Intervention de Catherine Tasca

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 5 mai 2015 à 9h00
Renseignement — Audition de Mme Christiane Taubira garde des sceaux ministre de la justice

Photo de Catherine TascaCatherine Tasca :

Je partage totalement votre analyse, madame le garde des sceaux, sur l'article 12, et votre souci de maintenir la distance entre la fonction très spécifique de la justice et le monde du renseignement. Le ministère de la justice n'est pas une administration comme une autre. Nous avons confiance dans la justice de notre pays, et cette confiance doit être préservée.

À entendre les débats soulevés par ce texte et par sa discussion à l'Assemblée nationale, j'ai le sentiment que l'on perd parfois de vue la gravité de la menace terroriste. Nous ne sommes pas dans une situation ordinaire. Mais le problème, pour mener l'action publique, est que nous restons très ignorants sur cette menace. Personne n'est capable de dire d'où vient cette montée, urbi et orbi, du terrorisme. Nous sommes dans une situation d'urgence, il ne faudra pas le perdre de vue dans nos débats.

Il est vrai que dans tous les domaines, concilier impératifs de sécurité et préservation des libertés publiques est très difficile. Mais ce qui est en jeu dans la confrontation avec cette nébuleuse du terrorisme, c'est aussi l'existence de l'État, sa force, sa capacité à mener une action utile aux citoyens. Il faut le garder présent à l'esprit.

Je n'ai pas une confiance aveugle dans l'efficacité de ce texte. Ce n'est qu'un pas, et sans doute faudra-t-il y revenir. Mais nous devons considérer que cette menace terroriste est nouvelle, dans un monde nouveau, marqué par des fractures sociales réelles et par l'évolution de technologies que personne ne peut prétendre maîtriser. Voilà deux décennies que nous voyons se développer les usages de l'Internet sans savoir comment les réguler conformément à nos principes et à nos lois.

Si ce texte est imparfait, il n'en faut pas moins lui donner le maximum de chances d'aboutir et de nous éclairer, grâce au recueil de renseignement, sur ce qui travaille en profondeur notre société, et d'autres, au point que des gens s'engagent dans la voie du terrorisme. Si nous prenons au sérieux cette menace et la nécessité de faire progresser la fonction de renseignement, il faudra s'en donner les moyens, dans le débat budgétaire, faute de quoi tout restera lettre morte.

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