute Assemblée. Cette seconde position revient à nier le mouvement de décentralisation engagé depuis une trentaine d’années, à recentraliser les pouvoirs, sur la base d’une tradition jacobine. Elle est soutenue par quelques énarques, selon qui les élus ne seront, par définition, jamais aussi compétents que les technocrates, et aux yeux desquels il faut, partant, mettre en œuvre des solutions technocratiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Karoutchi

M. Roger Karoutchi. Si tel est le cas, il existe un véritable problème de compréhension entre le Gouvernement, d’une part, les élus et l’opinion publique, d’autre part. Je ne suis pas convaincu que nous relèverons les défis qui se font jour en France, que nous sortirons de la crise par une bataille entre les élus locaux et le Gouvernement !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tout d’abord, je tiens à rappeler quelques éléments de contexte.

Depuis plusieurs décennies, notre pays connaît des changements notables. Nous les observons dans nos territoires, qu’il s’agisse des nouvelles attentes sociétales ou des évolutions institutionnelles.

Ces transformations n’étaient pas toutes annoncées par les experts. Par exemple, en l’an 2000, l’INSEE prévoyait, au mieux, une stagnation de la population du département dont je suis l’élu, les Côtes-d’Armor : cinq ans ne s’étaient pas écoulés que cette prédiction se trouvait déjà démentie. Depuis quinze ans, une population nouvelle est venue s’installer, particulièrement dans les petits pôles urbains et le long du littoral. Ces nouveaux habitants sont arrivés avec leurs aspirations propres. Ils expriment des demandes inédites, qui rejoignent au demeurant les souhaits des jeunes générations issues du tissu local.

Ces attentes ont mis en exergue différents sujets, comme les moyens de transport collectifs ou l’accès aux nouvelles technologies de communication et à la culture. En découle une demande en équipements collectifs et scolaires et, généralement, en services publics.

Qu’attendait-on d’un maire rural il y a encore vingt ans ? Je peux en témoigner pour avoir moi-même assumé ces fonctions à cette époque : bien souvent, on le sollicitait surtout pour des problèmes relatifs à la voirie ou aux bâtiments communaux. Aujourd’hui, ce qui est en cause, c’est, en attendant plus, l’accès au haut débit, …

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Eh oui !

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

… sans lequel les logements ne trouvent plus de locataires, ou encore la demande d’une politique locale dynamique en faveur de l’enfance et de la jeunesse, sans laquelle les parents hésitent parfois à s’installer sur le territoire d’une commune, sans parler de l’accès à la culture.

Parallèlement, le paysage institutionnel local s’est trouvé profondément modifié.

Région pionnière en matière de coopération intercommunale, la Bretagne a connu, dès 1993, l’émergence rapide des communautés de communes. Depuis lors, j’observe une progression constante des transferts volontaires de compétences en direction de ce nouvel échelon d’administration. J’observe également que les transferts en question s’effectuent presque toujours de manière consensuelle, soit que les communes concernées n’aient pas exercé dans les faits ces attributions, soit qu’elles aient eu conscience de ne pas pouvoir les exercer efficacement.

Il n’y a donc pas lieu d’instrumentaliser ce sujet outre mesure.

On peut jouer sur les mots, mais, qu’on le veuille ou non, un quatrième niveau de collectivités a vu le jour, l’intercommunalité, qui, d’ailleurs, lève l’impôt. Aujourd’hui, ce quatrième échelon doit trouver sa place dans notre paysage institutionnel, alors que nous venons d’achever la réforme de la carte régionale et de déterminer la place qui doit être celle des départements dans l’architecture de nos territoires.

Je conçois parfaitement les contradictions qu’engendre la situation que je viens de décrire. Nous demeurons, moi le premier, attachés au maintien de l’échelon communal. Toutefois, nous-mêmes avons contribué à relativiser, en termes de responsabilités, son importance depuis vingt-cinq ans. C’est un simple constat.

Oui, mes chers collègues, notre pays a profondément changé. Il reviendra à Mme la ministre et à M. le secrétaire d’État de nous rassurer quant à la place de la commune. Cela étant, tous les textes de loi relatifs aux collectivités territoriales soumis au Parlement sous la présente mandature, ensemble que le présent projet de loi vient compléter, étaient nécessaires : il faut adapter le pays à la nouvelle donne territoriale et sociétale.

Sourires sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Yannick Botrel

J’en viens, à présent, à l’économie générale du présent texte.

Je suis de ceux aux yeux desquels ce projet de loi parachève l’organisation territoriale de notre République. À mon sens, il simplifie et clarifie le fonctionnement de nos collectivités, cela à travers des dispositions qui méritent d’être rapidement rappelées.

Je songe à l’article 29, qui met en place les guichets uniques : chacun peut mesurer tout ce qu’apportera cette évolution concrète pour nos concitoyens.

Je pense à la généralisation du référentiel budgétaire et comptable M57. Cette mesure ne parlera certainement pas au grand public, mais elle se révélera utile pour les praticiens qui, au quotidien, font vivre nos collectivités.

