Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 mai 2015 à 9h00
Renseignement — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte :

Je suis très mal à l'aise sur le fondement même de ce projet de loi. Les services de renseignement sont par définition secrets ; si l'on doit cadrer leur fonctionnement de la même manière que l'on cadre n'importe quelle administration, on risque d'en limiter l'efficacité sans pour autant apporter de garanties quant aux libertés - comme en témoignent assez les dispositions de ce texte.

A bien des égards, les pouvoirs ici dévolus aux services de renseignement sont largement supérieurs à ceux qui sont reconnus aux juges d'instruction antiterroristes. Comment accepter des mesures qui peuvent concerner tous les citoyens et qui ne pourront être tempérées que par une petite commission dépourvue des moyens nécessaires ?

J'ai les mêmes interrogations sur les professions protégées. Pour les avocats, par exemple, le texte ne prévoit même pas une information du bâtonnier. Aucune des dispositions minimales prévues dans le cadre d'une procédure judiciaire n'est ici reprise.

Sur le renseignement pénitentiaire, le Défenseur des droits, Jacques Toubon, ne nous a pas dit autre chose que vous. Les prisons sont des cocottes minute ; si l'administration pénitentiaire fait partie de la communauté du renseignement, ce sera intenable, a-t-il plaidé. Mais est-il logique, compte tenu de l'évolution des techniques, d'accepter que des moyens soient donnés aux services de renseignement pour assurer la sécurité dans l'ensemble du pays et qu'on les refuse à l'administration pénitentiaire ? Cela serait difficile à tenir dans les prisons, objectez-vous ? J'élargis l'objection : cela sera difficile à tenir non seulement dans les prisons, mais dans la société toute entière, et il sera difficile de convaincre qu'avec une loi pareille, on va assurer la sécurité. En adoptant ce type de démarche, on construit une société qui deviendra défiante à l'égard de toute autorité. C'est tout le contraire de ce qu'il faut faire si l'on veut construire une société sûre.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion