Légiférer n’est évidemment pas chose facile, car le législateur doit agir en faisant preuve d’une double responsabilité : responsabilité à l’égard de nos concitoyens, qui doivent évidemment bénéficier d’une politique efficace du renseignement, en mesure de les protéger contre des risques graves de déstabilisation ou d’attentats sans que soit mis en place un système abusivement intrusif ; responsabilité aussi à l’égard des services de renseignement, des fonctionnaires et militaires qui les servent, qui effectuent un travail remarquable, il convient de le souligner à cette tribune, la plupart du temps dangereux, dans des conditions toujours difficiles et dont les succès sont par construction voués à rester dans l’ombre quand des difficultés apparaissent, et sans jamais être mis en valeur en cas de réussite.
Ces agents aspirent à œuvrer pour la France dans un cadre juridique stable, solide, légitime, mais qui garantisse aussi l’efficacité et la confidentialité des opérations qu’ils conduisent.
Il sera donc toujours question, lors de la discussion de ce texte et au cours des procédures qui seront mises en œuvre, de la recherche de l’équilibre.
Ce texte était évidemment attendu depuis longtemps. Il n’est en réalité exceptionnel que parce qu’il est le premier du genre dans notre pays, et qu’il met fin à une exception parmi les démocraties avancées.
Ce texte est également nécessaire pour répondre à l’évolution des menaces et servir principalement, et là est l’essentiel, les intérêts de notre pays.
Telle est l’opinion de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
Ce texte réaffirme la notion de « politique publique de renseignement » et la précise en s’appuyant sur deux notions très importantes définies par le législateur : la stratégie de sécurité nationale, d’une part, et la défense et la promotion des intérêts fondamentaux de la nation, d’autre part. C’est très important !
Il pose également la qualité première de l’État en la matière, autrement dit sa compétence exclusive. Il consolide l’importance de la réorganisation qui a été engagée au sein de nos services.
Ce projet de loi présente le mérite de rappeler que les missions et les finalités pour lesquelles ces services peuvent recourir à des techniques spécifiques, sauf exception, ne se limitent pas à la seule prévention du terrorisme. Il s’agit d’un point important que nous aurons à débattre en ce qui concerne les finalités.
Le spectre des menaces est en effet beaucoup plus large et inclut notamment la lutte contre toute forme d’ingérence étrangère, contre l’espionnage industriel et scientifique, dont on ne parle pas suffisamment, et contre la criminalité et la délinquance organisées. Nous sommes focalisés sur le terrorisme, mais pensons à l’élargissement des finalités. En outre, l’action des services s’étend à la collecte d’informations destinées à permettre aux autorités de notre pays d’effectuer en toute autonomie les choix nécessaires à la conduite de la politique étrangère et – ce qui est fondamental aussi, monsieur le ministre, de défense. Au fond, il est rare, dans notre pays, que l’on puisse renforcer la République en affaissant l’exécutif. De ce point de vue, sur tout ce qu’est le régalien, il est important que nous soyons rassemblés pour que le régalien puisse disposer des outils nécessaires à l’exercice de son autorité.
L’extension à des nouvelles techniques est nécessaire pour l’ensemble de nos pratiques. Les menaces se sont amplifiées et leurs modes d’action deviennent, chacun le constate, extrêmement sophistiqués. Celui qui ne se dote pas de moyens d’action performants se place en situation de faiblesse. Il est donc très important de préserver les capacités des services en les autorisant à recourir à des techniques modernes de recueil de renseignement. Il y a là une course, dans laquelle l’autorité ne peut pas accepter une position de recul ou de retrait.
Encore faut-il que l’usage de ces techniques s’inscrive, évidemment, dans un cadre légal qui limite celui-ci et garantisse la protection contre les atteintes abusives à la vie privée et aux libertés. C’est une mission historique du Sénat, comme Philippe Bas, président-rapporteur de la commission des lois, vient de le démontrer avec talent, précision et rigueur.
Il ne s’agit donc pas, pour nous, d’une loi d’exception ; ce texte n’a d’exceptionnel que d’intervenir dans un domaine non encore saisi par le droit.