Quant à la clause de compétence générale, je n’en ai jamais été un défenseur forcené. J’ai pu constater qu’elle a, dans bien des domaines, introduit de la complexité et de la confusion.

Néanmoins, à l’issue de l’examen du présent texte par la commission des lois, je me dois d’exprimer un certain nombre d’objections et de réserves, portant sur la forme comme sur le fond.

Tout d’abord – ce constat a été rappelé, et le président du Sénat lui-même l’a souligné –, les collectivités territoriales réclament de la stabilité législative et réglementaire. Celle-ci leur est indispensable. De ce point de vue, et à l’encontre des dispositions qui nous sont soumises sur certains points, nous devons absolument faire en sorte que le texte définitivement adopté soit suffisamment efficace pour ne pas appeler une nouvelle réforme dans les années à venir.

À cet égard, je regrette que la commission des lois ait renoncé pour partie aux ambitions du texte initial. Je ne prendrai qu’un seul exemple : la suppression, par la commission, du seuil intercommunal de population, point qui a déjà fait l’objet de nombreux commentaires cette après-midi. Alors qu’un compromis paraît envisageable – je l’appelle, pour ma part, de mes vœux –, le maintien de cette suppression ne ferait que provoquer des crispations au stade de la commission mixte paritaire. In fine, il conduirait à laisser le dernier mot à nos collègues du Palais-Bourbon puisque les députés ont déjà rejeté celui qui avait été fixé par le Sénat.

De la même manière, les dispositions introduites par la majorité sénatoriale en matière d’obligations des communes dans le domaine du logement social me semblent excessives en l’état. Leur contenu me paraît extrême et leur insertion dans ce texte, contestable.

Alors que notre Haute Assemblée est censée être la maison des collectivités et des élus, la rédaction actuelle nous conduit à abandonner toute possibilité, pour certains sujets, de peser sur les dispositions clés du texte final. Je regretterais vivement que cette posture politique persiste.

Le groupe socialiste du Sénat entend, pour sa part, s’inscrire dans un débat ouvert et rechercher le point d’équilibre, afin de ne pas remettre en cause la portée de ce texte et de préparer une commission mixte paritaire dont je souhaite qu’elle se conclue de manière positive, dans l’intérêt des collectivités territoriales, de nos concitoyens et du Sénat lui-même !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Sido

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, une fois n’est pas coutume, le Gouvernement a fait montre d’un esprit constructif tout au long de la procédure parlementaire, du moins jusqu’ici.

Je ne reviendrai pas sur les excès et déséquilibres initiaux du projet, que nos collègues de la commission des lois se sont efficacement attachés à corriger pour préserver les compétences de proximité des conseils départementaux et poursuivre le regroupement des communes sur une base consensuelle.

Je tiens à saluer l’action de nos corapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, ainsi que celle du président Philippe Bas, qui ne sont pas pour rien dans l’adoption de 248 amendements, lesquels font du texte qui nous est présenté une véritable coconstruction, dans un remarquable esprit d’ouverture.

Président d’un conseil départemental à taille humaine, je me félicite du maintien de la gestion à ce niveau des transports scolaires, des transports à la demande ainsi que des ports départementaux. Le texte ainsi enrichi fait suite aux assurances déjà obtenues en première lecture concernant notamment les routes et les collèges.

En outre, la commission a utilement précisé, à l’article 24, le rôle des conseils départementaux comme vecteurs de solidarité territoriale et de cohésion sociale, notamment par le rétablissement d’un rôle d’ingénierie en matière de voirie, dont les communes attendent beaucoup.

Concernant les communes, justement, je note avec satisfaction que la commission a choisi de maintenir le seuil des communautés de communes à 5 000 habitants, et non à 20 000 habitants, comme le Gouvernement et l’Assemblée nationale l’avaient décidé en ajoutant quelques dérogations.

Si je reconnais volontiers la cohérence du projet et, surtout, la pertinence des dérogations prévues, en particulier dans les territoires à faible densité, il me semble nécessaire de conforter l’équilibre trouvé autour du seuil de 5 000 habitants, au moins en milieu rural, quitte à encourager la création de communes nouvelles.

Je rappelle en effet que les schémas départementaux de coopération intercommunale ont été adoptés avant le 31 décembre 2011. C’était hier ! Sur les territoires, ils représentent de vastes bouleversements, nécessaires dans une optique de bonne gestion autour d’EPCI disposant d’une taille minimale. À mon sens, il convient désormais de conforter l’existant.

À cet instant, je porte donc un regard plutôt positif sur ce texte, dans lequel on a su trouver un équilibre entre le maintien de compétences de proximité aux conseils départementaux et l’attribution de missions plus stratégiques aux conseils régionaux.

Je suis convaincu de la pertinence de l’échelon départemental, particulièrement dans les territoires faiblement peuplés et dépourvus de métropole. La place qui lui est accordée dans ce texte lui permettra de continuer à remplir des missions de service public, rendues plus nécessaires encore par les difficultés de la période actuelle. C’est une bonne chose !

Une suggestion, toutefois : si l’abrogation de la clause générale de compétence pour les départements et les régions est guidée par le louable souci de clarifier enfin le « qui fait quoi ? », afin de renforcer la lisibilité de l’action publique et de responsabiliser davantage les élus dans leurs prises de décisions, la perte d’initiative qui en résulte pour le territoire pourrait être compensée par des solutions innovantes.

