Intervention de Pierre-Yves Collombat

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 mai 2015 à 9h00
Renseignement — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Pierre-Yves CollombatPierre-Yves Collombat :

Je suis sceptique quant à l'efficacité de ce projet de loi, qui présente de surcroît le grave inconvénient d'écorner les libertés publiques. L'exigence prioritaire ne me semble pas de renforcer les moyens d'investigation des services, mais bien plutôt leurs moyens d'exploiter les renseignements dont ils disposent. Nous avons tous en tête les deux malheureux exemples récents : tant les terroristes qui sont passés à l'acte que celui qui, plus récemment, s'est auto-neutralisé étaient connus des services, qui n'ont, pour autant, rien vu venir.

Plus largement, je ne pense pas qu'une réponse purement policière et judiciaire suffise à obvier la dérive terroriste actuelle, qui témoigne d'un délitement profond de notre société. La Nation devient invisible à ceux qui la composent. À quoi un jeune, qu'il soit psychologiquement fragile ou tout simplement idéaliste, peut-il s'identifier ? À notre Nation française en voie de dissolution dans une Europe au destin pour le moins incertain ? À quelles valeurs peut-il se raccrocher ? Devenir plus compétitif ? Alors même qu'il sait que son destin sera plus ou moins comparable à celui de ses parents ? Et ce ne sont pas les prêches dans les classes sur les valeurs de la République, annoncés par la ministre de l'éducation nationale, qui changeront la donne. Car le problème, c'est l'adhésion du coeur. Comment rendre sensible au coeur une certaine idée de la Nation, comme disait le général de Gaulle ?

Je sais que le chemin est long, mais ce que je reproche à ce texte, c'est qu'il n'entreprend même pas de s'y engager. Il faut, bien sûr, prendre des dispositions techniques, mais on ne saurait couper cette exigence de ce qui fait véritablement le fond du débat : comment fait-on société ?

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