Merci, monsieur Sueur !
Je profite de cette occasion pour rappeler que la DGSE, comme la plupart des grands services de renseignement extérieur, dispose de capacités d’interception portant exclusivement sur les communications internationales, et que leur exploitation s’exerce dans les limites des finalités prévues aujourd’hui par la loi de 1991, et demain par ce texte. C’est conforme aux missions de ce service et c’est indispensable pour la sécurité et la souveraineté de notre pays.
Contrairement à ce qui peut être dit ou écrit, la DGSE n’exerce pas – non plus – de surveillance massive des Français et n’a pas accès aux centres de stockage des opérateurs. Elle ne procède à aucune interception des communications échangées sur le territoire français en dehors des interceptions de sécurité légales.
Ce projet de loi constituera, j’en suis certain, un progrès important pour les services de renseignement – ils le demandent, d’ailleurs, pour leur propre protection – comme pour notre démocratie.
Cependant, il n’est pas un aboutissement : les mécanismes et procédures prévus par ce texte devront vivre, avec la même force et le même caractère protecteur que la loi de 1991. Celle-ci a joué son rôle de garde-fou avec efficacité.
J’ai bien noté que des amendements ont été déposés par les sénateurs afin d’engager une réflexion sur le contrôle des fichiers des services de renseignement. La présidente de la CNIL le demande, par ailleurs, avec insistance.
La CNIL peut déjà exercer le contrôle individuel de ces fichiers, à la demande de tout particulier, à travers l’exercice du droit personnel d’accès.
Cependant, et je veux insister sur ce point, nous devons nous garder de bouleverser les équilibres des lois de 1978 et 1991, et veiller à ne pas installer de mécanismes de contrôle d’un même objet par deux autorités administratives différentes, et susceptibles de devenir concurrentes.
Nous devons également garantir la protection des sources humaines et le bon fonctionnement de la coopération internationale.
En revanche, il est possible de développer une politique de contrôle interne plus dynamique des fichiers de renseignement, en lien avec la délégation parlementaire. Je confierai au second semestre une mission à l’inspection des services de renseignement pour étudier cette question.
Nous devrons également aborder le sujet de la coopération entre les services. Comme je l’ai déjà dit, des progrès ont été faits au cours des dernières années, notamment sur l’initiative du coordonnateur national du renseignement. Des mutualisations ont été engagées, en particulier dans le domaine technique.
Sur le plan opérationnel, souvent sous l’impulsion des ministres de la défense et de l’intérieur, les relations entre services se sont améliorées – et nous ne pouvons que nous en féliciter. C’est indispensable pour lutter contre le terrorisme.
Je salue ainsi la création en cours, au sein des locaux de la DGSI, d’une task force exclusivement dédiée à la problématique des filières djihadistes syro-irakiennes. Composée de membres des six services de la communauté du renseignement, elle devrait prochainement associer des représentants du service central du renseignement territorial, le SCRT, et de la direction du Renseignement de la préfecture de police de Paris, la DRPP, en anticipation, peut-être, d’une ouverture de la communauté du renseignement à ces deux nouvelles administrations.
Des progrès sont sans doute encore possibles. Ils sont en tout cas indispensables afin d’éviter des doublons et des pertes d’informations dont on imagine à quel point ils seraient préjudiciables.
Mesdames, messieurs les sénateurs, ce texte mérite une discussion à la hauteur de son importance, mais je sais que tel sera le cas dans cette assemblée.
Je souhaite, bien sûr, qu’il recueille un large soutien, car je considère que, sur des sujets aussi importants pour la sécurité et la liberté de nos concitoyens, les principales forces politiques doivent être capables de concertation et d’esprit de responsabilité. C’est en tout cas une exigence de nos compatriotes.
Pour conclure, je reprendrai les mots prononcés le 13 juin 1991 par Édith Cresson, alors Premier ministre, qui défendait ce jour-là la loi relative aux interceptions de sécurité : « De plus en plus de responsables politiques souhaitaient faire la lumière. Il ne manquait que la volonté, voire le courage politique. C’est pourquoi nous avons choisi de débattre […] sur cette question, de la façon la plus démocratique et la plus incontestable qui soit, c’est-à-dire par la loi. Aujourd’hui, le Gouvernement vous invite à franchir le pas ».
Mesdames, messieurs les sénateurs, 24 ans plus tard, nous relevons le défi et – c’est un honneur pour moi – nous vous invitons de nouveau à franchir le pas !