Ainsi, je considère que la mutualisation des services entre collectivités, comme entre collectivités et établissements publics, constitue un puissant levier de modernisation. Outre les économies substantielles qu’elle rend possibles, faire travailler ensemble des services aux cultures et aux métiers différents est une précieuse source d’innovation, qui permet de mettre en question, régulièrement, la pertinence des actions menées. C’est le cas en ce qui concerne les services unifiés mis en place, par exemple, en Haute-Marne, entre l’établissement public qu’est le service départemental d'incendie et de secours, d'une part, et le conseil départemental, d'autre part.

Qu’il s’agisse de bâtiments, de finances ou de communication, cette nouvelle organisation parie sur le « faire ensemble », une approche efficiente pour tous.

Je forme le vœu qu’un groupe de sénateurs se saisisse du sujet et prévoie notamment des modalités incitatives pour celles et ceux qui sont prêts à optimiser le fonctionnement des services publics dont ils ont la charge.

Plus globalement, d’aucuns pensent que, pour dépasser le stade des services unifiés, la fusion volontaire de conseils départementaux et d’établissements de coopération intercommunale, ou de syndicats départementaux, pourrait être un moyen de rationaliser l’action publique. Un département pourrait ainsi accroître encore sa capacité d’action en intégrant verticalement les différentes missions de proximité utiles à nos concitoyens.

Au-delà de ces remarques, qui visent à nourrir le débat sur l’allégement du millefeuille, un pas supplémentaire doit être franchi pour permettre de nouvelles économies. C’est la condition préalable à la pérennisation d’un haut niveau de services publics. Notre pays consacre en effet 57, 5 % de son produit intérieur brut aux dépenses publiques. La publication des chiffres de l’INSEE pour 2014, le 17 mai dernier, montre qu’en ce domaine aussi nous avons la Palme d’or : nous sommes les premiers de l’OCDE, devant le Danemark !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Madame la ministre, je me souviens que, lorsque vous vous êtes engagée dans cette réforme des collectivités locales, ils n’étaient guère nombreux ceux qui imaginaient que nous en arriverions là où nous en sommes aujourd’hui ! Les observateurs disaient alors que votre texte ne serait même pas présenté devant le Sénat. Nous avons pourtant voté la loi MAPTAM et, sur cette loi NOTRe, nous ne sommes pas très loin du but.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

On fait parfois observer que le processus n’a pas été vraiment linéaire. Sans doute, mais quand les vents sont contraires, il faut savoir tirer des bords. Or, lorsqu’il s’agit de réformer notre organisation territoriale, les vents sont toujours contraires !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Il est plus facile, en effet, de trouver des majorités « contre » que des majorités « pour ».

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

J’ai eu l’occasion de vivre quelques débats sur la réforme de l’organisation territoriale. Je me rappelle que, sous la présidence de Nicolas Sarkozy, dans une configuration différente de cette assemblée, les réformes présentées avaient été accueillies, sur les travées de gauche de cet hémicycle, par des protestations : « Les 36 000 communes ! Les 500 000 élus locaux ! On ne peut pas faire cela ! »

Alors qu’aujourd’hui nous essayons de faire une réforme qui s’adapte tout de même à la réalité du terrain, on entend de nouveau : « Les 36 000 communes ! Les 500 000 élus locaux ! On ne peut pas faire cela ! »

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Mes chers collègues, qui ne voit qu’aujourd’hui nous devons progresser ?

À propos d’Aix-Marseille – je salue M. Jean-Claude Gaudin –, je rappelle que l’immense majorité des élus locaux manifestaient devant la mairie de Marseille, les uns menaçant de se pendre à des arbres, les autres en tenue de Camarguais.

Sourires.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard Collomb

Si, durant notre discussion, nous continuons à avancer sur certains points, nous pourrons aboutir à un texte qui obtiendra l’accord des deux assemblées, tout en étant, selon moi, plus proche de la version du Sénat que de celle de l’Assemblée nationale. Cela me semble possible, dans le respect de la diversité des territoires.

Oui, il existe de grandes métropoles, et c’est souhaitable. Qui ne voit pas que la métropolisation est aujourd’hui un phénomène mondial ? On connaît toutes les grandes villes à travers le monde. Les grands intellectuels ont tous pensé le concept de métropole : lisez Paul Krugman, les chercheurs en économie géographique ou, en France, Pierre Veltz et Laurent Davezies !

Il faut de grandes métropoles qui tirent le territoire et, en même temps, il est évident que d’autres formes d’organisation doivent exister. Dans un département comme la Lozère, par exemple, on ne saurait mettre en place la même organisation territoriale que dans l’ancien Rhône ! Si ce que nous avons fait pour la métropole de Lyon est un exemple pour les métropoles équivalentes, d’autres territoires appellent d’autres modèles.

Il faut une diversité de l’organisation territoriale !

