Ce que l'on entend sur les ondes et ce qu'on lit dans la presse suffit à nous faire comprendre que nous serons très attendus sur ce texte qui suscite, comme cela est naturel, un vaste débat. Beaucoup pensent, et j'aimerais qu'on leur donne raison, que le Sénat saura trouver un équilibre entre les nécessaires exigences de sécurité - et ceux qui parmi nous ont siégé à la délégation parlementaire au renseignement et ont côtoyé de près les services ont sans nul doute à coeur de leur rendre hommage, car leur tâche est ardue, et de leur donner les moyens et la sécurité juridique nécessaires - et les libertés fondamentales, auxquelles nous sommes tous profondément attachés. Nous devons tenir ensemble ces deux exigences, qui ne sont pas contradictoires mais qui appellent une bonne articulation.
Je m'attacherai ici au renseignement pénitentiaire. J'ai suivi de près ce qui s'est passé à l'Assemblée nationale et comprend parfaitement, madame le garde des sceaux, votre position. Le ministère de la justice a, assurément, une spécificité et ce qui figure à l'alinéa 17 de l'article premier est, de fait, problématique. La commission d'enquête que nous avons menée sur la lutte contre les réseaux djihadistes défend des positions proches de celle que vous nous avez exposée. Nous avons constaté, en nous rendant à Fleury-Mérogis, la plus grande prison d'Europe, que le « service de renseignement » de cet établissement est constitué en tout et pour tout de deux personnes, un agent qualifié en matière de renseignement et un surveillant pénitentiaire. Si le service est bien intégré dans l'établissement, cet effectif n'en est pas moins insuffisant. Vous nous avez indiqué que les effectifs ont beaucoup augmenté depuis 2012 et vous avez parlé de 185 agents en 2016. Quel est, cependant, le statut de ces nouveaux personnels ? Je vous suis parfaitement lorsque vous dites qu'il faut éviter de transformer les surveillants pénitentiaires en agents de renseignement, ou de les laisser percevoir comme tels : ce serait mettre en cause et la déontologie du métier et la capacité de ces agents à assurer un travail de qualité. Si 185 personnes doivent être affectées au renseignement pénitentiaire, il faudrait qu'elles y soient vouées, et restent bien distinctes des surveillants pénitentiaires. Ce sont là deux fonctions différentes. Le ministère de la justice et ses personnels ne doivent pas être considérés comme une instance de renseignement au même titre que celles qui relèvent du ministère de l'intérieur ou de la défense : je ne peux que vous suivre dans cette logique.