En tâtonnant, nous approchons du but. Si nous sommes capables de progresser ensemble, personne ne remettra en cause, demain, ce que nous aurons fait !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Jacqueline Gourault applaudit également.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, dans ce pays, depuis trente-cinq ans on décentralise, puis, plus discrètement, lorsque les gouvernements sentent que le pouvoir leur échappe, on recentralise.

L’administration française – et je suis prudent dans le choix de mes termes – est dirigée par des fonctionnaires qui sont parfois éloignés des territoires.

En matière de décentralisation, la loi Deferre a été la plus novatrice, il faut le reconnaître. D’autres lois ont également permis des avancées, mais c’est celle-là qui a permis un développement sans précédent de l’action des départements et des régions, dans tous les domaines.

Hélas, les économies attendues n’ont pas été au rendez-vous, l’État et les collectivités ayant maintenu, voire augmenté leur personnel pour effectuer des tâches identiques.

Les nouvelles propositions du Gouvernement ne constituent, ni plus ni moins, qu’une recentralisation des compétences, sur des espaces plus grands, les décisions se prenant donc de plus en plus loin des citoyens.

Certains transferts me conviennent : les départements ont souhaité conserver la solidarité, même si cela coûte très cher, en liaison avec les régions, faute de quoi on ferait sans doute n’importe quoi.

D’autres dispositions, en revanche, m’inquiètent. L’État se retire de tout : des routes, du rural, des permis de construire, des services publics. Les collectivités ou les syndicats mixtes prennent le relais et subissent le transfert des compétences et des personnels.

Les communes et les élus perçoivent la diminution des représentants de l’État comme le signe que ceux-ci ne sont plus des soutiens, mais des censeurs, recherchant continuellement ce qui ne va pas et faisant subir aux gens des tracasseries journalières.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Pourtant, madame la ministre, le rôle des élus est essentiel. Si les 500 000 élus communaux, pour la plupart bénévoles, venaient à disparaître, combien cela coûterait-il à l’État ?

Autre motif d’inquiétude : la décision de transférer le pouvoir économique aux régions. Sur ce point, mon avis diverge un peu de celui de mon groupe. De nombreuses opérations réussies ont été réalisées sur l’initiative de villes ou de départements, par exemple en matière touristique ou économique.

Je prendrai l’exemple de la nouvelle région qui va s’étendre de Saint-Jean-de-Luz à Loudun, soit sur 500 kilomètres ! Croyez-vous que les élus régionaux qui siégeront à Bordeaux apporteront un soutien financier aussi important que celui des conseils généraux à des projets situés à 400 kilomètres de la capitale régionale, parfois concurrents entre eux et nés de la volonté et du travail locaux ?

Croyez-vous que la nouvelle région prêtera un concours suffisant à un grand projet tel que celui du Futuroscope et de sa technopole, que le conseil général de la Vienne – je l’ai présidé pendant cinq ans – a réalisé seul et qui a permis la création de plus de 10 000 emplois ?

Croyez-vous qu’il investira les fonds nécessaires à l’implantation, sur l’initiative d’un conseil général, d’un Center Parcs situé à 30 kilomètres de Tours et à 500 kilomètres de Bordeaux ? J’imagine déjà les discussions concernant l’emplacement de ce parc de loisirs – « Pourquoi à tel endroit et non à tel autre ? » –, car les logiques territoriales antérieures subsisteront nécessairement…

Enfin, ne croyez-vous pas que, pour tous les petits projets d’implantation d’entreprises, le conseil départemental, par sa connaissance du dossier, ait un rôle essentiel à jouer ?

Je le dis avec force et solennellement : il s’agit là d’un sujet majeur et, si ce transfert a lieu, vous en verrez les conséquences. Les départements doivent pouvoir conserver l’initiative et la maîtrise des grands projets économiques et touristiques, sans préjudice bien sûr d’éventuels partenariats !

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

Enfin, concernant les intercommunalités, la méthode des préfets me paraît tout à fait scandaleuse. On n’a pas encore, à ce jour, décidé si la taille minimale serait fixée à 5 000 ou à 20 000 habitants ; pourtant, madame la ministre, on demande déjà, en dehors de la loi, aux communautés de communes de faire des propositions de territoires nouveaux, souvent liés à de grandes agglomérations dépassant largement le seuil de 20 000 habitants, comme si le texte était voté.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Fouché

M. Alain Fouché. La concertation ne me semble donc pas avoir été sérieusement menée ; cette précipitation entraînera inéluctablement des difficultés et elle est contraire à l’esprit de proximité et de défense des territoires qui est l’une des missions essentielles du Sénat.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l’UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, au terme d’une année d’âpre travail parlementaire, en particulier sénatorial, et avant d’achever le débat sur les derniers points restant en suspens, il convient de souligner, à la suite de MM. les corapporteurs, les avancées de ce texte.

Premièrement, les compétences des divers niveaux de collectivités sont incontestablement clarifiées. Il était en effet nécessaire, en corollaire de la suppression de la clause de compétence générale, d’attribuer une spécialisation à chaque échelon.

À travers les deux schémas régionaux et leur compétence exclusive sur les régimes d’aides aux entreprises, les régions, renforcées dans leurs nouveaux périmètres, seront en mesure d’être les moteurs du développement économique de leurs territoires, ce qui est positif pour notre pays. L’affirmation de la région en matière d’orientation stratégique, sans réduction de la capacité des autres collectivités associées à leur élaboration, concilie intelligemment concertation entre élus et rationalisation des politiques territoriales.

Alors que la création du conseiller territorial votée en 2010 par la précédente majorité gouvernementale devait aboutir à enterrer les départements sous les régions et à faire de leurs conseillers des élus hors sol, saluons la capacité d’écoute du Gouvernement, qui a su entendre les parlementaires et les élus locaux pour sanctuariser ce niveau de collectivités, essentiel aux solidarités humaines et territoriales.

Élu d’un territoire rural et maire d’une commune de montagne, je mesure quotidiennement à quel point est précieux et vital l’appui technique, humain et financier apporté par le conseil départemental. À cet égard, je me réjouis qu’ait été adopté en commission l’amendement que j’ai déposé avec le groupe socialiste – d’autres groupes avaient d’ailleurs formulé une proposition identique –, visant à maintenir la voirie parmi les domaines pour lesquels les communes pourront continuer à bénéficier de l’ingénierie départementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Duran

Compétent pour toute action favorisant un développement équilibré de son territoire, permettant l’égal accès aux équipements et aux services, le département se verra confier la mission fondamentale de l’élaboration et de la mise en œuvre du schéma d’amélioration des services au public. Ce schéma constituera un outil pertinent, permettant de prendre en compte les spécificités de la ruralité.

Deuxièmement, la montée en puissance des intercommunalités constitue incontestablement un levier essentiel du développement des petites communes.

La question du nombre minimal d’habitants d’une communauté de communes est, il est vrai, l’un des derniers points chauds en débat. L’erreur eût consisté à ne prendre en compte que le critère démographique ; mais le travail parlementaire a entériné la prise en compte de la complexité des réalités locales, en particulier pour les zones de montagne ou à faible densité.

Il appartient maintenant au Sénat de se montrer ambitieux, pour, comme le disait tout à l’heure Michel Delebarre, façonner des intercommunalités fortes et organisées de manière pertinente autour des bassins de vie.

Alors, mes chers collègues, sachons nous rassembler, dans le respect de l’autre, pour être plus forts et donc plus efficaces, et, comme nous y a invités tout à l’heure Mme la ministre, ne nous cantonnons pas au diagnostic.

Enfin, troisièmement, notre travail et notre mobilisation ont permis le maintien des collèges et des routes au sein des compétences propres des départements.

Mes chers collègues, le président Larcher n’a pas eu tort, la semaine dernière, lorsqu’il a appelé sa famille politique à s’abstenir d’envisager une nouvelle réforme des territoires. Venant parachever le triptyque qu’il forme avec la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles et celle du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral, ce projet de loi constitue un socle majeur pour l’avenir de nos territoires.

Construisons cet avenir ensemble, mes chers collègues : il y va de l’intérêt de tous, en particulier des territoires ruraux !

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, messieurs les corapporteurs, mes chers collègues, c’est aussi en tant que président de l’association des maires de la Gironde que je m’exprime ici.

Tous, élus de territoires ruraux ou urbains, de droite ou de gauche, m’ont fait part de leur découragement et de leur exaspération après le vote en première lecture par l’Assemblée nationale du projet de loi NOTRe.

L’Assemblée nationale a notamment renforcé les compétences des intercommunalités au détriment de la commune. Ainsi, après la baisse des dotations de l’État, décidée sans aucune concertation et vécue par les collectivités comme un coup de poignard dans le dos, ce texte semble être le coup de grâce porté à la structure de base de notre démocratie locale : la commune !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Il s’agit en effet, par ce texte, de diluer les communes dans de grandes entités intercommunales déconnectées des réalités du terrain, dont la vision ainsi déformée risque d’entraîner la paralysie et la désorganisation de l’action publique locale !

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

Nous, élus de proximité, souscrivons à l’objectif de renforcement de l’intercommunalité, mais à condition qu’il ne se fasse pas au détriment des communes. Ce projet de loi se trompe de moyen pour renforcer les intercommunalités.

En effet, le principe de l’élection généralisée au suffrage universel direct, à compter de 2020, des élus intercommunaux, sans fléchage, créerait de fait une nouvelle collectivité territoriale. Cela marginaliserait les maires dans les futures assemblées intercommunales, supprimerait le lien entre la commune et l’intercommunalité et amorcerait la disparition à terme des communes !

Nous nous opposons également au rétablissement du seuil minimal absurde et artificiel de 20 000 habitants pour les intercommunalités. Encore une fois, l’État voudrait réglementer, à travers des chiffres injustifiés et injustifiables, une réalité multiple dans l’Hexagone ! Dans certains arrondissements de Gironde, il faut plus de 150 communes et une superficie représentant quasiment la taille d’un département pour rassembler ces 20 000 habitants !

Nous, maires et présidents d’intercommunalités, restons attachés aux principes de coopération, de gestion mutualisée, de subsidiarité et de complémentarité entre communes et intercommunalités, dans une logique de maîtrise des dépenses publiques. C’est pourquoi nous nous opposons à la suppression de la notion d’intérêt communautaire, qui est le meilleur moyen de se concerter autour d’un projet de territoire, d’un bassin de vie et de se fixer ensemble des objectifs pour déterminer l’échelon optimal d’exercice d’une compétence.

En fait, il s’agit précisément de la raison d’être de l’intercommunalité : assurer des services publics efficaces sans créer une couche supplémentaire au milieu du millefeuille administratif !

Nous nous opposons donc au transfert obligatoire aux intercommunalités d’ici au 31 décembre 2017 des compétences en matière d’eau, d’assainissement, de regroupement pédagogique intercommunal et de déchets, qui sont au cœur des compétences communales historiques et sont exercées aujourd’hui sur une base territoriale efficiente. Ces transferts tueraient les structures syndicales existantes, qui, elles aussi, ont fait leur preuve et ne recoupent absolument pas les périmètres des actuelles communautés de communes.

Madame la ministre, je vous laisse imaginer ce que seront, si ce projet est adopté en ces termes, les coûts auxquels nous allons nous trouver confrontés ! La résiliation des contrats existants, la renégociation de nouveaux contrats, le recrutement au sein de plus grosses structures se traduiront inévitablement par des augmentations de prix pour le consommateur ; je pense en particulier à celui de l’eau potable.

Enfin, nous dénonçons dans ce projet de loi le changement permanent des règles, qui exaspère les élus et leurs équipes.

Debut de section - PermalienPhoto de Gérard César

À cet égard, l’énième modification des plans locaux d’urbanisme intercommunaux, les PLUI, et de leurs modalités d’adoption, pourtant issues d’un compromis trouvé entre les deux chambres voilà à peine un an, en est l’exemple le plus caricatural.

Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, après avoir baissé les dotations de l’État aux communes et aux intercommunalités et leur avoir infligé des charges supplémentaires liées aux rythmes scolaires – que l’État devait compenser à 100 % –, laissez-nous vivre et nous organiser librement, dans le cadre de la concertation locale !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.

Debut de section - PermalienPhoto de André Vallini

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais simplement dire quelques mots en réponse aux nombreux orateurs, qui ont tous tenu des propos très intéressants, qu’ils aillent ou non dans le sens du Gouvernement.

Je remercie tout d’abord les deux corapporteurs, MM. Hyest et Vandierendonck, du travail considérable qu’ils ont accompli depuis la première lecture de ce texte.

Marylise Lebranchu et moi-même nous félicitons également de la tonalité positive de ce débat. Il y a certes eu de la part du groupe UMP et du groupe RDSE des attaques, normales et attendues, contre la réforme elle-même. Je veux toutefois préciser que, au-delà de ce qui a été dit sur l’opportunité de cette réforme, son contenu même a beaucoup évolué depuis la première lecture, qui avait donné lieu à un débat très constructif. Depuis lors, l’Assemblée nationale a fait son travail et le texte revient devant vous, avec des modifications qui vous conviennent, et d’autres pas du tout. Nous avons donc maintenant une semaine pour écouter la Haute Assemblée.

J’ai par ailleurs noté dans les propos de Michel Mercier et de Gérard Collomb un souhait commun ; il n’est d’ailleurs pas étonnant que, sur un tel sujet, ils tiennent le même discours. Tous deux appellent de leurs vœux, comme d’autres du reste, un accord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, de sorte que cette réforme soit durable. Car c’est bien de ce cela qu’il s’agit : élaborer une réforme durable.

J’ai entendu, à cet égard, ce qu’a déclaré le président Larcher la semaine dernière : après 2017, quel que soit le sort réservé par les urnes aux uns et aux autres, cette réforme ne devra pas être remise en chantier. Je remarque là, monsieur Retailleau, une nuance importante par rapport à ce que disait quelques jours plus tôt le président de l’UMP. Gérard Larcher pense, lui, que cette réforme, a fortiori si elle est votée par les deux assemblées, ne sera pas remise en cause en 2017, quel que soit le résultat des élections.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce n’est pas ce qu’il a dit ! Lisez-le bien !

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Je constate donc avec satisfaction que Michel Mercier et Gérard Collomb, et beaucoup d’autres avec eux, souhaitent une réforme durable. Alors, faisons-la ensemble et le mieux possible !

Il est vrai qu’il demeure quelques points de divergence avec l’Assemblée nationale. Toutefois, sur la clarification des compétences, je pense que le consensus n’est pas loin – nous allons parler de l’économie, de l’emploi ou encore des transports scolaires.

Concernant l’avenir des départements, la situation est maintenant très claire : ils sont non seulement maintenus, mais encore confortés dans leur rôle de solidarité sociale et territoriale.

Debut de section - Permalien
André Vallini, secrétaire d'État

Manuel Valls l’a dit ici même le 28 octobre 2014 : au cours des années 2020, lorsque les intercommunalités et les régions, agrandies, auront achevé leur montée en puissance, il sera toujours temps d’envisager le sort à réserver aux départements, région par région. Mais il est vrai que l’on ne pouvait en même temps agrandir les régions et supprimer les départements.

Sur l’intercommunalité, qui est un point de fixation important du débat, chacun voit les choses en fonction de son territoire. C’est bien normal ! La semaine dernière, j’ai passé deux jours en Lozère, département du sénateur Alain Bertrand, qui, lui, pense toujours qu’il faut retenir le seuil de 20 000 habitants, une intercommunalité devant avoir une taille critique suffisante pour rendre des services à la population.

D’ailleurs, je vous rappelle que, si Marylise Lebranchu et moi-même continuons à penser que le seuil de 20 000 habitants a sa pertinence, c’est bien sûr moyennant les adaptations qui sont rendues possibles par le texte. Vous estimez qu’un seuil de 15 000 habitants serait préférable. Les députés diront ce qu’ils en pensent.

Je reviens à la Lozère. En Lozère, le problème est d’atteindre les 5 000 habitants. Il y a encore 23 intercommunalités en Lozère, dont 19 regroupent moins de 5 000 habitants. C’est vous dire si les choses diffèrent d’un département à l’autre !

Pour terminer, je veux évoquer la question des communes. J’entends dire, notamment sur les travées de droite de cet hémicycle, que le Gouvernement voudrait la mort des communes, que ce texte a pour objectif caché de les faire disparaître – M. Mézard l’a dit à sa manière. C’est tout le contraire !

À cet égard, je ne peux que répéter ce que j’avais déjà dit devant vous en première lecture, mesdames, messieurs les sénateurs : je pense que plus les intercommunalités seront grandes, plus elles auront de compétences, plus la commune restera l’échelon de base de la démocratie locale. §La meilleure façon de sauver les communes, c’est d’agrandir les intercommunalités et de les renforcer, parce que la commune sera alors, pour les citoyens, le premier point de référence. N’opposons donc pas l’intercommunalité à la commune ! Je le répète, les communes ont leur avenir assuré, à condition que les intercommunalités voient leur taille agrandie et montent en puissance.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu

Je voudrais simplement procéder à quelques mises au point après avoir entendu certains propos.

S’agissant d'abord du Haut Conseil des territoires, je tiens à souligner que, si sa création a été inscrite à l’origine dans le texte, c’était à la demande de l’Association des maires de France, qui assume d'ailleurs totalement cette démarche et a réitéré cette proposition auprès de votre assemblée.

Je me souviens du débat que le Gouvernement a eu avec le président de l’époque de l’AMF et tout son bureau unanime. Nous avions soutenu que le Sénat ne devait pas être confondu avec un Haut Conseil des territoires, assemblée d’exécutifs ayant vocation à travailler sur des études d’impact – nous avions alors cité l’exemple de la mise en œuvre des rythmes scolaires et celui des normes –, alors que le Sénat est une assemblée qui fait la loi. Nous avions insisté sur le fait que le Sénat devait être considéré pour ce qu’il est : une composante, et une composante majeure, du Parlement.

Dans ces conditions, c’est à l’Association des maires de France que vous devez faire vos procès d’intention sur le Haut Conseil des territoires.

Mme Jacqueline Gourault opine.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu

Si le Sénat représente les collectivités territoriales, ses membres ne peuvent pas être réunis par le Gouvernement pour la discussion d’une norme relative, par exemple, à tel ou tel aspect de la qualité de l’air. Je me souviens des grands éclats de rire que ce sujet a suscités au Sénat en première lecture ! Nous étions convenus que la création, par le Premier ministre, d’un tel lieu de discussion, d’un tel point de rencontre entre les exécutifs était nécessaire, pour discuter non pas, par exemple, de la loi ayant créé la compétence GEMAPI, mais de l’application de celle-ci, de la façon de faire face à un certain nombre de difficultés. C’est bien à une assemblée d’exécutifs qu’il revient de se poser ces questions.

Je ne veux assumer que les responsabilités qui m’ont été dévolues, et non pas celles que l’on m’attribue, de manière parfois indue. Je tenais à ce que cela soit dit.

Pour le reste, vous avez répété, monsieur Retailleau, ce que vous aviez dit il y a quelques mois, à savoir que ce texte de loi avait été griffonné par le Président de la République sur un coin de table.

D'abord, j’ai trop d’estime pour les présidents de la République pour penser qu’ils travaillent sur des coins de table.

Ensuite, je vous rappelle que nous avons pris le soin, le 10 juillet 2012, après que le texte eut été présenté à une association d’élus à laquelle j’appartenais alors – je parle bien d’élus, fussent-ils d’une tendance différente de la vôtre –, de faire droit à la demande du Sénat d’aller au bout des états généraux de la démocratie territoriale qu’il avait organisés, ce qui n’était pas illogique. Et, pendant ces semaines, nous avons repris un certain nombre de textes pour affiner le nôtre. Je pense aux travaux qu’avait conduits Mme Gourault et dont nous pouvons encore la remercier aujourd'hui, à ceux de M. Belot, à ceux, plus récents, de M. Bertrand sur l’hyper-ruralité, ainsi qu’au rapport Raffarin-Krattinger.

De là sont nées les interrogations du Président de la République, de M. Vallini et de moi-même sur le couple région-département.

Dans cet hémicycle même, le 8 janvier dernier – vous étiez présent du début à la fin de la séance, monsieur Retailleau –, nous avons longuement débattu du rapport Raffarin-Krattinger. L’alternative a alors été très clairement formulée : soit on instituait de grandes régions, en conservant des départements – c’est plutôt ce que prônait M. Raffarin –, soit on gardait les régions en l’état, en supprimant les départements.

Debut de section - PermalienPhoto de Bruno Retailleau

Ce n’est pas tout à fait ce que vous aviez dit…

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Soyons clairs, monsieur Retailleau : c’est ce qui a été dit dans cette enceinte, et non pas ce que j’y ai dit, car, pour ma part, j’ai essentiellement été à l’écoute, d’une part, de ces deux grands rapporteurs et, d’autre part, de l’ensemble des sénateurs.

Lorsque, à peu près une semaine plus tard, tenant compte de ces débats, le Président de la République s’est déclaré plutôt favorable aux grandes régions, c'est-à-dire à la thèse de M. Raffarin, cela a nourri l’idée qu’il fallait se poser différemment la question des départements, qui ne devaient disparaître que sur les aires métropolitaines.

Ne réécrivez donc pas l’histoire en nous accusant d’avoir été erratiques. Je ne reprends pas le mot que vous avez utilisé, car je défends toujours mes positions avec conviction, même s’il peut m’arriver d’admettre que j’ai tort quand une majorité m’en convainc. Je ne suis pas du genre à ne jamais douter ! Il est vrai que nous avons essayé, pendant plusieurs mois, de trouver la bonne épure pour ces projets.

Je rappelle que la loi MAPTAM, que d’aucuns ici ont citée et parfois saluée, a créé une conférence territoriale de l’action publique, à laquelle beaucoup, ici, ne croyaient pas du tout.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Or, maintenant, cette structure sert de référence pour repousser d’autres solutions.

Le débat le plus difficile concerne les métropoles. Comment les métropoles portent-elles l’ensemble de leur territoire ? À cet égard, nous avons un certain nombre de propositions à vous soumettre.

Je tenais à réagir sur ces différents points, parce que je pense que l’agression, fût-elle accompagnée d’un grand sourire, reste une agression et n’est pas utile. En tout état de cause, pour ce qui nous concerne, nous allons essayer de mener un vrai débat. Je suis intimement convaincue que ce cheminement permettra d’aboutir à un texte qui n’en appellera pas d’autre dans les années à venir, parce que je constate, comme vous tous, que les élus sont fatigués par ces textes qui s’enchaînent. Faisons en sorte que la cote soit aussi bien taillée que possible.

Ne doutez pas de nos convictions.

Sur la métropole du Grand Paris, vous avez fait référence, monsieur Karoutchi, à je ne sais quel calcul. Je vous rappelle que la métropole du Grand Paris, telle qu’elle est configurée aujourd'hui, est le résultat du vote du syndicat Paris Métropole ! Sur ce sujet aussi, je défendais – avec vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, y compris avec vous, me semble-t-il, M. Karoutchi – une autre position, inspirée par les échanges que nous avons eus un soir dans cet hémicycle ; vous vous en souvenez, monsieur le corapporteur.

Debut de section - Permalien
Marylise Lebranchu, ministre

Vous m’aviez alors expliqué que la création d’un syndicat, tel qu’il était bâti, était une aberration de l’histoire. Le syndicat Paris Métropole a remis cette proposition en chantier et nous avons accepté d’y revenir, en dépit de ce qui m’avait unanimement été dit au Sénat ce soir-là. Et c’est exactement cette position qui a été retenue.

Concernant la représentation de Paris, nous avions formulé une proposition consistant à créer une vraie métropole, dotée de beaucoup de compétences et à laquelle revenait, notamment, l’ensemble de la fiscalité économique. Cette métropole aurait donc eu beaucoup à faire, raison pour laquelle nous avions prévu un peu plus de 300 élus.

Entre-temps, la piste de la cotisation foncière des entreprises a été abandonnée, les territoires ont repris la main, la métropole s’est vu doter de moins de compétences – elle aura donc moins de travail – et Patrick Devedjian, coprésident de Paris Métropole, nous a demandé une solution pour abaisser le nombre d’élus de 300 à 209. La seule solution que nous ayons trouvée aujourd'hui est l’application du droit commun.

On ne peut donc pas à la fois demander au Gouvernement de revenir sur une solution de nature transitoire, devant courir jusqu’en 2020, année de l’élection au suffrage universel direct, et nous accuser d’être revenus sur notre position pour mettre dehors je ne sais quel élu ! Ce n’est pas logique. C’est même contradictoire ! Soit vous nous demandez de trouver une solution, soit vous acceptez la solution transitoire que nous proposons jusqu’en 2020.

Voilà ce que je tenais à dire, en toute sympathie, en réaction aux quelques agressions dont nous avons fait l’objet. Au reste, monsieur Karoutchi, je vous remercie de la tonalité de vos propos. Je pense qu’un accord est possible.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Thierry Foucaud

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de Mme Françoise Cartron.